Les Catholiques français ont connu à leurs dépens deux phases de «guerre chaude»,
fût-elle limitée, lors des guerres de religion, dans certaines provinces du royaume. Le
problème vendéen se rattache, pour une part, à ce genre d’épisode, ainsi que les «années de
plomb», des massacres de septembre (1792) à la chute de Robespierre (1794).
Depuis le Consulat et l’Empire jusqu’à Napoléon III et à la «République des Ducs»,
de 1871 à 1876, l’Église catholique récupère des positions considérables – parfois excessives –
en liaison avec le Pouvoir établi, ce qui provoque diverses poussées anticléricales. Stendhal,
par exemple, que fascinait par ailleurs le catholicisme baroque des Italiens, éclatait de rire
lorsqu’il entrait dans une église au moment de la célébration du culte.
En d’autres termes, puissante, l’Église le restera tout au long du XIXesiècle, même si
s’oppose déjà au Prêtre la figure de l’Instituteur, comme l’indiquent incidemment
Gustave Flaubert ou Adolphe Thiers et quelques autres.
En 1873, l’Assemblée nationale déclare d’intérêt public la construction à Montmartre
de la basilique du Sacré-Cœur. Mais la chute de Mac Mahon (1877) et la victoire des
Républicains vont ouvrir une espèce de guerre froide à l’égard des Catholiques.
Celle-ci culmine lors des premières années du XXesiècle avec le «Petit père Combes»
(inventaires des biens de l’Église en 1902, puis séparation de l’Église et de l’État en 1905,
cette dernière, du reste, ambivalente, compte tenu des efforts de Briand pour en atténuer
les effets).
Des années 1880 à 1913, aucun catholique reconnu comme tel n’est ministre d’un
gouvernement français ni même secrétaire d’État. Mais l’Union sacrée favorise l’atténuation
de cette «guerre froide». Cette détente est-elle confirmée par le résultat des élections de
1919 favorables au Bloc national? Parvenu au pouvoir en 1924, Édouard Herriot, sous
l’égide du Cartel des Gauches, envisagea de s’en prendre à la survie du Concordat dans les
départements d’Alsace et de Lorraine, ce qui ne fit qu’encourager l’autonomisme alsacien.
Paradoxalement, le Front populaire sera une période de relative détente, avec la main
tendue de Maurice Thorez aux Catholiques. L’ennemi n’est plus le curé mais le capitaliste.
Les Catholiques ne feront enfin leur entrée à part entière dans la République qu’en
1945: développement du Mouvement républicain populaire, émergence d’un grand leader
dont les convictions sont marquées par le christianisme.
Les lois Barangé de 1951 et Debré de 1959, ainsi que l’échec des projets mitterrandiens
sur l’école libre, confirment la pacification des esprits, même si des éléments de conflit exis-
tent encore.
Sans doute, ces différentes périodes de détente et de tensions ne présentent pas toutes les
caractéristiques de «notre» guerre froide entre l’Est et l’Ouest. Mais certaines analogies sont
suggestives. Elles militent peut-être en faveur d’une extension prudente de l’usage de cette
expression, jusque-là réservée à la seule période qui va des dernières années staliniennes à la
prise de pouvoir par Gorbatchev.
«GUERRES FROIDES»?
N° 43
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DOSSIER