AFMA 84 21/11/14 16:09 L Page 1 A L E T T R E D E L’AFMA BULLETIN D’INFORMATION DE L’ASSOCIATION FONDS MÉMOIRE D’AUSCHWITZ Bobigny, une gare entre Drancy et Auschwitz Journée Internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah et de prévention des crimes contre l’humanité ÉDITORIAL D ès l’année prochaine, sera commémoré le 70ème anniversaire de l’entrée des troupes soviétiques à Auschwitz-Birkenau, le 27 janvier 1945 qui y trouveront des déportés grabataires et des malades. Camp abandonné par les SS le 18 janvier 1945 emmenant avec eux quelques 60.000 déportés du camp, affamés, épuisés sur les routes verglacées, où nombreux seront assassinés. C’est ce que l’on a appelé la Marche de la mort. Les survivants seront internés pour la majorité à Buchenwald, lequel camp et les autres camps tels que Bergen-Belsen, Dachau, Mauthausen, Ravensbrück seront libérés entre février et mai 1945 par les Russes ou les Américains ou les Anglais. À partir du 18 juillet 1943, les internés du camp de Drancy sont conduits par autobus à la gare de Bobigny devant la Halle aux marchandises au plus près des voies ferrées pour être embarqués dans des wagons à bestiaux à destination des camps de la mort. 21 convois soit 22.407 juifs dont plus de 3.500 enfants ou adolescents de moins de 18 ans sont déportés à Auschwitz-Birkenau, l’un des convois pour Kaunas/Reval. Décidée par le Comité de pilotage pour la réhabilitation et la préservation du site, la restauration par la SNCF de la Halle des marchandises fait suite à celle du bâtiment voyageurs et constitue une nouvelle étape pour le devenir de ce lieu de mémoire en complément du Mémorial de Drancy. Comme le rappelle la plaque apposée le 18 juillet 2013, l’AFMA par son engagement et son travail de mémoire, a contribué de manière décisive à la reconnaissance du rôle de la gare de Bobigny dans la déportation des Juifs de France par l’occupant nazi avec la complicité active du gouvernement de Vichy. Nous appelons nos adhérents et amis à nous rejoindre pour le : Ces libérations seront commémorées à l’appel des Amicales de survivants et des familles qui organiseront des pèlerinages sur les lieux. La découverte de l’univers concentrationnaire érigé par le nazisme nous concerne tous. Qualifié de crime contre la paix, crime de guerre et crime contre l’humanité comme le décrit le tribunal de Nuremberg en jugeant et en condamnant les principaux dignitaires nazis. Au total 162.000 personnes ont été déportées de France vers le système concentrationnaire nazi. 86.000 par mesure de répression (résistants, opposants nazis, otages), 35.000 sont morts dont 1.500 en chambre à gaz. 76 000 parce que nées juives dont 11.000 enfants vers Auschwitz-Birkenau et pour la majorité victimes des chambres à gaz de la Solution finale. Moins de 3% sont revenus. 70ème anniversaire de la libération d’Auschwitz Gare de la déportation de Bobigny Mardi 27 janvier 2015 à 10h - Inauguration de la Halle de marchandises restaurée - Libération du camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945. Photo Serge Barthe À Paris sera commémorée par l’Union des Déportés d’Auschwitz la libération d’Auschwitz. À la gare de Bobigny d’où furent formés des convois de déportation, c’est l’AFMA qui appelle au rassemblement pour commémorer la libération du camp par l’Armée soviétique pour se souvenir et rendre hommage à toutes ces victimes innocentes exterminées parce qu’elles étaient juives. AuschwitzBirkenau pris comme symbole du crime contre l’humanité vu l’ampleur inégalée du nombre de victimes, 1,1 million dont 90% de Juifs. 70ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau * N’oublions pas qu’en Europe près de 6 millions de juifs furent assassinés par les nazis. La connaissance et la mémoire de tels événements doivent être présents en chacun de nous. Soyons très nombreux à toutes les manifestations en 2015. Jacques Celiset À l’initiative de l’Union des Déportés d’Auschwitz (UDA) en collaboration avec la Mairie de Paris, du Mémorial de la Shoah et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. En avance l’AFMA présente à nos adhérents et à leurs familles nos meilleurs vœux pour 2015 et les appelle à nous rejoindre à l’Assemblée générale le Dimanche 22 mars 2015 au Relais Paris-Est à Paris. Dimanche 1er février 2015 – Hôtel de Ville de Paris à partir de 15 heures SOMMAIRE • Oradour 1944-2014 ................................. p. 3 à 7 • Un député anglais à Drancy ........................ p. 8 • 70ème anniversaire libération Auschwitz .... p. 10 • La mémoire pour ne pas oublier ....... p. 12 à 15 o N 84 Novembre-Décembre 2 0 1 4 * Réservations individuelles avant le 15 décembre au 01 49 96 48 48 ou par mail : [email protected] À l’occasion du 70ème anniversaire du camp, le Congrès juif mondial invite gratuitement les anciens des camps d’Auschwitz-Birkenau aux manifestations qui se tiendront dans le camp, le 27 janvier prochain. Prendre contact avec l’UDA qui transmettra. La Lettre de l’AFMA bulletin trimestriel de l’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz – Loi 1901 – PARIS No 243476 17, rue Geoffroy l’Asnier – 75004 PARIS – Tél. et fax : 01.48.32.07.42 – C.C.P. : 1769182 E PARIS - Site : www.afma.fr Directeur de la publication : J. Celiset – Commission paritaire no 1212A06296 – Imprimerie SIPÉ, 91350 GRIGNY 3 € AFMA 84 21/11/14 16:09 Page 2 2015 - 70ème anniversaire de la libération des camps L ’année 2015 sera celle du 70ème anniversaire de la libération des camps nazis. On commémorera la libération des camps à commencer par celle du camp d’AuschwitzBirkenau le 27 janvier 1945 par l’entrée d’une avant-garde de l’Armée rouge. Auschwitz-Birkenau pris comme symbole du crime contre l’humanité vu l’ampleur inégalée du nombre de victimes 1,1 million dont 90% de juifs. Mais aussi les autres camps pour ne citer que les plus grands : Buchenwald, BergenBelsen, Dachau, Mauthausen, Ravensbrück, Neuengamme, Sachsenhausen, Flossenburg, Theresienstadt, Dora-Mittelbau, Stutthof, Gross-Rosen, Westerborg. Natzwiller-Struthof en France fut libéré le 23 novembre 1944. On peut espérer une commémoration nationale à l’initiative du gouvernement français. On peut aussi espérer une commémoration nationale en Allemagne et en Pologne où se trouvaient ces camps. Et peut-être une commémoration internationale de l’ONU. Le Congrès juif mondial invite gratuitement les anciens du camp d’Auschwitz-Birkenau aux manifestations qui se tiendront dans le camp le 27 janvier 2015. D’autres commémorations et pèlerinages seront organisés à l’initiative d’amicales de survivants de ces camps. Ces commémorations seront l’occasion de rappeler que durant la Seconde guerre mondiale, le régime nazi de Hitler et ses complices des pays occupés sont responsables de millions de victimes assassinées. D’autre camps dit centres de mise à mort furent fermés en 1943 comme Belzec, Sobibor et Treblinka, en 1944 comme Chelmno, ou Majdanek libéré par l’Armée rouge en juillet 1944. Existentils encore des survivants de ces camps d’extermination pour commémorer leur existence ? Citons-les : Belzec ouvert en novembre 1941. Les exterminations par gaz commencent le 17 mars 1942. Six chambres à gaz. 550.00 juifs et plusieurs dizaines de milliers de Tziganes y furent assassinés. En 1943, les cadavres furent déterrés et brûlés en plein air et le camp fut détruit. Sobibor ouvert en mars 1942, second camp d’extermination dans le cadre de « l’Aktion Reinhard » Six chambres à gaz. 250.000 juifs assassinés. Fermé le 14 octobre 1943 suite à la révolte du Sonderkommando. Treblinka construit en 1941. Entre en activité le 23 juillet 1942 avec les premières évacuations des juifs du Ghetto de Varsovie. Six chambres à gaz. 265.000 juifs venant du ghetto de Varsovie sont assassinés. Nombre total des victimes environ 800.000. Une révolte déclenchée le 2 août 1943 précède la dissolution du camp fin août 1943. Chelmno ouvert en décembre 1941. Des camionnettes transformées en chambres à gaz mobiles. 300.000 juifs et 5.000 Tziganes et occasionnellement des prisonniers soviétiques y furent assassinés. Arrêt définitif fin 1944. Majdanek ouvert en octobre 1941, camp de prisonniers transformé en camp d’extermination à partir d’avril 1942. Les chambres à gaz dans les baraques en bois sont remplacées par des constructions en briques. On estime que plus de 360.000 victimes sont mortes à Majdanek comprenant une majorité de juifs ainsi que des polonais et des prisonniers russes. Liquidé en juillet 1944 mais pas entièrement détruit avant l’arrivée de l’Armée Rouge le 22 juillet 1944 qui découvre plusieurs centaines de survivants et les preuves de l’extermination massive perpétrées par les nazis : fours crématoires et monceaux de cadavres. J. Celiset Sources : La destruction des Juifs d’Europe par Raul Hilberg LA LETTRE DE L’AFMA 2 AFMA 84 21/11/14 16:09 Page 3 COMMÉMORATIONS 1944-2014 Alors que s’achève l’année 2014 qui fut marquée par de nombreuses commémorations comme le débarquement du 6 juin 1944, celle du débarquement en Provence, la Libération de Paris et d’autres qu’on pourrait citer, il en fut une peut-être moins spectaculaire et moins médiatisée que fut la commémoration du massacre d’Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944. Nous aurions dû y consacrer le précédent numéro mais l’abondance des textes ne nous a pas permis de le faire. Les pages de ce numéro consacrées à ce village martyre est une contribution à l’histoire et à la mémoire. Oradour-sur-Glane 10 juin 1944 - 10 juin 2014 Mémoire - Histoire - Mythe 10 juin 1944 - une tuerie perpétrée par une unité de la 2ème SSPanzer-Division Das Reich. 10 juin 2014 - cérémonie commémorative du 70ème anniversaire de ce massacre. L'A.F.M.A. était représentée par deux membres de son Conseil d'Administration. Belle journée que ce mardi 10 juin lorsque nous arrivons à Oradour-sur-Glane. Venant de Saint-Junien, nous laissons sur notre droite le chemin qui conduit au pont de la Glane et au village mort ; devant nous, le nouveau bourg ; à ses pieds, le musée-Centre de la Mémoire. Beaucoup d'animation et une ambiance conviviale dans la rue principale « avenue du 10 juin », bordée de haies d'arbres et de jardinières de fleurs. ligne du tramway qui reliait Saint-Junien à Limoges sont toujours là, recouvertes de rouille. Nous passons devant la Poste, la station des tramways, la mairie-école des garçons, l'hôtel Avril, l'école des filles. Au bas de la rue, une petite place de marché face à l'église romane ; quelques marches et nous pénétrons dans la nef ; sur les murs, l'impact des balles. Nous remontons jusqu'au champ de foire et nous dirigeons vers l'Esplanade du Mémorial où s'achève la procession, où va se dérouler la deuxième partie de la cérémonie. Bureau de Poste 10 juin 2014 - le village-mémorial, lieu de la commémoration nationale Marche silencieuse d'une longue procession ouverte par les enfants des écoles revêtus d'un tee-shirt blanc, suivis des portedrapeaux, des personnalités et de centaines de participants, qui descend la rue principale Emile-Desourteaux : rue bordée par les façades grises des habitations, ateliers, boutiques ; les rails de la Une marche qui m'étreint d'émotion et de tristesse. Même si la verdure a remplacé les gravats dans les espaces intérieurs fermés par des barrières de bois, même si les ruines sont régulièrement restaurées et consolidées, elles gardent une forte puissance évocatrice car le parcours, même artificialisé, est semé de repères : - les plaques apposées sur les façades éventrées mentionnent la profession et le nom de ceux qui vivaient là : quincaillerie L. Milord (chez Léontine) feuillardier M. Senon café-coiffeur L. Molieras (chez Lucien) LA LETTRE DE L’AFMA 3 AFMA 84 21/11/14 16:09 Page 4 - dans les cinq lieux où furent abattus les groupes d'hommes, une même plaque évoque la scène du carnage. L’église à gauche, les hommes répartis en cinq groupes dirigés vers cinq lieux clos : le chai Denis, la remise Beaulieu, le garage Desourteaux, les granges Milord et Laudy. - 16h massacre des hommes ; au signal, crépitement des mitrailleuses ; les blessés achevés, les corps recouverts de paille et de bois, brûlés. - 17h massacre des femmes et des enfants ; explosifs libérant un gaz asphyxiant, tir des mitrailleuses, le bûcher allumé, l'église et ses occupants abandonnés aux flammes. Pillage et incendie. 18h cité des morts 642 victimes dont près de 200 enfants ; une cinquantaine de corps identifiés - six rescapés : une femme dans l'église cinq hommes dans la grange Laudy, quelques hommes dissimulés dans le bourg et un jeune Lorrain de 8 ans qui s'est enfui de l'école ont échappé à la tuerie. et de symboles : - la carcasse de la voiture dite « voiture du docteur Jacques Desourteaux » sur le champ de foire, - les débris de la poussette au pied de la poussette au pied de l'autel Un village figé au soir du 10 juin 1944 10 juin 1944 mort d'un village Un gros bourg de 330 habitants en bordure de la Glane, 1.244 dans les hameaux et lieux-dits des environs, auxquels s'ajoutent quelques 500 réfugiés : républicains espagnols, Italiens, juifs d'Europe centrale, évacués ou expulsés d'Alsace et de Moselle en grand nombre dont les enfants étaient scolarisés dans l'école des Lorrains, créée pour eux. Les quelques survivants ont raconté : Ils se croyaient en sécurité, ce samedi 10 juin ; les enfants à l'école en attente de visite médicale. - 14h la colonne de 150 à 200 Waffen-SS avec camions et véhicules blindés traverse le pont de la Glane et remonte la rue principale. Le bourg encerclé, l'irruption des SS dans les maisons, la population amassée sur le champ de foire, rejointe par les enfants des écoles et leurs instituteurs ; les véhicules qui patrouillent dans les fermes et les champs, ramenant les hommes ; l'arrivée du docteur Jacques Desourteaux qui a terminé sa tournée. - 15h la séparation en deux groupes : à droite, femmes et enfants, conduits dans l'église. Intérieur de l’église Le lendemain, retour d'une partie du détachement pour effacer les traces du crime. La construction du mythe La visite du Général De Gaulle, Chef du Gouvernement Provisoire de la République Française, le 4 mars 1945, consacre la vision d'une communauté paisible, innocente victime de la barbarie nazie. Oradour-sur-Glane est le symbole des malheurs de la patrie. Il convient d'en conserver le souvenir, car il ne faut plus jamais qu'un pareil malheur se reproduise. Félix Gouin, qui lui succède à la tête du GPRF, signe la loi du 10 mai 1946 relative à la conservation des ruines classées monument historique et à la construction du nouveau bourg. LA LETTRE DE L’AFMA 4 AFMA 84 21/11/14 16:09 Page 5 EN 1945-46, l'heure est à la réconciliation nationale. La reconstruction des institutions républicaines est la priorité. Aussi l'État fait de Oradour le symbole de la souffrance du pays pendant les années d'occupation : quelque fut leur choix, collaboration ou résistance, tous les Français furent en danger pendant la guerre. L'anéantissement de la communauté villageoise, innocente de toute activité de résistance, sa rapidité, et l'existence de ruines, condamnation silencieuse de la barbarie, alimentent la thèse du massacre « absurde » de victimes honorées comme des « martyrs », non en raison de leur foi mais en raison de leur appartenance nationale. Le mythe est né. Une mémoire équivoque L'État fait d'Oradour-sur-Glane un haut lieu de la mémoire nationale pour la Seconde Guerre Mondiale, mais détaché de son contexte historique. Cependant sont au cœur de la tragédie la Résistance et la stratégie allemande. 1944 Le monde entre dans sa cinquième année de guerre. Du côté allemand, le reflux inexorable entamé avec la défaite de Stalingrad (2 février 1943) se confirme sur le front de l'Est : perte du Caucase puis de l'Ukraine. Du côté allié se prépare le débarquement à l'Ouest décidé à la Conférence de Québec (août 1943). La Résistance intérieure se renforce : les réfractaires au S.T.O viennent grossir ses rangs et les formations militaires de ses différents mouvements se regroupent dans les Forces Françaises de l'Intérieur, créées par l'ordonnance du Comité Français de Libération Nationale le 1er février 1944 ; elles sont placées sous le commandement du Comité d'Action Militaire (COMAC) du CNR qui leur donne pour mission l'action insurrectionnelle : Attaquez l'envahisseur où vous le trouvez ! Harcelez ses troupes ! Tendez des embuscades à ses convois ! Faites dérailler ses trains ! Faites couler ses péniches ! Coupez ses lignes de communication ! Armez-vous à ses dépens ! Exterminez les traîtres, agents de la Gestapo, miliciens assassins (…) ! Frappez, frappez, frappez par tous les moyens les bourreaux de notre peuple ! (ordre du jour du COMAC-22 mai 1944 cité dans Le Patriote Résistant – n°881 déc.2013 –). Radicalisation de la répression Face à la montée en puissance des maquis et dans la perspective de plus en plus probable d'un débarquement en France, toutes les unités de la Wehrmacht et de la Waffen-SS sont mobilisées pour la surveillance des populations et le contrôle du territoire avec la collaboration active des équipes de la Sipo-SD (police de sécurité) et des forces armées du gouvernement de Vichy : Groupes mobiles de réserves (GMR) et Francs-gardes de la Milice. Conscient que les maquis ne survivraient pas sans la complicité des populations locales qui leur fournissent ravitaillement et silence protecteur, le Commandant en chef des forces à l'Ouest donne l'ordre aux commandants d'unités de riposter à toute attaque de leur propre initiative et par tous les moyens : prises d'otages, exécutions, destructions des habitations. Cette directive du 3 février 1944, dite « décret Sperrle », légalise la violence des représailles à l'encontre des résistants et des civils sans mettre fin à l'activité des maquis. Un enjeu majeur, la lutte contre la Résistance. À partir de mai, les rapports alarmistes envoyés par la Sipo/SD des régions de Toulouse et de Limoges sur l'activité des maquis insistent sur la nécessité de reprendre le contrôle de l'espace entre Dordogne et Alpes ; en effet, dans l'attente d'un débarquement qui se ferait au Sud ou à l'Ouest, cet espace, traversé par les voies de communications reliant l'Atlantique à la Méditerranée occupe une position-clé dans le dispositif militaire tant pour les forces alliées : isoler une partie des troupes allemandes, que pour les forces d'occupation : assurer la mobilité de leurs troupes. 6 juin l'incapacité des Allemands à rejeter immédiatement les Anglo-Américains à la mer bouleverse la donne. L'évolution de la situation dans le Massif Central inquiète l'état-major de la Wehrmacht : les premiers soulèvements ont éclaté dans les régions de Clermont-Ferrand et de Limoges et le risque est grand de voir s'y créer une enclave communiste étant donné la puissance des groupes de résistance FTP. De plus, la menace sur les communications met en danger les troupes allemandes : isolement des unités au Sud, insurrection des villes du Midi qui pourrait aboutir à leur libération. Dans ces circonstances, la lutte contre ces groupes de résistance qualifiés de « terroristes » devient un enjeu majeur ; pour le maréchal Von Rundstedt, Commandant en chef des forces à l'Ouest, la seule solution qui s'impose est une opération militaire de grande ampleur. La 2ème SS-Panzer-Division, patronyme Das Reich, cantonnée dans la vallée de la Garonne, est incluse dans le dispositif. Issue de la SS-Verfügungstruppe (troupe SS à disposition SSVT) garde prétorienne du régime créée en mars 1933, constituée en division en 1939 : SS-Verfügungs-Division, puis transformée en division blindée, elle est avec la division Totenkopf, la plus ancienne formation de la branche armée SS. Elle est à la pointe de l'offensive allemande en 1939-1941 ; engagée dans l'invasion de l'URSS, après une première campagne de 10 mois en direction de Smolensk et de Moscou, elle est mise en repos en France (printemps-décembre 1942) où elle participe à l'invasion de la zone Sud ; de retour sur le front russe en janvier 1943, elle combat en Ukraine et participe à la reprise éphémère de Kharkov (mars-août) avant d'être refoulée par la contre-attaque russe. Très éprouvée, elle est transférée en France, dans la région de Bordeaux, partiellement en février 1944, puis totalement en avril, pour se reconstituer en hommes et en matériel. Une formation expérimentée mais éprouvée, qui a l'aura de la troupe de choc. Formation ancienne, elle était constituée d'Allemands nationaux volontaires levés dans les classes d'âge mobilisables suivant les critères de sélection physiques, raciaux et idéologiques définis par le Reichsfürher SS Himmler. Elle se renouvelle avec de jeunes recrues de 17-18 ans, pour l'essentiel des volksdeutsche (« Allemands de race ») enrôlés de force et volontaires issus de l'Europe occupée et de l'Alsace-Moselle, peu motivés pour se battre ; ils sont formés au camp de Souges, près de Bordeaux et incorporés dans les deux régiments de grenadiers Deutschland et Der Führer. Leurs officiers, incarnation de l'Ordre noir, orientent l'instruction à la lumière de leur propre expérience combattante acquise dans la guerre contre les partisans en Yougoslavie (mars-avril 1941) puis dans la guerre livrée à l'Est, conçue comme une guerre d'anéantissement : en Pologne, en URSS en 1941 avec le rattachement de la division à l'Einsatzgruppen B dépendant du général SS von dem Bach-Zelewski, en 1944 avec la reprise de Kharkov qui toune au massacre suivi de pendaisons aux balcons, pillage et destruction des habitations. LA LETTRE DE L’AFMA 5 AFMA 84 21/11/14 16:09 Page 6 Le général Heinz Lammerding qui a pris le commandement de la division en décembre 1943 fut pendant quatre mois (28 juillet – 9 décembre 1943) chef d'état-major de Bach-Zelewski « plénipotentiaire du Reichsführer-SS pour la lutte contre les bandes » depuis 1942 ; un temps de service bref mais suffisant pour se forger une solide expérience dans la planification et la coordination des massacres visant à faire disparaître les communautés juives et à éradiquer les foyers de résistance dans les territoires de l'Est. sement d'une enclave communiste ; attaques qui ont révélé la vulnérabilité des garnisons de la Wehrmacht ; à quoi s'ajoute la capture humiliante du Major Kämpfe, Commandant le troisième bataillon du régiment Der Führer, par des maquisards FTP du groupe de Georges Guinguoin. Fin mai et début juin, des unités du régiment der Führer, composées de jeunes recrues, procèdent, avec l'appui de la Milice, à des opérations de ratissage contre les maquis le long des vallées du Lot et de la Garonne : St-Céré, Figeac, Frayssinet-le-Gelat entre autres, suivant un scénario d'une grande violence qui va bien au-delà de l'ordre Sperrle, rappelle les exactions perpétrées à l'Est et annonce le massacre d'Oradour. La Das Reich, « colonne infernale » dans le Limousin 8-11 juin 1944. L'opération militaire décidée le 6 juin est planifiée le 7. 8 juin la division reçoit son ordre de mission transmis par le LVIIIème Corps d'armée basé à Toulouse auquel elle est rattachée : « La 2ème division blindée – SS est à rassembler immédiatement et à conduire dans le secteur Tulle-Limoges... pour une frappe immédiate et brutale ». À sa tête, Lammerding, prêt à appliquer les mesures qu'il a préconisées dans le mémorandum adressé le 5 juin à sa hiérarchie pour mettre fin à l'activité des maquis : il prend acte de l'échec des contre-mesures prises à l'encontre des « bandes »... « à visées communistes et destructrices », propose une intervention militaire rapide, exemplaire : pour 1 soldat allemand blessé, 3 « terroristes » pendus, pour 1 soldat allemand tué, 10 pendus, moyennant quoi, il promet une pacification de cette région au 15 juin. Le 8 juin, la division quitte Montauban avec 8.500 hommes, soit une partie de ses effectifs, faute d'armes lourdes, de véhicules et d'essence. Conformément aux consignes, la progression de marche se fait suivant deux axes afin de reprendre le contrôle des axes routiers : Villefranche-Figeac-Tulle, Caussade-Cahors-Brive-Limoges pour la colonne principale. Des détachements s'écartent de la route principale pour la sécuriser ; les engagements avec des maquisards se multiplient auxquels répondent massacres, pillages et incendies. Parvenue à Brive dans la soirée, la colonne principale prend aussitôt position dans l'espace Dordogne-Indre où des formations de résistance étaient engagées avec succès dans les combats contre les unités de laWehrmacht pour la libération des villes : Tulle, Argenton-sur-Creuse, Guéret. 9 juin les Waffen-SS reprennent Tulle et Argenton-sur-Creuse dans une escalade de violence dont les civils font les frais : à Tulle, 99 otages pendus aux balcons et 33 exécutions à Argenton-sur-Creuse tandis que Guéret est reprise par la Wehrmacht avant leur arrivée. L'ordre de mise en route de la Das Reich pour le front de Normandie, reçu le 9 juin, joue le rôle d'accélérateur. Au soir du 9 juin, le général Lammerding préconise dans son rapport au LVIIIème Corps blindé « une prise en main brutale de la situation dans la zone » pour contrer les attaques de la résistance, encouragées par le débarquement, avec le risque d'une interruption des communications, libération des villes, établis- Le départ fixé le 11 juin à 12h crée l'urgence. 10 juin la 2ème division SS reproduit à Oradour sa politique d'exécutions préventives expérimentée dans la guerre à l'Est. L'opération est préparée par des réunions associant Wehrmacht, Waffen-SS, Sipo/SD et Milice sur la base des mesures préconisées par Lammerding dans son mémorandum du 5 juin et sous couvert de l'« Ordonnance du 10 juin 1944 concernant la sauvegarde de l'armée allemande » qui place les départements allant du Puy-de-Dôme à la Charente sous le droit allemand. Le choix se porte sur Oradour-sur-Glane, proche de SaintJunien, qui présente les conditions favorables à la réalisation d'un massacre rapide, sans risque de riposte, par une unité peu nombreuse et inexpérimentée : implantation à l'écart des zones de maquis, taille modeste. L'exécution est confiée au 4ème régiment SS de grenadiers blindés Der Führer commandé par le colonel Stadler. Sur le terrain, la troisième compagnie commandée par le capitaine Otto Kahn, appartenant au bataillon I du major Adolf Diekmann : soit 150-200 SS parmi lesquels une trentaine de conscrits alsaciens. Une violence rationnellement organisée, avec une « taylorisation » des tâches : - arrivée à l'improviste, - encerclement du village, - rassemblement de la population dans un espace central, - séparation des hommes/femmes-enfants, LA LETTRE DE L’AFMA 6 AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 7 - exécution des hommes dans des lieux clos, - massacre des femmes et des enfants, - pillage, incendies, - élimination des corps par le feu ou l'enfouissement dans des fosses communes. En l'espace d'à peine quatre jours, l'opération répressive menée par la formation SS dans le Limousin est couronnée de succès. « Souviens-toi » Mémoire et Politique Sept ans après le procès de Nuremberg, neuf jours après le verdict, la loi d'amnistie votée le 20 février 1953 par 319 voix contre 211 (55 abstentions) approuvée par le Sénat (174 voix contre 78) lave les inculpés alsaciens de la notion de crime au nom de l'unité nationale. Mais la menace sur l'unité nationale était-elle assez sérieuse pour justifier l'annulation d'une décision de justice ? la peine des 2 sous-officiers condamnés à mort est commuée en détention à perpétuité par grâce présidentielle de Vincent Auriol. En 1958, tous les condamnés ont été libérés. À l'arrière-plan : la réconciliation franco-allemande jugée nécessaire dans le contexte de la Guerre Froide et des prémices de la construction européenne (mise en place de la CECA1951). Le 11 juin à 12 h, la Das Reich prend la route de la Normandie. La sentence du Tribunal militaire de Bordeaux. La 3ème Compagnie du bataillon I du régiment Der Führer est rendue responsable du massacre. Le tribunal militaire de Bordeaux présidé par le magistrat Marcel Nussy-Saint-Saëns assisté de six juges militaires, officiers d'active, s'ouvre en janvier 1953 pour juger 21 accusés de cette unité : 14 Alsaciens en liberté jusqu'alors et 7 Allemands détenus dans des camps de prisonniers de guerre et extradés ; ils répondent de l'inculpation de crime de la guerre. Le procès se déroule dans un climat passionnel avec les témoignages accablants des survivants et la mise en accusation des Alsaciens. Pour leur défense, les Allemands invoquent le devoir d'obéissance absolue aux ordres conformément au serment qu'ils ont prêté lors de leur admission dans la Waffen-SS. Les inculpés alsaciens, pour la plupart âgés de 17 ans au moment des faits, reconnaissent leur participation mais font valoir qu'ils ont été enrôlés de force et ne se sont pas dérobés par crainte de représailles pour leurs familles (internement au camp de Schirmeck ou au Struthof). Les « malgré-nous » bourreaux malgré-eux ? Le fait essentiel est qu'ils ont tous obéi et que leur comportement ne s'est pas distingué de celui des Allemands nationaux : une culture de la violence caractéristique de la Waffen-SS qui leur a permis de transgresser les règles pour accomplir un acte hors-norme. Le verdict tombe le 11 février 1953 : - condamnés à mort : 2 sous-officiers l'Allemand Lenz et l'Alsacien Boos engagé volontaire dans la 2ème SS en 1941, - Allemands condamnés à des peines de travaux forcés de 6 à 12 ans, - les conscrits alsaciens condamnés à des peines de prison de 5 à 8 ans et à des peines de travaux forcés de 5 à 12 ans, - 44 Allemands parmi lesquels les officiers, jugés par contumace et condamnés à mort. 10 juin 2014 une cérémonie républicaine sous le signe de l'unité. Une journée conviviale qui a rassemblé les participants dans la salle des Carderies pour un déjeuner offert par la mairie. À notre table un groupe d'Allemands qui faisaient partie des 48 cyclistes français et allemands ayant accompli le périple hautement symbolique Dachau-Oradour : 1.150 km / 2-8 juin. La deuxième partie de la commémoration se déroule sur l'Esplanade du Mémorial. Elle débute avec l'hommage rendu par les pouvoirs publics, délégations étrangères et nationales, associations à travers es dépôts de gerbes ; la gerbe de l'AFMA est déposée par Roger Boksenbaum et Mireille Champion qui représentent l'association. La cérémonie s'achève par l'allocution du Premier Ministre Manuel Valls, emplie d'allusion à l'actualité, dans le contexte des récentes élections municipales et européennes. Un appel à l'unité nationale, résolument orienté sur l'Europe et contre ses détracteurs : L'Europe comme rempart contre la guerre, porteuse de massacres de populations civiles tels celui d'Oradour qu'il présente comme un « massacre absurde »... perpétré par « la barbarie nazie ». 70 ans ont passé depuis la venue du Général De Gaulle, le mythe est bien ancré qui fait d'Oradour le village martyr, symbole de l'unité nationale. Cependant, les faits montrent que le massacre n'a rien d'absurde et obéit à une logique. Mais la commémoration ne devrait-elle pas être pour les citoyens un moyen de s'approprier leur Histoire ? Août 2014 Mireille Champion Sources : - Jean-Luc Leleu, La WAFFEN-SS soldats politiques en guerre, édition Perrin 2007. - Comprendre Oradour, édition du Centre de la Mémoire - 2000. LA LETTRE DE L’AFMA 7 AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 8 Un député anglais à Drancy En mémoire de ses grands-parents juifs déportés, Fabian Hamilton, un anglais de 59 ans a parcouru près de 700km à vélo pour arriver à Drancy. C’est ainsi que le journal « Drancy Immédiat » du 10 au 15 septembre 2014 a rendu compte de cet événement (voir ci-joint). Accueilli par l’AFMA dont il a visité l’exposition, il nous a remis une lettre destinée à Micheline et Lucien Tinader qui l’avait reçu (voir la traduction) Chère Madame Tinader, Merci beaucoup pour votre hospitalité dimanche quand nous étions à Drancy à la fin de mon voyage à vélo depuis Leeds. Vous m'avez demandé d'écrire quelques mots au sujet de ma famille et son rapport avec Drancy. L'article est ci-dessous écrit en Anglais. C'était un grand plaisir de vous rencontrer avec ton mari et M. Berkover. Merci encore. Feu mon père Mario était fils unique mais sa mère, Louise Sevillia venait d'une famille de quatre enfants qui ont grandi à Genève entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle. Parmi les frères de Louise un seul a eu des enfants – Jacques a un fils qui s'appelle Roger – c'est le cousin germain de mon père, âgé seulement de deux ans de plus que lui, étant né en 1924. Jacques et Roger s'installèrent à Paris dans les années 30, ainsi que mes grands-parents et leur fils. Mario fut envoyé dans un internat en Angleterre en 1934 à l'âge de 12 ans et lorsque Paris s'inclina face aux Nazis en 40 il était alors à l'abri en dehors de la France, son père Isaac était en Espagne (pays neutre) mais ma grand-mère était coincée à Paris. 1940 était une très mauvaise année pour les Juifs de France mais pour ceux dont la majorité vivait dans Paris occupée c'était bien pire. Oncle Jacques et son fils Roger ont refusé de se faire recenser auprès des autorités nazies et de porter l'étoile jaune. Par conséquent ils ont passé leur temps à se cacher et à éviter les rafles durant toute la période de l'Occupation. Ils y sont parvenus et ont ainsi survécu à la guerre. Jacques a été invité à mon mariage en 1980 et il est mort en 1988 à l'âge de 88 ans. Roger vit toujours, il est à Paris et a maintenant 90 ans. Ma grand-mère a également survécu parce qu'elle a réussi à obtenir la nationalité portugaise. Aussi bizarre que ça puisse paraître les Nazis l'ont laissée tranquille jusqu'à ce qu'elle décide de quitter Paris pour Bordeaux en 44 et de traverser les Pyrénées jusqu'en Espagne pour essayer de rejoindre mon grand-père. En revanche, les parents de Louise et de Jacques ont eu moins de chance. Ils ont fait leur devoir en se faisant recenser en tant que juifs auprès des autorités Nazies et ont porté leur étoile jaune. Durant deux terribles nuits de juillet 42, plus de 13.000 Juifs parisiens ont été arrêtés et emmenés au Vél d'Hiv d'où la plupart s'est retrouvée ensuite à Drancy au nord-est de Paris puis à Auschwitz. Reina et Isaac Sevillia en faisaient partie et nous avons une copie de l'acte de décès de Reina transcrit à Birkenau. Je suis député britannique et membre du Parti Travailliste et ai représenté la communauté juive du nord-est de la ville de Leeds située dans le Yorkshire et ce depuis 1997. Mon nom de famille est Uziel. Je suis né à Londres en 1955 et me suis installé à Leeds en 1979. J'ai décidé de rouler à vélo de Leeds à Drancy et de rassembler des fonds pour Donisthorpe Hall, une maison de retraite juive pour personnes âgées et infirmes où vivent encore quelques rescapés du génocide. Cet établissement étant situé dans la circonscription parlementaire que je dirige. J'ai commencé mon cyclo-tour le 25 juillet en m'arrêtant d'abord à Londres puis ai parcouru le Surrey et le Sussex jusqu'à Port of Newhaven sur la côte sud de l'Angleterre. J'ai enfin pris le bateau pour Dieppe. J'ai suivi la fantastique "avenue verte" depuis Dieppe, je suis passé par Forges-les-Eaux, par une petite ville près de Chantilly et me suis enfin arrêté à Drancy à l'heure du déjeuner dimanche 3 août. La distance que j'ai parcourue est de 692 km et j'ai récolté jusque-là environ 4.000 livres pour mon association. J'avais déjà entendu parlé mais aussi lu beaucoup sur Drancy et le rôle que la ville a joué durant la guerre en tant que camp d'internement pour juifs, tziganes ou autres personnes que l'occupant Nazi avait jugées inacceptables sur le territoire français. J'avais aussi déjà vu le Mémorial de la Shoah sur google earth via internet mais rien ne m'avait préparé à la Cité dite de la "Muette" ni au wagon de chemins de fer à l'intérieur duquel se trouve une toute petite exposition mais si bien faite. Ce qui a été encore plus surprenant c'est la rencontre de mon épouse et moi-même avec André Berkover. Nous avons été accueillis à Drancy par messieurs Mangin et Bartuccio, adjoints au maire de la ville, mais nous n'avions pas réalisé que nous aurions le privilège de rencontrer un témoin de ces terribles événements en personne. Nous nous sommes rendus dans le local où se trouve l'exposition de photos et d'objets de cette période, et après avoir vu le petit film très bien fait sur le rôle de Drancy durant la Shoah nous nous sommes assis et avons écouté fascinés le compte rendu brut de décoffrage de M. Berkover. Il nous a raconté son histoire extraordinaire comme si elle avait eu lieu hier. LA LETTRE DE L’AFMA 8 AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 9 70ème anniversaire de la libération des camps 2015 5ème Semaine Internationale de la Mémoire à Coutances (Calvados) À nouveau, nos amis de Coutances, nous font part de leur projet dans le cadre du 70ème anniversaire de la libération des camps en 2015. Ci-après le mail reçu de M. Christian Savary professeur d’histoire. À l’écoute du témoin André Berkover Alors que j'écoutais M. Berkover je ne pouvais m'empêcher de penser à Reina Sevillia, la maman de ma chère grand-mère qui avait séjourné dans ce complexe d'habitations à peine fini transformé en camp d'internement, l'antichambre de la mort. Qu'est ce qui avait bien pu lui traverser l'esprit à elle une femme âgée de 68 ans à l'époque lorsqu'elle est montée à bord du wagon surpeuplé qui allait les envoyer à la mort ? M. Berkover est un survivant hors du commun mais comme il l'a reconnu lui-même il a eu juste de la chance alors que la grande majorité, notamment sa mère et son frère, n'en ont pas eue. Dieu merci il a pu raconter son récit de son vivant et être un témoin dont nous devons tous apprendre quelque chose. Si Reina Sevillia avait vécu je l'aurais rencontrée, elle aurait eu 81 ans quand je suis né. Je ne m'étonne pas que sa fille ma grand-mère Louise n'ait jamais évoqué la Shoah. Le soir de notre arrivée, quand ma femme et moi sommes arrivés à notre hôtel nous avons cherché l'adresse du site du Mémorial de la Shoah de Drancy et nous avons été choqués d'y découvrir les noms d'autres membres de la famille Uziel, mon sang, dont on ne connaîtra jamais les récits. La famille venait de Salonique alors pourquoi ont-ils été amenés à Drancy ? Comment se sont-ils retrouvés à Paris ? Je suis heureux d'avoir fait ce voyage, d'avoir rencontré M. Berkover et d'avoir vu Drancy où tant de gens se sont retrouvés. Je suis reconnaissant envers la Municipalité de Drancy pour le rôle de mémoire qu'elle joue. Je n'oublierai jamais ma visite. Avec tous mes meilleurs vœux, Fabian Uziell Hamilton Député Travailliste de Leeds Nord Est, Chambres des Communes, Londres Royaume-Uni Traduction J. Wierzbicki M. Hamilton devant le wagon Chers amis, J'espère que vous allez bien et que vous conservez la même énergie pour transmettre et faire connaître l'histoire et la mémoire de la déportation et de la Shoah. De mon côté, je poursuis mes travaux avec mes élèves et prépare un séjour en décembre avec une cinquantaine de Jeunes qui nous conduira successivement à Prague, Terezin, Treblinka, Varsovie, Lublin, Wlodawa, Sobibor, Auschwitz, Birkenau et Cracovie. Le temps et les moyens m'ayant manqué pour leur organiser une visite préalable approfondie à Paris, j'aimerais néanmoins leur proposer de visiter le site de Drancy le Mercredi 10 décembre pendant notre trajet aller. En fonction de vos disponibilités et de la possibilité d'organiser également une visite de Mémorial de la Shoah rue Geoffroy-l'Asnier le même jour, je me propose de finaliser ceci dans les jours qui viennent. Je sais que vous tenez à organiser un témoignage en complément de la visite du site. Malheureusement, le temps imparti ne le permettrait pas. Néanmoins, fin février/début mars, nous aurons à Coutances la Cinquième Semaine Internationale de la Mémoire. Le témoignage pourrait trouver toute sa place et son écho à cette occasion. Je me tourne donc vers vous afin de proposer à l'AFMA toute sa place dans cet événement. De notre point de vue la journée du Lundi 2 mars serait la grande journée de témoignages relatifs à la déportation et à la Shoah avec 2 conférences consacrées au 70ème anniversaire de la Libération d'Auschwitz et au retour des Déportés. Autour de ces conférences, nous souhaitons comme d'habitude proposer de nombreux témoignages tant leur valeur auprès des Jeunes est essentielle à la connaissance et à la transmission. Le thème central de la Semaine de la Mémoire sera "Commémorer" en écho aux célébrations de l'année 2015. Le témoins doivent pouvoir être entendus très fortement à cette occasion. Pensez-vous que nos amis déportés que nous connaissons pourraient se déplacer à Coutances avec vous pour cette occasion ? Voilà, dans l'attente de votre réponse et de préciser certainement les contours de chacune de mes propositions, recevez Lucien et Micheline Christian Savary toute mon affection. LA LETTRE DE L’AFMA 9 AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 10 70ème anniversaire de la libération des camps Le Bus pour Drancy, témoigner encore et toujours A lors qu'on célèbre le 70ème anniversaire de la Libération, la romancière Cécile Oumhani, invitée de BibliObs, a lu "le Bus pour Drancy", de Dominique-Marie Godfard. De 1941 à 1944, le camp de Drancy fut le principal lieu d'internement des Juifs parisiens avant leur déportation vers les camps d'extermination nazis. (©Alfred/SIPA) Si tôt ou tard choses et êtres chers sont voués à cesser d’exister, il en va autrement de l’onde de choc laissée par leur départ. Elle inscrit au cœur de nos vies des blessures dont les cicatrices sont parfois aussi invisibles que ces calcifications découvertes un jour au hasard d’une radiographie. Les chemins des uns et des autres se croisent, les destins se frôlent sans se rencontrer, sans se confier, même aux plus proches. Sans doute la plaie reste-t-elle trop douloureuse, la crainte de voir déferler le passé trop forte pour que des mots soient posés, pour qu’une histoire soit racontée. Ne rien dire ni aux siens, ni à soi-même... Endiguer pour survivre. C’est d’une brèche dans un silence de plusieurs décennies qu’est né « le Bus pour Drancy ». Léa a évité de parler à ses enfants du drame qu’elle a vécu à Paris, le 16 juillet 1942. Dans ce roman tiré du récit que Léa lui a fait au fil de leurs conversations, Dominique-Marie Godfard raconte l’exil d’une mère et de ses trois filles, arrivées de Bessarabie en 1929. Patiemment, elle reconstruit les morceaux d’un passé fracassé et tente de combler les nombreux blancs restés dans la mémoire de Léa. Les relations mère-fille étaient alors très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Il y avait tant de questions que Léa n’aurait pas envisagé de poser. Et puis comment ne pas être coupée du monde, comment ne pas tâtonner pour le comprendre, après avoir passé huit années dans l’orphelinat israélite où la mère dut placer ses filles, d’abord pour se soigner, puis pour travailler ? Avec le tact de qui s’approche pour toucher une blessure encore béante, Dominique-Marie Godfard évoque le voyage de Paula et de ses filles, depuis Chisinau jusqu’à Paris, les désillusions, la précarité. Sans jamais tomber dans le pathos, elle rend une forme de vie à cette famille qui s’efforce de survivre dans le Paris d’avant-guerre. La peur de voir leur mère se remarier, les premières amours, l’exiguïté du deux-pièces qu’elles habitent avenue d’Italie après avoir quitté l’orphelinat, la visite de la babouchka qui passe plusieurs mois avec elles... On entre dans un univers intime et d’autant plus émouvant qu’on le sait si proche de disparaître. L’Histoire s’accélère, sans que Paula et ses filles se doutent de l’ampleur que prendront les événements. L’inéluctable spirale s’amorce avec la guerre qui éclate, un premier exode en province, le retour à Paris, le port de l’étoile jaune, jusqu’à la visite tard le soir du 15 juillet 1942 d’un jeune homme venu prévenir la mère de Léa du danger imminent. « Pourquoi tu veux qu’on nous embarque ? Pour nous faire travailler bien sûr ! », rétorque Paula à sa fille cadette après son départ, avant d’ajouter : « De toute façon, moi, le travail, ça ne me fait pas peur ! » Paula et Renée, son aînée, seront raflées le lendemain matin par la police française... Elles ne reviendront pas d’Auschwitz. LA LETTRE DE L’AFMA 10 « Le Bus pour Drancy » n’est pas un récit linéaire. Il oscille constamment entre le passé que met en scène DominiqueMarie Godfard et le présent, où Léa réfléchit, s’interroge, s’adresse à l’auteure du livre. Le lecteur est ainsi rappelé à tout instant à un désastre qui n’en finit pas d’exister, hors du temps, hors de l’espace. Si Paula et Renée ont été arrachées sans retour à Léa, la béance de leur absence, minée par ce que celle-ci ne pourra jamais élucider tout à fait, n’a pas cessé de se creuser en elle. Garder le silence tant d’années n’a pu refermer la déchirure d’un deuil de toute façon impossible. Essayer de colmater, de masquer en se taisant n’aura pas effacé l’effroyable barbarie d’une tragédie dont Léa a voulu protéger les siens presque jusqu’à la fin de sa vie. Livre nécessaire, puisqu’il a pu apporter à Léa une forme d’apaisement, il l’est aussi pour nous tous. Témoignage, il vient continuer un travail de mémoire devenu de plus en plus difficile au fur et à mesure que disparaît la génération directement impliquée dans cette époque. Il s’impose en un temps où certains cherchent à nier, à minimiser l’innommable. Le monde a vite fait de mettre le passé à distance, continuant inexorablement de tourner les pages de l’Histoire, de répéter tragédies, exodes, guerre et massacres. Témoigner, encore et toujours, est une nécessité, un devoir envers tous ceux qu’a anéanti la barbarie, tous ceux qu’elle continue, quelque part à la surface de cette terre, de vouloir anéantir. Cécile Oumhani Le Bus pour Drancy, par DominiqueMarie Godfard, Editions Chèvre-Feuille Étoilée, 150 p, 15 euros. AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 11 Institut Saint-Dominique de Mortefontaine Texte transmis par Mme Caroline BitschBesson, professeur. Lorsque nous sommes arrivés à Drancy le 6 octobre, l'après-midi venait à peine de commencer et c'est sous un ciel nuageux que nous avons été accueillis par Monsieur et Madame Tinader, membres de l'association AFMA (Association Fond Mémoire d'Auschwitz). Aujourd'hui, dans cette cité HLM, peu de choses rappellent qu'il y a plus de 70 ans, des hommes, des femmes et des enfants ont été parqués là, dans cette antichambre de la mort. Voitures, arbres et verdure ont remplacés les barbelés et la place vierge qui occupaient autrefois le centre de barres d'immeubles inachevées. Malgré tout, à la place du portail, se dresse maintenant un monument à la mémoire des déportés ayant transité dans ce camp, et c'est là que nous avons commencé notre visite. Après nous avoir expliqué la signification de la sculpture de Shelomo Selinger, nos guides nous ont conduits près d'un wagon semblable à ceux dans lesquels les quelques 75.000 Juifs français déportés à Drancy ont voyagé vers l'Allemagne ou la Pologne dans des conditions effroyables. La remise en état et l'aménagement de ce wagon pour accueillir une exposition rendent parfois difficile une appréciation de l'horreur d'un tel voyage mais la présence de celui-ci derrière le monument, de par sa portée symbolique, ne laisse pas indifférent. d'un survivant de l'holocauste nous ont permis d'être confronté à certaines réalités concentrationnaires et constituèrent ainsi une sorte de prologue à notre voyage à Auschwitz-Birkenau prévu dans quelques mois. Marie Lubineau, élève de terminale Voyage à Auschwitz « Du Jeudi 8 au Dimanche 11 Mai 2014, un groupe de 45 personnes âgés de 17 à 65 ans a voyagé en direction de son histoire. Le DEJJ, Département Educatif de la Jeunesse Juive, s’est lancé le défis d’organiser pour ses jeunes un voyage de mémoire en Pologne et ce, dans le cadre de son programme de formation. L’idée était de permettre à ces éducateurs de demain de vivre une expérience identitaire indispensable pour la transmission de l’histoire de la shoah aux générations futures afin que ce crime contre l’humanité ne puisse jamais se reproduire. Afin d’accompagner la jeunesse tout au long du voyage pour les guider, les aider à comprendre l’histoire et surtout libérer leur parole nous avons choisi de convier des adultes proches du mouvement et cadre communautaire : Ariel Amar (FSJU), Gerard Souffir (CASIP), Ariel Kandel (Agence Juive Pour Israel), Johan Zittoun (OPEJ), Julie Zittoun (PASSERELLE). Guidé par un professionnel de l’éducation juive – Ariel Kandel – C’est à Varsovie que ce voyage de mémoire a commencé. Nous avons débuté par la visite du cimetière pour ensuite se rendre à la maison d’enfants de Janusz Korzcak pour présenter le récit de sa vie et reprendre la chanson de Yves Duteil – Prendre un enfant par la main –. Le lendemain nous nous sommes rendus à Cracovie vers l’un des lieux représentatif de la cruauté humaine et emblématique du système totalitaire du IIIe Reich : le camp de concentration de Auschwitz puis Birkenau. Après une journée difficile et émouvante nous avons fait le choix de nous recueillir devant la synagogue du Rama puis d’aller visiter l’usine d’Oscar Schindler (Juste parmi les nations). Nous ne pouvions terminer ce voyage sans retourner à Varsovie pour reproduire le parcours de la bravoure et entendre le récit de la vie de Mordehai Anielewicz. En terminant la journée par la pose d’une pierre symbolique sur la tombe de Janusz Korzcak à Treblinka le DEJJ, mouvement d’éducation populaire, a voulu mettre l’accent sur l’éducation et la transmission de cette histoire. Ce voyage a permis à 30 jeunes venus de Paris, Marseille, Nice et Lyon ainsi qu’à 15 adultes de découvrir ces lieux de mémoire de la shoah. Tout cela n’aurait pas été possible sans le soutien des bénévoles et donateurs de l’association, du FSJU, de l’OPEJ, de l’Agence Juive et de l’AFMA. Afin que cela ne se reproduise plus. NEVER AGAIN. Jérémie Wizman Directeur du DEJJ Paris Une fois le wagon visité, nous nous sommes promenés dans le camp, nous arrêtant ici ou là pour voir une plaque, écouter une anecdote ou simplement essayer d'imaginer ce qu'avait pu être la vie derrière ces murs. Nous avons également pu visiter une exposition sur les camps, la guerre et le sort des juifs et de tous les déportés durant le second conflit mondial. Affichés là, des images et des textes tout aussi bouleversants que le témoignage de Monsieur Peireiha, que nous avons écouté quelques minutes plus tard. Ce fut une histoire poignante, et le silence qui régnait dans la salle du mémorial de la Shoah à ce moment-là témoignait d'un intérêt commun : à travers le récit de son enfance, le témoin nous a ramenés dans le passé pour tenter de nous faire percevoir l'atrocité de ce qu'il avait vécu. Est ensuite venu le temps pour nous de regagner Mortefontaine. Particulièrement riche en émotions, cette visite du camp de Drancy et le témoignage LA LETTRE DE L’AFMA 11 AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 12 La mémoire pour ne pas oublier Evacuation du KL-Natzweiler par les nazis Une cérémonie commémorative a eu lieu sur le site les 21 et 22 juin 2014. Il y a 70 ans, en septembre 1944, les nazis commençaient l’évacuation du camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Quelques 6.000 déportés furent transportés vers Dachau puis vers les camps annexes de Natzweiler situés outre-Rhin. Fin novembre 1944, les soldats américains pénétraient sur le site et découvraient le premier camp de concentration à l’ouest qui était vide. Seuls subsistaient les bâtiments témoins d’une horreur dont le monde entier prenait peu à peu conscience. Transférés plus à l’est, l’administration du camp continua son efficace besogne pendant de longs mois jusqu’en avril 1945. Dans les derniers mois, ultimes évacuations et marches de la mort achevèrent de décimer la population concentrationnaire de Natzweiler. ********* Gare de Nanteuil-Saàcy 70ème anniversaire du dernier convoi La cérémonie qui marque le 70ème anniversaire du dernier convoi de déportation en Seine et Marne a eu lieu le samedi 16 août 2014 à 18 heures sur l’Esplanade de la gare de Nanteuil-Saàcy, à laquelle assistaient plusieurs centaines de participants et 40 porte-drapeaux. Ce convoi emportait 2.400 résistants et résistantes extraits de la prison de Fresnes et du Fort de Romainville qui ont quitté Paris (gare de marchandises de Pantin, quai aux bestiaux) le 15 août 1944. La cérémonie fut marquée par le témoignage de deux hommes Clément Verfaillie (89 ans) et Henri Ramolet (88 ans), deux des derniers survivants venus tout spécialement pour cet événement. À leurs côtés quelques descendants des neuf compagnons de la Libération montés dans le train ce sinistre jour du 16 août 1944. Tous deux ont raconté leur entrée dans la Résistance, leur arrestation suite à une dénonciation, leur interrogatoire musclé, leur déportation à Buchenwald et leur libération par les Américains. Le 16 août au matin, ce train de la déportation s’est arrêté dans la plaine de Luzancy car le pont ferroviaire enjambant la Marne avait été détruit par l’aviation britannique. Les prisonniers encadrés par les SS vont parcourir plusieurs kilomètres pour rejoindre un autre train dans la tranchée située à la sortie de la gare de Nanteuil-Saàcy. Ce train conduira en une semaine les hommes à Buchenwald et les femmes à Ravensbruck. La plus grande partie des hommes sera ensuite transférée dans l’enfer des camps de Dora, Ellrich et Nordhausen. (85%) n’en reviendront pas. Dans ce train, il y avait 9 Compagnons de la Libération et aussi plusieurs centaines de déportés étrangers dont 158 aviateurs alliés dont les avions avaient été abattus au-dessus de la France. Le Mémorial a été inauguré en juin 2012 grâce à l’appui des Pouvoirs publics, des collectivités locales, de la SNCF, des organisations locales, départementales et nationales et de nombreux donateurs. Commémoration libération du camp de Drancy Suite à notre invitation à commémorer la libération du camp de Drancy, nous avons reçu de la part de M. Pascal Beaudet Maire-conseiller général d’Aubervilliers, absent ce jour, une lettre d’excuses et ses vœux de réussite pour cette cérémonie. Egalement de messages d’excuses de M. Michel Teulet, Maire de Gagny, de M. Lemoine, maire de Montfermeil, du cabinet du Maire de Saint-Ouen, de M. Romain Bentegeat secrétaire de la section PS de Bobigny. ********* Sur la libération du camp, un cahier spécial de Bonjour Bobigny n°724 a publié un article de M. Stéphane Parivski basé sur le témoignage entre autres faits de Mme Suzanne GrumbachCitron internée à Drancy qui a vécu cette libération et que nous publions à l’attention de nos lecteurs. « Depuis hier, nous sommes libérés ! » Dans le nord parisien, l’Allemagne nazie a installé l’un des maillons clés de sa politique d’extermination des Juifs : le camp de Drancy. Arrivée à Drancy des juifs raflés par la police française en 1941 « Nous sommes consignés dans nos chambres. On ne sait pas au juste ce qui se passe. Brünner est parti ce matin dit-on ». Ce jeudi 17 août, Suzanne Grumbach-Citron, internée au camp de Drancy, écrit ces lignes dans le journal qu’elle tient. Depuis plusieurs semaines l’espoir d’une libération grandit parmi les quelque 1.500 internés du camp de Drancy. On sait les alliés tout proches. Mais « c’est un espoir contenu car la peur d’un dernier convoi demeure » explique Annaïg Lefeuvre, du Mémorial de Shoah de Drancy. Avec sa sœur, elle ramassait les nombreux messages laissés sur les voies par les déportés. « Nous les expédions après avoir recopié les adresses sur des enveloppes. » Mais à l’époque aucun panneau ne prévenait de la destination de ce qu’on appellerait les trains de la mort… Depuis juillet 1943 le SS Aloïs Brünner a pris le commandement du camp et l’une de ses premières décisions est d’organiser le départ des convois de la mort de la très discrète gare de Bobigny. Le 12 août il a essayé de former un ultime convoi afin de déporter quelque 1.000 internés : sa tentative échoue. Les cheminots sont entrés en grève. Estce à ce moment précis que les nazis décident d’évacuer le camp ? Trois jours plus tard, il fait bruler les archives, dans les cuisines – mobilisant pour cela des internés, qui réussiront cependant à en sauver une partie. Minutes décisives. Ce jeudi 17 août à 10 heures, donc Emmanuel Langberg – l’interné auquel les nazis ont confié l’administration du camp – s’adresse par note à l’ensemble des internés. « Probablement nous vivons des minutes décisives, et je demande à tous de conserver le sangfroid le plus complet. » À 16 heures il pourra écrire : « Les Allemands viennent de partir, la libération approche. Les modalités de cette libération seront discutées ce soir-même entre le commandant de la gendarmerie et nous. » Entre-temps, les habitants de Drancy et Bobigny ont assisté à une scène sans doute inédite : Aloïs Brünner et ses SS emportant 51 otages, parcourant à pieds et mitraillette au poing les quelque deux kilomètres qui les séparent de la gare de Bobigny. Ils ont réussi à trouver trois wagons et prennent la fuite vers l’Allemagne. « Il y a eu un moment de flottement parmi les 1.467 détenus », raconte Lucien Tinader de l’AFMA. Une incertitude qui se mêle à une incroyable exaltation. « Cela s’est fait comme un vertige incroyable, écrit dans son journal Suzanne GrumbachCitron, comme sur l’écran d’un film (…) déjà nous sommes dans un autre pays ». Des sentiments auxquels déjà se mêle l’exigence de mémoire. Depuis trois ans, la cité de la Muette est devenue le principal lieu d’internement des Juifs de France. Dès 1942 – et la mise en œuvre de la « Solution finale » – c’est la dernière étape avant la déportation vers les camps d’extermination. Une soixantaine de convois français de déportés juifs sont partis d’ici : sur les 76.000 hommes, femmes et enfants juifs déportés de France, 67.000 le furent à partir de Drancy. « Je vous demande en souvenir de nos 70.000 camarades déportés d’observer ce soir à 19 heures deux minutes de silence », a écrit l’administrateur Langberg le 17 au soir. Dans les jours qui suivent, la Croix-Rouge fait son entrée dans le camp. Le consul de Suède Raoul Nordling (qui joua un rôle clé dans les négociations de la Libération) fait distribuer à chaque interné 200 francs et un saufconduit. Machine de mort. Que savaient les Balbyniens de l’odieuse machine de mort qui s’était mise en branle à leurs portes ? Pas grand-chose sans doute… Ginette Germenot, qui habitait face à la gare de Bobigny, racontait dans nos colonnes en Le camp de Drancy sera libéré plus d’une semaine avant l’arrivée des soldats de la 2ème DB, la « division Leclerc ». Quant à la Muette, elle restera camp d’internement jusqu’en 1946 : pour accueillir cette fois les Français suspectés de collaboration. LA LETTRE DE L’AFMA 12 2000 avoir été témoin des « malheureux rassemblés sur cette esplanade, avant d’être poussés sans ménagement dans les wagons stationnés sur les voies ». 21/11/14 16:10 Page 13 Commémoration à la Gare du Bourget La traditionnelle commémoration des déportations par la Gare du Bourget a eu lieu le Vendredi 10 octobre à 18 heures devant la stèle portant la plaque inaugurée par l’AFMA en présence du Sénateur-maire du Bourget, M. Vincent CapoCanellas qui a prononcé un discours (voir extraits) et des élus parmi lesquels M. Stéphane Troussel, président du Conseil Général de Seine-SaintDenis et de M. Jean-Christophe Lagarde députémaire de Drancy. L’AFMA présente a déposé une gerbe en hommage à toutes les victimes passées par cette gare à destination des camps d’extermination. Extraits du discours : « Il y a plus de 72 ans partit de cette gare un premier convoi de déportés français pour Auschwitz. Ce convoi a d’abord été formé depuis le camp de Drancy, principal, centre d’internement et de rassemblement des Juifs… de 1942 à 1944 67.000 des 75.000 Juifs déportés de France en sont partis vers le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Deux gares jouèrent un rôle essentiel dans ce dispositif : celle du Bourget puis celle de Bobigny. De juin 1942 à juin 1943… 41convois déportèrent près de 40.000 Juifs… puis à partir de Bobigny, 21 convois et 22.500 personnes… au total 63 convois de déportés partis des gares du Bourget et de Bobigny dont 58 ont rejoint Auschwitz-Birkenau. 75.721 Juifs dont 11.400 enfants déportés vers les camps nazis dont entre 2.500 et 3.000 ont survécu. Etre présent ici, c’est pour nous souvenir de cette page sombre de l’histoire de France et de l’histoire Bourgetine. La gare du Bourget et le camp de Drancy constituent en effet avec le site d’Oradoursur-Glane les témoignages les plus saisissants de l’horreur de la seconde guerre mondiale. Antichambres des camps de la mort, ils furent le théâtre de la tragédie de la déportation au nom d’une idéologie qui a fait basculer l’Europe dans l’horreur en refusant toute forme d’altérité. Au cœur de notre ville la Gare fut le témoin malheureux d’un processus de mise à mort implacable qui a mis le progrès technique et les infrastructures ferroviaires au service de génocidaires pétris de haine… En tant que citoyens d’une République démocratique et apaisée nous sommes tous les héritiers d’une histoire qui a conjugué le splendide et l’abject… Ces circonstances révélèrent des êtres d’exceptions… Résistants, compagnons de la Libération et Justes parmi les Nations ont sauvé l’honneur de notre pays… Je tiens également à saluer les survivants, hélas de moins en moins nombreux… leur expérience est précieuse…cette flamme du souvenir entretenue auprès de nos jeunes scolarisés dans les établissements du Bourget qui prennent conscience que l’abjection absolue du national-socialisme s’est aussi manifestée dans leur environnement immédiat. La visite du Mémorial de Drancy peut les aider. Car au-delà de son bilan macabre – 6 millions de morts – la Shoah est aussi une addition de destins brisés, une interminable litanie de noms honorés par le Mémorial de Yad Vashem. Que certains ont aujourd’hui le culot de minimiser l’ampleur de ce génocide ou de nier l’existence des chambres à gaz. Citant les écrivains de la littérature mondiale et aussi témoins Robert Anthelme, Elie Wiesel, Primo Levi, Jorge Semprun, il conclut : Quand souffle l’esprit de haine alimenté par la peur, quand les groupuscules se révèlent ouvertement racistes et antisémites, quand l’actualité internationale nous rappelle que l’horreur n’est hélas encore pas si lointaine, il me semble important de toujours rappeler notre vigilance. Telle est notre responsabilité aujourd’hui. Photo Nicolas Pamart AFMA 84 Dépot de gerbe ? ********* Explosion de haine antisémite en Allemagne Prenant prétexte des événements au ProcheOrient, des débordements antisémites ont eu lieu dans plusieurs villes d’Allemagne venant autant de l’extrême droite que de militants musulmans extrémistes. À Dortmund et à Francfort, des néonazis s’étaient joints aux manifestants. À Berlin, un iman doté d’un passeport danois a appelé à compter les Juifs et à les tuer jusqu’au dernier. Pour le Président du Conseil central des juifs en Allemagne : Nous assistons actuellement à une explosion de haine malfaisante et violente contre les juifs qui nous choque et qui nous consterne. Nous n’aurions jamais cru possible de voir de notre vivant des slogans antisémites scandés dans les rues allemandes de manière la plus nauséabonde et primitive. La police de Berlin massivement présente lors des manifestations mais qui n’a pas réagi aux slogans antisémites a été critiquée. Selon un porte- parole, Mme Merkel estime que ces débordements et déclarations antisémites sont une attaque contre la liberté et la tolérance et une tentative de porter atteinte à nos valeurs démocratiques. Nous ne pouvons et nous n’allons pas les tolérer. Sources : M. Frédéric Lemaître Le Monde du 25 juillet 2014. ********* Un néonazi allemand au Parlement européen Les trois grandes formations politiques n’ont pu éviter un symbole très voyant : Udo Voigt eurodéputé du Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD) siègera au sein de la commission des libertés civiles durant cinq ans. Président de cette formation jusqu’en 2011, il n’hésite pas à afficher ses convictions révisionnistes, antisémites et pro-hitlériennes. Réaction du Congrès juif européen qui estime que cette présence dans cette commission jette un discrédit sur l’institution. Eric Zemmour, défenseur de Pétain Ce polémiste que l’on voit sur les plateaux de télé, chroniqueur au Figaro et à la radio RTL dans son livre le « Suicide Français », entre autres affirma- tions contestées, dédouane l’Occupation en soutenant que Pétain a cherché à protéger les Juifs français ! Il met en doute le livre de l’historien américain Robert Paxton pour son livre, « Vichy et les Juif ». C’est faire l’impasse : Sur le Statut des Juifs du 3 octobre 1940, annoté de la main de Pétain et de sa propre initiative sans pression des Allemands, aggravé en juin 1941 qui dépouillait les Juifs français comme les Juifs étrangers et marque une extension sensible des interdits professionnels – création du Commissariat général aux questions juives (CGQJ) – aryanisation économique – Sur la dénaturalisation des Juifs devenus français après 1927, condamnant les personnes concernées à la déportation (c’est ainsi que mes parents, mon frère et moi fûmes arrêtés le 16 juillet 1942, mon père redevenant Polonais, ma mère, mon frère et moi bien que nés en France devenant apatrides). Si les premières rafles en mai et août 1941 concernaient les juifs étrangers, celle du 12 décembre 1941 concernait 743 Juifs Français la plupart des notables, avocats, professions libérales, anciens combattants. Plus de la moitié feront partie du premier convoi parti de France le 27 mars 1942 de plus de 1.100 personnes. À partir du convoi n°2 du 5 juin 1942, les déportations concerneront en majorité les juifs étrangers. Elles furent souvent menées sans égard à la nationalité des victimes sans que le gouvernement de Vichy cherche à intervenir efficacement. Nombreuses personnalités comme le sénateur Pierre Masse, le Président de l’UGIF Max Heilbronn, le poète Max Jacob sont à compter parmi les victimes. Vichy considérait ceux qui possédaient la nationalité française comme une monnaie d’échange dans ses négociations avec les nazis ! Des 75.000 déportés de France, environ 24.000 étaient Français, naturalisés compris dont au moins 8.000 sont des enfants nés en France de parents étrangers ou apatrides). Parmi les sujets abordés dans ce livre et les nombreuses critiques, citons les réactions indignées suivantes : – Jacques Sémelin, directeur de recherche au CNRS et professeur à Sciences Po. qui parle d’une falsification idéologique et souligne que si 90% des juifs français ont été sauvés pendant l’Occupation, c’est d’abord grâce à la population française elle-même. – Robert Paxton sur le zèle de Vichy dans la déportation des juifs de France et pour qui dénoncer les crimes du régime du maréchal Pétain, ce n’est pas critiquer la France – Serge Klarsfeld quand la police de Pétain et de Laval livrait des enfants juifs aux nazis et qui rappelle que c’est lors d’une réunion le 2 juillet 1942 entre les chefs SS et René Bousquet, secrétaire général de la police française que le sort des juifs a été scellé. Protestations de nombreuses associations issues de la Résistance et personnalités politiques. Rappelons que Zemmour comme Alain Soral antisémite obsessionnel ont été condamnés par la justice pour leurs propos racistes. Un récent sondage montre que 62% des personnes interrogées condamnent le livre. J.C LA LETTRE DE L’AFMA 13 AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 14 Les Juifs se sont laissé conduire comme des moutons à l’abattoir. Lu dans le Patriote Résistant n°890-octobre 201411-01. Pas comme des moutons ! Chers amis du Patriote Résistant, j’ai écouté les derniers cours de Michel Onfray qui, durant tout l’été, a disserté une heure par jour sur les ondes de France Culture, station du service public, faut-il le rappeler ? Le talent d’animateur de Michel Onfray n’est plus à démontrer. En bon philosophe, il réfléchit et incite son auditoire à réfléchir. Rien à redire ! Cet été, il a choisi de philosopher sur des faits historiques dont celui-ci : « Les Juifs se sont laissés conduire comme des moutons à l’abattoir ». Il s’en étonne et trouve « ahurissant qu’il n’y ait pas eu un seul cas de révolte dans un seul camp de concentration. » Et moi qui croyais qu’au 21ème siècle, il n’y avait plus que des ânes pour croire à ces histoires de moutons ! Ce qui est ahurissant, c’est cette ignorance ! On sait pourtant depuis bien longtemps que, par exemple, les Juifs déportés du ghetto de Varsovie avaient été bernés. Ils croyaient qu’on les envoyait travailler à la campagne. Les Allemands poussaient parfois la bonté jusqu’à leur donner des confitures pour le voyage. Pas de quoi se révolter. Malgré cela, la résistance s’est organisée à l’intérieur même du ghetto et la nouvelle de son insurrection, du 19 avril au 16 mai 1943, a empli les juifs du monde entier d’une immense fierté. Tenez, le 7 octobre, on commémore la révolte du Sonderkommando d’Auschwitz-Birkenau (1944), qui permit l’évasion de quelque 200 déportés : elle suivait celle du camp de Treblinka en août. Un peu partout il y a eu somme toute des moutons enragés, et pas moins parmi les Juifs que parmi les non Juifs. Peut-être Michel Onfray devrait lire et faire lire le livre de Lucien Steinberg : Pas comme des moutons – Les Juifs contre Hitler (Les Balustres/MRN). Il ne lui en couterait que 10 euros. Nicole Mokobodzki Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide/ UJRE, Paris. ********* Mineurs de charbon à Auschwitz C’est le titre d’un livre de Christian Langeois fondé sur les témoignages de 47 déportés publiés dans le livre Jawischowitz annexe d’Auschwitz dont l’AFMA détient les droits. L’auteur dresse le portrait de plusieurs de ces déportés qui furent parmi les 6.000 venus de toute l’Europe occupée et internés à Auschwitz, choisis pour leur vigueur relative et qui travailleront dans cette mine du 15 août 1942 au 18 janvier 1945. 3.800, les plus fragiles périront sur place d’épuisement. D’autres, à bout de forces, victimes des coups des kapos, de la dénutrition, du froid, de la maladie et d’accidents seront gazés. De ces portraits, celui de Henri Krasucki, jeune juif résistant devenu mineur, celui de Henri Moschovitch dit Henri Moraud devenu Secrétaire général de l’Amicale d’Auschwitz et un de fondateurs de l’AFMA et d’autres déportés militants de la mémoire à leur retour des camps : Sam Radzinski, Roger Trugnan, Henri Hersztenzang, Max Sieradzki, Maurice Livartowski, Moïse Kranzler pour n’en citer que quelques-uns. L’auteur s’est attaché à démontrer que la question de la résistance occupe une part importante de ce travail de collecte de témoignages réalisée durant les années 1980 ajoutant que les relations, les réflexions, les conversations qu’induisent les projets de résistance, qu’elle qu’en soit la forme, ouvrent la place à des questions intellectuelles, culturelles et contribuent à maintenir une volonté de vivre supérieure au simple réflexe de survie dans ce camp dominé par la course aux biens de base. Le bilan de la résistance dans le camp de Jawischowitz est impossible à chiffrer mais le plus important, sans doute est sa valeur symbolique. Christian Langeois Mineurs de charbon à Auschwitz Editions Cherche Midi Prix : 17 euros. J.C ********* Activités Drancy La saison de témoignages dans nos locaux de Drancy 2014/2015, a débuté le 13 septembre par des adultes du Comité Randonnée Découverte et Patrimoine, ce club de marcheurs vient tous les ans aux mêmes dates. Chaque année il retrace ce qui s‘est passé 70 ans plus tôt. Le témoin ce jour-la était notre ami Claude Bloch, qui vient régulièrement de Lyon. Le deuxième groupe de ce club est venu le 25 octobre le témoin était Victor Perahia, longtemps interné à Drancy. Ce qui suit sont quelques extraits du mail de remerciement, que ne manque pas de nous envoyer leur président M. Jacques Dufour. Je tenais à vous remercier pour ce MAGNIFIQUE dernier épisode de notre Chemin de Mémoire 1940-1944 Drancy/Bobigny et pour l'extraordinaire moment d'émotion partagé grâce à notre grand témoin... Depuis cinq ans, nous n'avons jamais pu nous ''habituer'' à l'horreur et à l'indicible mais aujourd'hui, le long moment de silence des participants qui a suivi la fin de l'exposé, d'une si grande intensité émotionnelle, ne peut se traduire en mots.. À remarquer, entre autre, le collège Chabanne venu de Pontoise, 9 élèves de 3ème qui participe au concours du CNRD 2014/2015, accompagnés de leur professeur d’histoire géo. Mme Le Bihan (Chargée de mission CNRD 95 auprès de l’Inspecteur d’Académie). Ces élèves, venus le matin pour entendre le témoignage d’un enfant caché, en l’occurrence moi-même, et l’après-midi entendre un déporté André Berkover. Lucien Tinader LA LETTRE DE L’AFMA 14 Concours national de la Résistance et de la Déportation 2014-2015 Le thème : la libération des camps nazis, le retour des déportés et la découverte de l’univers concentrationnaire. Le concours (CNRD) est ouvert aux collégiens de troisième et aux lycéens en France et dans les établissements scolaires français à l’étranger. Pour participer au concours, les établissements scolaires doivent inscrire leurs candidats auprès de la direction académique des services de l’Education nationale de leur département. Un dossier pédagogique préparatoire a été publié par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. ********* Disparitions Abraham Fridman s’est éteint à l’âge de 87 ans. Membre du Conseil d’Administration de l’AFMA, il intervenait fréquemment dans les établissements scolaires de la Mayenne pour transmettre et maintenir vivante la mémoire de la Shoah. Né en 1927 à Paris de parents Polonais, il sera arrêté le 22 juillet 1944 et déporté pour Auschwitz par le dernier convoi du 31 juillet parti de Bobigny. Il sera libéré le 11 avril 1945 à Buchenwald par les Américains. Son récit : Je n’ai rien oublié est publié par l’éditeur les quatre roses. Comme il aimait le dire, chaque déporté a vécu une aventure particulière qui lui est personnelle. Le Bureau de l’AFMA s’associe à la peine de sa famille et lui présente ses condoléances attristées. Elie Sajovic nous a quittés après une longue maladie. Membre du Conservatoire Historique du Camp de Drancy, porte-drapeau de l’Amicale des anciens internés et déportés du camp de Drancy, membre du Conseil d’Administration de l’AFMA, Elie s’est éteint à l’âge de 84 ans. Durant l’occupation la famille trouva refuge en Dordogne et fut sauvée par des habitants de la commune de Couloniex-Chamiers qui reçurent la médaille des Justes. Grand observant de la Torah, il laissera un vide pour tous ceux qui l’ont connu. Le Bureau de l’AFMA présente ses condoléances attristées à sa famille. Cécile Hercberg, veuve de notre camarade Albert Hercberg est décédée le 4 octobre 2014 à l’âge de 90 ans. Elle fut toute sa vie une militante. Juive, elle rejoint la Résistance dans le 10ème arrt., ne porte pas l’étoile et rentre dans la clandestinité. Communiste, elle sera agent de liaison et secrétaire de l’adjoint d’André Tollet, président du Comité parisien de Libération à partir de juin 1943. Médaillée de la Résistance. Conseillère municipale à Bobigny. Albert qui fut interné à Drancy était un militant de la mémoire, adhérent de l’AFMA et décédé l’année passée à 89 ans. Le Bureau de l’AFMA présente ses sincères condoléances attristées à ses enfants, ses petits-enfants et arrière-petitsenfants. AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 15 16 juillet 1942 - 25 août 1944 Pour ne pas oublier 3 octobre 1940, le Statut des Juifs français promulgué et annoté de la main de Pétain définit un régime discriminatoire envers les Juifs. Législation antisémite aggravée par le second statut du 2 juin 1941. Les Juifs deviennent des citoyens de seconde zone sans aucune pression allemande et dans une indifférence de la population. 21 juin 1941, un décret signé Pétain enlève la nationalité française à mon père qui redevient polonais. Ma mère, mon frère et moi nés en France et Français par déclaration devenons apatrides. 16 juillet 1942, vers 5 heures du matin, deux policiers français frappent à notre porte et nous intiment l’ordre de nous préparer. Tandis qu’un des deux policiers monte dans un autre immeuble pour procéder à l’arrestation d’une autre famille, l’inspecteur en civil qui nous garde, cédant aux supplications de ma mère, j’avais 12 ans, me laisse m’échapper, pour mon frère âgé de 16 ans, il prétexte qu’il ne connait pas son collègue, lui-même venant d’un autre arrondissement. Jusqu’en 1944, je vais vivre, réfugié chez une tante, tant bien que mal scolarisé, contraint aux multiples interdits frappant les Juifs, échappant à deux reprise à deux rafles dans la rue, la seconde menée par des miliciens français, évitant le métro et cachant mon étoile dans la rue. 11 juillet 1944 en fin d’après-midi, la police française, vraisemblablement sur dénonciation, procède à l’arrestation de ma tante à son domicile. Déportée le 31 juillet 1944, elle sera sélectionnée et gazée à Auschwitz. Ce jour-là, au sortir du CEG où j’étais scolarisé, un camarade m’a retardé, ce qui me sauva la vie. En arrivant chez ma tante, avenue Daumesnil, la concierge m’annonça que les deux policiers m’avaient attendu et qu’ils venaient de partir. Ils savaient donc que j’habitais avec ma tante d’où le soupçon de dénonciation. N’ayant plus de domicile, j’arrache mon étoile et je rejoins Vincennes où une cousine pourrait me loger. 19 août 1944 un samedi, je quitte Vincennes pour me rendre dans le quartier de la Bastille où habite ma grand’mère. Tout le long du cours de Vincennes, c’est le désert. Point de métro par la grève déclenchée. Place des Vosges, des affichettes collées sous les arcades appellent à l’insurrection et au combat contre le Boche. Il n’est plus question que je retourne à Vincennes. La concierge de ma grand’mère me prête une chambre. Ma grand’mère qui est très pieuse, veut que je l’emmène à la synagogue rue des Lions St-Paul. Quelques pratiquants, on a pu faire un miniam (il faut dix hommes) pour que l’office ait lieu. Avant de se séparer, celui qui est responsable, Monsieur Bloom annonce que la libération est proche et que nous reverrons bientôt nos familles disparues… les Armées alliées avancent sur Paris. Il nous engage à ne pas traîner dans les rues. En sortant une voiture allemande tire une rafale sur le côté impair Bd. Henri IV sur un drapeau bleu blanc rouge. Dans le quartier, les jours suivants, on sent que la fin est proche. Je croise un copain et nous allons à la permanence FFI rue François Miron. Lui, plus âgé reçoit une grenade à manche. À la pointe Rivoli où se trouve un grand café, depuis lors disparu, on dit que c’est la Résistance polonaise qui possède des armes. Devant l’église St-Paul, une voiture allemande calcinée, probablement abandonnée par ses occupants. Rue du Petit Musc au 30 où je loge, des hommes qui se sont emparé d’un camion de la Wehrmacht en panne d’essence, chargé de bouteilles de gaz essaient en le poussant de le mettre à l’abri dans la cour. Cette nuit-là, les habitants désertent leur logement de peur que les Allemands reviennent chercher leur camion. Rue St-Antoine au croisement de la rue Castex, il est décidé d’élever une barricade à laquelle nous participons mon copain et moi. Avant qu’elle ne soit achevée, un char allemand venant de la place de la Bastille pénètre dans la rue St-Antoine, c’est la fuite, il va contourner la barricade par la chicane et devant l’impasse Guéménée fait demi-tour sans tirer alors que nous sommes réfugiés accroupis derrière un comptoir d’un commerçant. On dit que des combats se déroulent dans Paris et place de la République. Le soir du 24 août, vers 21 heures, des bruits répandus annoncent une colonne allemande venant des quais. Nous nous précipitons mon copain et moi et d’autres vers Sully Morland. En fait ce sont les chars de Leclerc qui montent vers l’Hôtel de Ville. Quelle explosion de joie ! Le 25 août, place de l’Hôtel de Ville, aux côtés d’une voiture de militaires, j’assiste à la venue du Général de Gaulle, tandis qu’une fusillade éclate venant des toits et c’est la débandade, les gens fuient, on trouve éparpillés des chaussures, des sacs à main. Les soldats répliquent dans un bruit épouvantable. Le soir même venant des immeubles, rue St-Antoine et à la Bastille, des cortèges se forment, la foule crie sa joie d’être libre. On va vite démolir la barricade Castex. Rue de la Cerisaie, une femme est tondue. C’est merveilleux de ne plus avoir peur d’être arrêté. Les jours suivants, j’aperçois le policier en uniforme venu nous arrêter et arborant la croix de Lorraine… Quelques mois après, une procédure contre la concierge de l’immeuble où habitaient mes parents, poursuivie pour vol et complicité avec l’occupant, échoue. Notre logement a été entièrement vidé. En 1945, j’irai plusieurs fois au Lutétia, montrer les photos des miens à des déportés dans le fol espoir d’avoir de leurs nouvelles. En vain, personne ne reviendra. Je deviens pupille de la Nation. Toute ma famille soit 22 personnes ont été massacrées à Auschwitz et Sobibor. Jacques Celiset Voyages du 70ème anniversaire de la libération des camps Mémorial de la Shoah 1945-2015 : 70ème anniversaire de l’entrée des troupes soviétiques à Auschwitz. Voyages de Mémoire organisés par le Mémorial de la Shoah : dimanches 25 janvier, 8 février, 15 et 22 mars 2015. Participation aux frais, 360 euros par personne. Renseignements : Contacter Valérie Ezra. Tél. 01 53 01 17 15 À Buchenwald. L’Association française Buchenwald-Dora et Kommandos organise un voyage qui se déroulera du samedi 11 au jeudi 16 avril 2015. Prix par personne au départ de Paris en autocar 650 euros. Clôture des inscriptions 12 décembre 2014. Renseignements : s’adresser à l’association, Adresse postale BP 170 75921 Paris 19 PDC. Tél : 01 42 85 44 93 ou : [email protected] À Mauthausen. Mai 2015. Quatre formules selon la durée et prix en conséquence : de 250 à 650 euros. L’Amicale réservera uniquement les vols AR depuis Paris et le prix du billet s’ajoute aux prix indiqués. Remboursement des frais de transport pour les familles de déportés morts au camp. Renseignements et inscription à l’Amicale de Mauthausen 31, bd. Saint- Germain 75005 Pari. Tél. 01 43 26 54 51 ou : [email protected] À Auschwitz-Birkenau. Avril 2015 Pèlerinage sur deux jours à l’étude. Contact : Union des Déportés d’Auschwitz (UDA). Tél. 01 49 96 48 48 ou : [email protected] Voyage du souvenir et de la mémoire en Pologne organisé par l’AFMA. Octobre 2015. 4 jours et 3 nuits. Renseignements, programme et pré-inscriptions : AFMA, 4, rue Arthur Fontaine, Cité de la Muette - 93700 Drancy. Tél. 01 48 30 56 89 ou : [email protected] LA LETTRE DE L’AFMA 15 AFMA 84 21/11/14 16:10 Page 16 Sur votre agenda CERCIL-Musée-Mémorial des enfants du Vel d’Hiv. Exposition du 30 septembre au 4 janvier 2015. Thème : Les engagés volontaires juifs dans les deux guerres (14-18 et 39-45). 45, rue du Bourdan-BlancOrléans. Du mardi au dimanche des 14h à 18h. Mardi nocturne jusqu’à 20h. Tél : 02 38 42 03 91 ou : [email protected] Exposition conçue par l’UEVACJEA. ******** Neuilly (92) Dimanche 30 novembre 2014 à 11h45 À l’appel de la Mairie, de la communauté et des FFDJF de France, hommage aux 17 enfants juifs en bas-âge raflés par la Gestapo le 25 juillet 1944 et déportés par le dernier convoi parti de Drancy le 31 juillet 1944 à Auschwitz où ils furent assassinés. Cérémonie au 67, rue Edouard Nortier à Neuilly devant la plaque commémorative que les FFDJF ont apposée en octobre 1994 qui porte l’état-civil de chacun de ces enfants et qu’ils fleurissent régulièrement. Venez nombreux. M. Fromentin maire, P. Besnaou président de la communauté et S. Klarsfeld prendront la parole. Chorale Robert et Suzanne Meyers. ******** Mémorial de la Shoah 30 novembre à 14h30 Présentation de l’ouvrage « La fille aux yeux bleus » de Isabelle Choko par l’auteure. Animé par Philippe Weyl, responsable de la collection « Témoignages de la Shoah ». Isabelle née en Pologne, enfermée à 11 ans dans le ghetto de Lodz, déportée à Auschwitz-Birkenau et transférée à Bergen-Belsen d’où elle sera libérée en 1945 par les troupes britanniques. Isabelle est co-présidente de l’AFMA. 14 décembre à 14h30 Présentation de l’ouvrage « Seule à 14 ans à Ravensbrück et Bergen-Belse » de Marie Vaislic par l’auteur. Animé par Pierre Lasry dans la collection « Témoignages de la Shoah ». Arrêtée à Toulouse en juillet 1944 sur dénonciation, déportée à Ravensbrück, transférée à Bergen-Belsen et libérée. Très affaiblie, elle survivra. Mairie de Paris 12 décembre 2014 Libération du territoire et redémarrage de la République Colloque à l’Auditorium 5, rue Lobau, organisé par l’ANFFMRF (Association Nationale des Familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance Française et de leurs Amis). Inscription obligatoire soit par tél : au 01 42 70 01 17 ou par e-mail : [email protected] ******** Courrier des lecteurs - De Florence Sarti (Lycée du Sacré Cœur à Aix). Madame, Professeur d’histoire, j’ai organisé en janvier un voyage à Paris pour deux classes de Terminale. Grâce à vous, nous avons pu rencontrer Mme Kolinka, « Ginette » comme l’appellent affectueusement mes élèves ! Ce fut un moment fort nez notre séjour à Paris. Ayant par la suite remercié Mme Kolinka, elle m’a adressé une magnifique lettre, une des plus belles qu’il m’a été donné de recevoir, touchante et si drôle ! Alors, pour tout cela, un grand merci à l’AFMA. Bien cordialement. - D’une visite à l’exposition de l’AFMA. … Je suis venu voir l’exposition de Drancy lors des Journées du Patrimoine. Je vous remercie de votre accueil chaleureux. Je ne souhaitais pas prendre vos documentations. Vous avez très bien fait d’insister : je les ai lues avec beaucoup d’intérêt et d’émotion. Je vous adresse une petite contribution pour vous aider à continuer cette admirable mission. Veuillez agréer mes respectueuses salutations. COTISATION 2014 - Appel aux adhérents Lors d’un précédent rappel, vous avez été nombreux à acquitter votre cotisation. Au seuil de cette nouvelle année, nous vous renouvelons notre appel. L’acquittement de votre cotisation est pour nous un geste de confiance afin que nous continuions notre activité de transmetteur de la Mémoire d’autant plus nécessaire que jamais, compte tenu que notre société est aujourd’hui traversée par des fléaux qu’on croyait révolus. Au grand jour, les slogans antisémites et racistes sont scandés. Pour la première fois depuis la fin de l’Occupation on entend hurler les Juifs dehors, les francs-maçons, les musulmans, les homosexuels sont également visés. Bien que ces paroles de haine soient minoritaires, elles ne sont pas sans rappeler la période des ligues factieuses de 1930. Un humoriste Dieudonné, reprenant les thèses de son mentor Alain Soral et du négationniste Faurisson, nie la Shoah etpropage un venin contestataire et antidémocratique. Il met les Juifs et les nazis sur le même plan et refuse de choisir ! Après la bestialité des meurtres commis dans une école juive à Toulouse, du quadruple meurtre au Musée juif de Bruxelles, les victimes sont assassinées pour la seule raison qu’elles sont juives, victimes de fanatiques d’un islam radical. Oui, il y a danger : banalisation des propos antisémites et xénophobes, agressions en augmentation, attaque contre des commerces tenus par des juifs. L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit puni par la loi. Comment répondre ? En utilisant la loi Gayssot qui permet de poursuivre ceux qui nient le crime contre l’humanité qu’a constituée l’anéantissement de près de 6 millions de Juifs. La prévention consiste sur le plan pédagogique à renforcer l’enseignement dans les programmes diffusés dans les établissements scolaires. Les associations de mémoire dont la nôtre ont un rôle à assumer dans la transmission de la mémoire. C’est ce rôle que votre association s’efforce d’assumer en accueillant à son exposition permanente à Drancy des élèves, collégiens et lycéens mais aussi des adultes avec la participation de témoins anciens déportés, en aidant financièrement des établissements scolaires à participer à des voyages à Auschwitz-Birkenau, en exportant notre exposition itinérante en banlieue et en province comme à Pavillons-sous-Bois en février dernier. Dans ce rôle de transmetteur de la mémoire, nous privilégions les explications historiques qui ont conduit à la Shoah. Cet enseignement que certains estiment trop important ! Aujourd’hui, les témoins sont de moins en moins nombreux. Nous devons laisser des repères pour les générations futures que cela fut. Le projet de faire du site de l’ancienne gare de Bobigny, lieu conservé de la déportation des Juifs de France progresse, votre association participe activement dans le Comité de pilotage chargé de la réalisation. L’AFMA s’est engagé à financer l’espace commémoratif le long des rails conservés, voie des déportés, symbolisé par la liste des 78 convois de la « solution finale ». Chaque convoi portera le numéro, la date et le lieu du départ, sa destination, le nombre de déportés. Ainsi, vous pouvez constater que votre association œuvre sans relâche pour la Mémoire. Nous sommes certains que vous approuvez son activité. N’hésitez pas, ne remettez pas à plus tard le règlement de votre cotisation. Pour poursuivre son action, l’AFMA a besoin de votre soutien. NB. Pour la validité des CERFA, les chèques doivent être encaissés avant le 31 décembre 2014. ✄ Pour poursuivre son action, l’AFMA a besoin de votre soutien ! D’avance merci pour votre confiance. Bien cordialement à vous. Nom : Prénom : COTISATION 2014 Profession (facultatif) : Adresse complète : Préciser bâtiment ou appartement Courriel : Membre adhérent Cotisation Adhérent : 32 € Donateur Abonnement au bulletin : 10 € Par Chèque bancaire Chèque postal Don de soutien : Soit un total de Je suis un étudiant, je verse 15 € Date Signature Bulletin Accompagné du règlement à retourner à l’AFMA - 17, rue Geoffroy l’Asnier - 75004 PARIS