No84
Novembre-Décembre
2014
La Lettre de l’AFMA bulletin trimestriel de l’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz – Loi 1901 – PARIS No243476
17, rue Geoffroy l’Asnier – 75004 PARIS – Tél. et fax : 01.48.32.07.42 – C.C.P. : 1769182 E PARIS - Site : www.afma.fr
Directeur de la publication : J. Celiset – Commission paritaire no 1212A06296 – Imprimerie SIPÉ, 91350 GRIGNY
3
ÉDITORIAL
D
ès l’année prochaine, sera commémoré le 70
ème
anniversaire de l’entrée des troupes soviétiques à
Auschwitz-Birkenau, le 27 janvier 1945 qui y trou-
veront des déportés grabataires et des malades. Camp
abandonné par les SS le 18 janvier 1945 emmenant avec eux
quelques 60.000 déportés du camp, affamés, épuisés sur les
routes verglacées, où nombreux seront assassinés. C’est ce
que l’on a appelé la Marche de la mort. Les survivants
seront internés pour la majorité à Buchenwald, lequel camp
et les autres camps tels que Bergen-Belsen, Dachau,
Mauthausen, Ravensbrück seront libérés entre février et
mai 1945 par les Russes ou les Américains ou les Anglais.
Ces libérations seront commémorées à l’appel des Amicales
de survivants et des familles qui organiseront des pèlerina-
ges sur les lieux. La découverte de l’univers concentration-
naire érigé par le nazisme nous concerne tous. Qualifié
de crime contre la paix, crime de guerre et crime contre
l’humanité comme le décrit le tribunal de Nuremberg en
jugeant et en condamnant les principaux dignitaires nazis.
À Paris sera commémorée par l’Union des Déportés
d’Auschwitz la libération d’Auschwitz. À la gare de
Bobigny d’où furent formés des convois de déportation,
c’est l’AFMA qui appelle au rassemblement pour commé-
morer la libération du camp par l’Armée soviétique pour se
souvenir et rendre hommage à toutes ces victimes innocen-
tes exterminées parce qu’elles étaient juives. Auschwitz-
Birkenau pris comme symbole du crime contre l’humanité
vu l’ampleur inégalée du nombre de victimes, 1,1 million
dont 90% de Juifs.
Au total 162.000 personnes ont été déportées de France vers
le système concentrationnaire nazi. 86.000 par mesure de
répression (résistants, opposants nazis, otages), 35.000 sont
morts dont 1.500 en chambre à gaz. 76 000 parce que nées
juives dont 11.000 enfants vers Auschwitz-Birkenau et pour
la majorité victimes des chambres à gaz de la Solution finale.
Moins de 3% sont revenus.
N’oublions pas qu’en Europe près de 6 millions de juifs
furent assassinés par les nazis. La connaissance et la
mémoire de tels événements doivent être présents en chacun
de nous. Soyons très nombreux à toutes les manifestations
en 2015. Jacques Celiset
Bobigny, une gare entre Drancy et Auschwitz
Journée Internationale de commémoration
en mémoire des victimes de la Shoah
et de prévention des crimes contre l’humanité
À partir du 18 juillet 1943, les internés du camp de Drancy sont conduits par autobus à la gare de
Bobigny devant la Halle aux marchandises au plus près des voies ferrées pour être embarqués dans
des wagons à bestiaux à destination des camps de la mort. 21 convois soit 22.407 juifs dont plus
de 3.500 enfants ou adolescents de moins de 18 ans sont déportés à Auschwitz-Birkenau, l’un des
convois pour Kaunas/Reval.
Décidée par le Comité de pilotage pour la réhabilitation et la préservation du site, la restauration
par la SNCF de la Halle des marchandises fait suite à celle du bâtiment voyageurs et constitue une
nouvelle étape pour le devenir de ce lieu de mémoire en complément du Mémorial de Drancy.
Comme le rappelle la plaque apposée le 18 juillet 2013, l’AFMA par son engagement et son travail
de mémoire, a contribué de manière décisive à la reconnaissance du rôle de la gare de Bobigny
dans la déportation des Juifs de France par l’occupant nazi avec la complicité active du gouverne-
ment de Vichy. Nous appelons nos adhérents et amis à nous rejoindre pour le :
70ème anniversaire de la libération d’Auschwitz
70ème anniversaire de la libération du camp
d’Auschwitz-Birkenau *
À l’initiative de l’Union des Déportés d’Auschwitz (UDA)
en collaboration avec la Mairie de Paris, du Mémorial
de la Shoah et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Dimanche 1er février 2015 – Hôtel de Ville de Paris
à partir de 15 heures
* Réservations individuelles
avant le 15 décembre au 01 49 96 48 48
ou par mail : [email protected]
BULLETIN D’INFORMATION DE L’ASSOCIATION FONDS MÉMOIRE D’AUSCHWITZ
LA LETTRE DE
LAFMA
Gare de la déportation
de Bobigny
Mardi 27 janvier 2015 à 10h
- Inauguration de la Halle
de marchandises restaurée
- Libération du camp d’Auschwitz
le 27 janvier 1945.
À l’occasion du 70ème anniversaire du camp, le Congrès juif mondial invite gratuitement les anciens
des camps d’Auschwitz-Birkenau aux manifestations qui se tiendront dans le camp, le 27 janvier
prochain. Prendre contact avec l’UDA qui transmettra.
Photo Serge Barthe
En avance l’AFMA présente à nos adhérents
et à leurs familles nos meilleurs vœux pour 2015
et les appelle à nous rejoindre à l’Assemblée générale
le Dimanche 22 mars 2015 au Relais Paris-Est à Paris.
SSOOMMMMAAIIRREE
• Oradour 1944-2014 ................................. p. 3 à 7
• Un député anglais à Drancy ........................ p. 8
•70
ème
anniversaire libération Auschwitz .... p. 10
• La mémoire pour ne pas oublier ....... p. 12 à 15
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LA LETTRE DE L’AFMA
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2015 - 70ème anniversaire de la libération des camps
L’année 2015 sera celle du 70ème anniversaire de la libéra-
tion des camps nazis. On commémorera la libération des
camps à commencer par celle du camp d’Auschwitz-
Birkenau le 27 janvier 1945 par l’entrée d’une avant-garde de
l’Armée rouge. Auschwitz-Birkenau pris comme symbole du
crime contre l’humanité vu l’ampleur inégalée du nombre de
victimes 1,1 million dont 90% de juifs. Mais aussi les autres
camps pour ne citer que les plus grands : Buchenwald, Bergen-
Belsen, Dachau, Mauthausen, Ravensbrück, Neuengamme,
Sachsenhausen, Flossenburg, Theresienstadt, Dora-Mittelbau,
Stutthof, Gross-Rosen, Westerborg. Natzwiller-Struthof en
France fut libéré le 23 novembre 1944.
On peut espérer une commémoration nationale à l’initiative du
gouvernement français. On peut aussi espérer une commémora-
tion nationale en Allemagne et en Pologne où se trouvaient ces
camps. Et peut-être une commémoration internationale de
l’ONU. Le Congrès juif mondial invite gratuitement les anciens
du camp d’Auschwitz-Birkenau aux manifestations qui se tien-
dront dans le camp le 27 janvier 2015. D’autres commémora-
tions et pèlerinages seront organisés à l’initiative d’amicales de
survivants de ces camps.
Ces commémorations seront l’occasion de rappeler que durant
la Seconde guerre mondiale, le régime nazi de Hitler et ses
complices des pays occupés sont responsables de millions de
victimes assassinées.
D’autre camps dit centres de mise à mort furent fermés en 1943
comme Belzec, Sobibor et Treblinka, en 1944 comme Chelmno,
ou Majdanek libéré par l’Armée rouge en juillet 1944. Existent-
ils encore des survivants de ces camps d’extermination pour
commémorer leur existence ? Citons-les :
Belzec ouvert en novembre 1941. Les exterminations par gaz
commencent le 17 mars 1942. Six chambres à gaz. 550.00 juifs
et plusieurs dizaines de milliers de Tziganes y furent assassinés.
En 1943, les cadavres furent déterrés et brûlés en plein air et le
camp fut détruit.
Sobibor ouvert en mars 1942, second camp d’extermination
dans le cadre de « l’Aktion Reinhard » Six chambres à gaz.
250.000 juifs assassinés. Fermé le 14 octobre 1943 suite à la
révolte du Sonderkommando.
Treblinka construit en 1941. Entre en activité le 23 juillet 1942
avec les premières évacuations des juifs du Ghetto de Varsovie.
Six chambres à gaz. 265.000 juifs venant du ghetto de Varsovie
sont assassinés. Nombre total des victimes environ 800.000.
Une révolte déclenchée le 2 août 1943 précède la dissolution du
camp fin août 1943.
Chelmno ouvert en décembre 1941. Des camionnettes transfor-
mées en chambres à gaz mobiles. 300.000 juifs et 5.000
Tziganes et occasionnellement des prisonniers soviétiques y
furent assassinés. Arrêt définitif fin 1944.
Majdanek ouvert en octobre 1941, camp de prisonniers trans-
formé en camp d’extermination à partir d’avril 1942. Les cham-
bres à gaz dans les baraques en bois sont remplacées par des
constructions en briques. On estime que plus de 360.000 victimes
sont mortes à Majdanek comprenant une majorité de juifs ainsi
que des polonais et des prisonniers russes. Liquidé en juillet 1944
mais pas entièrement détruit avant l’arrivée de l’Armée Rouge le
22 juillet 1944 qui découvre plusieurs centaines de survivants et
les preuves de l’extermination massive perpétrées par les nazis :
fours crématoires et monceaux de cadavres. J. Celiset
Sources : La destruction des Juifs d’Europe par Raul Hilberg
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LA LETTRE DE L’AFMA
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Alors que s’achève l’année 2014 qui fut marquée par de nombreuses commémorations
comme le débarquement du 6 juin 1944, celle du débarquement en Provence, la Libération
de Paris et d’autres qu’on pourrait citer, il en fut une peut-être moins spectaculaire et
moins médiatisée que fut la commémoration du massacre d’Oradour-sur-Glane le 10 juin
1944. Nous aurions dû y consacrer le précédent numéro mais l’abondance des textes ne
nous a pas permis de le faire. Les pages de ce numéro consacrées à ce village martyre est
une contribution à l’histoire et à la mémoire.
Oradour-sur-Glane
10 juin 1944 - 10 juin 2014
Mémoire - Histoire - Mythe
COMMÉMORATIONS 1944-2014
10 juin 1944 - une tuerie perpétrée par une unité de la 2ème SS-
Panzer-Division Das Reich.
10 juin 2014 - cérémonie commémorative du 70ème anniversaire
de ce massacre.
L'A.F.M.A. était représentée par deux membres de son Conseil
d'Administration.
Belle journée que ce mardi 10 juin lorsque nous arrivons à
Oradour-sur-Glane.
Venant de Saint-Junien, nous laissons sur notre droite le chemin
qui conduit au pont de la Glane et au village mort ; devant nous,
le nouveau bourg ; à ses pieds, le musée-Centre de la Mémoire.
Beaucoup d'animation et une ambiance conviviale dans la rue
principale « avenue du 10 juin », bordée de haies d'arbres et de
jardinières de fleurs.
1100 jjuuiinn 22001144 --le village-mémorial,
lieu de la commémoration nationale
Marche silencieuse d'une longue procession ouverte par les
enfants des écoles revêtus d'un tee-shirt blanc, suivis des porte-
drapeaux, des personnalités et de centaines de participants, qui
descend la rue principale Emile-Desourteaux : rue bordée par les
façades grises des habitations, ateliers, boutiques ; les rails de la
ligne du tramway qui reliait Saint-Junien à Limoges sont toujours
là, recouvertes de rouille. Nous passons devant la Poste, la station
des tramways, la mairie-école des garçons, l'hôtel Avril, l'école
des filles. Au bas de la rue, une petite place de marché face à
l'église romane ; quelques marches et nous pénétrons dans la nef ;
sur les murs, l'impact des balles. Nous remontons jusqu'au champ
de foire et nous dirigeons vers l'Esplanade du Mémorial où
s'achève la procession, où va se dérouler la deuxième partie de la
cérémonie.
Bureau de Poste
Une marche qui m'étreint d'émotion et de tristesse. Même si la
verdure a remplacé les gravats dans les espaces intérieurs fermés
par des barrières de bois, même si les ruines sont régulièrement
restaurées et consolidées, elles gardent une forte puissance évoca-
trice car le parcours, même artificialisé, est semé de repères :
- les plaques apposées sur les façades éventrées mentionnent la
profession et le nom de ceux qui vivaient là :
quincaillerie L. Milord (chez Léontine)
feuillardier M. Senon
café-coiffeur L. Molieras (chez Lucien)
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LA LETTRE DE L’AFMA
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- dans les cinq lieux où furent abattus les groupes d'hommes, une
même plaque évoque la scène du carnage.
et de symboles :
- la carcasse de la voiture dite « voiture du docteur Jacques
Desourteaux » sur le champ de foire,
- les débris de la poussette au pied de la poussette au pied de
l'autel
Un village figé au soir du 10 juin 1944
10 juin 1944 mort d'un village
Un gros bourg de 330 habitants en bordure de la Glane, 1.244
dans les hameaux et lieux-dits des environs, auxquels s'ajoutent
quelques 500 réfugiés : républicains espagnols, Italiens, juifs
d'Europe centrale, évacués ou expulsés d'Alsace et de Moselle en
grand nombre dont les enfants étaient scolarisés dans l'école des
Lorrains, créée pour eux.
Les quelques survivants ont raconté :
Ils se croyaient en sécurité, ce samedi 10 juin ; les enfants à
l'école en attente de visite médicale.
- 14h la colonne de 150 à 200 Waffen-SS avec camions et véhicu-
les blindés traverse le pont de la Glane et remonte la rue princi-
pale. Le bourg encerclé, l'irruption des SS dans les maisons, la
population amassée sur le champ de foire, rejointe par les enfants
des écoles et leurs instituteurs ; les véhicules qui patrouillent
dans les fermes et les champs, ramenant les hommes ; l'arrivée
du docteur Jacques Desourteaux qui a terminé sa tournée.
- 15h la séparation en deux groupes :
à droite, femmes et enfants, conduits dans l'église.
L’église
à gauche, les hommes répartis en cinq groupes dirigés vers cinq
lieux clos :
le chai Denis, la remise Beaulieu, le garage Desourteaux, les
granges Milord et Laudy.
- 16h massacre des hommes ; au signal, crépitement des mitrail-
leuses ; les blessés achevés, les corps recouverts de paille et de
bois, brûlés.
- 17h massacre des femmes et des enfants ; explosifs libérant un
gaz asphyxiant, tir des mitrailleuses, le bûcher allumé, l'église et
ses occupants abandonnés aux flammes.
Pillage et incendie.
18h cité des morts 642 victimes dont près de 200 enfants ; une
cinquantaine de corps identifiés
- six rescapés : une femme dans l'église cinq hommes dans la
grange Laudy, quelques hommes dissimulés dans le bourg et un
jeune Lorrain de 8 ans qui s'est enfui de l'école ont échappé à la
tuerie.
Intérieur de l’église
Le lendemain, retour d'une partie du détachement pour effacer les
traces du crime.
La construction du mythe
La visite du Général De Gaulle, Chef du Gouvernement
Provisoire de la République Française, le 4 mars 1945, consacre
la vision d'une communauté paisible, innocente victime de la
barbarie nazie.
Oradour-sur-Glane est le symbole des malheurs de la patrie. Il
convient d'en conserver le souvenir, car il ne faut plus jamais
qu'un pareil malheur se reproduise.
Félix Gouin, qui lui succède à la tête du GPRF, signe la loi du 10
mai 1946 relative à la conservation des ruines classées monument
historique et à la construction du nouveau bourg.
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EN 1945-46, l'heure est à la réconciliation nationale. La recons-
truction des institutions républicaines est la priorité. Aussi l'État
fait de Oradour le symbole de la souffrance du pays pendant les
années d'occupation : quelque fut leur choix, collaboration ou
résistance, tous les Français furent en danger pendant la guerre.
L'anéantissement de la communauté villageoise, innocente de
toute activité de résistance, sa rapidité, et l'existence de ruines,
condamnation silencieuse de la barbarie, alimentent la thèse du
massacre « absurde » de victimes honorées comme des « mar-
tyrs », non en raison de leur foi mais en raison de leur apparte-
nance nationale.
Le mythe est né.
Une mémoire équivoque
L'État fait d'Oradour-sur-Glane un haut lieu de la mémoire
nationale pour la Seconde Guerre Mondiale, mais détaché de
son contexte historique. Cependant sont au cœur de la tragédie
la Résistance et la stratégie allemande.
1944 Le monde entre dans sa cinquième année de guerre.
Du côté allemand, le reflux inexorable entamé avec la défaite de
Stalingrad (2 février 1943) se confirme sur le front de l'Est :
perte du Caucase puis de l'Ukraine.
Du côté allié se prépare le débarquement à l'Ouest décidé à la
Conférence de Québec (août 1943).
La Résistance intérieure se renforce : les réfractaires au S.T.O
viennent grossir ses rangs et les formations militaires de ses dif-
férents mouvements se regroupent dans les Forces Françaises de
l'Intérieur, créées par l'ordonnance du Comité Français de
Libération Nationale le 1er vrier 1944 ; elles sont placées sous
le commandement du Comité d'Action Militaire (COMAC) du
CNR qui leur donne pour mission l'action insurrectionnelle :
Attaquez l'envahisseur où vous le trouvez ! Harcelez ses troupes !
Tendez des embuscades à ses convois ! Faites dérailler ses
trains ! Faites couler ses péniches ! Coupez ses lignes de com-
munication ! Armez-vous à ses dépens ! Exterminez les traîtres,
agents de la Gestapo, miliciens assassins (…) ! Frappez, frap-
pez, frappez par tous les moyens les bourreaux de notre peuple !
(ordre du jour du COMAC-22 mai 1944 cité dans Le Patriote
Résistant – n°881 déc.2013 –).
Radicalisation de la répression
Face à la montée en puissance des maquis et dans la perspective
de plus en plus probable d'un débarquement en France, toutes
les unités de la Wehrmacht et de la Waffen-SS sont mobilisées
pour la surveillance des populations et le contrôle du territoire
avec la collaboration active des équipes de la Sipo-SD (police de
sécurité) et des forces armées du gouvernement de Vichy :
Groupes mobiles de réserves (GMR) et Francs-gardes de la
Milice.
Conscient que les maquis ne survivraient pas sans la complicité
des populations locales qui leur fournissent ravitaillement et
silence protecteur, le Commandant en chef des forces à l'Ouest
donne l'ordre aux commandants d'unités de riposter à toute atta-
que de leur propre initiative et par tous les moyens : prises d'ota-
ges, exécutions, destructions des habitations. Cette directive du
3 février 1944, dite « décret Sperrle », légalise la violence des
représailles à l'encontre des résistants et des civils sans mettre
fin à l'activité des maquis.
Un enjeu majeur, la lutte contre la Résistance.
À partir de mai, les rapports alarmistes envoyés par la Sipo/SD
des régions de Toulouse et de Limoges sur l'activité des maquis
insistent sur la nécessité de reprendre le contrôle de l'espace entre
Dordogne et Alpes ; en effet, dans l'attente d'un débarquement
qui se ferait au Sud ou à l'Ouest, cet espace, traversé par les voies
de communications reliant l'Atlantique à la Méditerranée occupe
une position-clé dans le dispositif militaire tant pour les forces
alliées : isoler une partie des troupes allemandes, que pour les
forces d'occupation : assurer la mobilité de leurs troupes.
6 juin l'incapacité des Allemands à rejeter immédiatement les
Anglo-Américains à la mer bouleverse la donne. L'évolution de
la situation dans le Massif Central inquiète l'état-major de la
Wehrmacht : les premiers soulèvements ont éclaté dans les
régions de Clermont-Ferrand et de Limoges et le risque est
grand de voir s'y créer une enclave communiste étant donné la
puissance des groupes de résistance FTP. De plus, la menace sur
les communications met en danger les troupes allemandes : iso-
lement des unités au Sud, insurrection des villes du Midi qui
pourrait aboutir à leur libération.
Dans ces circonstances, la lutte contre ces groupes de résistance
qualifiés de « terroristes » devient un enjeu majeur ; pour le
maréchal Von Rundstedt, Commandant en chef des forces à
l'Ouest, la seule solution qui s'impose est une opération mili-
taire de grande ampleur.
La 2ème SS-Panzer-Division, patronyme Das Reich, cantonnée
dans la vallée de la Garonne, est incluse dans le dispositif.
Issue de la SS-Verfügungstruppe (troupe SS à disposition SS-
VT) garde prétorienne du régime créée en mars 1933, constituée
en division en 1939 : SS-Verfügungs-Division, puis transformée
en division blindée, elle est avec la division Totenkopf, la plus
ancienne formation de la branche armée SS. Elle est à la pointe
de l'offensive allemande en 1939-1941 ; engagée dans l'invasion
de l'URSS, après une première campagne de 10 mois en direc-
tion de Smolensk et de Moscou, elle est mise en repos en France
(printemps-décembre 1942) où elle participe à l'invasion de la
zone Sud ; de retour sur le front russe en janvier 1943, elle com-
bat en Ukraine et participe à la reprise éphémère de Kharkov
(mars-août) avant d'être refoulée par la contre-attaque russe.
Très éprouvée, elle est transférée en France, dans la région de
Bordeaux, partiellement en février 1944, puis totalement en
avril, pour se reconstituer en hommes et en matériel.
Une formation expérimentée mais éprouvée, qui a l'aura de
la troupe de choc.
Formation ancienne, elle était constituée d'Allemands nationaux
volontaires levés dans les classes d'âge mobilisables suivant les
critères de sélection physiques, raciaux et idéologiques définis
par le Reichsfürher SS Himmler. Elle se renouvelle avec de jeu-
nes recrues de 17-18 ans, pour l'essentiel des volksdeutsche
Allemands de race ») enrôlés de force et volontaires issus de
l'Europe occupée et de l'Alsace-Moselle, peu motivés pour se
battre ; ils sont formés au camp de Souges, près de Bordeaux et
incorporés dans les deux régiments de grenadiers Deutschland
et Der Führer.
Leurs officiers, incarnation de l'Ordre noir, orientent l'instruc-
tion à la lumière de leur propre expérience combattante acquise
dans la guerre contre les partisans en Yougoslavie (mars-avril
1941) puis dans la guerre livrée à l'Est, conçue comme une
guerre d'anéantissement : en Pologne, en URSS en 1941 avec le
rattachement de la division à l'Einsatzgruppen B dépendant du
général SS von dem Bach-Zelewski, en 1944 avec la reprise de
Kharkov qui toune au massacre suivi de pendaisons aux
balcons, pillage et destruction des habitations.
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