Master Physiopathologie Cellulaire et Moléculaire Option Cancérologie ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES Eric GUERIN Laboratoire de Biochimie et de Biologie Moléculaire - Hôpital de Hautepierre EA 4438 Physiopathologie et Médecine Translationnelle - UdS Marqueurs Moléculaires de Progression Tumorale et de Sensibilisation aux Drogues Anticancéreuses Les mécanismes d’adhérence et d’interaction cellulaire Structures jonctionnelles organisées visualisables au ME Interactions entre molécules d’adhésion formant des contacts dynamiques sans structure organisée visible ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES I – ADHERENCES JONCTIONNELLES A – Adhésions cellule – cellule 1°) Jonctions communicantes (gap junctions) 2°) Jonctions serrées (thight junctions) 3°) Jonctions adhérentes cadhérines 4°) Desmosomes B – Adhésions cellule – matrice extracellulaire 1°) Adhésions focales 2°) Hemidesmosomes intégrines II – ADHERENCES NON JONCTIONNELLES A – Ig-CAMs B – Sélectines Les jonctions communicantes (gap junctions) Canal intercellulaire formé de l’assemblage de 2 connexons Plaques membranaires de +/- grande taille Espace intercellulaire « gap » Passage de petites molécules ions, sucres, ATP neurotransmetteurs Les jonctions communicantes (gap junctions) Rôle physiologique : Couplage électrique des cellules : synchronisation des contractions du muscle cardiaque des cellules musculaires lisses de l’intestin Couplage métabolique des cellules : coordination des activités de cellules individuelles au sein d’un tissu aplanissement les fluctuations de la concentration en molécules informatives d’une cellule à l’autre Dans les cancers : Réduction ou perte des jonctions communicantes Favoriserait la survie des cellules tumorales Suppression de la propagation de signaux informatifs de la mort cellulaire (entrée massive Na+ ou Ca2+) La réintroduction (par transfection) de l’expression des connexines ralentit la croissance tumorale in vitro et in vivo Cancer Modification des connexines Cancer de l'estomac Perte d'expression de la Cx32 Cancer de la prostate Perte d'expression de la Cx43 Cancer du poumon Réduction de l'expression de Cx32 et Cx43 Cancer du sein Réduction de l'expression de Cx26 et Cx43 Cancer cutané Réduction de l'expression de Cx43 Relocalisation cytoplasmique de la Cx43 Cancer du foie Réduction de l'expression de Cx32 Relocalisation cytoplasmique de la Cx32 ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES I – ADHERENCES JONCTIONNELLES A – Adhésions cellule – cellule 1°) Jonctions communicantes (gap junctions) 2°) Jonctions serrées (thight junctions) 3°) Jonctions adhérentes cadhérines 4°) Desmosomes B – Adhésions cellule – matrice extracellulaire 1°) Adhésions focales 2°) Hemidesmosomes intégrines II – ADHERENCES NON JONCTIONNELLES A – Ig-CAMs B – Sélectines Les jonctions serrées = jonctions occlusives (zonula occludens, thight junctions) Jonctions étanches sans espace entre 2 membranes Ceinture continue au pôle apical des cellules Réseau de chaînes de protéines transmembranaires (Claudines, Occludines) qui interagissent avec leurs partenaires appartenant à la cellule voisine Sur la face cytoplasmique Protéines ZO Connexion avec le cytosquelette d’actine Les jonctions serrées = jonctions occlusives (zonula occludens, thight junctions) Formation et maintien des barrières tissulaires entre différents compartiments Contrôle du transport para-cellulaire de petits solutés (ions, AA, monosaccharides) Perméabilité variable en fonction de : - la nature des claudines - le nombre et la densité des alignements (contrôle dynamique par la cellule) Les jonctions serrées = jonctions occlusives (zonula occludens, thight junctions) Maintien de la polarité cellulaire Blocage de la diffusion latérale de protéines membranaires entre les domaines apicaux et basolatéraux Altération des jonctions serrées dans les cancers Désorganisation des jonctions serrées perte de la polarité cellulaire diminution de la différenciation cellulaire + grande diffusion des nutriments et autres facteurs nécessaires à la survie ? Mécanismes exacts encore mal compris altération des protéines de la jonction serrée ? ( ou de l’expression des claudines, ZO) secondaire à l’altération des jonctions adhérentes ? ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES I – ADHERENCES JONCTIONNELLES A – Adhésions cellule – cellule 1°) Jonctions communicantes (gap junctions) 2°) Jonctions serrées (thight junctions) 3°) Jonctions adhérentes cadhérines 4°) Desmosomes B – Adhésions cellule – matrice extracellulaire 1°) Adhésions focales 2°) Hemidesmosomes intégrines II – ADHERENCES NON JONCTIONNELLES A – Ig-CAMs B – Sélectines Les jonctions adhérentes (zonula adherens, adherent junctions) Ceinture d’adhérence près de la surface apicale des cellules Interaction homophilique (entre cadhérine de même type) Interaction Ca2+ dépendante Adhésion médiée par les CADHERINES E-cadhérine : cellules épithéliales N-cadhérine : cellules neuronales, musculaires, fibroblastes P-cadhérine : cellules placentaires, embryonnaires Les jonctions adhérentes (zonula adherens, adherent junctions) Connexion des jonctions adhérentes à cadhérines au réseau des microfilaments d’actine via les caténines Réduction de l’expression de la E-cadhérine et Transition Epithélio-Mésenchymateuse Transition Epithélio-Mésenchymateuse (EMT) Perte de la polarité cellulaire Acquisition d’un phénotype migratoire et invasif La réduction de l’expression de la E-cadhérine est un élément essentiel de la progression tumorale - corrélation inverse entre les niveaux de E-cadhérine et le grade des tumeurs - réexpresion forcée de la E-cadhérine réverse le phénotype tumoral (modèle transgénique de tumorigenèse) Mécanismes impliqués dans la réduction de l’expression ou la perte de fonction de la E-cadhérine Modifications au niveau du gène E-cadhérine Mutations du gène de la E-cadhérine (cancer diffus de l’estomac, cancer du sein, …) Expression d’une cadhérine non fonctionnelle Répression transcriptionnelle Hyperméthylation du promoteur extinction de l’expression du gène E-cadhérine Mécanismes impliqués dans la réduction de l’expression ou la perte de fonction de la E-cadhérine Modifications au niveau de la protéine E-cadhérine Clivage extracellulaire de la E-cadhérine par les MMPs (métalloprotéases matricielles) Phosphorylation intracellulaire de E-cadhérine, β ou γ caténine, p120 caténine Récepteur à activité TK (c-MET, EGF-R, FGF-R) Tyrosine Kinase Src souvent suractivés dans les cancers Dissociation du complexe d’adhésion cytoplasmique impliquant les caténines Reconnaissance de la E-cadhérine phosphorylée une ubiquitine ligase Endocytose et dégradation de la E-cadhérine par le protéasome Conséquences de la réduction de l’expression de la E-cadhérine Accumulation intra-cytoplasmique de β-caténine libre Activation de la transcription de gènes cibles (c-Myc, cycline D1, MMP-7, ...) dans les cellules tumorales ayant APC (ou axine) muté Favorise la prolifération et l’invasion tumorale Conséquences de la réduction de l’expression de la E-cadhérine Accumulation intra-cytoplasmique de p120-caténine libre Activation des Rho GTPases Rac1 et Cdc42 via le facteur d’échange GEF Vav2 Inhibition de la Rho GTPase RhoA au front de migration Favorise la migration et l’invasion cellulaire Le switch des cadhérines au cours de la progression tumorale Perte d’expression de la E-cadhérine épithéliale Favorise la migration et l’invasion cellulaire Établissement de nouvelles interactions entre les cellules cancéreuses et les fibroblastes, myofibroblastes, cellules endothéliales du stroma exprimant la N-cadhérine Expression de novo de la N-cadhérine mésenchymateuse Le switch des cadhérines au cours de la progression tumorale Perte d’expression de la E-cadhérine épithéliale Expression de novo de la N-cadhérine mésenchymateuse Favorise la survie cellulaire Interaction et Coopération entre N-cadhérine et FGF-R Favorise la liaison de FGF2 au récepteur Inhibe l’internalisation de FGF-R Activation des voies MAPK, PLCγ, PI3K prolifération cellulaire Down-régulation de facteurs proapoptotiques (Bad) inhibition de la mort cellulaire ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES I – ADHERENCES JONCTIONNELLES A – Adhésions cellule – cellule 1°) Jonctions communicantes (gap junctions) 2°) Jonctions serrées (thight junctions) 3°) Jonctions adhérentes cadhérines 4°) Desmosomes B – Adhésions cellule – matrice extracellulaire 1°) Adhésions focales 2°) Hemidesmosomes intégrines II – ADHERENCES NON JONCTIONNELLES A – Ig-CAMs B – Sélectines Les desmosomes Rivets intercellulaires Adhésion médiée par cadhérines desmosomiques spécifiques (desmogléines 1 à 4, desmocollines 1 à 3) Reliés au réseau des filaments intermédiaires (kératine, …) via une plaque cytoplasmique dense constituée de protéines d’ancrage (plakoglobine, desmoplakine) Rôle dans les cancers encore mal connu (réduction de l’expression de certains composants observée dans quelques cancers) ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES I – ADHERENCES JONCTIONNELLES A – Adhésions cellule – cellule 1°) Jonctions communicantes (gap junctions) 2°) Jonctions serrées (thight junctions) 3°) Jonctions adhérentes cadhérines 4°) Desmosomes B – Adhésions cellule – matrice extracellulaire 1°) Adhésions focales 2°) Hemidesmosomes intégrines II – ADHERENCES NON JONCTIONNELLES A – Ig-CAMs B – Sélectines Les intégrines Hétérodimères transmembranaires Association non covalente d’une chaine α et d’une chaine β Adhésion cations divalents dépendante à des composés de la MEC et à d’autres molécules d’adhésion cellulaire Les intégrines α-actinine vinculine taline Intégrines Intégrines Intégrines et signalisation Pour interagir avec les composés de la MEC, les intégrines doivent être activées de façon à acquérir une conformation adéquate du domaine extracellulaire Inside-out signaling Processus d’activation des intégrines en réponse à des signaux intracellulaires Le plus souvent induits par coopération avec certains récepteurs membranaires activés Outside-in signaling Activation intracellulaire de voies de signalisation impliquées dans la prolifération la survie la migration l’invasion Recrutement et activation de FAK (Focal Adhesion Kinase) Intégrines et cancer Les modifications de l’expression des intégrines dans les cancers sont complexes et variables selon le tissu d’origine de la tumeur, le type histologique ou le stade de progression du cancer D’une façon générale, on observe : 1°) une perte d’expression des intégrines impliquées dans l’adhésion à la lame basale et au maintien des cellules à l’état quiescent Exemple : perte d’expression des intégrines α2β1 ou α3β1 Récepteurs pour le collagène et la laminine Activateurs de la p38 MAPK (impliquée dans l’arrêt du cycle cellulaire) Favorise le détachement des cellules de la lame basale Favorise la prolifération cellulaire Intégrines et cancer 2°) un maintien voire une augmentation de l’expression des intégrines impliquées dans la prolifération et la survie des cellules tumorales la migration et l’invasion des cellules tumorales Exemple : surexpression des intégrines α6β4 ou αvβ3 Stimulation de la prolifération cellulaire Coopération des intégrines avec les récepteurs TK surexprimés ou hyperactifs dans les cancers α6β4 coopère avec la signalisation des récepteurs EGF-R, ErbB2, c-MET via le recrutement de FAK, Src et l’activation de voies de signalisation communes (MAPK, PI3K) effet synergique sur la prolifération des cellules tumorales Intégrines et cancer Stimulation de la survie cellulaire Résistance des cellules tumorales à l’anoïkis (mort cellulaire liée au détachement des cellules de la MEC) Stimulation des voies de signalisation MAPK et PI3K par les intégrines et FAK Induction de l’expression de protéines anti-apototiques de la famille BCL2 (BCL-XL, BCL2) Favorise la survie des cellules tumorales en dehors de leur compartiment d’origine Stimulation de la migration cellulaire Via l’activation de multiples effecteurs en aval de FAK FAK Activation de la voie MAPK Activation de Rac et Cdc42 Polymérisation des microfilaments d’actine Formation des lamellipodes et filopodes au front de migration Activation de la kinase JNK Phosphorylation de la paxilline Détachement des adhésions focales Phosphorylation et activation de la kinase de la chaine légère de la myosine (MLCK) Contraction des fibres d’actomyosine Propulsion cellulaire Intégrines et cancer Stimulation de l’invasion cellulaire Via le recrutement et l’activation de MMPs et de protéases extracellulaires Dégradation focalisée de la MEC au front d’invasion Exposition de sites pro-migratoires par clivage de certains composés de la MEC (collagène de type IV, chaine γ2 de la laminine 5) uPA = activateur du plasminogène de type urokinase Intégrines = cibles thérapeutiques potentielles Peptides cycliques RGD inhibiteurs de αvβ3 ou αvβ5 (Cilengidite) Ac monoclonaux humanisés anti-αvβ3 en cours d’évaluation clinique ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES I – ADHERENCES JONCTIONNELLES A – Adhésions cellule – cellule 1°) Jonctions communicantes (gap junctions) 2°) Jonctions serrées (thight junctions) 3°) Jonctions adhérentes cadhérines 4°) Desmosomes B – Adhésions cellule – matrice extracellulaire 1°) Adhésions focales 2°) Hemidesmosomes intégrines II – ADHERENCES NON JONCTIONNELLES A – Ig-CAMs B – Sélectines Les Ig-CAM Molécules d’Adhésion Cellulaire (CAM) de la superfamille des Immunoglobulines (Ig) Caractérisées par un ou plusieurs domaines de type Ig (boucle de séquence presque constante fermée par un pont disulfure) Associées à plusieurs jonctions intercellulaires (jonction serrées, jonctions adhérentes) Participent également aux phénomènes d’adhérence non jonctionnels NCAM (Neural Cell Adhesion Molecule) 3 isoformes de PM différents (180, 140, et 120kDa) Initialement mise en évidence dans les cellules de type neuronal (bourgeonnement des dendrites, croissance des axones, …) Mécanisme d’adhésion homophile Ca2+ indépendant par interaction des domaines Ig entre eux Surexpression dans les neuroblastomes et certaines tumeurs neuroendocrines (cancer du poumon à petites cellules) Marqueur de typage de ces cancers Corrélation avec la progression tumorale NCAM (Neural Cell Adhesion Molecule) Egalement exprimée dans d’autres types cellulaires, dont les cellules épithéliales Dans les carcinomes du colon, du pancréas : expression fortement réduite, corrélée à un mauvais pronostic Dans des modèles transgéniques de tumorigenèse pancréatique, la perte de NCAM induit une dissémination métastatique au niveau ganglionnaire DCC (Deleted in Colon Cancer) Identifié à l’origine comme un gène suppresseur de tumeur en raison de sa fréquente délétion dans les cancers colorectaux et pancréatiques (un des gènes cibles des délétions observées en 18q) DCC induit l’apoptose dans différentes lignées cellulaires cancéreuses Sa sur-expression dans des lignées cellulaires cancéreuses réduit leur tumorigénicité ADHERENCES ET INTERACTIONS CELLULAIRES I – ADHERENCES JONCTIONNELLES A – Adhésions cellule – cellule 1°) Jonctions communicantes (gap junctions) 2°) Jonctions serrées (thight junctions) 3°) Jonctions adhérentes cadhérines 4°) Desmosomes B – Adhésions cellule – matrice extracellulaire 1°) Adhésions focales 2°) Hemidesmosomes intégrines II – ADHERENCES NON JONCTIONNELLES A – Ig-CAMs B – Sélectines Les sélectines Reconnaissance (via un domaine lectine) de sucres complexes exprimés à la surface cellulaire Interaction transitoire dans le flux sanguin 3 types de sélectines (E, P et L), d’expression inductible ou constitutive sialyl Lea sialyl Lex Sucres complexes Les sélectines Interviennent dans la diapédèse des leucocytes au niveau des sites inflammatoires Interaction avec les sucres complexes exprimés sur les leucocytes Activation des intégrines leucocytaires à chaîne β2 (inside-out signaling) Expression de E-sélectine induite au niveau de l’endothélium inflammatoire Interaction avec les ICAM exprimés par les cellules endothéliales Sélectines et cancer La sélectine E intervient dans l’adhésion des cellules tumorales à l’endothélium extravasation Expression de la E-selectin induite sur l’endothélium via des facteurs solubles pro-inflammatoires (IL1α, IL1β) dont certains peuvent être sécrétés par les cellules tumorales Expression de la E-selectin est corrélée à un mauvais pronostic évolutif chez les patients dont les cellules cancéreuses expriment le ligand correspondant (sialyl Le x/a) Conclusions Chaque cellule d’un tissu présente un assortiment et une concentration spécifique de molécules d’adhésion qui lui permet de se fixer sur les cellules voisines ou sur la MEC Il existe différents mécanismes moléculaires d’adhésion dont certains impliquent des jonctions cellulaires organisées Nom Fonction Jonction serrée Scelle les cellules voisines entre elles en un feuillet épithélial qui empêche la fuite de molécules entre elles Jonction adhérente Réunit un faisceau d’actine d’une cellule à un faisceau similaire d’une cellule voisine Desmosome Réunit les filaments intermédiaires d’une cellule à ceux de la cellule voisine Jonction communicante Permet le passage de petits ions et molécules hydrosolubles Hémidesmosome Ancre les filaments intermédiaires d’une cellule à la lame basale Les cellules peuvent également adhérer entre elles ou avec la MEC grâce à des contacts non jonctionnels, plus dynamiques Conclusions L’ensemble des contacts adhésifs entre cellules joue un rôle crucial dans l’organisation et la formation des tissus au cours de l’embryogenèse ou de la réparation tissulaire Ces contacts adhésifs nécessitent d’être largement remaniés au cours du développement tumoral Les molécules d’adhésion cellulaire ne servent pas uniquement à assurer les contacts cellule-cellule ou cellule-matrice Elles sont largement impliquées dans la génération de signaux intracellulaires qui modifient le comportement des cellules coopération avec les voies de signalisation issues des récepteurs membranaires