Revue belge de numismatique et de sigillographie

publicité
REVUE
NUMISMATIQUE
BELGE
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA SOCIÉTÉ NUMISMATIQUE,
PAR MM.
R.
CHALON ET CH. PIOT.
3 e SÉRIE.
—
TOME
.
IV.
BRUXELLES,
LIBRAIRIE POLYTECHNIQUE BELGE D'AUG. DECO,
9
,
RUE DE LA MADELEINE.
1860
.
—
229
—
NUMISMATIQUE GAULOISE.
A MM. les Directeurs
de la Revue de la numismatique belge.
Messieurs,
La Revue numismatique française, dans son 3 e
p.
165, vient de publier une
Longpérier sur
lettre
deM.de Saulcyà M. de
numismatique gauloise. Le premier de
la
deux savants propose au second, en
ces
MM.
Birch
et
John Evans, numismates
bution tout à
Toutefois,
donne de
fait
même
temps qu'à
anglais,
une
cette
même
origine bretonne et
il
attri-
nouvelle d'une médaille déjà connue.
ne paraît pas très-sûr de l'explication
il
Lelewel, et
cahier,
médaille, mais
il
pense qu'elle a une
non pas ardennaise, comme
demande
qu'il
le croit
à ces Messieurs la solution de cet
intéressant problème numismatique. Avant
que
les
juges
prononcent, permettez-moi de présenter quelques éléments
me
qui
semblent devoir jeter un assez grand jour sur
la
question, bien qu'ils soient loin de confirmer l'appréciation
de M. de Saulcy.
«
Lelewel, dit
.
M. de Saulcy,
a gravé dans son bel atlas
«
des monnaies gauloises, une médaille unique jusqu'alors
«
et
dont je
3« Sérif.
lui avais
— Tome
it.
envoyé une bonne empreinte, parce
*
16
—
250
—
«
qu'elle faisait et fait encore partie de la collection
«!
matique de
«
laquelle on voit, au revers d'un sanglier vigoureusement
«
dessiné,
«
les
«
tiques, tu
«
a
«
-
«
une
mots
ARTVE. COMIN.
:
et
le
souvenir
VIR., mots
Après avoir
ainsi implicitement
de vue, en
la
il
MM.
Birch
(Lele-
signifierait
repoussé l'interprétation
M. de Saulcy
,
explique,
le
mot Comin
devrait se lire
COMMU Nepos, c'est-à-dire petitARTVE
VIR,
et
il
laisse
deviner à ses savants confrères d'Angleterre,
les
Evans. Toutefois,
et
sans doute un
de l'Ardenne
rattachant à la Bretagne, la pièce
de Commius. Quant aux mots
de
énigma-
fort
»
qui nous occupe. Selon lui,
le soin
et offrant
dune première commune.
vraiment inacceptable de Lelewel
et
champ
p. 337). J'avoue que cette explication
ne m'a jamais séduit.
fils
pièce de cuivre sur
cette pièce pouvait être
Type gaulois,
GOMI.N.
numis-
en conviendras. Lelewel en désespoir de cause
rappeler
à son point
la
inscription tracée dans le
soupçonné que
wel,
de Metz. C'est
la ville
nom
propre
mot Vir peut cacher
Commius, ou un
le
titre
tel
nom
ajoute
il
qu'ARTVE
qu'Artur ou Artus
de Vericus,
fils
et
est
que
le
immédiat de
honorifique quelconque analogue au
Vergobretus du confinent,
ou enfin un
nouveau
nom
propre.
Cette explication, on le voit, a
de Lelewel, c'est-à-dire que ce
taines lettres,
lant certains
incomplet
«
«
Quoi
et,
le
n'est
ou en en supprimant
mots qu'on arrive
il
qu'il
même
à
soit,
qu'en changeant cer-
d'autres,
un
faut bien le dire, fort
en
défaut que celle
ou en morce-
résultat encore très-
peu
satisfaisant.
ajoute encore l'auteur, je persiste à
croire à l'origine bretonne de la pièce en question, tout
—
en ne tenant pas
«
« je
moins du monde à
le
propose faute de mieux,
et
et
«
blême numismatique.
Certes, Messieurs,
amateur obscur
et
un
d'entrer dans
cette médaille,
la
juge peu compétent en cette matière,
M.
je n'étais depuis plus
si
beaucoup plus complet que ceux qui ont
si
par suite je ne trouvais dans
pièce des arguments qui ont
me
ma
manqué
à
l'état
MM. Le-
paraissent décisifs, et
de plus quelques autorités graves
je n'avais
en
de
Rollin, possesseur d'un exemplaire
lewel et de Saulcy, arguments qui
si
Birch
cet intéressant pro-
y aurait eu quelque témérité à moi,
il
été publiés jusqu'ici,
même de
MM.
que
»
pareil débat,
vingt ans et grâce à
l'explication
en attendant que
John Evans trouvent la solution de
«
de
—
231
à
invoquer
faveur.
Décrivons d'abord bien exactement cet exemplaire, dont
un
dessin est joint à
D'un
trait
un
côté,
Au
:
lettre.
sanglier courant à droite et percé d'un
ou javelot vers
à l'exergue
ma
la
nuque; dessous
et
dans
le
champ
:
S;
PAE.
revers, en haut
culum, puis sur
:
lituus
ou bâton augurai
dans
trois lignes
champ,
le
et
prœferi-
ces mots
:
«
ARTVE
L.
COM1N
C.
ïï
La pièce
est
VIR
de bronze, module 4, à l'échelle de Mionnet.
Je soutiens qu'elle appartient à
Lucanie, et voici
longtemps fondé
D'abord,
les raisons
la ville
de Paestum, en
sur lesquelles
j'ai
depuis bien
cette opinion.
le sanglier
percé d'un
trait
est
un type
tout à
—
romain
fait
—
252
J'en cite pour preuve les deniers
et italique.
d'argent des familles consulaires
principalement ceux de
Hosidia, mais
et
seconde, qui offrent une complète
la
que
similitude. Je doute
Durmia
:
cet
emblème
pièces bretonnes. Notons de plus
que
le
se retrouve sur les
sanglier ou la par-
antérieure d'un sanglier sont des emblèmes propres et
tie
ordinaires à la ville de Paestum. (Voir en preuve Mibnnet,
le
catalogue Welzl de Wellenheim, aux
Manuel
sède
second
marque
marquait
à
et
aux Romains. Cette
le
monde
du temps de
indiquant
le
la
le
mon
les
la
est
en
effet,
assertion.
champ
le
comme
n'est plus
les lettres et
l'as, telles
que
le
commun,
globules
les
semis, le triens,
sextans, etc.
lieu, le
mot PAE, qui
est très-visible
exemplaire, mais qui, je dois l'avouer, manquait
n° 15 de son
atlas,
manque également sur
et
M. de Saulcy vient de publier dans
à
mot ou
VIII, n° 10. Or, ce
mes yeux l'argument
je propose.
Ces
le
lettres,
la
IX,
celui
que
Revue de 1860,
plus décisif pour l'attribution
en
effet,
que
n'indiquent-elles pas ,bien
Paestum, laquelle
ville
de
d'abord sous
le
nom
de Posidonia, du temps où
possédée par
les
les
pi.
plutôt cette abréviation est
clairement la
que
le
elle se
naturellement Semis.
que rien
sur l'exemplaire de Metz, reproduit par Lelewel,
pi.
sous
provinces italiques soumises
république, que
de
dans
monnaie,
lettre signifie tout
sait,
Vient en troisième
sur
dans
les divisions
quadrans,
qui
valeur de
la
Rome
mon
sextans qui justifie
lieu, la lettre S,
sanglier,
Tout
etsuiv., le
de numismatique de Barthélémy, p. 118.) Je pos-
moi-même un
En
699
n°"
connue
était
elle était
Grecs, et ne fut appelée Paestum qu'après
Lucaniens l'eurent enlevée aux Sybarites
et
que
les
_
,
Romains
—
235
à leur tour en eurent fait la conquête sur les
devint colonie romaine, l'an
niens? Celte
ville
fondation de
Rome, sous
Luca-
480 de
la
consulat de Fabius Dorso et de
le
Claudius Canina (Tite-Live,
XIV, chap.
liv.
39), elle est
généralement indiquée sur ses monnaies par l'une des abréviations suivantes
PAE, PAES, PAIS, IIAIS
:
(Voir en preuve, à cet égard,
lenheim,
TAIS.
et
Wel-
catalogue Welzl de
le
qui recense douze à quinze
à l'endroit déjà cité,
médailles différentes portant l'une de ces abréviations. Voir
Mionnet
aussi
et le
Manuel de Barthélémy,
qui fournissent
des données toutes semblables.)
nous passons à l'examen du revers, nous y trouvons
Si
d'abord
le lituus et le
prœfericulnm, c'est-à-dire ces
insi-
gnes du pouToir pontifical à Rome, qui se rencontrent
si
fréquemment sur les médailles des familles consulaires.
Quant aux mots
:
/.
artue
comin, ce sont indubita-
c.
blement des noms propres indiqués en abrégé. Je ne
permettrai pas d'affirmer que
le
premier
soit
me
Lucius Artue-
nus, puisque je n'ai trouvé nulle part ailleurs un semblable
nom
;
je dirai
seulement que
n'hésiterai pas à dire
nius.
le
Ce
mot
qui,
que
pour moi,
le
est
les
le
ait
( )
encore plus évident,
investis les
Duumvirat de
été
frappée?
manière que toujours, sur
Ou
4
la
Comi-
e'est
que
fonction
deux personnages
noms viennent d'être énoncés. Peut-on douter que
médaille
(')
Mais je
est possible.
I1VIR, qui suit ces deux noms, indique
:
ce ne soit sous
la
chose
second doit être Caius
de Duumvirs dont étaient
dont
la
les
ces
deux personnages'que
N'est-ce
pas
de
la
même
monnaies des municipes
et
Claudius, ou Cornélius, ou enfin" tout autre prénom qui s'in-
dique en abrégé par un C.
—
-
254
noms
colonies romaines en Espagne, sont indiqués les
magistrats qui portaient le
On
«
titre
de Duumvir?
Duumvir dans
appelait
dans
les
colonies romaines, dit
son Dictionnaire
«
Boinvilliers,
h
magistrats qui, dans les colonies, tenaient le
«
et
«
portaient
avaient
la
même
autorité
que
en citant
,
lesquels, d'abord,
Ce
Rome
faisceaux
deux
comme
Ils
Samuel
»
que
licteurs,
qui,,
qui
les licteurs
les préteurs.
certainement qu'à des
n'était
Home.
ne portaient qu'une baguette, mais
avaient* des
tard,
accompagnaient à
rang
un passage de Cicéron,
ces fonctionnaires marebaient précédés de
plus
même
consuls à
les
des
d'antiquités,
robe prétexte ou bordée de pourpre.
la
Pitiscus ajoute
des
hommes
de
investis
la
confiance du peuple romain que des postes aussi importants étaient donnés. Aussi, n'est-on pas surpris
de retrou-
ver sur les médailles de Paestum, colonie romaine, avec
Duumvirs ou avec
qualité de
tels
que triumvirs,
plus* célèbres
de
etc.,
la ville
les
la
d'autres titres honorifiques,
noms
les
plus connus et les
de Rome, ce sont des Domitius,
des Egnatius, des Lentulus, des Licinius, des Lollias, des
Marcius, des Vergilius,
etc.
Caius Cominius, qui figure sur notre médaille, appartenait vraisemblablement à la famille
Cominia, que Morell
range au nombre des familles consulaires de
était d'origine
ainsi,
plébéienne. C'est avec
puisque nous voyons dans Tite-Live
la
seconde
qui
les
18
et
premiers
république, fut investi du consulat avec Titus
Lartius, pour la première fois, l'an de
la
et
(liv. II, §§
33) qu'un certain Posthumus Cominius, dès
temps de
Rome
raison qu'il la classe
fois,
avec Spurius Cassius,
Rome
l'an
253,
261.
et
pour
—
—
235
Au Iiv. V, chap. 46, le même auteur cite
homme nommé Pontius Cominius, qui
courage héroïque quand
nommer
Au
à
de cette famille dans
est
les
Lucius Cominius,
comme
sa valeur
mention des membres
que son nom
se rencon-
Tibère, fut envoyé
nom ne
cite
un
autre Lucius Cominius, qui fut préposé
la
surveillance des aqueducs de
comme
proconsul dahs
Voilà certes plus de preuves
qu'aucun
Il
ayant été tribun du peuple,
un troisième personnage du même nom,
et
nommé
Samnites.
les inscriptions antiques.
par l'empereur Auguste à
Rome,
fait
les auteurs, et
fréquemment dans
436 de Rome, un
Imbrinium, décide par
souvent
le
des Gaulois.
Romains contre
victoire des
Morell atteste qu'il
l'an
Rome
VIII, chap. 30, c'est un tribun militaire
liv.
une grande
certain
preuve d'un
fit
de rappeler Camille, de
s'agit
dictateur et de sauver
Luchis Cominius, qui,
tre
il
encore un jeune
l'île
qu'il n'en faut,
qui, sous
de Chypre.
pour établir
peut avoir une origine plus évidemment
romaine que celui qui nous occupe.
A
tant de raisons, messieurs, est-il besoin d'ajouter des
autorités? J'en citerai que bien certainement vous ne récuserez pas.
Tout d'abord,
périer qui, rédigeant en
se présente celle
1843
le
léans, n'a pas hésité à attribuer à
de ce catalogue,
tion
PAE
la
médaille dont
de M. de Long-
catalogue de
il
M. H... d'Or-
Paestum, sous
s'agit,
le n°
193
bien que l'abrévia-
ne se trouvât pas sur l'exemplaire
qu'il décrivait.
Je citerai également M.Morel Fatio, rédacteur, en 1846,
du catalogue de M. Faure de Villefranche.
n° 166, la
même
on
IIAIS,
lisait
:
Il
y
fait,
sous
le
attribution; à la vérité, sous le sanglier,
il
a aussi,
haut, expliqué la lettre S par
comme
le
nous
mot semis.
le faisons
plus
—
236
—
Je dois invoquer enfin l'opinion de Riccio qui s'appuie
sur celle de Carelli. Le premier de ces auteurs, dans son
ouvrage
intitulé
:
Repertoriq délie moneta di città Antiche
del regno délie due Sicilie, etc., publié en 1852, p. 86,
ligne
tum
re
l
la
,
parmi
classe positivement
pièce en question,
matière,
cette
les
médailles de Paes-
en donne une description
il
Indépendamment du
très-complète.
Riccio dans
et
savoir incontestable de
circonstance qu'il
la
habite
Naples, c'est-à-dire un pays assez voisin de l'antique Paes-
tum, pays
qu'il a
exploré avec tant de soin
me
point de vue numismatique,
paraît
et
de succès au
donner encore plus
de poids à son opinion que partage Carelli.
Quelle que
moi de
messieurs, l'évidence qui résulte pour
soit,
ces trop longs détails, je m'en remets volontiers à
votre jugement et è celui de
la solution
bien
me
le
demandée. Si je
démontrer
dirai plus, je fais
Saulcy lui-même
l'a
et
John Evans pour
dans l'erreur, qu'on veuille
la
question, l'honorable
Je
M. de
car je n'ai pas moins de confiance dans
sa haute impartialité
profond, qui
suis
Birch
et je suis prêt à le reconnaître.
juge de
;
MM.
que
je n'ai de respect
pour
le savoir
placé au premier rang des numismates
français.
ma
mon dévouement.
Veuillez agréer, messieurs, l'hommage de
tion la plus distinguée et
de
considéra-
Fénélon Farez,
Conseiller à Douai.
Douai, 8 juilleH860.
Téléchargement