La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n
o
4 - avril 2001
71
DOSSIER
méthodes ont des limites de quantification comprises entre
0,1 ng/ml (4) et 0,5 ng/ml (3). L’utilisation de la spectrométrie
de masse correspond d’autre part à une exigence dans la conduite
des expertises toxicologiques pour la justice (décès inexpliqués
ou toxiques, infraction à la législation sur les stupéfiants…), et
permet de surcroît la recherche et le dosage des drogues illicites
chez les patients sous traitement de substitution. En effet, une
des particularités de ce traitement est que son efficacité peut être
objectivée par des analyses toxicologiques, le plus souvent des
recherches de stupéfiants dans l’urine à l’aide de méthodes
immunologiques avec confirmation des résultats positifs par une
technique spécifique faisant appel à la spectrométrie de masse.
SUIVI THÉRAPEUTIQUE ET SURVEILLANCE DE L’OBSERVANCE
DE LA BHD EN PRATIQUE
À partir de prélèvements sériques ou plasmatiques
Il existe une grande variabilité interindividuelle de la relation
dose-concentration de la buprénorphine, ce qui est un critère
en faveur du suivi thérapeutique de cette molécule, mais les
relations concentration-effet et la zone thérapeutique de la BHD
chez l’homme n’ont pas été clairement définies. La BU est, en
effet, une molécule qui se distribue intensément dans les tissus
de l’organisme (comme en témoigne son grand volume de dis-
tribution), et en particulier dans les tissus lipidiques comme
l’encéphale, où les concentrations sont plus élevées que dans
le sang. D’autre part, la buprénorphine présente un plafonne-
ment rapide de ses effets quand la dose augmente, ainsi que
leur persistance à distance de la prise, malgré une diminution
importante des concentrations sanguines (effet “post-dose”),
cette persistance étant due à sa liaison prolongée aux récep-
teurs. Tout cela est une première explication à la mauvaise cor-
rélation constatée entre les taux sériques et les effets cliniques
au niveau d’une population (alors que cette relation est certai-
nement meilleure chez un même individu).
Par ailleurs, la BHD est, par définition, administrée à des indi-
vidus tolérants, à des degrés divers, aux opiacés. Cette tolé-
rance serait expliquée par une inactivation des récepteurs aux
opiacés et une adaptation du système de transduction du signal,
nécessitant de plus fortes concentrations (et donc de plus fortes
doses) pour obtenir un même effet, y compris pour la bupré-
norphine administrée sur un tel terrain. Ce phénomène contri-
bue également à la grande variabilité entre individus, mais aussi
et surtout à la difficulté d’établir des zones thérapeutiques ou
des relations concentration-effet pour les opiacés dans des popu-
lations de toxicomanes ou de patients sous traitement de
substitution. Toutefois, à titre indicatif, on peut constater que
les concentrations sériques à l’état stable sont de l’ordre de
1 à 10 ng/ml chez une majorité de patients traités par BHD.
Le suivi thérapeutique par dosage plasmatique ou sérique de la
buprénorphine dans un but d’ajustement posologique se révé-
lerait donc inefficace et inutile dans la plupart des circonstances,
y compris pour la surveillance des associations médicamen-
teuses, puisque la buprénorphine ne présente pas d’interaction
pharmacocinétique connue avec d’autres médicaments ou
toxiques, contrairement à la méthadone. L’intérêt des analyses
sériques réside surtout dans la surveillance de l’observance et
dans la recherche de l’abus (injection de comprimés écrasés et
solubilisés, par exemple) chez le vivant, mais surtout en post-
mortem dans le cadre d’expertises médico-légales.
À partir de prélèvements urinaires
La longue demi-vie d’élimination de la buprénorphine consti-
tue une limite pour la surveillance de l’observance par la
recherche de BU et de ses métabolites, dans l’urine comme dans
le sérum. En effet, des études cliniques ont montré que les taux
sanguins et urinaires étaient du même ordre pour des prises
espacées de 2 à 4 jours (avec des doses proportionnellement
augmentées) que pour des prises quotidiennes (6).
D’autre part, la fréquence des analyses urinaires nécessaire pour
objectiver une réelle abstinence aux opiacés serait, comme pour
la méthadone, de deux à trois fois par semaine (tout au moins
pendant les trois premiers mois de traitement), ce qui serait très
contraignant et très onéreux. Dans la réalité, ce suivi urinaire
est réalisé beaucoup moins fréquemment. De plus, il se révèle
imparfait, car il se limite au simple résultat de “présence ou
absence” de buprénorphine ou de stupéfiants, sans notion quan-
titative, contrairement aux analyses de sérum ou même de che-
veux. Il bénéficie, en revanche, de l’existence de réactifs de
dosage commerciaux (tels que ceux décrits ci-dessus pour la
buprénorphine), souvent automatisés.
À partir de prélèvements de cheveux
L’homme adulte possède environ cinq millions de follicules
pileux, dont un million au niveau du scalp qui donnent nais-
sance aux cheveux. La composition des poils est relativement
variable : eau (4-13 %), protéine (85-93 %), lipide (1-3 %) et
minéraux (0,2-0,8 %). Les poils se développent puis chutent de
façon individuelle et cyclique, selon trois phases : phase de
croissance ou anagène (4 à 8 ans), phase de transition ou cata-
gène (2 semaines) et phase de repos ou télogène (3 mois). À un
instant donné, environ 85 % des cheveux sont en phase ana-
gène. On considère généralement que les cheveux au niveau du
vertex poussent de 0,44 mm/j, soit 1 à 1,3 cm/mois, avec des
variations allant de 0,7 à 1,5 cm/mois (7).
Le mécanisme généralement proposé pour l’incorporation des
xénobiotiques dans les cheveux consiste en une diffusion
interne des substances du sang vers les cellules en croissance
du bulbe pileux et en une diffusion externe à partir des sécré-
tions sudorales ou sébacées. Les particules en suspension dans
l’atmosphère, provenant des fumées, et donc potentiellement
contaminées par de la nicotine, du cannabis ou de la cocaïne,
peuvent également se déposer en surface. Dans ces conditions,
une décontamination externe efficace doit toujours être entre-
prise avant toute analyse (8).
L’incorporation se faisant dans tous les poils, si les cheveux ne
peuvent être prélevés ou sont manquants, d’autres poils
conviennent également comme les poils axillaires ou pubiens.
La stabilité des xénobiotiques une fois incorporés dans les