LISTE DES INTERVENANTS Bernard CORDIER : psychiatre, hôpital Foch, Suresnes expert près la Cour d'appel de Paris Georges FISCHER : neurochirurgien, Lyon expert agréé par la Cour de cassation Jacques HUREAU : chirurgien , membre de l'Académie nationale de médecine Expert agrée par la Cour de cassation Olivier JARDE : chirurgien orthopédiste, expert près la Cour d'appel d'Amiens, expert près la Cour administrative d'appel de Douai François LE NEVEU : responsable MATMUT Rouen Frédéric Jérôme PANSIER : magistrat au TGI de Bobigny Jean-Luc PONCET : ORL, hôpital du Val de Grâce, Paris, Bernard PROUST : professeur de médecine légale, Rouen, expert près la Cour d'appel de Rouen Claude SAVORNIN : chirurgien orthopédiste, expert agréé par la Cour de cassation Jean-François SCHUHL : chirurgien orthopédiste, expert agréé par la Cour de cassation, expert près la Cour administrative d'appel de Douai AVANT PROPOS Jean-François SCHUHL La problématique de l'état antérieur est consubstantielle de l'expertise en dommage corporel quelles que soient les responsabilités. Cet état antérieur que dépiste ou découvre l'expert est parfois connu de la victime, parfois réputé asymptomatique, on parle alors volontiers d'état antérieur muet, parfois nié. C'est pourquoi ce colloque envisage de répondre aux multiples questions qui se posent à l'expert. Après une définition confiée au professeur Olivier JARDE, le professeur Jacques HUREAU évoque pour nous les problèmes posés par la normalité évolutive, le vieillissement, et s'intéresse tout particulièrement aux évolutions grâce à la biologie moléculaire et à la génétique. Le professeur Bernard PROUST va replacer cet état antérieur dans la problématique médico-légale. Puis la parole est laissée aux différends régleurs, d'abord Frédéric Jérôme PANSIER qui, en tant que magistrat, nous montre que le réflexe médical dans les recherches d'imputabilité notamment n'est pas toujours superposable à l'attitude du juge qui cherche à définir les liens de causalité et cherche à se rapprocher au mieux de la solution équitable. Puis M. François LE NEVEU expose le point de vue de l'assureur. La dernière partie est consacrée de façon plus précise à quelques cas particuliers. Certes tous les domaines de la médecine peuvent interpeller l'expert, mais les organisateurs ont choisi d'évoquer les difficultés soulevées par la psychiatrie, ce que tente de faire le Docteur Bernard CORDIER, la pathologie du rachis, confiée au professeur Georges FISCHER, la pathologie de l'épaule que traite le professeur Claude SAVORNIN enfin l'O.R.L. confiée au professeur Jean-Luc PONCET. Ce colloque a pu être organisé grâce à aux efforts conjoints des compagnies des experts de justice d'Amiens, de Caen et de Rouen. Les médecins conseils de l’AMEDOC Nord Ouest se sont joints au premiers pour apporter leur expérience propre. La restitution des travaux pouvait bien sûr faire appel à une transcription livresque, nous avons préféré la forme électronique matérialisée par ce CD-ROM dans lesquels figurent non seulement les textes des communications qui nous sont parvenues mais également la présentation sous format PowerPoint. Qu’il me soit permis aussi de remercier l'ensemble des intervenants et tous ceux qui m'ont aidé dans l'organisation de ce colloque du 27 janvier 2007 au cours duquel nous avons tenté de cerner cet état antérieur, afin de vérifier s'il s'agissait d'une réalité ou bien au contraire d'un mythe. Etat antérieur O JARDE L’expert doit faire un bon examen clinique puis déterminer l’imputabilité des déficits constatés au fait initial (accident de la voie publique, agression…). L’imputabilité ou causalité médico-légale est parfois évidente, mais, dans certains dossiers, plusieurs facteurs contribuent à créer une lésion ou un état, et c’est alors l’une des questions les plus difficiles posées aux médecins experts. Une arthrose préexistante peut être mise en évidence lors d’examen radiologique. Les séquelles d’un accident peuvent être compliquées par un nouveau fait accidentel... En accident de travail, il y a une présomption d’origine, mais en droit commun, seul le préjudice dont la preuve est apportée peut être indemnisé. Des critères d’imputabilité ont été définis en 1925 par Muller et Cordonnier puis revus par Simonin. Ils sont au nombre de 7 : 1 vraisemblance scientifique : c’est l’enchaînement anatomo clinique ; 2 nature de l’affection : le diagnostic doit être certain ; 3 intégrité préalable : l’affection n’existait pas avant l’accident ; 4 concordance de siège : le traumatisme doit avoir atteint soit directement soit par retentissement immédiat, l’organe siège de la maladie ou de la lésion ; 5 délai d’apparition : condition de temps : s’il existe une période intercalaire silencieuse, il est indispensable de s’appuyer sur des considérations pathogéniques ou cliniques ou sur des observations cliniques antérieures 6 continuité évolutive ; 7 réalité, nature et intensité du traumatisme : le traumatisme doit, par sa nature, être capable de déterminer l’affection considérée En droit commun, le dommage, pour être réparé, doit être direct, certain et exclusif, sinon il faut, selon la jurisprudence, des présomptions graves, précises et concordantes pour qu’une relation soit admise. L’état antérieur se définit comme l’ensemble des prédispositions, des anomalies constitutionnelles ou acquises que présente un sujet avant un événement déterminé. Il peut avoir ou non déjà entraîné une incapacité ou une invalidité. L’état antérieur peut être d’ordre anatomique, physiologique ou psychique. Il peut être patent ou latent, connu ou inconnu, objectivable ou non, dissimulé ou nié, stable ou évolutif. L’état antérieur est donc l’ensemble des anomalies, séquelles ou maladies évolutives, que présente un sujet avant l’événement et qui peuvent intervenir dans l’évaluation médico-légale du dommage. POURQUOI TENIR COMPTE DE L’ETAT ANTERIEUR ? En droit commun, le principe est que la réparation d'un préjudice doit être égale au dommage, sans le dépasser selon l'adage : "réparer : tout le dommage, rien que le dommage". La prédisposition est le terme réservé à un état constitutionnel n’entraînant pas de déséquilibre chez le sujet mais qui peut basculer vers une rupture de cet équilibre suite à un événement quelconque. La prédisposition intervenant le plus souvent est l’âge. D’autres facteurs comme les influences familiales, le marquage génétique et certaines pathologies constituent aussi une prédisposition. Un exemple qui illustre la prédisposition : Un sujet âgé en équilibre précaire à involution sénile lente est victime d’un accident. Il s’en suit une série de réactions en chaîne : troubles mentaux, dépression, dépendance etc. L’expert devra noter cette prédisposition de l’âge et l’influence qu’elle a pu avoir sur le dommage. L’état antérieur peut avoir été modifié par le traumatisme : on parlera d’aggravation, d’accélération ou de décompensation (d’un état antérieur latent). CONSEQUENCES POSSIBLES DU DOMMAGE * L’aggravation. La nature de l’état antérieur et de l’état constaté au moment de l’expertise sont superposables, mais de degrés différents. L’aggravation due au traumatisme doit être démontrée par l’expert. Elle sera prise en compte et viendra augmenter le taux correspondant au déficit physiologique directement imputable à l’accident. * L’accélération. L’état antérieur, indépendamment du traumatisme, devait conduire à l’état constaté au moment du traumatisme. Le processus évolutif a cependant été accéléré par le traumatisme. L’expert, s’aidant de son expérience et de ses connaissances techniques doit se prononcer sur les délais normalement prévisibles dans l’évolution de l’état antérieur. Il devra préciser l’influence du traumatisme sur l’évolution et ses conséquences au niveau du traitement ou d’une période d’incapacité temporaire. * La décompensation. L’imputabilité médicale est partagée entre l’état antérieur et le traumatisme, mais avant ce dernier le sujet menait une existence normale et n’avait pas d’interruption de travail. Le traumatisme a décompensé cet état antérieur. L’expert devra se prononcer sur l’évolution prévisible de l’affection latente et la nature ainsi que la gravité de l’état actuel. La décompensation sera analysée en terme de causalité par le décideur à la lumière des explications de l’expert. Le rôle du médecin-expert est de caractériser avec autant de précision que possible le dommage imputable au traumatisme et donc de tenir compte de l’état antérieur (ou de la prédisposition) ayant pu influencer le dommage. Cette prise de connaissance de l’état antérieur doit se faire dans le respect de la déontologie relative au secret médical tant pour la communication des dossiers antérieurs que pour la révélation de données médicales dans le rapport. EN PRATIQUE L'auteur de l'accident ne doit réparer que la conséquence directe de l'accident. En conséquence, l'expert doit rechercher s'il existe un état antérieur. Dans cette éventualité, quatre cas peuvent se présenter : - L'ÉTAT ANTÉRIEUR N'A PAS MODIFIÉ ET N'A PAS AGGRAVÉ LES SUITES DE L'ACCIDENT Seules les conséquences directes de ce dernier doivent être réparées. - L'ÉTAT ANTÉRIEUR A ÉTÉ AGGRAVÉ DU FAIT DE L'ACCIDENT Il importe alors d'envisager la réparation de l'aggravation en plus de celle des séquelles directes de l'accident. - L'ÉTAT ANTÉRIEUR A AGGRAVÉ LES CONSÉQUENCES DE L'ACCIDENT La consolidation doit alors être reculée jusqu'au moment où la victime se trouve dans un état semblable à celui de l'état antérieur. - L'ÉTAT ANTÉRIEUR A ÉTÉ RÉVÉLÉ PAR LE TRAUMATISME. L'expert doit répondre aussi clairement que possible aux questions suivantes : - Quelle aurait été l'évolution de l'état antérieur sans la survenue de l'accident ? - Quelle aurait été l'évolution des séquelles de l'accident sans l'état antérieur ? - Quelle a été l'évolution de ce complexe état antérieur - accident ? Néanmoins, l'expert ne doit pas oublier que c'est, dans tous les cas, au magistrat qu'il appartient de fixer l'indemnité de réparation du dommage. En aucun cas, il ne doit se substituer à lui en portant un jugement. Il doit l'éclairer et ne pas juger luimême. EXEMPLE : Un sujet éthylique fait une chute sur les lieux de son travail (accident de travail) et se fracture la rotule. Il décède à l'hôpital à la suite de l'intervention pratiquée pour cerclage de la rotule par delirium tremens. En accident de travail, la mort, sans aucune discussion, est considérée comme secondaire à l'accident de travail. En droit commun, il faudra dire : - s'il n'y avait pas eu fracture de la rotule, il n'aurait pas présenté de delirium tremens. - s'il n'avait pas été éthylique, il ne serait probablement pas mort. - s'il n'était pas mort, il y aurait eu I. P. P. globale de 15 %.Le plus souvent, le juge tranchera en considérant que la mort est imputable à l'accident. Bibliographie - Imputabilité et état antérieur. Diplôme Universitaire de Réparation Juridique du Dommage Corporel. Docteur Michel BERNARD - Traumatisme et imputabilité. SNYERS B. - Etat antérieur et prédisposition individuelle. Y. Lambert-Faivre, Journal de Médecine légale et Droit médical, 2000-43-4-343/6 - Le lien de causalité en matière de responsabilité médicale. Médecine & Droit Volume 2005, Issue 72, Pages 73-102 P. Vayre, D. Planquelle and H. Fabre Qu’est-ce que l’état antérieur ? Normes et pathologies, normalité évolutive et vieillissement. Le point de vue du médecin. J. Hureau L’état antérieur est un des chapitres les plus délicats et les plus complexes à traiter dans une mission d’expertise médicale judiciaire. 1 – Définition L’état antérieur est un concept qui concerne tout individu au moment où il est pris en charge dans un système médical. Ce peut être aussi bien pour des soins, on parle alors plutôt d’antécédents, que pour une évaluation médicale expertale d’un dommage corporel secondaire à un accident ou une maladie, quelle qu’en soit l’origine. Le terme d’état antérieur est plutôt réservé à cette dernière catégorie à connotation médico-judiciaire. L’état antérieur est constitué par - l’ensemble des prédispositions, - les tendances organiques, - les tares constitutionnelles ou acquises, - les maladies caractérisées ou latentes, - et même l’évolutivité propre d’un état pathologique en cours de traitement dont le sujet à expertiser pouvait être porteur ou atteint antérieurement aux faits qui ont provoqué le dommage corporel à évaluer. 2 – Les conséquences possibles de ou sur cet état antérieur 2 – 1 – Il peut être sans incidence sur le dommage. 2 – 2 – Il peut interférer avec le dommage comme - agent responsable de l’évènement qui a provoqué le dommage, - facteur d’aggravation directe du dommage, - ou, paradoxe, être amélioré par le fait générateur du dommage et ses conséquences. Ceci vous sera exposé dans un instant. Je ne m’y arrêterai pas. Je ne parlerai pas non plus de l’imputabilité qui mérite un autre développement. 3 – La mission de l’expert concernant l’état antérieur 3 – 1 – La mission type (1987) comporte - de se faire communiquer les documents relatifs à l’état antérieur, - de décrire, le cas échéant, la capacité antérieure en discutant et en évaluant ses anomalies, - de chiffrer le taux du déficit fonctionnel imputable à l’évènement dommageable et correspondant à la différence entre la capacité antérieure et la capacité actuelle. 3 – 2 – Deux situations différentes pour l’expert 3- 2 – 1 – La capacité antérieure est notoirement réduite, l’état antérieur est patent et ce sera la réponse directe à donner aux deux dernières questions de la mission. 3 – 2 – 2 – L’état antérieur n’est constitué que de prédispositions pathologiques latentes. Yvonne Lambert-Faivre a parfaitement analysé cette situation : - le 0% d’incapacité est la norme théorique, - tout le monde se sent et se dit « normal », 2 - c’est le 0% ressenti et subjectif. « On doit admettre une présomption de pleine capacité en matière d’expertise médicale », comme doit être admise la présomption d’innocence. Cette présomption de normalité doit être mise en doute lorsque la gravité du ou des dommages apparaît disproportionnée par rapport au seul fait générateur. Des infirmités préexistantes, des maladies ignorées ou cachées, des prédispositions pathologiques doivent être recherchées qui peuvent alors expliquer une évolution anormale voire dramatique. 3 – 3 – L’expert se fera communiquer les documents relatifs à l’état antérieur 3 – 3 – 1 – Cela est facile si la « victime » est coopérante. Elle est seule propriétaire de son secret, avec son ou ses médecins traitants. L’expert n’a aucun pouvoir direct pour se faire délivrer les documents qui lui sont nécessaires. Par une insistance marquée auprès des médecins traitants il risquerait de mettre ceux-ci en difficulté vis-à-vis de l’obligation déontologique du secret professionnel. La position d’un médecin conseil d’assurances n’est guère plus facile à gérer. Le dossier de la sécurité sociale, jalousement gardé, ne contient en règle que des renseignements d’ordre administratif. Heureusement l’article L.1111-7 du code de la santé publique (loi du 4 mars 2002) donne à toute personne accès à l’ensemble des informations concernant sa santé. C’est donc au demandeur qu’il incombe de fournir ou de faire fournir par un médecin désigné par lui les éléments du dossier indispensables à l’évaluation de son état antérieur. 3 – 3 – 2 – En cas de refus, le juge dispose au profit de l’expert - en procédure pénale, de la saisie du dossier, - en procédure civile, de l’injonction sous astreinte (art. 275 du NCPC). « La juridiction peut tirer toute conséquence de droit du défaut de communication des documents à l’expert », - en procédure administrative, l’injonction n’est pas codifiée mais un refus de transmission de documents à l’expert pourrait être interprété comme un aveu de fausse déclaration de normalité. Le bon expert médecin reste dans tous les cas un clinicien : il interroge, il examine. C’est bien souvent insuffisant. S’il en est besoin, il rendra compte au juge, directement ou dans son rapport, des difficultés rencontrées. Dans tous les cas il se conformera à l’article 108 du code de déontologie médicale : « Dans la rédaction de son rapport, le médecin expert ne doit révéler que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées. Hors ces limites, il doit taire tout ce qu’il a pu connaître à l’occasion de cette expertise. » 4 – Les composants de l’état antérieur 4 – 1 – L’état antérieur patent Il est avéré par - les déclarations du patient, - les éléments recueillis dans le dossier médical, - l’examen clinique qui peut mettre directement en évidence un état pathologique, une déficience fonctionnelle, voire un handicap préexistant aux faits en cause. 4 – 2 – L’état antérieur latent Il peut l’être parce que ignoré du patient mais aussi être caché par lui. « La présomption de pleine capacité », l’affirmation de normalité tombe devant une évolution grave, voire dramatique et disproportionnée du dommage en cause. 3 Le silence de la victime, le secret professionnel invoqué par le médecin traitant peuvent encore rendre difficile la tâche de l’expert le plus objectif et impartial. Il en va ainsi, entre autres exemples, - de l’insuffisance cardiaque jusque là compensée, - de l’insuffisance coronaire cliniquement latente, - d’une anomalie cardiaque congénitale de l’enfant méconnue jusqu’à ce qu’un traumatisme physique ou un stress ne vienne la révéler dramatiquement par une mort subite par exemple, - d’un syndrome hémophilique jusque là quasi muet mais révélé par un traumatisme inaugural mineur, - d’une épilepsie méconnue parce qu’encore asymptomatique ou parfaitement équilibrée par un traitement inavoué. Il y a également « des ans l’irréparable outrage », encore que l’âge physiologique puisse masquer l’âge d’état civil… jusqu’à un certain point : - la cervicarthrose débute à 45 ans, - la périarthrite scapulohumérale cache une détérioration latente de la coiffe des rotateurs, - l’arthrodiscopathie vertébrale débute tôt, - l’hyperlipidémie familiale obstrue les jeunes coronaires, - l’Alzheimer du sujet jeune, le vrai, peut se décompenser à partir de 50 ans, sans préavis, à l’occasion d’un traumatisme ou d’un choc émotionnel, - il en est de même de son corollaire, la démence sénile de type Alzheimer ; n’est-elle pas un des termes ultimes de l’atrophie cortico-cérébrale inéluctable de tout sujet à partir de l’âge adulte. Bien portant, celui-ci n’a pas intérêt à subir une TDM ou une IRM s’il veut garder le moral et continuer à faire fonctionner les neurones et synapses qui lui restent. C’est dès la naissance que nous commençons à les perdre, même si, paraît-il, ils continuent à se multiplier tout au long de la vie, contrairement aux idées reçues jusqu’à ce jour. 4 – 3 – L’état antérieur génétique Il mérite que l’on s’y attarde plus spécifiquement. La biologie moléculaire permet de déceler régulièrement de nouvelles anomalies du génome ou des mitochondries à l’origine de maladies rares ou moins rares dont l’Homme hérite, sans le savoir. C’est un nouvel horizon qui s’ouvre à l’état antérieur et à ceux qui ont à en connaître. 4 – 3 – 1 – Les maladies génétiques latentes L’âge d’émergence, c'est-à-dire le moment à partir duquel la maladie s’exprime, est très variable, qu’il s’agisse d’anomalies génomiques ou mitochondriales. Même s’il s’agit de maladies rares, elles appartiennent néanmoins à une famille nombreuse dont tout expert peut, un jour ou l’autre rencontrer l’un des membres. Citons quelques exemples variés dans lesquels les circonstances ont pu ou peuvent faire croire à une relation entre la maladie émergente et le fait dommageable révélateur. - Certaines maladies métaboliques ou dégénératives sont vite rattachées à leurs origines constitutionnelles : o le diabète [sucré] de type I, insulinodépendant, est le plus connu pour son potentiel héréditaire ; o les cytopathies mitochondriales liées à une anomalie héréditaire enzymologique cause d’une perturbation du métabolisme énergétique de la cellule dans la transformation de l’ADP en ATP touchent les cellules à haute consommation énergétique comme celles du cerveau ou des muscles. Ces cytopathies mitochondriales de symptomatologie très variée, en particulier en 4 fonction de l’âge de la découverte de la maladie, peuvent conduire à des myopathies, des cardio-myopathies, des neuropathies optiques ou des anémies ; le syndrome de Luft (pseudosyndrome d’hypermétabolisme basal sans hyperthyroïdie) en est un des exemples les plus caractérisés ; o les cytopathies lysosomiales, vaste groupe d’affections héréditaires connues sous le nom de « maladies de dépôt » ou « thésaurismoses » liées à la déficience d’une des enzymes digestives actives au sein des lysosomes se caractérisent par une accumulation de composés lipidiques, glucidiques ou autres dans les cellules du système histiocytes – macrophages. Le type en est la maladie de Gaucher dont la forme chronique (type I) peut apparaître à n’importe quel âge et se manifester, à côté d’une hépato-splénomégalie et d’une pancytopénie par hypersplénisme, par une atteinte osseuse ou articulaire parfois révélatrice et qui peut être trompeuse. - Certaines malformations qui auraient pu être décelées in utero sont révélées dès la naissance mais peuvent faire incriminer à tort ou à raison le responsable de l’accouchement lorsqu’un déficit cérébro-moteur en résulte. Retenons deux exemples très différents : o l’ hydrocéphalie congénitale non communicante (blocage de l’aqueduc de Sylvius) est parfois génétique et liée au chromosome X. Les signes neurologiques apparaissent progressivement : syndrome pyramidal, syndrome cérébelleux, surdité, cécité par atrophie optique et troubles psychomoteurs. Certes, l’hydrocéphalie peut être source de dystocie et d’anoxie fœtale si le travail trop long n’est pas rapidement interrompu par une indication indispensable de césarienne. Encore faut-il faire la part de ce qui revient à l’affection congénitale et le dommage imputable à la dystocie mal gérée ; o les neurocristopathies antérieures (anomalies dans le développement embryonnaire de l’extrémité crâniale de la crête neurale) sont à l’origine de malformations crânio-encéphaliques et de la face parfois majeures et incompatibles avec la survie du fœtus. Il est par contre des formes mineures beaucoup plus connues par leurs manifestations faciales : fente labiopalatine ou bec de lièvre, fente labionarinaire, fente vélaire et vélopalatine associée ou non à une fente labio-alvéolaire. Comme dans les formes majeures de neurocristopathie, ces malformations faciales de diagnostic évident sont toujours associées à une anomalie cérébrale de la même sphère de développement, une anomalie hypothalamo-hypophysaire. Il faudra savoir l’y rattacher, surtout si l’anomalie faciale n’est pas évidente, une simple anomalie alvéolodentaire maxillaire qu’il faut rechercher. - La pathologie osseuse traumatique du jeune enfant a, il y a peu, défrayé la chronique. Le diagnostic différentiel entre ostéogénèse imparfaite, génopathie ostéodysplasique dont le type est le syndrome de Lobstein, et syndrome de l’enfant maltraité décrit par Silverman est parfois difficile à résoudre en expertise. Les conséquences médicojudiciaires et humaines peuvent être catastrophiques. - La pathologie neurologique à support génétique est elle-même riche d’exemples trompeurs. Retenons en deux : o la sclérose en plaque n’est pas rare – 40 à 60 pour 100 000 habitants dont 3 femmes pour 2 hommes. A côté de facteurs environnementaux, peut-être de nature infectieuse, les facteurs de prédisposition génétiques sont reconnus. 5 Cette affection débute chez l’adulte jeune, 20 à 40 ans. Sa symptomatologie lors de la première poussée peut être polymorphe et trompeuse : pyramidale, sensitive, cérébelleuse, voire psychique (classique « euphoria sclerotica »)… Il faut y penser au décours d’un traumatisme crânien ou vertébro-médullaire qui peut n’être que révélateur… o pour être plus rare, la chorée de Huntington est une affection autosomique dominante dont l’émergence se fait chez l’adulte jusque vers l’âge de 40 à 50 ans, sans manifestation prémonitoire avant la première crise. Le tableau clinique de la période évoluée est évocateur mais il ne se constitue pas d’emblée et les premiers symptômes peuvent être, là encore, révélés par un traumatisme ou un stress extérieur sans lien direct avec la maladie. 4 – 3 – 2 – La transmission génomique C’est un avatar heureux ou malheureux de la diploïdie, c'est-à-dire de la présence des gènes en deux exemplaires dans le génome. Si la mutation du gène est récessive, c'est-à-dire si elle ne s’exprime pas en présence d’un gène homologue normal, la maladie génomique ne s’exprimera ni chez l’individu porteur, ni dans sa descendance, sauf dans les populations à haute consanguinité. Nous sommes tous porteurs de gènes de propension qui augmentent notre risque de contracter certaines maladies. Si la mutation du gène est dominante, comme dans la maladie de Huntington, un seul gène défectueux suffit à provoquer la maladie. Si celle-ci est d’apparition tardive, elle laisse le temps au porteur de se reproduire et de la transmettre à la moitié de sa descendance directe. 4 – 3 – 3 –Les conséquences médico-légales de la génomique. La biologie moléculaire permet de détecter les gènes anormaux chez les porteurs asymptomatiques et chez les fœtus. C’est un bien pour les futurs parents qui peuvent bénéficier de conseils génétiques étayés scientifiquement. Mais cette connaissance peut entraîner des complications imprévues. Qui, en dehors du patient lui-même, et encore, peut avoir accès à cette information : - la famille mais jusqu’à quel degré de parenté, - les hôpitaux, - les compagnies d’assurances, - les employeurs, - les instances judiciaires, - la société en général ? Cette grande question, Christian de Duve, prix Nobel de médecine, l’a exposée dans son remarquable ouvrage « A l’écoute du vivant » (Odile Jacob – édit. Paris 2005). A l’ère de la centralisation croissante des données informatiques, la confidentialité ne peut plus être préservée. « Il deviendra bientôt possible d’évaluer chaque individu en termes de risque génétique, créant une situation cauchemardesque pour les moralistes de l’avenir ». Christian de Duve relate l’histoire de la famille Wexler. Nancy Wexler, personnalité médicale américaine bien connue et sa sœur appartenaient à une famille dont plusieurs membres (la grand-mère, la mère et trois oncles) étaient décédés de la maladie de Huntington dont l’évolution finale en état de démence complète est particulièrement dramatique. A une question évoquant la possibilité pour elle de se faire tester pour le gène défectueux, elle aurait répondu : « La détresse de savoir que je suis porteuse du gène serait plus grande que le bonheur de savoir que j’en suis indemne ». 6 Je n’évoquerai pas la responsabilité génomique potentielle concernant les dons de gamètes. Elle aurait pu être mise en cause si la « proposition de loi relative à la possibilité de lever l’anonymat des donneurs de gamètes » enregistrée le 28 juin 2006 par la Présidence de l’Assemblée nationale avait eu une suite. L’Académie nationale de médecine a heureusement pu l’argumenter et faire admettre qu’il était urgent de ne rien changer à la législation actuelle. Le Professeur Georges David, rapporteur de ce travail critique de l’Académie, a confirmé par ailleurs que les risques de transmission d’affection génétique étaient infiniment moindres avec les dons de gamètes qu’en procréation naturelle en raison des précautions et dépistages génétiques pratiqués en France au sein des CECOS. 5 – De l’infaillibilité à l’incertitude en médecine expertale Lorsque l’état antérieur est reconnu ou pressenti, il reste à l’expert à faire la preuve de son lien avec les conséquences du dommage lié aux faits en cause. 5 – 1 – Pour l’expert médecin la preuve ne peut être que factuelle. Y-a-t-il une place pour le doute ? 5 – 1 – 1 – En droit il ne peut y avoir condamnation s’il y a doute. En droit pénal « le doute profite à l’accusé ». En l’absence de preuve de sa culpabilité il « bénéficie du doute ». En droit civil, l’accusé est le responsable du dommage. C’est lui qui profitera du doute si la victime ne peut apporter la preuve de ses prétentions. 5 – 1 – 2 – Dans le domaine médical l’expert ne peut faire de lien avec l’état antérieur que sur des preuves factuelles sur lesquelles seul le juge peut s’appuyer pour établir une causalité partielle ou totale entre l’état antérieur et le dommage à réparer. 5 – 2 – La preuve médicale factuelle 5 – 2 – 1 – En pathologie courante Elle est en règle facile à apporter. Seule la part prise par l’état antérieur sera délicate à évaluer. L’expert n’a pas vraiment à la chiffrer mais encore doit-il décrire avec précision l’ensemble des conséquences et interférences qu’il constate. 5 – 2 – 2 – Dans le domaine de l’état antérieur génétique Une question se pose : jusqu’où faut-il aller ? Le séquençage du génome humain est élucidé aujourd’hui dans sa presque totalité. La collaboration constante entre cliniciens et biologistes généticiens permet : o d’identifier les mutations responsables de nombreuses déficiences héréditaires, o de dépister les porteurs de gènes défectueux. Chaque individu pourra bientôt être évalué en termes de risques génétiques. N’a-t-on pas, une fois encore, soulevé le couvercle de la boîte de Pandore ? L’état antérieur FJ Pansier La notion de lien de causalité est essentielle dans l’établissement de la responsabilité pénale du médecin. En effet, il ne suffit pas de prouver une faute, un rapport causal entre la faute et le dommage subi par le malade victime doit être mis en évidence. La responsabilité pénale du médecin est essentiellement invoquée dans le cadre des atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité physique de la personne, les atteintes volontaires à la vie restant marginale par rapport au nombre total des actions intentées à l’encontre des médecins. Il appartient donc au juge de statuer en considération de l’ensemble des événements à l’origine du dommage imputé à l’agent. Le lien de causalité, même s’il est complexe, doit être certain. En cas d’atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité de la personne, si la faute n’est pas à l’origine du dommage, le prévenu sera relaxé et cela s’impose dés lors qu’il y a la moindre incertitude. La loi du 10 juillet 2000 est fondamentale dans l’appréciation de ces infractions involontaires. Cette loi a pour origine un mouvement initié par les décideurs politiques qui se plaignaient des charges qui pesaient sur eux pour des faits qui échappaient à leur contrôle. Cette loi précise donc la définition des infractions non intentionnelles et aboutit à restreindre les cas de causalités indirectes. Une loi du 13 mai 1996 était déjà intervenue pour modifier l’article 121-3 du Code pénal mais n’avait pas abouti aux effets escomptés. Les atteintes involontaires à la vie sont prévues par les articles 221-6 et suivants du Code pénal et les atteintes involontaires à l’intégrité physique par les articles 222-19 et suivants du même code. L’article 121-3 dans sa rédaction, issu de la loi du 10 juillet 2000, pose une distinction entre causalité directe et indirecte. Comme la causalité directe se rattache à l’exigence d’une causalité adéquate, il faudra donc rechercher la cause déterminante entre la faute et ses conséquences dommageables. Cela constitue donc une exception à la théorie de l’équivalence des conditions qui prédomine au pénal en raison de la volonté de sanctionner toute atteinte à l’ordre sociale. L’équivalence des conditions induit la prise en compte du lien de causalité même indirect. La loi de 2000 n’exclut pas la prise en compte de ce lien de causalité indirect mais le limite. En effet, la faute devra être qualifiée, c'est-à-dire caractérisée ou délibérée (article 121-3 alinéa. 4), pour que la responsabilité d’un médecin puisse être engagée en présence d’un lien de causalité indirect. Pour établir ce lien de causalité, un des éléments, pris en compte par les juges, sera l’état antérieur du malade. Alors, le médecin, reconnu coupable, aura tendance à invoquer l’importance des prédispositions pathologiques du malade de sorte que ses fautes n’auraient eu aucune influence sur la réalisation des blessures ou du décès du patient. L’état antérieur aura ainsi une influence considérable sur la reconnaissance de la culpabilité du praticien. On peut donc se demander dans quelles mesures l’état antérieur du malade influence la reconnaissance du lien de causalité entre la faute et le dommage ? En fait, cela dépend de la faute qui est reprochée au médecin. De plus, la gravité de l’état antérieur du patient n’est prise en compte pour exonérer le médecin que de manière résiduelle. La jurisprudence a tendance à considérer, lorsqu’il y a une faute, que c’est celle-ci qui est à l’origine du dommage même lorsque le patient présentait des prédispositions. Nous verrons, dans un premier temps, que la portée de l’état antérieur du patient est limitée, en cas de faute qualifiée, c'est-à-dire que l’exonération du médecin est assez rare même lorsque l’état du patient était grave, autrement dit que son pronostic vital était en jeu. Puis nous verrons dans un second temps que l’état antérieur du patient est pris en compte en cas de faute simple mais plutôt de manière résiduelle. I) Une portée très limitée de l’état antérieur du patient en cas de faute qualifiée En cas de causalité indirecte entre la faute et le dommage, une faute qualifiée est exigée. Cette faute, au regard du nombre des mises en cause de médecin, est assez rare. La plupart du temps, le délit est constitué par une faute simple. Au vu des arrêts, on peut en outre constater, que même en présence d’une prédisposition pathologique grave, l’exonération du médecin est très peu courante. A) Absence d’influence de l’état antérieur du patient en cas de faute qualifiée 1 En cas de faute qualifiée, le juge ne prendra pas en compte l’état antérieur du patient. Plus exactement, il ne servira pas de base à l’exonération du médecin de sa responsabilité. Dans ce cas, la jurisprudence est favorable au patient. Ainsi, des prédispositions pathologiques graves ne pourront pas être opposées aux demandeurs à l’action. Le juge va constater le dommage, déterminer la faute, et estimer le lien de causalité en fonction de l’expertise. Dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 29 novembre 2005(Cf. doc. 9), le pourvoi d’un médecin anesthésiste réanimateur a été rejeté. Ce médecin était poursuivi du chef d’homicide involontaire. Une jeune fille âgée de 5 ans est décédée dans une clinique où la veille elle avait subi une opération des amygdales et une paracentèse. L’arrêt d’appel reproche au médecin anesthésiste, d’astreinte à ce moment, de ne pas avoir ordonné à temps le transfert de l’enfant de la salle de réveil à sa chambre : 16 heures se sont écoulées entre les deux pièces. On lui a aussi reproché de ne pas avoir procéder aux examens cliniques qui s’imposaient. En effet, le chirurgien avait noté au dossier un petit problème d’hémostase à surveiller. De plus, l’infirmière avait ajouté des somnolences persistantes avec des vomissements. Ces prédispositions pathologiques, c'est-à-dire prédisposition à subir un dommage, auraient dû amener l’anesthésiste à agir avec plus de diligence. La Cour d’appel a estimé qu’il s’agissait d’une faute caractérisée exposant l’enfant à un risque d’une particulière gravité que le médecin ne pouvait ignorer. Ainsi, la gravité de la faute est considérée comme telle, que l’état post opératoire assez inquiétant de l’enfant et laissant présager une possibilité de dommage, n’est d’aucune utilité pour l’exonération du médecin, puisque cet état inquiétant aurait du l’inciter à plus de surveillance. Dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 12 septembre 2006(Cf. doc. 10), un médecin a été condamné pour homicide involontaire. La cour d’appel a retenu contre lui une faute d’imprudence et de négligence, cause directe du décès de la patiente par inhalation bronchiques de liquide et d’aliment pendant une crise de coma diabétique. Ce médecin était spécialiste en endocrinologie, gynécologie médicale pathologie de la reproduction. Il avait reçu une patiente se plaignant d’une intense soif l’obligeant à boire 4 litres d’eau par jour. La réaction du médecin a seulement consisté en la prescription d’examens sanguins. Or, il avait l’habitude de traiter cette patiente et avait, 2 ans auparavant, posé un diagnostique d’hyperglycémie et disposait d’un tableau clinique révélant un risque d’évolution vers un coma diabétique pouvant être mortel. Dans cette affaire, la Cour de cassation ne casse pas l’arrêt d’appel mais requalifie la faute. Il ne s’agit pas d’une faute simple cause directe du dommage, mais d’une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer. Si le lien n’est pas direct, la faute est tellement grave qu’elle oblige la Cour de cassation à condamner le médecin. Les prédispositions de la patiente ne peuvent donc servir à exonérer le médecin de sa faute. En effet, il l’a traitée déjà depuis quelques années et disposait d’examens mettant en évidence les risques que courait la patiente. Mais, le juge n’étant pas compétant en matière médicale, l’expertise joue un rôle considérable dans appréciation des circonstances. L’expert judiciaire va apprécier les compétences du médecin moyen mais en tenant compte de sa spécialité et donner dans le même temps le comportement moyen en la matière, c'est-à-dire ce qu’aurait dû faire le médecin en l’espèce. En outre, il va donner son avis sur le lien de causalité entre la faute et le dommage. Ceci est très important car, en cas de causalité indirect, une faute qualifiée sera exigée. Dans le premier arrêt (Cf. doc.9), les experts prennent clairement en compte la spécialité du médecin, en l’espèce anesthésiste réanimateur, ainsi que son niveau de compétence et de connaissance. Il y a donc une appréciation in abstracto de l’expert avec une part d’in concreto. Ce sera le raisonnement que le juge adoptera. Les experts estiment que compte tenu de cela, il ne pouvait ignorer le traitement adéquat (soluté isotonique plutôt que soluté hypotonique). A l’appui de cela, ils rappellent que la littérature médicale va aussi dans ce sens, c'est-à-dire que le médecin n’a pas adopté le traitement moyen. Les experts finissent par donner le comportement qu’aurait dû adopter le médecin en l’espèce. Ils adoptent le même type de raisonnement dans l’arrêt de 2006 (Cf. doc. 10). Cependant, on peut constater que la jurisprudence, lorsque les victimes invoquent une faute qualifiée, prend parfois en compte l’état antérieur pour écarter non pas le lien de causalité mais la faute elle-même. B) Mais une prise en compte indirecte de l’état antérieur en cas de faute qualifiée : le doute sur la faute Si la faute n’est pas établie avec certitude, le juge estimera que le lien de causalité, même indirect avec le dommage, n’est pas certain. La gravité de l’état antérieur du patient ne joue qu’indirectement un rôle dans l’exonération du médecin. Il est évident que ce sont les doutes relatifs à la faute qui exonèrent directement le médecin. Le lien de causalité ne sera donc pas établi mais ces doutes seront accentués lorsque l’état du patient était grave avant son décès ou sa blessure. Dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 22 mars 2005 (Cf. doc. 8), un médecin anesthésiste a été relaxé en appel du chef d’homicide involontaire. La victime était atteinte d’un diabète insulinodépendant. Selon le généraliste et le cardiologue qui le suivait, le patient présentait une cardiopathie ischémique évoluée, ainsi que d’autres atteintes cardiaques graves ayant occasionné plusieurs épisodes 2 d’insuffisances cardiaques avec un œdème aigu du poumon. Cette personne a fait l’objet d’une intervention avec une anesthésie locale qui a dû en cours d’opération être transformée en anesthésie générale. Différentes négligences apparaissent comme étant à l’origine du décès du patient. Il n’y a pas eu la consultation pré anesthésique, or celle-ci est prévue par un décret du 5 décembre 1994. Cela aurait pu constituer une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité prévue par le règlement. Dans cette affaire, l’expert arrive à la conclusion que la complication est reliée à l’anesthésie plutôt qu’au terrain du patient et que le lien de causalité est certain mais indirect. L’anesthésiste a été relaxé en appel car l’état du patient était compatible avec l’opération même en cas de recours à une anesthésie générale. La cour d’appel relève qu’il n’y a que de simples hypothèses sur les causes du décès même si pour l’expert le lien est indirect mais certain entre anesthésie et décès. On peut remarquer que le patient présentait un état pathologique assez grave et il y aurait pu y avoir une faute qualifiée. Mais, il est possible que cet état, mêlé aux quelques incertitudes, ait joué sur la relaxe du chirurgien. En effet, l’état du patient n’était pas incompatible avec l’opération et l’anesthésie. Cependant, son état était grave, il souffrait de multiples pathologies cardiaques. On peut se poser la question de savoir si la solution de la Cour d’appel n’aurait pas était différente malgré les quelques incertitudes en présence d’une personne en meilleure santé initiale. Ainsi, lorsque le patient met en jeu la responsabilité du médecin en invoquant une faute qualifiée, le juge ne pourra exonérer le médecin qu’en écartant cette faute et l’état antérieur jouera son rôle. La méthode est différente en cas de faute simple. En effet, le juge pourra tout à fait retenir une faute simple et exonérer le médecin car l’état antérieur était tel, que, même sans la faute le dommage se serait produit. Enfin dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 2 décembre 2003 (Cf. doc.3), la Cour casse un arrêt d’appel pour avoir condamné un médecin du chef d’homicide involontaire au motif que le non accomplissement des diligences, qui lui incombaient, était constitutif d’une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que le médecin ne pouvait ignorer. Il est reproché au médecin de ne pas avoir fait procéder à une hémostase ou à une transfusion immédiate. En l’espèce, il s’agissait d’une femme grièvement blessée lors d’un accident de la circulation. Cette patiente est décédée une heure après son arrivée à l’hôpital d’une hémorragie massive. La Cour de cassation constate la faute mais casse l’arrêt au motif que la cour d’appel a adopté les motifs du rapport d’expertise selon lequel il n’est pas possible d’affirmer, qu’en l’absence de cette faute, le dommage ne se serait pas produit. Ainsi, en cas de faute caractérisée, soit le juge estime que la faute est établie et dans ce cas un état très grave du patient ne jouera pas dans l’exonération du médecin, soit quelques doutes existent quant à la faute et dans ce cas l’état antérieur du patient jouera pour écarter cette dernière. La solution est moins sévère en cas de faute simple. II) Une solution moins sévère pour le médecin en cas de faute simple L’état antérieur du patient exonère quelques fois le médecin de sa responsabilité même en cas de faute. Cependant, ces arrêts sont moins nombreux. De plus, il faut que les pathologies préexistantes du patient soient vraiment très avancées pour qu’une telle solution soit possible. Or, la jurisprudence est, dans la majorité des cas, favorable au patient. A) Nécessité d’une gravité importante de l’état du patient La faute simple dans le cadre de l’homicide involontaire et des blessures involontaires consiste en des maladresses, imprudences, inattentions et négligences. Si la faute est déterminante dans la réalisation du dommage, le lien de causalité est considéré comme direct, ainsi la responsabilité du médecin sera établie. Mais pour savoir si la faute est déterminante le juge tient compte de l’état antérieur du patient, cet état doit être très grave pour exonérer le médecin. C’est à dire que le juge va considérer que ce sont les prédispositions du patient qui sont déterminantes dans la réalisation du dommage. Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 22 mars 2005 (Cf. doc. 8), a rejeté la demande de victimes contre un arrêt d’appel qui avait exonéré de leurs responsabilités plusieurs chirurgiens, au motif que le pourvoi se borne à critiquer l’appréciation souveraine des juges du fond. Mais l’arrêt d’appel est très intéressant. Les contres experts ont estimé que la somme d’un certain nombre d’anomalies a contribué à une complication postopératoire d’une grande gravité et dont la prise en charge s’est révélée trop tardive. La faute est donc établie, cependant ils rajoutent que si le tableau clinique de la patiente aurait dû conduire les chirurgiens à plus de prudence, c’était sans assurance de sauver la patiente. Ils estiment donc que la cause déterminante du décès de la patiente est la gravité de l’état de cette dernière. De plus ils rajoutent que le taux de mortalité était très 3 élevé dans ce type d’opération, environ 25 à 30 %. Ainsi les juges du fond, confirmés en appel, ont estimé que le lien de causalité n’était pas certain. En l’espèce, la patiente devait être opérée suite à une occlusion intestinale et d’un kyste de l’ovaire, de plus l’intervention a mis en évidence un cancer du côlon qui a conduit le chirurgien à pratiquer une ablation totale de la tumeur. L’état antérieur de la patiente a donc était déterminant. Dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 26 novembre 2002 (Cf. doc. 1), un chirurgien et un anesthésiste ont été relaxés du chef d’homicide involontaire et d’omission de porter secours. En effet, l’expertise est arrivée à la conclusion que le décès était dû à une occlusion intestinale évoluant depuis quelques jours en rapport avec un infarctus du mésentère, de plus la patiente était âgée de 74 ans. Les experts ont mis en avant que dans ce type de cas, le taux de mortalité avoisine les 100 %. Dans cet arrêt la faute du chirurgien consiste à ne pas avoir effectué une intervention chirurgicale dès le premier jour, ainsi son comportement n’est pas conforme aux règles de l’art. Mais une intervention plus précoce compte tenu de l’état de la patiente n’aurait pas forcément modifié le résultat. Ainsi la négligence et l’imprudence du chirurgien ne peuvent être reliées au décès de la patiente, l’état antérieur agissant comme un écran entre la faute et le dommage. La faute de l’anesthésiste n’est apparue que minime. La Cour de cassation a déclaré, dans cette affaire, le pourvoi irrecevable pour des raisons procédurales. Enfin dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 21 janvier 2003 (Cf. doc. 5), l’état antérieur de la patiente est pris en compte de manière indirecte. En effet, une jeune femme est entrée en clinique pour mettre au monde un second enfant, cependant elle est décédée au cour d’une césarienne, d’un arrêt cardiorespiratoire. L’anesthésiste a été relaxé en appel, car la Cour d’appel estimait que bien que des fautes aient été commises, notamment le fait d’avoir pratiqué l’anesthésie en salle de travail et non en salle d’opération, celles-ci ne sont pas en relation certaine avec le décès. Il existe dans cette affaire des doutes quant aux causes réelles du décès de la patiente, il s’agissait soit d’une embolie amniotique soit d’une complication de l’anesthésie péridurale. Ainsi dans le doute sur les causes de sa mort et donc sur la réalité de ses éventuelles prédispositions pathologiques, le lien de causalité entre la faute d’imprudence avérée et le décès ne peut être reconnu. Mais ces cas ne sont pas les plus nombreux en jurisprudence et cette dernière est plutôt favorable au patient. B) Une jurisprudence favorable au patient Elle est effectivement favorable car, elle a tendance à estimer, soit que les prédispositions pathologiques du patient n’étaient pas assez grave pour exonérer le médecin en cas de faute, soit qu’elles étaient si grave que cela aurait dû inciter à une plus grande prudence de la part des médecins. Ces derniers sont donc condamnés, lorsque la faute est établie. En effet, sur l’ensemble des cas où une faute d’atteinte involontaire à la vie et à l’intégrité physique de la personne est invoquée soit la faute est totalement écartée soit la faute est retenue et dans ce cas le lien de causalité entre la faute et le dommage est, lui aussi, retenu. Au final, l’état antérieur du patient ne fait que rarement écran entre la faute et le dommage. Un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation en date du 23 septembre 2003 (Cf. doc. 4) a rejeté le pourvoi de trois médecins condamnés en appel pour homicide involontaire. Il leurs était reproché un manque de communication, et notamment au médecin accoucheur d’avoir retardé l’envoi en consultation pré anesthésique. La victime qui devait accoucher souffrait en fait d’une forte anémie. Cette prédisposition pathologique n’a pas suffi à faire obstacle à la reconnaissance du lien de causalité entre la faute et le dommage. Dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 21 septembre 2004 (Cf. doc. 6), le pourvoi d’un chirurgien, ayant été condamné en appel pour blessures involontaires, a été rejeté. L’arrêt d’appel motive sa décision notamment en raison des circonstances et du choix du chirurgien. En effet, ce dernier a choisi d’opérer seul un lundi férié alors que l’état du patient n’était pas urgent. En l’espèce, l’état antérieur du patient permet de mettre en évidence que le choix effectué n’était pas judicieux. De plus il a choisi d’opérer seul sans l’assistance d’un chirurgien thoracique, dont les conseils lui auraient permis d’effectuer les examens nécessaires. Tout ces éléments ont contribué à l’erreur de localisation de la hernie discale dont soufrait la patiente, ce qui a conduit le chirurgien à effectuer, lors d’une première intervention, une légère traction sur la moelle épinière pour suturer la dure mère qui s’est rompue au moment de l’extraction discale lors d’une seconde opération. La paraplégie de la victime est définitive. Les experts en l’espèce ont, en outre, mis en évidence que le mode opératoire choisi était obsolète. Ainsi la cour d’appel retient que le médecin n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses fonctions, de ses compétences ainsi que des moyens dont il disposait. Enfin dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 19 octobre 2004 (Cf. doc. 7), le pourvoi d’un chirurgien spécialiste d’oto-rhino-laryngologie, compétant en chirurgie cervico-faciale et titulaire d’un 4 diplôme de chirurgie cervico-faciale, a été rejeté. L’arrêt d’appel considère que le chirurgien a commis des fautes graves de négligences et d’imprudences ayant un lien direct avec le dommage subi par la victime. En effet, le chirurgien a procédé à une intervention sur sa patiente atteinte d’une mastopathie proliférante. Mais faute de cicatrisation, cette intervention a dû être suivie de plusieurs autres. De plus, chirurgien a laissé en place des prothèses mammaires que normalement il aurait dû enlever assez rapidement suite aux complications. Le chirurgien finira par les remplacer mais placera de nouvelles prothèses dans les loges ouvertes sur une zone infectée. Les juges mettent aussi en avant qu’il a omis de faire procéder aux examens bactériologiques que justifiaient les signes d’infection apparus 2 mois avant l’ablation des prothèses. L’état antérieur était assez grave et constitué par les infections dont souffrait la patiente et qui ont contribué à créer le dommage. Mais la faute du chirurgien est considérée comme déterminante dans la réalisation du dommage, il ne peut donc s’exonérer en invoquant l’état de la patiente. 5 Annexe Source des arrêts legifrance.gouv.fr : Document 1 : C Crim 26 novembre 2002, n° pourvoi 02-80487 Document 2 : C Crim 4 mars 2003, n° pourvoi 02-83059 Document 3 : C Crim 2 décembre 2003, n°pourvoi 03-81955 Document 4 : C Crim 23 septembre 2003, n° pourvoi 03-80363 Document 5 : C Crim 21 janvier 2003, n°pourvoi 02-83835 Document 6 : C Crim 21 septembre 2004, n°pourvoi 03-85510 Document 7 : C Crim 19 octobre 2004, n°pourvoi 04-80317 Document 8 : C Crim 22 mars 2005, n° pourvoi 04-84459 Document 9 : C Crim 29 novembre 2005, n°pourvoi 05-80017 Document 10 : C Crim 12 septembre 2006, n°pourvoi 05-86700 6 Document 1 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 26 novembre 2002 Irrecevabilité N° de pourvoi : 02-80487 Inédit Président : M. COTTE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six novembre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de Me Le PRADO et de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocats en la Cour ; Vu la communication faite au Procureur général ; Statuant sur les pourvois formés par : - X... Maurice, - X... Pierre, - X... Yveline, - X... Bernard, parties civiles, contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de BORDEAUX, en date du 13 décembre 2001, qui, dans l’information suivie contre Michel Y... et Philippe Z..., des chefs 7 d’homicide involontaire et omission de porter secours, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 223-6 du Code pénal, 575-6 , 591 et 593 du Code de procédure pénale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance de non-lieu à suivre, du 13 février 2001, à l’encontre des Docteurs Philippe Z... et Michel Y..., des chefs d’homicide involontaire et d’omission de porter secours ; ”aux motifs que dans son rapport du 7 juillet 1995 le Docteur A..., expert en anatomopathologie indiquait que l’examen anatomo-pathologique confirme l’infarctus du mésentère par la présence de caillots au niveau de tous les vaisseaux nourriciers du grêle et du caecum par la disparition du revêtement glandulaire et par l’amincissement de la paroi ; que, selon l’expert, la première hypothèse que l’on peut émettre à l’origine de la péritonite est l’infarctus mésentérique ; que la première expertise médicale a été ordonnée par le juge d’instruction et réalisée par les Docteurs C... et D... ; que, dans leur rapport déposé le 4 juillet 1995, ils indiquent que selon eux la patiente souffrait d’un infarctus du mésentère ; que “le décès (selon eux) était en rapport avec une occlusion intestinale évoluant depuis quatre jours en rapport avec un infarctus du mésentère” ; qu’ils ajoutaient “que les chances de guérison de Mme X... étaient grossièrement nulles dès l’apparition des douleurs. Ses chances de survie étaient inexistantes, (...) un tel état, selon eux était “catastrophique”, et “la mortalité frôle le 100 %” ; que dans leurs conclusions, ils indiquaient que compte tenu de la pathologie en cause, ils ne pouvaient pas affirmer qu’une intervention plus précoce aurait sauvé la malade, ni dire que les agissements des docteurs Y... et Z... étaient directement la cause du décès de Mme X... ; qu’une contre-expertise était ordonnée par le juge d’instruction à la demande des parties ; que dans leur rapport déposé le 24 novembre 1996, le Docteur Geneviève B... et le Professeur E... indiquaient que le décès de Mme X... est dû au choc septique irréversible par infarctus mésentérique massif ; que la sémiologie est difficile à interpréter et que d’une façon générale la mortalité a un pourcentage très élevé au plus de 85 % dans les formes massives ; que la seule chance de survie est une intervention chirurgicale très précoce dès le premier jour ; que selon eux, si le comportement du Docteur Philippe Z... n’avait pas été conforme aux règles de l’art, on ne pouvait pas affirmer qu’une opération chirurgicale plus précoce aurait radicalement transformé le pronostic d’emblée, très grave chez cette malade de 74 ans à très haut risque ; qu’ils estimaient par ailleurs que le préjudice créé par le Docteur Michel Y... était mineur parce qu’anesthésiste il n’était pas concerné directement par l’état de la malade, tant que l’intervention chirurgicale n’était pas envisagée et que lorsque celle-ci avait été décidée, le 29 mai 1995 compte tenu du stade déjà très évolué des lésions le préjudice causé par son comportement n’a été que mineur et non déterminant de la mort de la malade ; qu’en 8 l’état de ces éléments le délit d’homicide involontaire ne peut être caractérisé ; qu’en effet, ce délit suppose un lien de causalité entre la faute et le dommage, et le dommage, élément constitutif de l’infraction consiste non en une perte de chance de survie mais dans le décès de la victime ; qu’or, en l’espèce, si le désaccord des médecins, la négligence et l’imprudence du Docteur Philippe Z... tels que relevés par les experts B... et E... ont fait perdre à la victime des chances de survie, l’information n’établit pas que sans ce désaccord, cette négligence ou cette imprudence, celle-ci aurait survécu ; que le délit d’omission de porter secours ne saurait ainsi être caractérisé ; qu’en effet, la victime a été l’objet de soins, d’examens, de diagnostics lesquels mêmes s’ils ont été incomplets ou erronés ne permettent pas de démontrer une volonté chez les personnes mises en examen de refuser volontairement de lui porter assistance ; ”alors, d’une part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que les juges doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu’en l’espèce, les consorts X..., rappelant que les chances de survie de Mme X... importaient peu pour caractériser le délit, se prévalaient (mémoire p. 11) du rapport des docteurs F... et G... dont il ressortait que le Docteur Philippe Z... n’avait pas accompli les diligences qui lui incombaient pour porter assistance à sa patiente en refusant volontairement d’ordonner le transfert de cette dernière vers une autre structure hospitalière ; que la chambre de l’instruction n’a nullement examiné ce moyen péremptoire, son arrêt n’étant que la reproduction littérale des réquisitions du Procureur général, en date du 7 mars 2001, rédigées avant même le dépôt du mémoire des parties civiles, intervenu le 19 octobre 2001, sans y ajouter aucun motif propre susceptible de répondre aux faits précis invoqués par celles-ci, de sorte que les juges d’appel ne peuvent être ainsi considérés comme ayant, même implicitement, écarté ce moyen ; que, dès lors, l’arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; ”alors, d’autre part, qu’en tout état de cause, le délit d’omission de porter secours réprimant un manquement à un devoir d’humanité, est caractérisé indépendamment de l’état physiologique de la victime et de son évolution fatale ; qu’ainsi, en se fondant pour exclure la responsabilité des docteurs Z... et Y..., en dépit des manquements constatés, sur la circonstance (arrêt p. 9 in fine et p. 10) qu’il ne serait pas établi que la victime aurait pu survivre malgré des soins appropriés, la chambre de l’instruction a méconnu la portée de cette infraction, de sorte que son arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale” ; Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l’instruction, après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ; 9 Que les demandeurs se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d’aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l’instruction en l’absence de recours du ministère public ; Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu’il en est de même des pourvois, par application du texte précité ; Par ces motifs, DECLARE les pourvois IRRECEVABLES ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Daudé ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :chambre de l’instruction de la cour d’appel de BORDEAUX 2001-12-13 Document 2 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 4 mars 2003 Rejet N° de pourvoi : 02-83059 Inédit Président : M. COTTE 10 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mars deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller BERAUDO, les observations de Me CHOUCROY,et de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocats en la Cour ; Vu la communication faite au Procureur général ; Statuant sur les pourvois formés par : - X... Fabienne, - Y... Jeanine, parties civiles, contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 21 mars 2002, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de Joseph Z... du chef d’homicide involontaire ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, alinéa 1er, du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ; ”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a renvoyé le Docteur Z... des fins de la poursuite ; ”aux motifs que le tribunal a caractérisé le délit finalement par le risque de procéder à une opération chirurgicale, pourtant compatible selon les experts commis par la Cour avec l’état de santé du patient même en cas de recours à l’anesthésie générale, réduisant à néant cette 11 motivation par ailleurs insuffisante ; ”qu’en effet, s’il est exact que le délit n’exige pas pour recevoir application qu’un lien de causalité direct et immédiat existe entre la faute et le décès, faut-il encore démontrer que l’existence de ce lien de causalité soit certaine ; ”qu’en l’espèce, de simples hypothèses étant émises sur la cause de décès, et à supposer que des fautes aient été observées, l’existence d’un lien de causalité certain entre celles-ci et le décès fait singulièrement défaut ; ”que, dès lors, le délit n’est pas caractérisé ; ”alors, d’une part, que l’article 221-6 du Code pénal punit quiconque aura été involontairement la cause d’un homicide ; que ce texte n’exige pas que cette cause soit directe et immédiate ; qu’il suffit que l’existence du lien de causalité soit certaine ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que la victime était atteinte d’un diabète insulinodépendant ; que, selon les médecins B... et C..., médecins généraliste et cardiologue suivant M. X..., celui-ci présentait une cardiomyopathie ischémique évoluée, qu’il souffrait d’une coronaropathie multi-cardiomyopathie ischémique évoluée, qu’il souffrait d’une coronaropathie multi-tronculaire, responsable d’une dysfonction ventriculaire gauche sévère qui avait occasionné plusieurs épisodes d’insuffisance cardiaque avec oedème aigu du poumon ; qu’au cours des deux précédentes interventions pratiquées dans la même clinique, par le même chirurgien, après avoir subi une anesthésie locale mise en oeuvre par le Docteur Z..., celle-ci avait été transformée en anesthésie générale ; que la feuille d’anesthésie tenue par le Docteur Z... le 23 novembre 1995, était incomplète et, notamment, ne mentionnait pas les valeurs relevées par les éléments de monitorage ; que les experts mentionnent un certain manquement dans la surveillance post-opératoire ; que ces négligences commises apparaissent comme une conséquence certaine du décès de la victime et qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient nécessairement ; ”alors, d’autre part, qu’est coupable d’homicide involontaire le médecin anesthésiste qui, en méconnaissance du décret du 5 décembre 1994, n’a procédé à aucune consultation préanesthésique, et n’a pas informé le patient des risques encourus eu égard à l’état précaire du patient ; qu’en l’espèce, les parties civiles faisaient valoir dans leurs conclusions d’appel laissées sans réponse que la consultation pré-anesthésique n’avait pas eu lieu ; 12 que le patient n’avait pas donné son consentement éclairé sur la technique anesthésique choisie ; que, compte tenu de la pathologie lourde de M. X... atteint d’un diabète insulinodépendant et de problèmes cardiaques et vasculaires, le Docteur Z... n’a interrogé aucun des médecins ou spécialistes qui suivaient M. X... ; qu’enfin, le docteur Z... avait luimême reconnu sa responsabilité et ses fautes ayant conduit au décès de M. X... ; qu’ainsi, le Docteur Z... a, par un manquement délibéré à une obligation particulière de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé la mort de la victime ; que le lien de causalité est certain ; ”alors, enfin qu’une simple faute suffit à caractériser l’homicide involontaire lorsque le dommage est direct ; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a pas davantage répondu aux chefs péremptoires des conclusions d’appel des parties civiles soulignant que la surveillance postopératoire a fait gravement défaut et que si celle-ci avait eu lieu, il aurait été possible, malgré les erreurs préalables commises de sauver M. X... ; que, de plus, la victime avait clairement dit à l’anesthésiste, tant en présence de sa fille que de M. A..., qu’il ne voulait aucunement être mis sous neuroleptanalgésie ce que le Docteur Z... avait initialement accepté et ce qui était prévu ; que la victime avait été autorisée à prendre un petit déjeuner avant l’anesthésie loco-régionale ce qui aurait été impossible en cas de neuroleptanalgésie ; qu’enfin l’expert, le Pr. D..., a précisé “qu’au total, la complication est à relier à l’anesthésie plutôt qu’au terrain du patient ; qu’ainsi, le lien de causalité ayant concouru au décès de la victime est certain, même si ce lien est indirect” ; Attendu que, pour relaxer Joseph Z... du chef d’homicide involontaire et débouter les parties civiles de leurs demandes, la cour d’appel qui, par arrêt en date du 15 avril 1999, avait confié une expertise à un collège d’experts comprenant un cardiologue, relève que, contrairement aux appréciations du tribunal, l’opération était compatible avec l’état de santé du patient même en cas de recours à l’anesthésie générale, et que, de simples hypothèses étant émises sur la cause du décès, à supposer que des fautes aient été observées, le lien de causalité entre celles-ci et le décès fait défaut ; Attendu que ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve du délit d’homicide involontaire n’était pas rapportée à la charge du prévenu, en l’état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ; D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; 13 REJETTE les pourvois ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beraudo conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :cour d’appel de PARIS, 20ème chambre 2002-03-21 Document 3 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 2 décembre 2003 Cassation N° de pourvoi : 03-81955 Inédit Président : M. FARGE conseiller REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux décembre deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile 14 professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Marie-Paul, contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 6 février 2003, qui, pour homicide involontaire, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel l’ayant condamné à 25 000 francs d’amende et ayant prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6, 112-1, 121-3 du Code pénal modifié par la loi du 10 juillet 2000, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 388, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; ”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le Docteur Marie-Paul X... coupable d’homicide involontaire ; ”aux motifs que, “c’est par une exacte analyse des faits, sous réserve d’une mention erronée se référant à tort à la perte d’une chance qui n’a pas sa place en l’espèce, que le tribunal a déclaré le prévenu coupable d’homicide involontaire sur la personne de Vanessa Y..., étant précisé qu’au regard de la prévention, l’infraction est prévue et réprimée par l’article 221-6, alinéa 1er, et non pas alinéa 2, du Code pénal ; que le Professeur Z..., expert commis, a indiqué que la victime était décédée, d’une part, parce que l’hémostase n’avait pas été faite, et, d’autre part, parce que la transfusion n’avait pas eu lieu ; que le non-accomplissement par le Docteur Marie-Paul X... des diligences lui incombant, par sa persistance à tous les stades de son intervention, est constitutif d’une faute caractérisée exposant la victime à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer” ; ”alors que, d’une part, la cour d’appel, qui fait application d’une loi nouvelle intervenue depuis le jugement de première instance, doit inviter le prévenu à présenter ses observations sur ce point ; qu’en déclarant ce dernier coupable d’avoir commis une “faute caractérisée” sur le fondement de la loi du 10 juillet 2000, pour des faits antérieurs à cette loi, sans l’avoir invité à s’expliquer sur ce point, modifiant la base légale de la poursuite, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ; ”alors que, d’autre part, et en tout état de cause, la faute caractérisée doit être établie sans 15 insuffisance ni contradiction ; qu’en déclarant le Docteur Marie-Paul X... coupable d’avoir commis une faute caractérisée en se fondant sur l’avis de l’expert selon lequel il n’avait pas fait pratiquer d’hémostase ni transfuser la malade, alors que ce même expert avait retenu qu’il n’était pas permis d’affirmer que l’hémostase ou la transfusion aurait empêché le décès, la cour d’appel, qui a homologué cet avis contradictoire, a privé sa décision de base légale” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Vanessa Y..., grièvement blessée dans un accident de la circulation, a été secourue, à 2 heures 38, par le Service d’aide médicale urgente (SAMU), qui a immédiatement informé le service des urgences de l’hôpital de la gravité et de l’évolution alarmante de son état et a fait pratiquer sur sa personne et acheminer rapidement à l’hôpital des prélèvements sanguins ; qu’à son arrivée à l’hôpital, la victime a été prise en charge par Marie-Paul X..., médecin responsable du service des urgences ; qu’elle est décédée, une heure plus tard, des suites d’une hémorragie massive ; que le 27 juin 2000 Marie-Paul X... a été déclaré coupable d’homicide involontaire et que par l’arrêt attaqué, la cour d’appel a confirmé cette décision ; En cet état ; Sur le moyen pris en sa première branche ; Attendu qu’en faisant application de l’article 221-6 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, la cour d’appel, qui était saisie de la même infraction, n’a pas procédé à une requalification des faits, mais a statué au vu des seules dispositions légales applicables et sur lesquelles les parties pouvaient présenter leurs observations au cours des débats ; D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Sur le moyen pris en sa seconde branche ; Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; 16 Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d’homicide involontaire, l’arrêt attaqué retient que, bien qu’informé de l’état très alarmant de la blessée dès sa prise en charge par le SAMU et destinataire des prélèvements sanguins la concernant, il n’a pas fait appel au chirurgien de garde pour tenter de réaliser une hémostase et a tardé à réclamer les examens sanguins préalables à une transfusion ; que les juges concluent qu’en s’abstenant de procéder à ces actes médicaux, alors que le rapport d’expertise relève que la victime est décédée en raison de l’absence d’hémostase et de transfusion, Marie-Paul X... a commis une faute caractérisée exposant celle-ci à un risque d’une particulière gravité ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte du jugement dont elle a adopté les motifs que le rapport d’expertise ne permet pas d’affirmer que l’hémostase ou la transfusion immédiate auraient pu empêcher la mort de la victime, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; D’où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs, CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt précité de la cour d’appel de Bordeaux, en date du 6 février 2003, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Bordeaux, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Gailly conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet conseillers référendaires ; Avocat général : Mme Commaret ; Greffier de chambre : Mme Daudé ; 17 En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle 2003-02-06 Document 4 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 23 septembre 2003 Rejet N° de pourvoi : 03-80363 Inédit Président : M. COTTE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois septembre deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MOUTON ; Statuant sur les pourvois formés par : - X... Monique, - Y... Patrick, - Z... David, 18 contre l’arrêt de la cour d’appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle, en date du 5 décembre 2002, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef d’homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1147 du Code civil, 470-1 et 593 du Code de procédure pénale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a condamné le Docteur X..., le Docteur Y... et le Docteur Z... à payer à A...X... a retardé l’envoi de la patiente en consultation pré-anesthésique, consultation dont l’importance est relevée par les experts, jusqu’à la veille de l’intervention, et ce alors qu’elle savait que A... souffrait d’anémie ; que ce médecin, qui avait consulté le carnet de maternité de la parturiente et qui avait pris connaissance des résultats sanguins savait que le problème d’anémie n’avait pas eu de résultat positif ; que, pourtant elle décidait de mettre en oeuvre une technique (urgence discutée par les experts) et ce sans même informer, selon lui, l’anesthésiste Patrick Y... de l’anémie de A... et sans demander qu’il commande du sang dont la présence aurait permis une transfusion dès le début de l’opération si nécessaire ; que le Docteur Y..., qui recevait la patiente pratiquement sans information du Docteur X..., non seulement ne procédait pas à l’interrogatoire de la patiente qui s’exprimait très mal en français, mais encore ne regardait pas le carnet de maternité, précisant, au demeurant, qu’il ne se rappelait pas si elle l’avait avec elle étant rappelé qu’il n’avait pas été mis au courant de l’existence de la grave anémie affectant la parturiente ; que le Docteur Y... qui commandait le 22 avril 1998 à 18 heures 09 un bilan sanguin allait sans en connaître les résultats, sans avoir pu interroger la patiente, sans avoir vu le carnet de maternité, sans connaître de l’existence de l’anémie, sans prendre l’initiative d’interroger le Docteur X..., classer la patiente ASA 1 donc indemne de pathologie associée et quitter le service, le Docteur Z... prenant le relais ; que l’analyse ordonnée par le Docteur Patrick Y... à 18 heures 09 démontrait une anémie très pathologique et un trouble de la coagulation (valeurs plus basses que l’analyse du 14 février 1998) ; que le Docteur Z... consultait les résultats du bilan dont il ne considérait pas, au contraire des experts, qu’il soit préoccupant voire alarmant ; que parlant malgache, il soutenait en cause d’appel avoir interrogé la patiente, interrogatoire dont il soutient avoir retenu que la précédente césarienne avait été satisfaisante mais ne consultait pas le carnet de grossesse, précisant à l’audience d’appel “toutefois cela nous arrive parfois de les examiner” et soutenant qu’elle ne l’avait pas sur elle ; qu’il ne s’inquiétait pas de la contradiction entre le classement ASA 1 par le Docteur Y... et les résultats du bilan ordonné mais non consulté par ce dernier, qu’il n’interrogeait pas non plus le Docteur X... ; qu’il ne faisait aucune commande de sang de telle sorte qu’en cas d’hémorragie, la patiente perdait une chance majeure de survivre, étant précisé que le Docteur Z... soutenait ne pas l’avoir fait puisque pour lui la patiente était normale malgré les résultats du laboratoire ordonnés mais non lus et non consultés par le 19 Docteur Y... ; que le Docteur X..., qui connaissait l’état de sa cliente, n’a pas, avant d’opérer, demandé à voir ce bilan et précisait que le Docteur Z... ne lui avait pas donné connaissance des résultats ; qu’après l’intervention, le Docteur Z... a tardé à prendre les décisions qui s’imposaient alors que le trouble de la coagulation préexistant avait entraîné un saignement très précoce ; que la transfusion n’a débuté que le 23 avril 1998 à 12 heures 35, donc 1 heure 15 après la commande de sang et trois heures après la première constatation d’un saignement anormal, étant rappelé à l’examen du dossier que le Docteur X... ne prêtait pas suffisamment attention à l’hémorragie de sa patiente dès la fin de la césarienne, compte tenu des éléments qu’elle avait en sa possession sur l’état de santé de A..., avec cette circonstance que le Docteur X... était coresponsable avec l’anesthésiste du suivi et des soins post-opératoires ; que cette succession de fautes des médecins intervenants, fautes qui résident surtout en des carences dans les diligences à accomplir (préventives et curatives) et en une quasi-absence de communication entre médecins travaillant dans la même clinique et devant harmoniser leurs connaissances du cas à traiter ; que ces négligences et carences ont, comme démontré plus haut, entraîné une perte de chance majeure de guérison indemnisable dans le cadre de la responsabilité civile contractuelle, étant observé que c’est pertinemment que les premiers juges ont relevé les dispositions de l’article 470-1 du Code de procédure pénale était édictée dans l’intérêt des victimes et que la simple référence subsidiaire à une indemnisation selon les règles du droit civil était suffisante ; que c’est pertinemment que les premiers juges ont précisé que la perte de chance était équivalente au préjudice lui-même ; que cette perte de chance étant retenue, c’est pertinemment au regard de la mort de la mère et des conséquences d’évidence désastreuses à tous points de vue sur la vie du mari et des enfants, que les premiers juges ont accordé 16 769,39 euros de dommages-intérêts au mari de A... décédée et 19 818,37 euros à chacun des deux enfants, par l’intermédiaire du père leur représentant légal ; ”1 ) alors que le médecin n’est tenu à l’égard de son patient, dans le choix d’une thérapie, que d’une obligation de moyens et non d’une obligation de résultat ; que seule une faute peut donc permettre d’engager la responsabilité du praticien ; que l’existence d’une faute ne peut être déduite de l’absence de succès d’un traitement ou de la gravité du préjudice ; que le Docteur X..., le Docteur Z... et le Docteur Y... soutenaient que, quand bien même A... souffrait d’anémie, la césarienne devait impérativement être pratiquée d’urgence, compte tenu du fait que A... présentait des douleurs pelviennes et des contractions, et qu’un accouchement par les voies naturelles aurait certainement provoqué une rupture utérine dont l’issue était fatale ; qu’ils en déduisaient qu’ils n’avaient commis aucune faute en décidant d’intervenir en urgence, dès lors qu’en l’absence d’intervention, la parturiente aurait été exposée à un risque vital ; qu’en décidant néanmoins que le Docteur X..., le Docteur Y... et le Docteur Z... avaient commis une faute en pratiquant une césarienne en urgence sur une parturiente atteinte d’anémie, motif pris de ce que l’urgence était discutée par les experts, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’urgence commandait d’agir ainsi compte tenu de l’état de santé 20 de la parturiente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; ”2 ) alors que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ; qu’en décidant que la perte de chance majeure d’éviter le dommage était équivalente au préjudice, la cour d’appel a méconnu les dispositions des textes susvisés” ; Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que les juges ont, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, et caractérisé les fautes imputables aux trois médecins, fautes dont il est résulté, pour A..., une perte de chance de guérison ; qu’ils ont souverainement apprécié le préjudice résultant, pour les proches de la patiente, de cette perte de chance ; D’où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Daudé ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :cour d’appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle 2002-12-05 Document 5 : 21 Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 21 janvier 2003 Rejet N° de pourvoi : 02-83835 Inédit Président : M. COTTE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un janvier deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ; Vu la communication faite au Procureur général ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Abdellah, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’administrateur légal de ses enfants mineurs Bakta et Dounia, partie civile, contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 15 mai 2002, qui a prononcé sur les intérêts civils, après relaxe de Joëlle Y... du chef d’homicide involontaire ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6, 121-3 du Code pénal, 592 et 593 du Code de procédure pénale ; 22 ”en ce que l’arrêt attaqué a relaxé la prévenue du chef d’homicide involontaire ; ”aux motifs propres et adoptés des premiers juges que seule est mise en évidence de façon consensuelle par les experts la faute consistant pour Joëlle Y... à pratiquer l’anesthésie en salle de travail et non au bloc opératoire ; que si le délit n’exige pas, pour recevoir application, qu’un lien de causalité direct et immédiat existe entre la faute et le décès, faut-il encore démontrer que l’existence de ce lien de causalité soit certaine, lequel ne saurait être caractérisé par la perte d’une chance de survie ; ”alors que les articles 121-3 et 221-6, dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, retiennent la responsabilité pénale des personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont contribué à le créer par une faute caractérisée ; qu’en se bornant, dès lors, à affirmer que la perte d’une chance de survie ne caractérisait pas le lien de causalité direct et immédiat entre la faute et le décès, sans rechercher si les fautes et négligences constatées à l’encontre de la prévenue, ayant fait perdre une chance de survie à la victime, ne constituaient pas une faute caractérisée ayant contribué au dommage, l’arrêt attaqué a violé les textes susvisés” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt confirmatif attaqué que Saïda X... est entrée en clinique pour mettre au monde un second enfant ; que Joëlle Y..., anesthésiste, a, vers 17 heures 40, pratiqué une péridurale, puis, toujours en salle de travail, a complété l’anesthésie lorsque, vers 18 heures 50, le gynécologue a décidé d’opérer par césarienne ; que, vers 19 heures, la patiente a été transférée au bloc opératoire où un arrêt cardio-respiratoire brutal a entraîné son décès ; que Joëlle Y... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire ; Attendu que, pour prononcer sa relaxe, les juges relèvent que la cause de la mort de Saïda X... n’a pu être définie, le décès pouvant être en rapport soit avec une embolie amniotique, soit avec une complication de l’anesthésie péridurale, bien que les signes constatés ne soient, dans les deux hypothèses, pas caractéristiques ; qu’ils ajoutent que, si le médecin a commis une imprudence en pratiquant l’anesthésie en salle de travail et non dans la salle d’opération offrant de meilleures conditions de récupération en cas d’accident, il n’est pas établi que cette faute présente un lien de causalité avec le décès de la patiente ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la cour d’appel a justifié sa décision ; D’où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; 23 REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Lambert ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :cour d’appel de PARIS, 20ème chambre 2002-05-15 Document 6 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 21 septembre 2004 Rejet N° de pourvoi : 03-85510 Publié au bulletin Président : M. Cotte Rapporteur : Mme Beaudonnet. Avocat général : M. Launay. Avocats : Me Copper-Royer, la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Boutet, la SCP Nicolay et de Lanouvelle. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS REJET des pourvois formés par X... David, la Compagnie Axa Assurances, partie intervenante, contre l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 4 avril 2003, qui, pour blessures involontaires, a condamné le premier à huit mois 24 d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. LA COUR, Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour David X..., et pris de la violation des articles 121-3, 222-19 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale : ” en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré le docteur David X... coupable du délit de blessures involontaires ; ” alors, d’une part, que le délit de blessures involontaires suppose l’existence d’un lien de causalité certain entre la faute reprochée au prévenu et les blessures ; que le seul fait d’avoir causé à la victime une perte de chance de guérison ne peut dès lors constituer le délit ; que la cour d’appel ne pouvait retenir la culpabilité du docteur David X... à raison de fautes commises dans la préparation et la réalisation de l’opération chirurgicale de la hernie discale dont souffrait Nicole Y... sans constater qu’une opération correctement préparée et réalisée aurait permis, de manière certaine, d’éviter la paraplégie ; ” alors, d’autre part, qu’il résulte des propres énonciations de l’arrêt que la hernie discale qu’il s’agissait d’extraire était enclavée dans la moelle et que la paraplégie totale et irréversible dont a été victime la patiente a été le résultat de la légère traction sur la moelle épinière que le chirurgien a été contraint d’effectuer pour suturer la dure-mère qui s’était rompue au moment de l’extraction d’un fragment discal lors d’une seconde opération, pratiquée quelques jours après l’échec de la première ; que, dans son rapport d’expertise, expressément visé sur ce point dans le jugement de relaxe entrepris, le professeur Z... concluait : “une brèche durale s’est produite à l’extraction de la hernie mais cela n’est pas dû à un accident opératoire mais bien à la lésion qui a effectivement aminci cette dure-mère, voire l’a perforée pour s’enclaver dans sa face antérieure” ; que cet expert poursuivait : “le chirurgien a ensuite traité cette ouverture de la méninge par suture et application de colle de Fibrine, ce qui est le traitement habituel” ; que, dans son jugement, le tribunal avait encore relevé qu’aucune des expertises ordonnées par le juge d’instruction n’imputait à faute la rupture de la dure-mère et la fuite du liquide rachidien et retenu que cette perforation se serait produite dès la première opération ; que la cour d’appel, qui n’a pas remis en cause la nécessité d’opérer la hernie au regard de l’état fonctionnel de la victime ni jugé que l’ablation du fragment discal enclavé dans la moelle épinière était, en l’espèce, et quelle que soit la voie opératoire choisie, contre-indiquée, ne pouvait retenir une quelconque faute du chirurgien causale de la paraplégie définitive et 25 irréversible dont fut victime la patiente à la suite de la rupture de la dure-mère sans rechercher si le risque réalisé n’était pas inhérent à la lésion opérée, quelle que soit l’urgence, les examens pré et préopératoires réalisés, l’information recueillie, l’absence d’erreur de repérage lors de la première intervention, la voie opératoire choisie et les précautions prises lors de la manoeuvre d’extraction ; ” alors, de troisième part, que l’absence d’artériographie, destinée au repérage de l’artère d’Adamkiewicz qu’il s’agit de respecter au cours de l’intervention et qui l’a effectivement été, comme l’absence d’examen préopératoire ou peropératoire autres que l’IRM réalisée le 15 avril 1995, sont sans lien de causalité avec le dommage dû, selon les propres constatations de l’arrêt, à la manoeuvre d’extraction, réalisée au cours de la seconde opération, d’un fragment discal dont la cour d’appel retient que l’IRM pratiquée avait suffit à révéler qu’il était calcifié et enchâssé dans la moelle épinière (arrêt, page 9, alinéa 2, et 10, alinéa 2) ; ” alors, encore, que le lien de causalité entre la paraplégie totale et irréversible dont a souffert la victime et les fautes qui auraient consisté pour le docteur David X... à ne pas s’être interrogé sur la pertinence de l’opération envisagée et à avoir choisi une voie opératoire non adaptée à la situation, n’est pas caractérisé en l’absence de tout constat que l’ablation de la hernie était, en l’espèce, contre-indiquée et qu’une autre voie eût permis d’extraire le fragment discal enchâssé dans la moelle sans rupture de la dure-mère ; ” alors, enfin, que le préjudice consécutif à un défaut d’information sur les risques opératoires ne pouvait s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas courir le risque réalisé ; qu’un tel préjudice ne réalise pas le résultat requis pour la constitution du délit “ ; Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Copper-Royer pour la compagnie Axa assurances, et pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3, 222-19 du Code pénal, 388, 593 du Code de procédure pénale : ” en ce que la Cour de Grenoble a déclaré le docteur David X... coupable de blessures involontaires, sur l’action publique, l’a condamné à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis et, sur l’action civile, l’a condamné in solidum avec la compagnie Axa Assurances à payer à Nicole Y... la somme de 320 842 euros et à la CPAM de la Drôme la somme de 115 516,82 euros ; ” aux motifs que des avis concordants des deux rapports d’expertise, d’un collège d’experts, praticiens particulièrement expérimentés et du professeur A..., il résulte que le docteur David X... a, contrairement aux conclusions par lui déposées, commis des fautes avant et pendant les interventions chirurgicales en cause ; qu’en effet, avant l’opération chirurgicale, le docteur David X... n’a pas procédé au repérage de l’artère d’Adamkiewicz, précaution estimée indispensable par les deux rapports susvisés, malgré l’IRM effectuée ; qu’il n’a pas davantage effectué l’examen peropératoire recommandé par le collège expertal, ni pris les précautions 26 susvisées telles que préconisées dans le rapport du professeur A..., “quelle que soit l’habileté du chirurgien” ; qu’il a ainsi pu commettre une erreur de localisation de la hernie discale, due à une carence de précautions, dont les conséquences sur l’état ultérieur de la patiente sont patentes, aux dires mêmes du rapport Z... dont il argue pour s’exonérer ; que, contrairement à ses affirmations, devant la Cour et dans ses conclusions, l’urgence dans ce type d’affection n’est pas telle qu’il faille agir dans la précipitation préjudiciable au patient, alors qu’un chirurgien habitué à ce type de chirurgie, normalement prudent et diligent, sait parfaitement, selon le professeur A..., que si une hernie discale volumineuse et calcifiée, telle que finalement révélée, peut être vue en urgence, elle ne doit “sûrement pas être opérée en urgence du fait de la dangerosité de l’entreprise”, urgence essentiellement critiquable en ce qu’elle est source d’impréparation et d’imprévision ; qu’ainsi, l’état fonctionnel de Nicole Y... n’imposait pas, selon le collège d’experts, une intervention en urgence un jour férié, le lundi de Pâques, empêchant le concours de toutes les spécialités requises ; que la gravité de l’intervention chirurgicale et de ses conséquences corporelles en cas d’erreur est telle qu’il appartient à un chirurgien de s’entourer préalablement de toute précaution, pour ne prendre sa décision qu’au terme de tous les examens ou avis nécessaires ; que tel n’a pas été le cas en l’espèce, d’autant qu’il est avéré, notamment par les débats à l’audience, que Nicole Y... n’a été ni examinée ni vue par le docteur David X... avant la première intervention ; qu’il ne peut être valablement soutenu que l’urgence ait pu être appréciée par le docteur B... et dictée par celui-ci au docteur X..., seul compétent pour une telle décision ; qu’au demeurant, la hâte du docteur David X... à intervenir ne l’a conduit qu’à l’erreur l’obligeant à une seconde intervention dont l’issue a été extrêmement préjudiciable à la patiente ; qu’en l’état du dossier de la procédure, le docteur David X... ne peut valablement soutenir comme il l’a fait devant le juge d’instruction, avoir ignoré la gravité et la particularité de la hernie, dont il reconnaît lui-même le caractère exceptionnel, présentée par Nicole Y..., alors qu’il ressort des documents médicaux que la calcification discale a été relevée par radio le 28 mars 1995 et que l’IRM antérieure à l’intervention chirurgicale critiquée fait état d’une hernie discale calcifiée médiane, refoulant la moelle et enchâssée dans la moelle ; qu’une telle intervention suppose, de l’avis concordant de tous les experts, que le patient soit clairement informé des risques d’aggravation de son état encourus afin de lui laisser toute latitude du choix, alors que tel n’a pas été le cas dans la présente espèce ; que, préalablement à cette décision, le chirurgien doit même s’interroger sur la pertinence d’une telle intervention, d’autant que, selon le professeur A..., il est bien connu que les hernies discales les plus volumineuses sont très souvent calcifiées adhérentes et quasi indissociables de la dure-mère voire à la face antérieure de la moelle ; qu’un chirurgien spécialisé en cette matière ne peut ignorer que, dans un pareil cas, les chirurgiens n’interviennent plus aujourd’hui que lorsque la symptomatologie neurologique est très menaçante, et qu’ils n’hésitent pas devant une hernie discale calcifiée à laisser en place la coque calcifiée adhérente à la dure-mère et à la moelle pour ne pas créer de dégâts neurologiques irrémédiables ; qu’en effet, une intervention chirurgicale ne peut être envisagée, contre sa finalité curative, lorsque la résorption d’une telle hernie discale n’apparaît pas possible sans créer des dommages corporels irréversibles ; que le docteur David X... n’a manifestement pas eu une telle interrogation, que la carence de sa préparation ne lui permettait d’ailleurs pas ; qu’au temps de l’opération, le docteur David X... a choisi la voie d’abord postérieure par laminectomie dont les deux rapports concordants susvisés soulignent tout à la fois les extrêmes dangers susmentionnés et, corrélativement, le caractère obsolète aux yeux de la communauté des neurochirurgiens ; que les professeurs C..., 27 D... et E... ont relevé que l’existence d’un fragment discal calcifié incarcéré à la face antérieure de la moelle épinière est une notion habituelle dans les hernies thoraciques calcifiées, que son ablation n’autorise pas la mobilisation médullaire, celle-ci étant fixée de manière proximale, distale et latérale par les nerfs intercostaux, que l’ablation du fragment discal se fait habituellement par un abord postéro-latéral ou par un abord antérieur pour éviter la mobilisation médullaire et que le compte rendu opératoire mentionne l’existence d’une brèche durale traduisant bien la difficulté de l’opérateur pour réaliser l’ablation du fragment par un abord postérieur isolé contre-indiqué dans ce type de “chirurgie” ; qu’ils avaient préalablement noté que l’erreur commise dans la première intervention chirurgicale par la libération au niveau inférieur de la compression a été un facteur d’aggravation à l’origine de la survenue d’une lésion médullaire par “lésion du collet” ; que sa hâte à intervenir chirurgicalement a privé le docteur David X... des concours de certains confrères spécialisés qui, au temps de l’intervention, lui ont fait défaut ; qu’ainsi, il ressort de ses propres déclarations, confirmées devant la Cour, qu’il ne pouvait pendant le week-end de Pâques, être assisté d’un chirurgien thoracique, ce qui lui a interdit de choisir la voie de l’abord antérieur ; que, dès lors, il ne peut sérieusement prétendre avoir fait le choix de la voie antérieure (lire postérieure) afin de pratiquer l’acte chirurgical le moins agressif possible, alors que la gravité du cas de Nicole Y... impliquait un seul choix, celui de la voie la plus adaptée à la résorption de la hernie, à la guérison de la patiente et, à tout le moins, à éviter des séquelles irréversibles ; qu’un tel choix raisonné et conscient lui a été interdit par l’absence, susvisée, de préparation suffisante antérieurement à l’intervention ; qu’il résulte des déclarations susrelatées du docteur David X... qu’en toute hypothèse, au temps de l’intervention chirurgicale, il a perçu que le fragment exclu était attaché à la moelle en indiquant précisément qu’un choix s’offrait à lui, soit retirer le fragment “et, s’il venait, l’opération était terminée”, soit ne pas pouvoir retirer le fragment exclu sans résistance et devoir alors passer par la voie antérieure ; que de telles affirmations ne sauraient valoir alors qu’il ressort des éléments susvisés qu’il connaissait cette réalité antérieurement à l’intervention et qu’il a lui-même reconnu que la localisation dudit fragment rendait nécessaire la voie antérieure ; que, par ailleurs, il ne peut sérieusement prétendre avoir décidé de tirer sur ce fragment aux fins de voir “s’il venait”, alors qu’à raison de sa localisation, il ne pouvait ignorer les risques considérables d’une telle manoeuvre dont les effets ne pouvaient être perçus qu’à son terme, à un moment où ils étaient irréversibles ; qu’il ne peut davantage affirmer qu’il a pu retirer sans résistance ledit fragment, alors qu’il reconnaît lui-même que cette extraction a eu pour effet de rompre la dure-mère provoquant l’écoulement du liquide céphalorachidien et la suture qui, le contraignant à faire une “traction très légère sur la moelle épinière”, a été, ainsi qu’il le reconnaît lui-même, directement à l’origine de la paraplégie dont souffre Nicole Y..., alors même qu’il avait perçu, comme il l’a reconnu, que la voie antérieure apparaissait nécessaire pour permettre une intervention optimale ; qu’une intervention, destinée à l’allègement de la souffrance sinon à la guérison, ne peut ainsi être, dans l’impréparation, livrée à l’aléa susceptible d’entraîner, chez le patient, des dommages irréversibles ; qu’ainsi, constitue un ensemble de fautes, que n’aurait pas commises le praticien 28 normalement prudent, diligent et avisé, le fait de ne pas avoir suffisamment préparé son intervention, de ne pas avoir sollicité toute l’information nécessaire et de ne pas avoir tenu compte suffisamment de l’information déjà détenue sur la gravité de l’hernie pour décider de la voie d’abord la plus adaptée à sa résorption, alors que l’extrême difficulté d’une telle intervention chirurgicale pour extraire le fragment et la mener à son terme, alors qu’il apercevait, une nouvelle fois, que la voie choisie n’était pas la bonne pour la meilleure manoeuvre d’extraction dont le caractère défectueux est patent ; qu’il n’est pas contestable que ces fautes présentent un rapport de causalité directe avec le dommage subi par Nicole Y..., en ce que la victime a subi directement les conséquences des fautes imputées au docteur David X... ; qu’ainsi, le collège expertal, corroboré dans ses conclusions par le docteur A... a considéré que la paraplégie totale et définitive dont souffre Nicole Y... est en rapport avec des fautes de nature médicale ; que le professeur Z..., souvent sollicité en sa faveur par le prévenu, a également conclu à une faute médicale dans la réalisation de la première intervention du 17 avril 1995 qui a laissé en place la compression de la moelle et de son axe vasculaire, prolongeant les conditions de la souffrance neurologique, ce qui a expliqué l’aggravation de sa paraplégie ; que d’ailleurs, le docteur X... a reconnu qu’il avait dû, pour suturer la duremère, opérer une traction très légère sur la moelle épinière et que cette manoeuvre avait provoqué la lésion irréversible dont souffre Nicole Y... ; que par leur caractère simple, les fautes suscaractérisées satisfont aux exigences de l’article 121-3 du Code pénal, tel que réformé par les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 applicables aux faits de l’espèce, puisque plus favorables, alors qu’il ressort de l’examen de la procédure établi, que le docteur David X... n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses fonctions, de ses compétences ainsi que des moyens dont il disposait ; qu’ainsi est caractérisé en tous ses éléments le délit de blessures involontaires poursuivi ; ” alors que dans l’hypothèse où un dommage serait advenu en l’absence d’intervention chirurgicale, la faute du praticien qui n’a pu empêcher la réalisation des conséquences de la pathologie, est en relation causale indirecte avec le dommage ; qu’en l’état d’une paraplégie qui s’installait et serait devenue définitive en l’absence d’intervention chirurgicale, la faute du médecin qui a conduit à l’échec de l’intervention, est en relation causale indirecte avec la paraplégie dont est atteinte la patiente ; qu’étant incontesté que Nicole Y... serait devenue définitivement paraplégique en absence d’intervention, la cour d’appel ne pouvait retenir que les fautes imputables au docteur David X..., constituées par le fait d’avoir insuffisamment préparé l’intervention, de ne pas avoir choisi la voie d’abord la plus adaptée et d’avoir persévéré dans sa décision d’extraire le fragment de hernie, étaient en relation causale directe avec la paraplégie dont souffre Nicole Y... , sans violer les articles 121-3 et 222-9 du Code pénal dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000 ; ” que, subsidiairement, le juge ne peut statuer que sur les faits dont il est saisi ; que le docteur David X... était renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’avoir omis de “procéder à des contrôles ou à des repérages préopératoires et péropératoires et en commettant une erreur de repérage radiologique au niveau de la hernie”, fautes résultant de la première intervention chirurgicale du 17 avril 1995 ; que la cour d’appel ne pouvait, sans violer l’article 388 du Code de procédure pénale, retenir à l’encontre du prévenu des fautes relevant de la seconde intervention ; 29 ” et que, très subsidiairement, seule la traction sur la dure-mère a conduit à l’écoulement du liquide encéphalo-rachidien et, partant, à la paraplégie ; que cette traction, imposée pour l’ablation de la hernie discale, non seulement n’était pas visée dans la prévention au titre des fautes imputables au docteur David X..., mais encore ne constituait nullement une faute selon les différents experts ; que la cour d’appel ne pouvait, sans violer les articles susvisés, retenir que les fautes imputables au docteur David X..., en particulier la décision d’opérer, étaient en relation causale avec la paraplégie “ ; Les moyens étant réunis ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Nicole Y..., opérée les 17 puis 20 avril 1995 par David X..., chirurgien orthopédiste, en raison d’une hernie discale dorsale avec compression médullaire, souffre, depuis ces interventions, d’une paraplégie totale et définitive ; Attendu que, pour déclarer David X... coupable de blessures involontaires commises entre le 17 et le 20 avril 1995, l’arrêt retient notamment que le prévenu a pris la décision d’opérer seul, un lundi férié, bien que l’état de la patiente n’ait pas justifié une telle urgence, sans aviser celle-ci des risques encourus et sans l’assistance nécessaire d’un chirurgien thoracique ; que, n’ayant pas procédé au repérage artériel et aux contrôles radiologiques indispensables, il a commis une erreur de localisation de la hernie lors de la première intervention et provoqué une lésion médullaire ; qu’il a choisi une voie opératoire d’abord postérieure par laminectomie dont les experts soulignent les dangers et le caractère obsolète ; qu’il a, lors de la seconde intervention, bien que la voie choisie soit inadaptée, extrait le fragment discal attaché à la moelle, provoquant une rupture de la dure-mère ; que les juges ajoutent que ces fautes, que n’aurait pas commises un praticien normalement prudent, diligent et avisé, sont directement à l’origine de la paraplégie totale et définitive dont est atteinte Nicole Y... ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que David X... n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de sa fonction, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, la cour d’appel, qui a constaté, sans modifier la prévention, que le prévenu avait causé directement le dommage, a justifié sa décision au regard des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, tant dans leur rédaction antérieure à la loi du 10 juillet 2000 que dans leur rédaction issue de cette loi ; D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ; Sur le second moyen de cassation, proposé par Me Copper-Royer pour la compagnie Axa assurances, et pris de la violation des articles 121-3, 222-19 du Code pénal, 2, 470-1, et 593 du Code de procédure pénale : 30 ” en ce que la Cour de Grenoble a déclaré le docteur David X... coupable de blessures involontaires, sur l’action publique, l’a condamné à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis et, sur l’action civile, a déclaré recevable Nicole Y... et a condamné in solidum le docteur David X... avec la compagnie Axa assurances à lui payer la somme de 320 842 euros après déduction de la créance de la CPAM et à payer à la CPAM de la Drôme la somme de 115 516,82 euros ; ” aux motifs qu’il résulte du rapport d’expertise du docteur F..., en date du 31 janvier 1998 que l’état de Nicole Y... est consolidé depuis le 1er novembre 1996, date de son maintien par dérogation en service long séjour au centre hospitalier de Nyons, que son incapacité totale de travail a duré du 17 avril 1995 au 1er novembre 1996, que son incapacité permanente partielle est de 75 %, que le pretium doloris représenté par les interventions, la longueur de l’hospitalisation, la rééducation, peut être qualifié d’un degré six, en tenant compte des douleurs postérieures à la consolidation n’entraînant pas d’atteinte à l’intégrité psychophysiologique, que le préjudice esthétique représenté par la cicatrice, la perte de la marche et la station debout, peut être qualifié d’un degré cinq, qu’enfin, il existe un préjudice sexuel du fait des troubles sphinctériens et de son préjudice ; que s’agissant de son préjudice professionnel, Nicole Y... peut opérer une reconversion professionnelle du fait de son niveau scolaire et linguistique ; que les séquelles de paraplégie dans le cadre d’une indépendance fonctionnelle mesurée à 99-126 rendent nécessaire le recours à une aide de tierce personne de substitution et de complément d’une durée d’une heure par jour, dimanches et fériés compris ; qu’au vu des conclusions de la CPAM de la Drôme, dont les demandes n’ont pas été contestées, des conclusions dudit rapport d’expertise, qu’elle fait partiellement siennes, de l’âge de la victime au temps de la consolidation, de sa situation personnelle, sociale et familiale ainsi que des débats à l’audience, des précisions et des documents à elle fournis, la Cour dispose d’éléments suffisants pour fixer ainsi qu’il suit le préjudice directement subi par la partie civile du fait de l’infraction dont elle a été victime ; qu’il convient, préalablement, de préciser qu’en l’état, seront réservés les postes relatifs aux frais d’aménagement du domicile et du véhicule de Nicole Y..., aux aides techniques et aux frais futurs médicaux et paramédicaux, à l’assistance d’une tierce personne, ainsi qu’au préjudice professionnel, toutes questions dont l’examen sera renvoyé à une prochaine audience ; que sur le préjudice soumis au recours de la sécurité sociale : frais de soins corporels et d’hospitalisation, déduction faite des frais futurs dont l’examen est renvoyé à une prochaine audience : 115 516,82 euros ; incapacité temporaire totale de travail : 10 697 euros ; incapacité permanente partielle de travail : 217 500 euros total : 343 713,82 euros ; qu’après déduction de la créance de la CPAM soit la somme de 115 516,82 euros, il restera dû à la partie civile au titre du préjudice soumis à recours la somme de 228 197 euros ; que sur le préjudice non soumis à recours de la sécurité sociale : préjudice d’agrément : 15 245 euros ; préjudice esthétique : 12 000 euros ; préjudice sexuel : 27 400 euros ; souffrances morales et physiques : 38 000 euros total : 92 645 euros ; 31 ” qu’en cet état il convient de fixer l’indemnisation de Nicole Y..., déduction faite de la créance de la CPAM susvisée, à la somme totale, couvrant les préjudices patrimonial et extrapatrimonial, de 320 842 euros ; qu’il y a donc lieu de condamner in solidum David X... et la compagnie d’assurances AXA à payer, en quittances ou deniers, la somme de 320 842 euros à Nicole Y... et la somme de 115 516,82 euros à la CPAM de la Drôme ; ” alors que l’action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui doit être limité dans les conditions strictement définies à l’article 2 du Code de procédure pénale et, à ce titre, ne peut être exercée que par celui qui a personnellement et directement souffert du dommage ; qu’en l’état qu’une paraplégie qui se serait définitivement installée en absence d’opération, la cour d’appel ne pouvait réparer la totalité du dommage résultant de l’échec de l’intervention, sans violer l’article susvisé ; ” que la partie civile ne peut être indemnisée deux fois pour les mêmes préjudices ; que l’incapacité temporaire totale de travail et l’incapacité permanente partielle comprennent le préjudice économique résultant du préjudice professionnel ; que la cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, d’une part, indemniser Nicole Y... au titre de l’incapacité temporaire et au titre de l’incapacité permanente partielle et, d’autre part, renvoyer à un examen ultérieur l’évaluation du préjudice professionnel ; ” et que, en toute hypothèse, une personne qui n’exerçait aucune activité au jour du dommage ne peut être indemnisée d’une perte de revenus comprise dans le préjudice économique, sauf à ce qu’il soit établi que sa capacité de travail a été atteinte ; qu’il n’était pas contesté que Nicole Y... n’exerçait aucune activité professionnelle au jour du dommage ; que la cour d’appel a relevé que la victime pouvait effectuer une reconversion professionnelle ; que la cour d’appel ne pouvait donc indemniser Nicole Y... pour un préjudice professionnel qu’elle ne subissait pas sans violer le principe indemnitaire et les articles susvisés “ ; Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant pour Nicole Y... de l’atteinte à son intégrité physique, la cour d’appel, qui ne s’est pas prononcée sur l’existence d’un préjudice professionnel distinct de l’incapacité permanente partielle déjà indemnisée, se bornant à renvoyer l’examen de cette question à une audience ultérieure, n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, les indemnités propres à réparer le dommage né de l’infraction ; D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois. 32 Publication :Bulletin criminel 2004 N° 216 p. 766 Décision attaquée :Cour d’appel de Grenoble, 2003-04-04 Titrages et résumés : HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité Causalité directe - Applications diverses. Les juges qui, pour déclarer un chirurgien orthopédiste coupable de blessures involontaires, retiennent que les fautes commises en opérant, sans urgence, une patiente sans l’assistance d’un chirurgien thoracique, en commettant, en l’absence de contrôles préalables, une erreur de localisation de la hernie, puis en procédant à une seconde intervention par une voie inadaptée, en provoquant une rupture de la dure-mère, ont entraîné la paraplégie totale et définitive de l’opérée, constatent par là même que ce prévenu a causé directement le dommage. RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité Causalité directe - Applications diverses PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin-chirurgien - Homicide et blessures involontaires - Faute - Lien de causalité - Causalité directe Précédents jurisprudentiels : A rapprocher : Chambre criminelle, 2002-10-29, Bulletin criminel, n° 196, p. 728 (rejet), et l’arrêt cité ; Chambre criminelle, 2002-11-13, Bulletin criminel, n° 203, p. 751 (rejet), et l’arrêt cité. Codes cités : Code pénal 121-3, 221-6. Loi 2000-647 2000-07-10. Document 7 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 19 octobre 2004 Rejet N° de pourvoi : 04-80317 Publié au bulletin Président : M. Cotte Rapporteur : M. Blondet. Avocat général : M. Davenas. Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan. 33 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf octobre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Christian, contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 15 décembre 2003, qui, pour blessures involontaires, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et 7 500 euros d’amende, a prononcé à son encontre une interdiction définitive d’exercice professionnel et a statué sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 156 et suivants, 427, 592 et 593 du Code de procédure pénale, 105 du Code de déontologie médicale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ; ”en ce que l’arrêt attaqué a condamné le docteur X... aux peines d’un an d’emprisonnement avec sursis, 7 500 euros d’amende et d’interdiction définitive d’exercer la chirurgie plastique et réparatrice hors de son activité d’ORL comprenant la chirurgie cervico-faciale ; ”aux motifs que, s’il est indiqué dans la plainte avec constitution de partie civile que Françoise Y... a consulté le professeur C... à titre personnel en mai 1998 avant la désignation de celui-ci en qualité d’expert, l’avocat de la partie civile a à l’audience rectifié cette indication erronée en ce sens que sa cliente, invitée à consulter le professeur C..., avait renoncé à ce projet ; qu’il ne résulte nullement des documents produits tant à l’appui de la plainte avec constitution de partie civile que postérieurement, que la partie civile ait consulté l’expert à titre personnel ; que l’indication, erronée, mentionnée dans la plainte avec constitution de partie civile, selon laquelle la victime aurait consulté le professeur C... à titre personnel et l’absence d’audition des parties par les experts n’est pas de nature à affecter la 34 force probante de leurs conclusions ; qu’il résulte suffisamment des conclusions concordantes et accablantes à son égard des quatre experts commis par le juge d’instruction que le prévenu n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission, de ses fonctions, de ses compétences et des moyens dont il disposait ; ”alors que la désignation comme expert d’un médecin que la partie civile indique, dans sa plainte, préalable nécessaire à la désignation de l’expert et à la définition de sa mission, avoir consulté à titre personnel prive cet expert de toute garantie d’impartialité, quelles que soient les dénégations postérieures apportées par la partie civile, et interdit au juge d’accorder un caractère probant à ses conclusions ; qu’en décidant le contraire, et en se fondant expressément sur les conclusions d’un expert que la partie civile avait elle-même indiqué avoir consulté avant le dépôt de sa plainte, la cour d’appel a méconnu les règles d’impartialité et d’équité du procès comme d’équilibre des armes” ; Attendu que, pour écarter l’argumentation du prévenu, qui soutenait que l’un des experts désignés par le juge d’instruction pour l’éclairer sur son comportement professionnel avait été préalablement consulté par la victime, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que, selon les articles 179, alinéa 6, et 385, alinéa 4, du Code de procédure pénale, lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, les parties sont irrecevables à soulever des exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure, la cour d’appel a justifié sa décision ; D’où il suit que le moyen doit être écarté ; Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 222-19, alinéa 1er, 121-3 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le docteur Christian X... coupable d’avoir involontairement causé à Françoise D... épouse Y... une atteinte à l’intégrité de sa personne en n’assurant pas de manière prudente la gestion des complications postopératoires, notamment en n’enlevant pas en temps opportun les prothèses précédemment installées et en les remplaçant, lors de leur enlèvement, par des prothèses d’expansion ; ”aux motifs que Françoise Y... a été opérée en mai 1996 par le docteur Z... d’une mastopathie proliférante à type de papillome intra-canalaire du sein droit ; qu’à la suite d’une récidive elle a fait l’objet d’une nouvelle intervention le 20 janvier 1998, par le docteur Z... se faisant assister du docteur X..., consistant en une mastectomie sous-cutanée bilatérale avec mise en place de prothèses ; que, faute de cicatrisation, cette intervention a dû être suivie de plusieurs autres : la première le 20 mars 1998, réalisée par le prévenu, consistant sur le sein gauche en 35 l’exérèse des tissus nécrotiques, la réhabilitation de l’implant gonflable, la réalisation d’une néo-aréole par glissement des tissus sains restants ; la seconde, pratiquée par ce même médecin le 31 mars 1998, consistant en la résection de part et d’autre du lâchage du tissu cutané, fermeture en deux plans avec plastie de glissement et de rotation permettant d’annuler les tensions sur les nouvelles sutures ; la troisième, le 30 avril 1998, par les docteurs X... et Z..., consistant en l’ablation des deux implants après préparation du site opératoire par bétadine, désinfection de la loge pectorale par Bétadine puis lavage au sérum physiologique et mise en place d’un expandeur cutané ; la quatrième, le 13 mai 1998, par le docteur A..., consistant en l’ablation de l’expandeur gauche à la suite d’une suppuration sur cet expandeur due à un staphylocoque ; que dans leur rapport les experts ont mis en évidence qu’aucun examen bactériologique n’a été effectué au cours du suivi postopératoire, avant l’intervention du docteur A... qui a révélé la présence d’un staphylocoque alors que, selon les déclarations du prévenu, celui-ci avait constaté dès le 2 mars que le sein droit de sa patiente était “chaud et tendu” et avait alors mis en place une antibiothérapie, puis que l’état de ce sein avait nécessité une ponction le 10 mars ; que les documents produits ne font, en fait, que confirmer les conclusions des experts, à savoir que, les signes d’infection étant apparus depuis le 2 mars 1998 (sein droit chaud et tendu), persistant en dépit de l’antibiothérapie aveugle à laquelle le prévenu avait soumis sa patiente faute d’avoir pratiqué un examen bactériologique (abcès sous-cutané le 20 mars, désunion de la suture sous-aréolaire sur épisodes de surinfection traités par antibiotique le 31 mars), ce dernier n’a procédé à aucun examen bactériologique et, par voie de conséquence, a aucune antibiothérapie adaptée ; que, dans ces circonstances, passant outre aux données actuelles de la science, il a, entre le 2 mars 1988 et le 30 avril 1988, laissé en place des prothèses, que tout chirurgien qualifié aurait enlevées, pour en placer de nouvelles dans les loges largement ouvertes sur une zone infectée, geste inadmissible et gravement fautif, contraire aux données actuelles de la science ; qu’il résulte suffisamment de la procédure et des débats, et notamment des conclusions concordantes et accablantes à son égard des quatre experts commis par le juge d’instruction, que, dans le cadre du suivi postopératoire de Françoise Y..., dont il était chargé, le prévenu n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de ses fonctions, de ses compétences et des moyens dont il disposait ; que ses interventions maladroites et entachées de graves erreurs de choix thérapeutique constituent une succession de fautes de négligence et d’imprudence qui sont la cause directe et certaine de la perte aréolaire et sous aréolaire du sein gauche ; ”alors, d’une part que, selon les constatations de l’arrêt, les premiers signes d’infection, le 2 mars 1998, concernaient le seul sein droit, lequel n’a subi aucun dommage et pour lequel la prothèse d’expansion a pu être conservé normalement jusqu’à la reconstruction définitive ; que l’ablation du 13 mai 1998 de l’expander gauche a été nécessitée par la présence d’un staphylocoque, infection nosocomiale, apparue après l’intervention du 30 avril : qu’il ne pouvait dès lors être imputé à faute au prévenu de ne pas avoir procédé à l’ablation des prothèses dès les premiers signes infectieux du 2 mars 1998 sur le seul sein droit ; qu’ainsi la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait ; 36 ”et alors, d’autre part, que l’arrêt attaqué constate que l’intervention du docteur A..., le 13 mai, est intervenue à la suite de l’apparition du staphylocoque ; que le réquisitoire définitif relève que ce staphylocoque a été diagnostiqué par le docteur X... ; que, dès lors, la Cour ne pouvait, sans se contredire ni se mettre en contradiction avec les pièces du dossier, affirmer que le docteur X... n’avait procédé à aucun examen bactériologique avant l’intervention du docteur A... qui aurait révélé l’existence du staphylocoque ; que l’arrêt attaqué est ainsi privé de motif ; ”alors, encore qu’en l’absence de toute relation établie ou constatée entre l’infection diagnostiquée le 2 mars 1998 sur le sein droit et le staphylocoque apparu sur le sein gauche le 11 mai 1998, la cour d’appel ne pouvait affirmer que le docteur X... avait commis une faute en n’enlevant pas les deux prothèses dès le 2 mars 1998 ; que l’arrêt attaqué n’a ainsi pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait ; ”alors, enfin qu’en matière médicale, le médecin a la liberté du choix de la technique ou de la méthode qui lui paraît la plus appropriée, lorsque plusieurs modalités d’intervention sont possibles ; que le docteur X... faisait valoir dans ses conclusions d’appel que, au regard des complications postopératoires, les divers auteurs compétents en la matière émettent des méthodes de traitement différentes et il citait le docteur B..., chef du service de chirurgie mammaire et plastique à Villejuif, qui estime possible de refermer la peau sous anesthésie locale sans retirer la prothèse et, en cas de complication née d’une lymphorhée, prévoit son traitement par ponctions successives ; que la compagnie AIG, assureur du prévenu, indiquait de même que dans son ouvrage le professeur E... préconisait en cas d’apparition d’une nécrose “des soins simples de cicatrisation dirigés” ; que le docteur X... indiquait encore avoir choisi, plutôt que l’ablation immédiate des prothèses, cette technique, qui avait parfaitement réussi pour le sein droit, parce qu’elle permettait à la patiente de retrouver sa poitrine en état de reconstruction et non d’abandon ; qu’en reprochant au prévenu d’avoir laissé en place les prothèses malgré les difficultés de cicatrisation rencontrées, sans répondre ni sur la réussite du traitement appliqué au sein droit, ni sur les préconisations des ouvrages expressément cités dans les conclusions d’appel, constituant des “données de la science”, la cour d’appel a privé sa décision de motif et ne l’a pas légalement justifiée” ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-19, alinéa 1er, 121-3 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le docteur Christian X... coupable d’avoir involontairement causé à Françoise D... épouse Y... une atteinte à l’intégrité de sa personne en n’assurant pas de manière prudente la gestion des complications postopératoires, notamment en n’enlevant pas en temps opportun les prothèses précédemment installées et en les remplaçant, lors de leur enlèvement, par des prothèses d’expansion ; 37 ”aux motifs que Françoise Y... a été opérée en mai 1996 par le docteur Z... d’une mastopathie proliférante à type de papillome intra-canalaire du sein droit ; qu’à la suite d’une récidive elle a fait l’objet d’une nouvelle intervention, par le docteur Z... se faisant assister du docteur X..., consistant en une mastectomie sous-cutanée bilatérale avec mise en place de prothèses ; que, faute de cicatrisation, cette intervention a dû être suivie de plusieurs autres : la première le 20 mars 1998, réalisée par le prévenu, consistant sur le sein gauche en l’exérèse des tissus nécrotiques, la réhabilitation de l’implant gonflable, la réalisation d’une néo-aréole par glissement des tissus sains restants ; la seconde, pratiquée par ce même médecin le 31 mars 1998, consistant en la résection de part et d’autre du lâchage du tissu cutané, fermeture en deux plans avec plastie de glissement et de rotation permettant d’annuler les tensions sur les nouvelles sutures ; la troisième, le 30 avril 1998, par les docteurs X... et Z..., consistant en l’ablation des deux implants après préparation du site opératoire par bétadine, désinfection de la loge pectorale par bétadine puis lavage au sérum physiologique et mise en place d’un expandeur cutané ; la quatrième, le 13 mai 1998, par le docteur A..., consistant en l’ablation de l’expandeur gauche à la suite d’une suppuration sur cet expandeur due à un staphylocoque ; que dans leur rapport les experts relèvent que l’acte pratiqué le 30 avril 1998, consistant notamment en la mise en place de nouvelles prothèses d’expansion dans des loges largement ouvertes sur une zone infectée, ne peut qu’être qualifié d’inadmissible et gravement fautif, contraire aux données actuelles de la science ; que les interventions maladroites et entachées de graves erreurs de choix thérapeutique constituent une succession de fautes de négligence et d’imprudence qui sont la cause directe et certaine de la dégradation de l’état de santé de Françoise Y... ayant entraîné une perte de substance aréolaire et sous-aréolaire du sein gauche et entraîné une ITT de six mois ; ”alors, d’une part, que le remplacement des prothèses initiales par des prothèses d’expansion, en raison des difficultés de cicatrisation, a été un choix parfaitement réussi pour le sein droit, conservé par la patiente jusqu’à cicatrisation et pose des prothèses définitives sans aucun dommage ; que les juges d’appel constatent que l’ablation de la prothèse d’expansion du sein gauche a été nécessitée par l’apparition d’un staphylocoque, postérieure à l’opération du 30 avril 1998, et dont il n’est pas constaté qu’elle aurait été favorisée par le nouvel implant; que, en affirmant néanmoins que l’acte pratiqué le 30 avril 1998 était en lui-même gravement fautif, l’arrêt attaqué a privé sa décision de base légale ; ”alors, d’autre part, que le prévenu et la compagnie AIG, son assureur, dans leurs conclusions d’appel, faisaient valoir que le docteur X... avait pris toutes les précautions lors de l’opération du 30 avril 1998 pour éviter l’apparition d’une nouvelle infection liée à l’implantation du nouveau matériel prothétique ; que l’infection constatée le 11 mai 1998 par un staphylocoque doré ne pouvait être que le résultat d’une infection nosocomiale ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions, et en ne s’expliquant nulle part sur l’origine de l’infection du sein gauche constatée le 11 mai 1998, ni sur son imputabilité à une faute commise par le prévenu, la cour d’appel a privé son arrêt de tout motif et n’a pas légalement justifié sa décision” ; Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-19, alinéa 1er, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; 38 ”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le docteur Christian X... coupable d’avoir involontairement causé à Françoise D... épouse Y... une atteinte à l’intégrité de sa personne ayant entraîné une perte de substance aréolaire du sein gauche, secondaire au phénomène de nécrose et aux interventions itératives, et une incapacité de travail de plus de trois mois ; ”aux motifs que Françoise Y... a été opérée en mai 1996 par le docteur Z... d’une mastopathie proliférante à type de papillome intra-canalaire du sein droit ; qu’à la suite d’une récidive elle a fait l’objet d’une nouvelle intervention, par le docteur Z... se faisant assister du docteur X... consistant en une mastectomie sous-cutanée bilatérale avec mise en place de prothèses ; que, faute de cicatrisation, cette intervention a dû être suivie de plusieurs autres : la première, le 20 mars 1998, réalisée par le prévenu, consistant sur le sein gauche en l’exérèse des tissus nécrotiques, la réhabilitation de l’implant gonflable, la réalisation d’une néo-aréole par glissement des tissus sains restants ; la seconde, pratiquée par ce même médecin le 31 mars 1998, consistant en la résection de part et d’autre du lâchage du tissu cutané, fermeture en deux plans avec plastie de glissement et de rotation permettant d’annuler les tensions sur les nouvelles sutures ; la troisième, le 30 avril 1998, par les docteurs X... et Z..., consistant en l’ablation des deux implants après préparation du site opératoire par bétadine, désinfection de la loge pectorale par bétadine puis lavage au sérum physiologique et mise en place d’un expandeur cutané ; la quatrième, le 13 mai 1998, par le docteur A..., consistant en l’ablation de l’expandeur gauche à la suite d’une suppuration sur cet expandeur due à un staphylocoque ; qu’il résulte suffisamment de la procédure et des débats, et notamment des conclusions concordantes et accablantes à son égard des quatre experts commis par le juge d’instruction, que, dans le cadre du suivi postopératoire de Françoise Y..., dont il était chargé, le prévenu n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de ses fonctions, de ses compétences et des moyens dont il disposait ; que ses interventions maladroites et entachées de graves erreurs de choix thérapeutique constituent une succession de fautes de négligence et d’imprudence qui sont la cause directe et certaine de la dégradation de l’état de santé de Françoise D... épouse Y... ayant abouti à une perte de substance aréolaire et sous-aréolaire du sein gauche ; ”alors que la responsabilité pénale du médecin ne peut être engagée que si les imprudences ou négligences qui lui sont reprochées ont directement causé le dommage et non pas seulement contribué à l’aggraver, ou s’il a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, ou commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ; que, d’une part, il résulte des termes de la prévention que le dommage subi au sein gauche est secondaire au phénomène de nécrose et aux interventions itératives reprochées au docteur X... ; que les juges du fond constatent avec les experts que le phénomène de nécrose, complication connue de l’intervention initiale qui n’est pas reprochée au prévenu, ne peut lui être imputé ; que, dès lors, les interventions itératives postopératoires (réajustement et maintien des prothèses, remplacement par des prothèses gonflables), à supposer même qu’elles constituent des fautes d’imprudence ou de négligence, n’ont pas directement causé le dommage, mais n’ont au plus que contribué à l’aggraver à la suite du phénomène de nécrose résultant de l’opération initiale ; qu’elles ne pouvaient dès lors légalement justifier une condamnation pénale ; 39 que, d’autre part, les juges du fond ne constatent nulle part que le prévenu a commis une violation manifestement délibérée des règles de prudence, ni qu’il a commis une faute grave en sachant qu’il exposait sa patiente à un risque qu’il ne pouvait ignorer ; que la prévention elle-même ne retenait qu’un manque de prudence dans la gestion des complications postopératoires ; que la condamnation prononcée n’est pas légalement justifiée ; qu’enfin, et en toute hypothèse, le risque réalisé d’une séquelle partielle et d’ordre purement esthétique sur la cicatrice n’est pas un risque d’une particulière gravité au sens de l’article 121-3 du Code pénal ; que la condamnation prononcée n’est ainsi pas légalement justifiée” ; Les moyens étant réunis ; Attendu que, pour déclarer Christian X..., chirurgien, spécialiste d’oto-rhino-laryngologie, compétent en chirurgie cervico-faciale et titulaire d’un diplôme de la société française de chirurgie esthétique, coupable de blessures involontaires sur la personne de Françoise Y..., l’arrêt retient qu’après avoir tenté, le 20 janvier 1998, de réaliser sur sa patiente, atteinte d’une mastopathie récidivante, une reconstruction des seins autour d’implants gonflables dans le prolongement de la mastectomie sous-cutanée bilatérale réalisée par un confrère gynécologue, il a procédé tardivement, le 30 avril 1998, malgré l’échec de la cicatrisation puis l’objectivation d’un abcès sous-cutané et d’une nécrose des tissus des mamelons à l’occasion de deux autres interventions chirurgicales inefficaces, à l’ablation des prothèses infectées en les remplaçant par des prothèses d’expansion cutanée ; que les juges ajoutent qu’en omettant de faire procéder aux examens bactériologiques que justifiaient les signes d’infection apparus dès le 2 mars 1998, en laissant en place trop longtemps les prothèses rejetées puis en les remplaçant par de nouvelles prothèses dans les loges rétropectorales largement ouvertes sur une zone infectée, le prévenu, qui n’a pas accompli les diligences normales lui incombant compte tenu de sa mission, de ses compétences ainsi que des moyens dont il disposait, a commis de graves fautes de négligence et d’imprudence ayant un lien de causalité certain avec le dommage subi par la victime dont l’incapacité totale de travail a été fixée à six mois ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, d’où il résulte que le prévenu est l’auteur direct des dommages subis par la victime, que rien ne permet d’attribuer à une infection nosocomiale, la cour d’appel a justifié sa décision ; D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ; Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-44, 131-27 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ; 40 ”en ce que l’arrêt attaqué a prononcé l’interdiction définitive d’exercer la chirurgie plastique et réparatrice ; ”aux motifs que, compte tenu des fautes commises dans l’exercice de son activité professionnelle, il y a lieu, par application de l’article 222-44 du Code pénal, de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé l’interdiction définitive d’exercer la chirurgie plastique et réparatrice ; ”alors, d’une part, que le docteur X... faisait valoir que lui interdire de manière définitive d’exercer une activité de chirurgie plastique, esthétique et réparatrice telle qu’il l’a accomplie avec succès depuis de fort nombreuses années constitue une sanction manifestement disproportionnée aux faits susceptibles de lui être reprochés ; que la cour d’appel aurait donc dû rechercher si la peine complémentaire d’interdiction définitive d’exercer la chirurgie plastique et réparatrice était bien en rapport avec les fautes qui sont reprochées au docteur X... et avec le dommage subi par Françoise D... épouse Y..., “perte de substance aréolaire et sousaréolaire” du sein gauche ne mettant en cause ni sa santé ni ses capacités physiques ; qu’en ne s’expliquant pas sur la disproportion alléguée entre la sanction d’interdiction professionnelle définitive et les faits reprochés au docteur X..., la cour d’appel n’a pu justifier sa décision au regard des textes susvisés ; ”alors, d’autre part, qu’une interdiction professionnelle définitive d’opérer dans sa spécialité constitue une sanction aux conséquences tellement graves pour un médecin qu’elle ne peut être prise que pour réprimer un comportement en lui-même inexcusable ayant eu des conséquences irrémédiables pour la victime ; que tel n’est pas le cas en l’espèce, la peine complémentaire d’interdiction définitive infligée au docteur X... pour n’avoir pas su, selon la Cour, gérer de manière prudente les complications postopératoires de cicatrisation consécutives au phénomène de nécrose du sein gauche de la patiente, ce, en tentant d’éviter à cette patiente le traumatisme de l’abandon de la reconstruction mammaire préconisée par certains experts, étant manifestement disproportionnée tant au regard des faits reprochés qu’à leur conséquence dommageable ; que l’arrêt attaqué a ainsi violé le principe de proportionnalité de la peine avec le délit réprimé” ; Attendu qu’aucune disposition légale n’imposant au juge de motiver le choix d’une peine autre que l’emprisonnement sans sursis, le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; 41 Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : M. Souchon ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Publication :Bulletin criminel 2004 N° 246 p. 911 Décision attaquée :Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2003-12-15 Titrages et résumés : 1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Saisine - Ordonnance de renvoi - Exception tirée de la nullité de la procédure antérieure - Irrecevabilité. 1° Selon les articles 179, alinéa 6, et 385, alinéa 4, du Code de procédure pénale, lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, les parties sont irrecevables à soulever des exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure. 2° RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité Causalité directe - Applications diverses 2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin-chirurgien - Homicide et blessures involontaires - Faute - Lien de causalité - Causalité directe 2° HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Causalité directe Applications diverses. 2° 42 Justifient leur décision les juges qui, pour déclarer un chirurgien coupable de blessures involontaires, retiennent qu’en procédant tardivement à l’ablation de prothèses mammaires qu’il avait placées sur une patiente au cours d’une première intervention faisant suite à une masectomie sous-cutanée, et en les remplaçant par d’autres prothèses, sans faire procéder aux examens bactériologiques nécessaires, dans les loges rétropectorales largement ouvertes sur une zone infectée, il a commis une faute en relation de causalité directe avec le dommage. 2° RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité Causalité directe - Applications diverses 2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin-chirurgien - Homicide et blessures involontaires - Faute - Lien de causalité - Causalité directe Précédents jurisprudentiels : Sur le n° 1 : A rapprocher : Chambre criminelle, 2002-09-24, Bulletin criminel, n° 174, p. 634 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 2003-09-16, Bulletin criminel, n° 162, p. 649 (nullité et rejet) ; Chambre criminelle, 2004-02-11, Bulletin criminel, n° 39 (1), p. 163 (rejet), et l’arrêt cité. Sur le n° 2 : A rapprocher : Chambre criminelle, 2004-09-21, Bulletin criminel, n° 216, p. 765 (rejet), et les arrêts cités. Codes cités : 1° :. Code de procédure pénale 179 al. 6, 385 al. 4. 2° :. Code pénal 121-3, 2216. Document 8 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 22 mars 2005 Rejet N° de pourvoi : 04-84459 Inédit Président : M. COTTE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 43 LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux mars deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY-GADIOU- CHEVALLIER, et de Me LE PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MOUTON ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Fernand, - Y... Daniel, parties civiles , contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 24 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre Samir A..., Patrick B... et Jean-Louis C... pour homicide involontaire, les a déboutés de leurs demandes ; Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les docteurs A..., B... et C... non coupables d’homicide involontaire et a débouté les parties civiles de leurs demandes ; ”aux motifs que les contre-experts ont effectivement, en procédant à une analyse chronologique a posteriori des faits par l’étude du dossier médical et l’audition de sachants, relevé au cours des soins et du suivi médical, un certain nombre d’anomalies qui, chacune prise isolément, n’auraient pas été susceptibles d’entraîner la mort, mais qui, par leur sommation, ont abouti à une complication postopératoire gravissime dont la prise en charge a été inadaptée et trop tardive, en dépit d’un acte de réintervention chirurgicale conforme aux règles et d’une réanimation postopératoire correctement conduite, et que cette succession d’attitudes diagnostiques et thérapeutiques non conformes aux bonnes pratiques détermine les responsabilités à chaque étape de la prise en charge ; qu’ils concluent également qu’une prise en charge différente par le service de chirurgie de l’hôpital Intercommunal de Créteil aurait pu apporter à Christiane X..., plus de chances de survie ; qu’à l’audience, le docteur Z... précise 44 que si le tableau clinique présenté par la malade aurait dû conduire les chirurgiens à se donner les moyens intellectuels afin de parvenir plus tôt au diagnostic, c’était sans assurance de sauver la patiente ; que les experts et toutes les publications médicales s’accordent pour constater un taux de mortalité élevé dans ce type d’intervention et, en l’espèce, selon le professeur Jacques D..., devant la Cour, supérieur à 25 %, voire 30 % ; que, dès lors, les anomalies relevées comme le souligne in fine le tribunal, à défaut de rapporter la preuve d’un lien de causalité certain, qu’il soit direct ou indirect, avec le décès, n’ont eu pour effet que de constituer une perte de chance de survie, exclusive de la prévention visée, et, en l’espèce, de la compétence sur intérêts civils de la juridiction répressive ; ”alors, d’une part, que l’article 221-6 du Code pénal punit quiconque aura été involontairement la cause d’un homicide ; que ce texte n’exige pas que cette cause soit directe et immédiate ; qu’il suffit que l’existence du lien de causalité soit certaine ; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a pu, sans se contredire, admettre, d’une part, que les anomalies relevées sont en relation directe avec le décès de la patiente et, d’autre part, que le lien de causalité entre ces anomalies et le décès n’est pas établi ; ”alors, d’autre part, que la faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité privant le patient de toute chance de survie caractérise l’homicide involontaire ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt attaqué et des conclusions du rapport d’expertise du professeur D... et du docteur Z... que les fautes commises par les différents médecins, notamment concernant leur attitude passive face à une situation gravissime et aussi quant à leur atermoiement décisionnel, sont particulièrement graves ; que les fautes caractérisées qui ont exposé le patient à un risque d’une particulière gravité que les prévenus ne pouvaient ignorer, privant Christiane X... de toute chance de survie, établissent l’homicide involontaire ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient nécessairement, en violation des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Christiane X... a été admise d’urgence à l’hôpital, le 3 octobre 1996, pour être opérée le lendemain d’une occlusion de l’intestin grêle et d’un kyste de l’ovaire ; que l’intervention mettait en évidence un cancer du côlon qui conduisait le chirurgien à pratiquer une ablation totale de la tumeur ; que l’état de la patiente s’est dégradé à partir du 11 octobre et que, le 15 octobre, une péritonite a été diagnostiquée ; qu’une nouvelle intervention a été pratiquée le 16 octobre et que Christine X..., transférée au service de réanimation, est décédée le 20 octobre des suites d’une septicémie ; que Patrick B..., chef du service de chirurgie, Samir A... et Jean-Louis Cohen Solal , chirurgiens dans ce service, ont été poursuivis pour homicide involontaire et ont été relaxés par le tribunal correctionnel ; 45 Attendu que, pour confirmer cette décision, l’arrêt, statuant sur les appels des parties civiles et du ministère public, retient que les contre-experts ont constaté un certain nombre d’anomalies, au cours des soins et du suivi médical, qui, prises isolément, n’auraient pas été de nature à entraîner la mort de Christiane X..., mais qui, “par leur sommation”, ont abouti à une complication postopératoire gravissime, dont la prise en charge a été trop tardive et inadaptée, les chances de survie de la patiente s’en trouvant amoindries ; que, cependant, les juges relèvent, d’une part, qu’à l’audience, un expert a précisé qu’un diagnostic plus précoce n’aurait pas constitué l’assurance de sauver la malade et, d’autre part, que les experts et la littérature médicale s’accordent pour observer un taux de mortalité élevé dans ce type d’intervention ; que la juridiction du second degré en conclut que, Christiane X... ayant seulement été privée d’une chance de survie, il n’existe pas de relation certaine de causalité entre son décès et les anomalies médicales constatées ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine et d’où il résulte que le délit d’homicide involontaire n’est pas constitué, la cour d’appel a justifié sa décision ; D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : M. Souchon ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :cour d’appel de PARIS, 20ème chambre 2004-06-24 46 Document 9 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 29 novembre 2005 Rejet N° de pourvoi : 05-80017 Inédit Président : M. COTTE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle LYONCAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Béatrice, épouse Y..., contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2004, qui, pour homicide involontaire, l’a condamnée à 10 mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 du Code civil, 121-1, 1213, alinéa 4, et 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Béatrice X... coupable d’homicide involontaire ; 47 ”aux motifs qu’au départ du docteur Z... vers 13 heures, le docteur Béatrice X... a endossé l’entière charge de la surveillance médicale post opératoire d’Estelle A... au titre de l’aprèsmidi et de la nuit suivant l’intervention chirurgicale ; qu’il lui incombait au premier chef de s’assurer du parfait réveil de l’enfant d’un point de vue anesthésique, plan sur lequel la fillette devenait donc sa patiente ; qu’à ce titre, c’est elle qui, après sa propre évaluation de la qualité du réveil, a autorisé le retour en chambre en début d’après-midi et qu’elle se devait donc d’assurer ensuite, par-delà la surveillance infirmière, le contrôle médical de l’état de vigilance de l’enfant et des possibles complications post-interventionnelles ; que ce contrôle médical indispensable ne pouvait être valablement exercé sans au minimum un examen clinique de la patiente réalisé d’initiative par le docteur X... dans l’après-midi ou en soirée ; qu’il n’en a rien été, aucun médecin n’ayant examiné Estelle A... à compter du moment où elle a quitté la salle de réveil, et jusqu’à son décès plus de seize heures après ; que sa carence à visiter l’enfant après son retour en chambre est gravement fautive et incompréhensible au regard de la décision médicale de garder l’enfant en hospitalisation de nuit pour “surveillance” ; qu’une visite du docteur X... en fin d’après-midi ou début de soirée, alors qu’Estelle A... présentait un état de somnolence persistant déjà mentionné dans la surveillance infirmière d’après-midi, aurait conduit au minimum le médecin à s’interroger sur la qualité de l’état de vigilance de l’enfant, et peut-être à suspecter au travers des autres manifestations cliniques présentées, un possible “coma vigile” naissant progressivement et évocateur d’une pathologie plus grave pouvant être un début d’encéphalopathie hyponatrémique ; que le médecin aurait alors rapproché ces signes cliniques des prescriptions thérapeutiques administrées ou en cours d’administration et des risques potentiels encourus par la victime et qu’elle ne pouvait ignorer compte tenu de ses connaissances médicales et de ses compétences spécialisées ; qu’en effet, si le placement sous perfusion per-opératoire d’Osmotan de la petite Estelle résulte d’une prescription du docteur Z... anesthésiste lors de l’intervention, le docteur X... a entièrement repris à son compte la responsabilité de cette administration thérapeutique et de ses conséquences possibles en même temps que la charge médicale de la surveillance de la jeune patiente ; que, de par sa formation d’anesthésiste réanimateur et son niveau de compétence et de connaissance, le docteur X... ne pouvait ignorer, comme le relèvent les experts B... et C... dans leur rapport, et comme indiqué dans la littérature médicale annexée, qu’il est recommandé dans les suites opératoires chez l’enfant de préférer un soluté isotonique à des solutés hypotoniques (tel l’Osmotan 5%) pour “ éviter les hyponatrémies de surcharge fréquentes et redoutables même dans les interventions de chirurgie bénigne “ ; que le docteur X... se devait donc d’une part, d’attirer l’attention du personnel infirmier sur ce risque spécifique et la surveillance de symptômes évocateurs, et, d’autre part, d’assurer par elle-même un contrôle médical clinique dont le minimum passait par une visite de l’opérée après son retour en chambre ; qu’elle n’en a rien fait et a négligé totalement ce risque dont elle connaissait la gravité ; que la controverse médicale sur l’existence contestée d’une hyponatrémie, dont il faut relever qu’au regard des signes cliniques, elle a été considérée par l’ensemble des experts comme la cause la plus probable de la détérioration de l’état de la victime ayant abouti à son décès, n’est pas de nature à exonérer le docteur X... de la faute qu’elle a commise alors que 48 les experts D... et C... indiquent que l’oedème du poumon constaté, signe une défaillance cardio-circulatoire terminale qui ne peut être qu’induite par une complication post opératoire non chirurgicale ; que le docteur X... admet que ce soir-là, avant de quitter la clinique, elle aurait dû revoir l’ensemble des malades des trois étages, mais que devant l’ampleur de la tâche et après une journée éprouvante, elle avait dû faire des choix et s’était contentée de revoir “ ses “ opérés du jour à l’étage supérieur ; que ces choix échappant à une logique de priorité médicale ne diminuent en rien le caractère fautif de sa négligence envers Estelle A... qui se trouvait être la seule “ opérée du jour “ parmi les hospitalisés du service “ ORL “, pour laquelle le chirurgien avait noté dans le dossier “ petits problèmes d’hémostase à surveiller ++ “, et qui avait subi des perfusions de contenance et débits incertains de soluté hypotonique Osmotan, critères dont le cumul justifiait sur le plan médical une visite au regard des risques encourus en postopératoire ; qu’en s’abstenant de visiter l’enfant Estelle A... dans sa chambre et de sensibiliser le personnel infirmier, en la privant ainsi d’une possibilité de diagnostic précoce et de mise en place d’une thérapeutique d’urgence appropriée à la dégradation de son état et en n’accomplissant pas les diligences que l’on pouvait attendre d’elle compte tenu de sa fonction de médecin anesthésiste de garde et de son niveau de compétence, le docteur X... a commis une faute caractérisée qui exposait l’enfant Estelle A... à un risque pathologique d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ; ”alors, premièrement, que le délit d’homicide involontaire suppose un lien certain de causalité entre la faute reprochée au prévenu et le décès ; que la cour d’appel, qui n’impute aux prétendues fautes du docteur X..., qu’une perte de chance de diagnostic et de soins appropriés, et constate l’impossibilité de déterminer la cause du décès en admettant, après avoir énoncé que le taux de sodium dans le sang complet a été qualifié de normal dans le rapport d’expertise toxicologique (page 9, dernier alinéa), l’existence d’une controverse médicale sur l’existence contestée d’une hyponatrémie, en retenant que l’encéphalopathie hyponatrémique induite par une perfusion non contrôlée de liquide hypotonique n’est que probable et que “ l’oedème du poumon signe une défaillance cardio-circulatoire terminale qui ne peut être qu’induite par une complication post opératoire non chirurgicale “, complication dont l’origine reste, en l’état de ces énonciations, parfaitement indéterminée, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; ”alors, deuxièmement, qu’aucun texte n’impose de visite systématique obligatoire, par l’anesthésiste, du patient opéré et hospitalisé dans les heures suivant son retour en chambre ; qu’en énonçant d’emblée, et avant toute appréciation des circonstances de la cause, que le contrôle médical post opératoire ne pouvait être valablement exercé sans au minimum un examen clinique du patient réalisé d’initiative par l’anesthésiste en fin d’après-midi ou en début de soirée, la cour d’appel a statué par voie de règlement prohibé ; ”alors, troisièmement, que nul n’est pénalement responsable que de son propre fait ; qu’en se fondant, pour retenir une faute de surveillance du docteur X..., anesthésiste, notamment sur le 49 fait qu’aucun médecin n’avait examiné l’enfant après son retour en chambre, l’instruction ayant effectivement établi que le chirurgien n’avait pas, en ce qui le concerne, effectué de visite de sa patiente après l’opération, ce dont le docteur X... n’avait pas à répondre, la cour d’appel a commis une erreur de droit ; ”alors, quatrièmement, que si la prescription médicale d’un produit par perfusion est de la responsabilité du médecin, il résulte des articles 3 et 4 du décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier alors applicable que, “ dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier accomplit ( ) “ la “ surveillance ( ) des perfusions “ qu’il est “ habilité à accomplir sur prescription médicale ( ) écrite, qualitative et quantitative” ; qu’il incombait donc à l’infirmier, et sous sa responsabilité, de mettre en oeuvre la perfusion, conformément aux quantités prescrites par le médecin, et d’en contrôler le débit ; qu’à partir du moment où la prescription médicale de soluté hypotonique Osmotan n’a pas été déclarée fautive, que ce soit dans son principe ou dans les quantités prescrites, le risque d’hyponatrémie de surcharge, consécutif à un apport excessif de soluté hypotonique, ne pouvait donc résulter que de la mise en oeuvre de la perfusion d’Osmotan dont la contenance et le débit sont demeurés incertains, donc d’une carence propre de l’infirmier chargé de se conformer à cette prescription et non d’une carence fautive imputable au docteur X... ; ”alors, cinquièmement, et à tout le moins, que manque de base légale l’arrêt attaqué, qui laisse incertain le point de savoir si l’hyponatrémie de surcharge suspectée résultait de la prescription d’Osmotan en elle-même, ou uniquement de la mise en oeuvre de la perfusion, dont la contenance et le débit sont demeurés incertains, mise en oeuvre qui relève du rôle propre de l’infirmier, lequel, en ce cas, n’avait pas à être sensibilisé à un risque que le strict respect de la prescription médicale n’induisait pas ; ”alors, sixièmement, que ne constitue pas une faute caractérisée ayant exposé l’enfant à un risque d’une particulière gravité d’hyponatrémie, le seul fait de ne l’avoir point visité en chambre au regard de la mention portée par le chirurgien dans le dossier “ petits problèmes d’hémostase à surveiller ++ “ et n’ayant rien à voir avec le risque susvisé ; ”alors, enfin, que ne constitue pas une faute caractérisée de négligence ou d’imprudence, le fait, pour le médecin anesthésiste de garde, de n’avoir point visité Estelle A..., opérée du jour, en fin d’après-midi ou début de soirée, après son retour en chambre, dès lors qu’il résulte des constatations de l’arrêt qu’il s’agissait d’une opération de chirurgie bénigne, que l’enfant a bénéficié, conformément à la décision médicale de l’hospitaliser pour la nuit, d’une surveillance hospitalière continue, par un personnel infirmier habilité et qui n’a signalé aucun signe clinique anormal au docteur X..., présente dans l’établissement jusqu’à 20 heures, laquelle a fait le point, avant de partir, avec l’infirmier de jour, et, apprenant que l’enfant était nauséeuse, a vérifié qu’elle avait bénéficié d’un apport en sel, démontrant ainsi qu’elle n’avait pas négligé le risque d’hyponatrémie” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’Estelle A... est décédée à l’âge de cinq ans, le samedi 24 octobre 1998, vers 6 heures, dans la clinique où elle avait subi 50 la veille une intervention chirurgicale ayant pour objet l’ablation des amygdales et une paracentèse ; qu’à l’issue de l’information ouverte sur les circonstances de ce décès, Béatrice X..., médecin anesthésiste- réanimateur, d’astreinte à la clinique du vendredi 23 octobre, à 14 heures, au lundi suivant, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire ; Attendu que, pour la déclarer coupable de ce délit, l’arrêt énonce qu’en omettant, pendant la période de plus de seize heures qui s’est écoulée entre le moment où elle a ordonné le transfert de l’enfant de la salle de réveil à sa chambre, le 23 octobre à 13 heures, et celui du décès, de rendre visite à la patiente et de procéder à l’examen clinique qu’imposaient tant la mention de “petits problèmes d’hémostase à surveiller” portée au dossier par le chirurgien, que l’état de somnolence persistant et les vomissements mentionnés par l’infirmière sur la feuille de surveillance post-opératoire, Béatrice X... a commis une faute de négligence caractérisée exposant l’enfant à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ; que les juges ajoutent que cette faute, qui lui a interdit de diagnostiquer et de traiter la complication post- opératoire d’origine non-chirurgicale qui a entraîné la défaillance cardiorespiratoire à laquelle l’enfant a succombé, présente un lien de causalité certain quoique indirect avec le décès ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, d’où il résulte que la prévenue n’a pas accompli des diligences normales compte tenu de ses missions, de ses compétences et des moyens dont elle disposait, la cour d’appel a justifié sa décision ; D’où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; CONDAMNE Béatrice X... à payer aux parties civiles la somme de 2 500 euros au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ; 51 Greffier de chambre : Mme Daudé ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle 2004-12-09 Document 10 : Cour de Cassation Chambre criminelle Audience publique du 12 septembre 2006 Rejet N° de pourvoi : 05-86700 Publié au bulletin Président : M. COTTE REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze septembre deux mille six, a rendu l’arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, et de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Véronique, épouse Y..., contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3e chambre, en date du 27 octobre 2005, qui, pour homicide involontaire, l’a condamnée à 6 mois d’interdiction d’exercice d’activité professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ; 52 Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 221-8 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Véronique X..., épouse Y..., coupable d’homicide involontaire, en répression, a prononcé l’interdiction pour une durée de six mois d’exercer l’activité professionnelle de médecin spécialiste en endocrinologie métabolismes, diabétologie et gynécologie médicales, et a prononcé sur les intérêts civils ; ”aux motifs que, “d’une part, en présence des symptômes que présentait Elise Z... dans la matinée du 25 janvier 2000, il y avait à craindre l’évolution de son état dans le sens d’un coma diabétique pouvant être mortel s’il ne faisait pas l’objet d’un traitement adapté, ce qui rendait urgentes des investigations permettant de mettre en évidence les mesures thérapeutiques nécessaires, ces investigations consistant dans la vérification des paramètres vitaux de la personne et dans les examens sanguins relatifs au taux de glycémie ; d’autre part, en l’absence de contrôle immédiat de la glycémie capillaire ou de vérification de la présence de corps cétoniques dans les urines, diligences qui auraient pu donner au praticien une première information fiable, l’état de la patiente imposait à Véronique Y... X... de suivre de près la suite qui serait donnée à ses prescriptions et, en l’absence de manifestation de la patiente elle-même ou de transmission directe des résultats de l’analyse en provenance du laboratoire, de s’enquérir des résultats des analyses qu’elle avait prescrites ; en effet, il est établi par les différentes expertises que la mort d’Elise Z..., survenue dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 janvier 2000, est imputable à un coma diabétique ayant provoqué l’absorption de liquides et d’aliments par l’arbre respiratoire ; il appartenait à Véronique Y... X..., qui connaissait son état antérieur et qui était en possession, le 25 janvier 2000, d’un tableau clinique laissant apparaître un tel risque, d’appréhender la situation dans sa totalité en procédant elle-même aux vérifications qu’elle pouvait faire ; à cet égard, il n’est pas discuté qu’elle disposait de l’appareil nécessaire pour pratiquer un “dextro” qu’elle pouvait utiliser ; d’autre part, l’urgence de la situation rendait nécessaire un suivi, de telle sorte que le retard dans la communication des résultats devait d’autant plus l’alerter qu’elle affirme dans ses conclusions (page 14) avoir insisté auprès d’Elise Z... pour qu’elle effectue ses analyses dès le lendemain matin 26 janvier (sans pour autant attirer l’attention du laboratoire par une mention écrite sur la prescription) et donc susciter de sa part une initiative auprès de sa cliente dont elle connaissait les coordonnées ; de même, dans ce contexte d’urgence, la réception du fax l’informant d’une communication téléphonique émanant d’un médecin qui “voulait lui parler des résultats d’Elise Z...” ne devait pas rester sans suite comme ce fût le cas ; en s’abstenant de procéder à ces diligences, Véronique Y...-X... s’est privée des moyens de poser le diagnostic exact et complet de l’état de la patiente et de prendre les mesures thérapeutiques nécessaires en un temps où elles auraient été encore efficaces ; par ces 53 abstentions, qui sont ainsi la cause directe du décès d’Elise Z..., Véronique Y...-X... n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de ses fonctions, de ses compétences et des moyens dont elle disposait, ce qui constitue les fautes d’imprudence et de négligence caractérisant le délit d’homicide involontaire visé à la prévention” ; ”1 ) alors que, le fait de causer par imprudence ou négligence la mort d’autrui constitue un homicide involontaire ; qu’en retenant que les symptômes présentés par la victime dans la matinée du 25 janvier 2000 appelaient une réaction et un suivi immédiats de la part de la prévenue, sans répondre aux conclusions du docteur Y... qui faisait valoir que, lors de la consultation du 25 janvier, en l’absence d’antécédents médicaux caractérisés, les symptômes présentés par la victime, qui se limitaient à une mycose externe et vaginale importante, une surcharge pondérale stable et une soif exceptionnelle, ne faisaient pas apparaître un état de santé particulièrement inquiétant, ni ne laissaient craindre une détérioration rapide et fatale, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision ; ”2 ) alors que, le délit d’homicide involontaire suppose un lien de causalité certain entre la faute et le dommage, lequel consiste, non en une perte de chance de survie, mais dans le décès de la victime ; qu’en retenant que la prévenue s’était rendue coupable du délit d’homicide involontaire en se privant des moyens de poser le diagnostic exact et complet de l’état de sa patiente et de prendre les mesures thérapeutiques nécessaires en un temps où elles auraient été encore efficaces, sans constater ni que ces mesures auraient permis d’éviter le décès de la victime de manière certaine, ni que les carences imputées à la prévenue avaient privé la victime, de manière tout aussi certaine, de toute chance de survie, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; ”3 ) alors que, lorsque le lien de causalité entre le comportement du prévenu et le décès est seulement indirect, le délit d’homicide involontaire n’est constitué que si ledit prévenu a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ; que le lien de causalité pouvant exister entre le défaut de surveillance d’un patient présentant un taux de glycémie élevé et le décès est seulement indirect, la cause directe étant constituée par le coma diabétique ; qu’en décidant néanmoins que le lien de causalité entre l’imprudence et la négligence du docteur Y... et le décès de la victime était direct, pour en déduire que toute faute d’imprudence ou de négligence était de nature à engager la responsabilité pénale de la prévenue, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’Elise Z... est décédée à son domicile au cours de la nuit du 28 au 29 janvier 2000, à l’âge de 21 ans, des suites de l’inhalation bronchique de liquides et d’aliments pendant une crise de coma diabétique ; qu’à 54 l’issue de l’information ouverte sur les circonstances de son décès, Véronique Y..., docteur en médecine, spécialiste en endocrinologie, gynécologie médicale et pathologie de la reproduction, qu’elle consultait régulièrement depuis le 9 octobre 1998 pour un hirsutisme, une surcharge pondérale et des affections gynécologiques, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’homicide involontaire ; Attendu que, pour déclarer Véronique Y... coupable de ce délit, l’arrêt, après avoir relevé qu’elle avait reçu, le 25 janvier 2000, en urgence, la patiente, qui se plaignait d’une soif intense l’obligeant à boire quatre litres d’eau par jour, retient que le médecin s’est borné à lui prescrire par ordonnance des examens sanguins de dosage de la glycémie, sans en mentionner l’urgence ni prescrire de vérification du taux d’acétone dans les urines, et sans avoir utilisé l’appareil de lecture automatique équipant son cabinet ; que les juges en concluent que la prévenue, qui avait posé un diagnostic d’hyperglycémie dès le 18 décembre 1998 et qui était en possession, le 25 janvier 2000, d’un tableau clinique révélant le risque d’une évolution vers un coma diabétique mortel, n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu des moyens dont elle disposait, et a ainsi commis des fautes d’imprudence et de négligence qui sont la cause directe de la mort de la victime ; Attendu qu’en cet état, si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que Véronique Y... avait causé directement le dommage, la censure n’est pas pour autant encourue, dès lors qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que la prévenue, qui n’a pas pris les mesures permettant d’éviter le dommage, a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer, au sens de l’article 121-3, alinéa 4, du code pénal ; D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; FIXE à 3 000 euros la somme que Véronique Y... devra payer aux parties civiles au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller, Castagnède, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Guihal, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ; 55 Avocat général : M. Fréchède ; Greffier de chambre : Mme Randouin ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Décision attaquée :cour d’appel de RENNES, 3e chambre 2005-10-27 56 ETAT ANTERIEUR F.J PANSIER La notion d’état antérieur est souvent utilisée en matière d’accidents du travail (1). Elle est indifférente pour les actions récursoires de l’Etat (2). La faute du médecin est souvent prise en compte (3). 1. ACCIDENT DU TRAVAIL 1°) Charge de la preuve Si le demandeur de l’indemnité doit démontrer par des pièces son état existant, la charge de la preuve de l’état antérieur incombe toujours à la Caisse. Il convient donc d'examiner la demande d'expertise à partir des pièces présentées à la barre, une Caisse étant en droit de demander une telle expertise pour rapporter la preuve contraire, si elle produit pour justifier sa demande des pièces médicales permettant de penser que le malaise résulte peut-être d'un état prédisposant, ni influencé, ni aggravé en quelque manière que ce soit par les conditions de travail de l'assuré le jour des faits, telles que décrites par le rapport d'enquête. Dans un arrêt, la seule pièce contenant une mention médicale précise produite par la caisse fait état d'une prise en charge pour une pathologie cardio-vasculaire endocrinienne dans le cadre des maladies de longue durée. Le certificat médical dressé par le médecin ayant procédé aux premières constatations fait état d'une hémorragie cérébrale ou méningée, ce qui n'a pas avec l'affectation précitée un lien exclusif de toute influence ou aggravation résultant des conditions du travail de l'assuré le jour des faits, telles que décrites par le rapport d'enquête. Ainsi la caisse ne produit aucun document médical susceptible de justifier l'avis sur pièce d'un expert, quant à l'existence d'un état antérieur qui serait la cause unique du malaise suivi du décès, et qui n'aurait été ni influencé, ni aggravé par les conditions du travail de l'assuré le 22 août 1988, telles que décrites par le rapport d'enquête (C. app., Paris (18e Ch. D), 22 mai 1991 : Gaz. Pal., Rec. 1992, somm. p. 190, J. n° 156, 4 juin 1992, p. 16) 2. EFFET Le constat d’un état antérieur peut entraîner l’exclusion de toute indemnité (2.1.) ou le refus de considérer l’état actuel comme la rechute d’un accident passé (2.2.). 2.1. Pas de prise en charge Doit être cassé l'arrêt qui a décidé que l'état névrotique présenté par la victime d'un accident du travail postérieurement à la consolidation du traumatisme crânien résultant de cet accident devait être pris en charge au titre professionnel, alors que le rapport d'expertise technique énonçait qu'il s'agissait de la révélation d'un état pathologique antérieur et indépendant de l'accident et que ces conclusions, claires, précises et non contradictoires s'imposaient aux juges d'appel, lesquels, s'ils estimaient incomplet l'avis ainsi exprimé et utile de faire préciser si l'évolution de cet état antérieur aurait été la même sans l'accident, ne pouvaient qu'ordonner un complément d'expertise technique (Cass. soc. 18 décembre 1979 : Bull. civ., 1979, V, n° 14). Dès lors qu'il résulte des conclusions de l'expert technique que le malaise dont un assuré a été victime au cours d'un stage de formation professionnelle est en rapport avec un état antérieur sans relation avec le travail, les conséquences immédiates ou plus lointaines de la chute entraînée par ce malaise ne peuvent être prises en charge au titre de la législation sur le risque professionnel (Cass. soc. 8 mars 1989 : Bull. civ., 1989, V, n° 191). A légalement justifié sa décision la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail qui, après avoir relevé que le certificat médical initial mentionnait un «traumatisme lombaire sur spondylolisthésis» et appréciant l'ensemble des documents médicaux qui lui étaient soumis ainsi que l'avis de son médecin qualifié, a estimé que les séquelles invoquées n'étaient que la manifestation d'un état antérieur et ne pouvaient être pris en charge au titre de l'accident déclaré par celui-ci (Cass. soc. 13 janvier 2000 : CSBP, 2000, n° 118 S. 154, note F. Hanne). 2.2. Pas de rechute Un employé d'un établissement militaire, qui avait été indemnisé au titre de la législation sur le risque professionnel à la suite d'une lombalgie aiguë consécutive à une chute de camion, ayant été victime quelques mois plus tard d'un nouvel épisode de lombalgie aiguë que le ministère de la Défense, après mise en œuvre d'une expertise médicale dans les formes du décret du 7 janvier 1959, a refusé de considérer comme une rechute du précédent accident, a violé l'art. L 490 C. sécur. soc. ancien devenu l'art. L 443-2 dans la nouvelle codification la Cour d'appel qui a accueilli le recours de l'intéressé, alors que l'expert avait relevé que si le second accident, survenu d'ailleurs à la suite d'un effort, avait été favorisé par l'état antérieur, il n'était pas en relation directe et unique avec le traumatisme initial, en sorte qu'il ne pouvait s'agir d'une rechute au sens légal du terme (Cass. soc. 9 décembre 1987 : Bull. civ., 1987, V, n° 715 ; Gaz. Pal., Rec. 1988, panor. cass. p. 33). S'agissant d'une assurée qui, victime d'un accident du travail en 1984, a demandé la prise en charge, à titre de rechute, d'un arrêt de travail qui lui avait été prescrit le 7 mars 1990, doit être rejeté le recours formé contre l'arrêt ayant confirmé le bien-fondé du refus de prise en charge notifié à l'intéressée. En effet, après avoir constaté que la juridiction était saisie d'une demande de prise en charge d'un arrêt de travail à titre de rechute de l'accident du travail survenu en 1984, l'arrêt a relevé que l'expert désigné conformément aux dispositions de l'art. L.141-1 C. Sécur. soc. avait retenu l'existence d'un état antérieur patent et conclu que l'état de santé décrit dans le certificat médical du médecin traitant présenté le 7 mars 1990 était partiellement consécutif à l'accident, la Cour d'appel, qui, en l'absence de demande de nouvelle expertise, était tenue par l'avis de l'expert, en a exactement déduit, sans dénaturation, que les troubles allégués, n'étant pas la conséquence exclusive de l'accident, ne constituaient pas une rechute (Cass. soc. 19 novembre 1998 : Gaz. Pal., Rec. 1999, panor. cass. p. 1, J. n° 14, 14 janvier 1999, p. 1). 2. INDIFFERENCE POUR LES ACTIONS RECURSOIRES DE L’ETAT Lorsque l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime à la suite de cette infirmité ou de cette maladie. A donc violé l'art. 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 l'arrêt qui, pour limiter le recours de l'Etat au traitement versé à son agent pendant la période d'ITT retenue par l'expert judiciaire, a énoncé que selon cet expert les arrêts de travail postérieurs étaient causés par un état antérieur de la victime sans rapport avec l'accident et que l'Etat ne prouvait pas que les prestations fournies après la consolidation de la victime étaient liées aux lésions résultant de l'accident, alors que l'Etat était en effet en droit de prétendre, dans la limite du montant de la réparation mise à la charge du tiers responsable, au remboursement des prestations versées à son agent pendant toute la période d'indisponibilité retenue par les décisions de l'administration (Cass. 2e civ. 3 mars 1993 : Gaz. Pal., Rec. 1993, panor. cass. p. 175, J. n° 217, 5 août 1993, p. 175). 09/03/2008 L'ETAT ANTERIEUR VU PAR LE REGLEUR PLAN FRANÇOIS LENEVEU I. RAPPEL DES PRINCIPES DE BASE EN MATIERE DE REPARATION DU DOMMAGE CORPOREL EN DROIT COMMUN A. Le principe indemnitaire : le droit à réparation intégrale B. La preuve du dommage et de son lien de causalité avec l'accident II. HISTORIQUE DE LA JURISPRUDENCE ET LES GRANDS PRINCIPES QU'ELLE A DEGAGES A. pas véritablement de divergence de vue entre les différentes chambres (plutôt des analyses en fonction de leur domaine propre) B. pas de revirement mais une évolution au fil des ans consistant à réaffirmer et préciser les grands principes III. LA PLACE DU RAPPORT D'EXPERTISE AU REGARD DE L'APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND A. L'importance de rédiger un rapport précis et détaillé, en un mot DESCRIPTIF B. Les distinctions essentielles : DOMMAGE/PREJUDICE DEFINITIF TEMPORAIRE CONCLUSION : "l'état antérieur : une réalité pour le régleur" 1 09/03/2008 INTRODUCTION Le but de cette intervention n'est pas de donner "le point de vue" du régleur. Le régleur (et donc l'assureur) utilise les outils que la Cour de Cassation met à sa disposition. Quel est le rôle de la Cour de cassation ? Un rôle normatif de contrôle des décisions des juges du fond au regard des textes applicables. Le juge du fond (magistrat des tribunaux et cours d'appel) juge en équité, en respect, en principe, de la loi ; il doit alors légalement motiver sa décision. La Cour Suprême opère un contrôle de cette motivation, dont l'absence constitue un motif de cassation. En matière de réparation du préjudice corporel en général, et de l'appréciation de l'état antérieur plus particulièrement, la Cour de cassation opère surtout un contrôle de l'application de la jurisprudence qu'elle a élaborée au fil des années. En respect des principes de base en matière de réparation du dommage corporel en droit commun, la question de l'état antérieur a ainsi donné naissance à d'autres principes plus spécifiques. Nous verrons qu'au-delà de ces principes, sans cesse rappelés au cours des dernières décennies, c'est une question plus générale qui se pose dans chaque cas : celle de l'existence et de la nature du préjudice. Je précise dès maintenant que mon exposé s'inscrit dans le seul contexte de la réparation du préjudice du fait de la responsabilité d'un tiers, ce qui exclut tout développement relatif au domaine contractuel ; si la problématique de l'état antérieur est, bien entendu, transposable en matière de contrat (assurance de personnes ou "individuelle accident"), elle fait appel à des notions de sélection et de tarification du risque, ainsi qu'à la question de la définition de l'accident, qu'il serait trop long de développer ici. I. RAPPEL DES PRINCIPES DE BASE EN MATIERE DE REPARATION DU DOMMAGE CORPOREL EN DROIT COMMUN A. Le principe indemnitaire : le droit à réparation intégrale La Cour de cassation définit ainsi le principe indemnitaire : "le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se trouvait avant que l'acte dommageable n'ait lieu". Ce principe est constamment réaffirmé par les Chambres civiles et la Chambre criminelle. La question cruciale de l'état antérieur résulte de l'affrontement de deux autres principes fondamentaux : • la victime a droit à la réparation intégrale de son dommage 2 09/03/2008 • le responsable ne doit indemniser que le préjudice qu'il a occasionné "tout le préjudice et seulement le préjudice" B. La preuve du dommage et de son lien de causalité avec l'accident Il appartient à la victime d'apporter la preuve : 1. de la nature et de l'étendue de son dommage C'est là que l'expertise médicale prend toute sa dimension ; c'est le rôle de l'expert de décrire, apprécier et qualifier le préjudice et c'est bien grâce notamment à ses conclusions que la victime pourra apporter la preuve de son dommage. 2. du lien de causalité entre ce dommage et le fait générateur (le plus souvent un accident) Il appartient à la victime d'apporter la preuve, non seulement du dommage qu'elle allègue, mais également de la relation de cause à effet entre ce dommage et l'accident dont elle demande réparation. cette quête de preuve passe par les questions posées par l'expert. Cette obligation de preuve devrait, dans un monde idéal, être explicitée à la victime par les juristes, donc par les régleurs. Mais ils n'en ont pour ainsi dire jamais l'occasion et c'est donc aux médecins, lors du premier contact avec la victime, que revient cette tâche : expliquer la nécessité d'établir l'imputabilité médicale et, par la-même, de l'interroger sur un éventuel état antérieur. NB : • l'imputabilité relève de l'avis technique de l'expert médical (c'est le rattachement de la situation constatée par l'expert à un évènement). Dans ce cadre, le doute ne profite pas à la victime ; au contraire le doute empêche l'imputabilité médico-légale • la causalité est d'ordre juridique. Le lien de causalité est en principe direct, certain, exclusif. La jurisprudence a échafaudé différentes théories qui s'offrent au choix du régleur : théorie de la proxima causa, théorie de la causalité adéquate, théorie de l'équivalence des conditions... Mais le magistrat ne s'embarrasse pas toujours de l'une ou l'autre de ces théories ; il apprécie souverainement et se contente parfois d'un faisceau de présomptions. Bref, il admet la causalité juridique, là où le médecin n'aurait pas retenu l'imputabilité médicale. C'est ce qui peut conduire la Cour de cassation à admettre que l'accident est la cause d'un décès dû à une crise de delirium (13/01/1982). II. HISTORIQUE DE LA JURISPRUDENCE ET LES GRANDS PRINCIPES QU'ELLE A DEGAGES 3 09/03/2008 D'abord, il convient de noter qu'il n'y a pas eu de véritable divergence entre les différentes chambres qui ont, tour à tour, adopté les mêmes principes. Les différentes tendances dégagées par chacune de ces chambres tiennent davantage à la matière qui leur est soumise. Ainsi, la Chambre sociale statue traditionnellement sur la prise en charge des conséquences d'un accident au titre de la législation AT ; en bref, les litiges qui lui sont soumis traitent le plus souvent, en matière d'état antérieur, de la détermination du taux d'IPP à prendre en considération pour l'attribution d'une rente : taux d'IPP "global" ou taux d'IPP exclusivement imputable au dernier accident ? (Cass Ch Soc 13/02/64 ; 06/05/65 ; 13/01/66). De son côté, la Chambre criminelle a souvent eu à se prononcer sur le lien de causalité entre l'infraction commise par l'auteur et le décès de la victime qui présentait pourtant un état antérieur ayant contribué au décès (Cass Crim 21/01/70 ; 14/01/71 ; 23/02/72 ; 14/06/90). En bref, l'auteur de l'accident est reconnu coupable d'homicide involontaire, et tenu de réparer un préjudice plus grand en raison d'une circonstance qui lui est totalement étrangère. Quant à la seconde Chambre civile, rompue à la réparation du dommage corporel, elle connaît des litiges plus divers et tente de concilier les principes fondamentaux de la réparation intégrale d'une part, et de la réparation du seul préjudice causé par le responsable d'autre part, deux exigences qui se heurtent en équité comme en droit. Outre cette absence de véritable divergence entre les Chambres, on peut constater une certaine constance : certes la jurisprudence peut être fluctuante, appréciation souveraine oblige, mais elle n'a pas connu, dans ce domaine, de revirement spectaculaire ; les principes qui ont été définis dans les années 60 et 70 sont encore aujourd'hui réaffirmés, parfois redéfinis avec plus de précision, mais le plus souvent simplement réitérés, à la virgule près, martelés à l'attention des juges du fond. Le plus ancien de ces principes est celui selon lequel "lorsque l'accident n'a pas seulement aggravé une incapacité antérieure, mais a transformé radicalement la nature de l'invalidité existante, la victime a droit à la réparation totale du dommage". C'est ce que l'on appelle plus prosaïquement la jurisprudence du borgne devenu aveugle ; apparu en 1933, ce principe a été défini par un arrêt du 19/07/66 (2ème Civ) et constamment repris, non seulement dans le même contexte (Cass Crim 15/12/66 ; Cass 2è Civ 28/10/97), mais également en présence d'une victime qui, subvenant à ses besoins avant l'accident, devient inapte à tout travail (Cass 2è Civ 14/06/67 ; Cass Soc 14/04/76 ; Cass 2è Civ 06/05/87). Nous verrons plus loin que, au travers de ce principe, le critère retenu par la Cour suprême est en fait celui du préjudice finalement subi par la victime. Le deuxième principe le plus fréquemment réaffirmé est celui selon lequel "le droit à indemnisation de la victime ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique dès lors que l'affection n'a été révélée ou provoquée que par le fait dommageable" (Cass Crim 14/01/71 ; Cass Crim 10/04/73 ; Cass 2è Civ 15/12/86 ; Cass 2è Civ 08/07/04). Le mot est lancé : la problématique de l'état antérieur, c'est également celle des prédispositions 4 09/03/2008 pathologiques. La Cour de cassation précise "révélées ou provoquées par le fait dommageable", par opposition à celles qui étaient connues et qui se manifestaient avant l'accident. Plus clairement, elle fait une distinction entre les prédispositions seulement latentes et celles pleinement patentes, c'est à dire celles qui ont une manifestation extérieure préjudiciable : encore cette notion de préjudice que nous développerons tout à l'heure. Une troisième théorie Un troisième principe a été élaboré selon laquelle "le responsable ne doit réparer que le nouveau préjudice, seul imputable à l'accident lorsque : - soit cet accident n'a fait qu'aggraver un état antérieur déterminé, connu, extériorisé soit l'état antérieur préexistant aurait spontanément et inéluctablement évolué vers une aggravation". En application de ce principe, la Cour n'a parfois accueilli que partiellement la demande d'indemnisation de la victime (Cass 2è Civ 23/07/63 ; 2è Civ 12/06/69). Elle procède de la même manière lorsqu'elle peut faire, à l'aide des médecins, le "tri" entre ce qui est la conséquence de l'accident, et ce qui résulte exclusivement de l'état antérieur (Cass 2è Civ 30/06/05 ; 1ère Civ 12/07/76 ; 2è Civ 10/02/76 ; Crim 10/02/76). Encore une fois, nous verrons plus loin que la Cour suprême fait, en fait, le tri entre les préjudices qui découlent du dommage. III. LA PLACE DU RAPPORT D'EXPERTISE AU REGARD DE L'APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND A. L'importance de rédiger un rapport précis et détaillé L'expert médical a la lourde tâche d'éclairer le magistrat ou le régleur sur l'état physiologique avant et après l'accident, afin que la victime puisse être indemnisée : des séquelles propres à l'accident de l'aggravation des séquelles par l'état antérieur de l'aggravation de l'état antérieur par les séquelles à l'exclusion : de l'état antérieur lui-même de l'évolution normale de cet état antérieur Selon un principe toujours affirmé, le médecin fait de la médecine, le juriste fait du droit et indemnise. Si chacun ne doit pas empiéter sur le domaine réservé de l'autre, la jurisprudence en matière d'état antérieur montre que médecins et juristes doivent là, probablement plus qu'ailleurs, communiquer pour mieux se comprendre. Cette communication, quasiment exclusivement écrite passe : 5 09/03/2008 • dans un sens, par la mission d'expertise médicale (et il faut bien reconnaître que les questions qu'elle contient restent "classiques" et sont souvent peu personnalisées et spécifiquement adaptées à une victime dont le régleur ignore le plus souvent si elle souffrait d'une pathologie susceptible d'avoir des interférences avec le traumatisme consécutif à l'accident) [NB : nécessité de demander un avis technique à un spécialiste lorsque l'expert n'a pas une connaissance approfondie de la pathologie] • dans l'autre sens, par le rapport d'expertise dont on n'insistera jamais assez sur la nécessité qu'il soit de caractère descriptif ("esprit Mission 2006") description très précise, non seulement de l'état antérieur mais surtout de la perte d'autonomie avant et après l'accident (plus généralement, une description détaillée de l'état situationnel avant et après l'accident, de façon à ce que puisse être appréciée par le régleur la différence entre ces 2 états). le taux d'IPP déterminé par l'expert au final est important, mais souvent moins qu'une bonne description Les régleurs qui prétendent ne pouvoir indemniser sans un "partage" chiffré par l'expert se trompent. Les propositions chiffrées de l'expert reposent rarement sur des critères scientifiques exacts, d'où la nécessité de décrire le plus exactement possible : description de la prédisposition anatomique et de son devenir spontané description du fait traumatique et de son incidence sur le dommage Plus simplement, l'expert doit nécessairement répondre à 3 questions : - que serait devenu l'état antérieur en l'absence d'accident ? que serait devenu le dommage en l'absence d'état antérieur ? quel est le devenir de ce couple ? "A vos plumes, Mesdames et Messieurs les experts, vos talents de narrateur intéressent le régleur"... B. Les distinctions essentielles : Dommage/Préjudice définitif temporaire Ainsi que nous venons déjà de l'évoquer, le préjudice indemnisable ne s'analyse pas que par le prisme de l'IPP : le régleur aura à se préoccuper de tous les préjudices. Un accident cause un dommage qui entraîne divers préjudices distinction dommage/préjudice selon les travaux qui ont conduit à la nouvelle nomenclature et à la mission 2006 (ex : AIPP/DFP) 6 09/03/2008 Il était en effet grand temps d'officialiser en quelque sorte la différenciation entre les termes de "dommage" et de "préjudice", souvent utilisés à tort comme des synonymes. Tout simplement parce que cette distinction conceptuelle fonde toute la méthodologie de l'indemnisation : le dommage relève du fait le préjudice relève du droit Le DOMMAGE : est un fait matériel causant une atteinte à l'intégrité physique et psychique d'une personne. Sa description relève de la compétence du médecin ; le dommage corporel relève donc d'une constatation médicale. Le PREJUDICE : est une atteinte à un droit patrimonial ou extra-patrimonial. Sa détermination et son évaluation monétaire est de la compétence exclusive du juriste. Cette distinction peut vous paraître abstraite et théorique, voire peu utile. Elle est au contraire essentielle dans la pratique. Il faut se demander quels "préjudices" sont engendrés par un "dommage". Tout dommage corporel n'engendre pas un préjudice indemnisable (ex : personne qui fait une chute seule dans son jardin), la notion, encore une fois juridique, de préjudice étant liée à l'existence d'un débiteur responsable. En revanche, tout préjudice a sa source dans un dommage. Mais un même dommage n'entraîne pas les mêmes préjudices... Ces réflexions, qui ne sont pas nouvelles, ont conduit à une nomenclature des préjudices corporels en fonction des dommages. Ainsi, un même dommage : l'AIPP (Atteinte Permanente à l'Intégrité Physique et Psychique), qualifiée par le médecin en pourcentage comme l'était jusqu'alors le taux d'IPP, a des répercussions diverses, et entraîne donc des préjudices différents selon les personnes et les situations : un Déficit Fonctionnel Permanent (DFP) une incidence professionnelle (économique ou non) un préjudice d'agrément une perte d'autonomie... Ce n'est donc pas tant le taux d'IPP qui intéresse le régleur mais plutôt de savoir si cette IPP s'accompagne d'une perte d'autonomie ou d'une perte totale de capacité de travail. Les exemples d'arrêts sont nombreux qui permettent d'illustrer le fait que la problématique de l'état antérieur se résume souvent à la question de savoir s'il y a nouveau préjudice ou non. Dès lors que l'état prédisposé ne nuisait en aucune manière à la victime avant le fait dommageable qui, lui, entraîne par exemple une incapacité de travail, la Cour fait application du principe de réparation intégrale (Cass 2è Civ 10/06/99 ; 2è Civ 14/07/67). De même, lorsque l'accident n'a pas seulement pour effet d'aggraver une incapacité antérieure, mais a pour conséquence le recours à une tierce personne, l'indemnisation intégrale est admise (Cass 2è Civ 28/10/97). Enfin, lorsque l'accident influence l'évolution d'un état antérieur et entraîne une mise à la retraite 7 09/03/2008 anticipée, ce nouveau préjudice est entièrement indemnisé (Cass Crim 12/04/94 ; 2è Civ 13/12/01). De la même façon, l'internement définitif suite à l'accident d'une personne atteinte précédemment d'aliénation mentale doit être intégralement pris en charge par le responsable de l'accident (Cass 2è Civ 03/06/64). Pour résumer, le principe de la réparation intégrale s'applique dès lors que la personne déjà handicapée voit sa situation de vie bouleversée. S'il fallait une dernière fois démontrer que la question essentielle est celle de savoir si le fait dommageable a entraîné un préjudice, il suffirait de se reporter à un arrêt rendu par la 2è Chambre Civile de la Cour de cassation le 13 juillet dernier : Dans cette espèce (arrêt MATMUT), il s'agissait d'une victime d'un accident de la circulation survenu en 1991 qui avait provoqué une fracture du tibia. En 1999, un nouvel accident survenu lors des sports d'hiver provoquait une nouvelle fracture du même tibia. La Cour d'appel, tout en admettant que la victime présentait un état prédisposant, conséquence du premier accident (état séquellaire initial ayant fragilisé les os et favorisé la seconde fracture) avait refusé d'admettre l'existence d'un lien de causalité entre l'accident de 1991 et les blessures dues à la chute de 1999. La Cour de cassation censure la Cour d'appel, relevant que l'expert avait noté dans son rapport que la même chute sur un os intact n'aurait pas provoqué cette fracture. Toutefois, la Cour suprême relève également, au vu des mêmes conclusions d'expertise, que la victime n'avait subi aucune aggravation de son état antérieur. De cette façon, la Cour, tout en retenant le lien de causalité, refuse l'indemnisation au motif qu'il n'existe pas de nouveau préjudice. C'est bien en se fondant sur l'existence ou non d'un préjudice que la Cour de cassation accorde ou refuse le droit à indemnisation. La question qui intéresse le régleur est donc celle de savoir si la victime subit un préjudice, nouveau ou plus grand. Ce n'est pas la seule.... De ces préjudices, il lui importe de savoir s'ils sont temporaires ou définitifs. Certaines pathologies ont une évolution inéluctable. Il convient alors de se demander dans quelle proportion un fait dommageable a accéléré cette évolution. L'accroissement de l'espérance de vie multiplie les affaires concernant des victimes très âgées. Certaines sont atteintes d'une maladie neurologique qui n'affectait par leur autonomie avant l'accident, à la suite duquel un placement devient nécessaire. Il appartient alors à l'expert de dire dans quel délai ce placement aurait, de toute façon, été rendu nécessaire. C'est le rôle de l'expert de décrire "l'histoire naturelle" de la pathologie constituant l'état antérieur 8 09/03/2008 (avec, dans cette hypothèse des personnes âgées, la question sous-jacente de savoir si la vieillesse constitue à elle seule un état antérieur....) Et c'est le rôle du régleur de n'indemniser que la période correspondant à l'accélération d'un processus normal due à l'accident (le même raisonnement s'applique à un placement en établissement spécialisé ou non, mais aussi à la nécessité de recourir à une tierce personne, ou à l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle...) EN RESUME, et au-delà des principes habituels en matière médico-légale, ce qui intéresse le régleur c'est la notion de préjudice : il y a obligation de réparation dès qu'il y a nouveau préjudice ; et il convient de s'interroger sur le caractère temporaire ou définitif de ce préjudice. CONCLUSION Pour le régleur, l'état antérieur est loin d'être un mythe.... C'est toujours une réalité, parfois même là où on ne l'attend pas... Pour résumer mon propos, je dirai que la problématique de l'état antérieur s'articule de la façon suivante : Vous, médecins, constatez que l'accident survient sur un état antérieur ; vous êtes donc face à une situation structurelle confuse : chacune des causes participe au dommage... Le problème devient médico-juridique. Vous devez alors vous prononcer sur l'imputabilité médico-légale Vous devez surtout décrire le dommage et préciser s'il a des conséquences définitives ou temporaires. Vous laissez ensuite au régleur le soin d'apprécier l'existence d'un préjudice ou non, ainsi que la nature et l'étendue de ce préjudice. J'espère que ce schéma vous permettra de ressortir d'ici avec des idées simples et une vision plus claire du devenir de vos futurs rapports.... 9 ETAT ANTERIEUR ET PSYCHIATRIE B.CORDIER Rappel sur quelques spécificités de la psychiatrie Le diagnostic: - dépend de la communication avec le blessé et de la sincérité de celui-ci, sans autre investigation possible. - dépend de la frontière mouvante entre le normal et le athologique. - il devient flou lorsqu'il s'agit de personnalités pathologiques. L'étiologie: la causalité unique est erronée, la plurifactorialité est la règle. Le pronostic: pas de guérison « ad integrum », la stabilisation est un nouvel équilibre. De l'état antérieur à la prédisposition psychopathologique Etat antérieur : état psychique du blessé avant l'accident, avec ses anomalies (innées ou acquises, révélées ou latentes) ou sans anomalies. La prédisposition : c'est un équilibre antérieur précaire, notion qui englobe la structuration de la personnalité, les mécanismes de défense prévalent, les traumatismes antérieurs, les capacités d'adaptation. Le contexte de l'accident: tout événement- accident s'inscrit dans un continuum psycho-dynamique aux frontières de l'état antérieur. Rechercher des situations de rupture ou de prérupture qui ont pu le précéder, sur les plans affectif, familial, social, financier, professionnel... Interactions Etat antérieur psychiatrique (EAP) et troubles psychiatriques imputables (TPI) Il s'agit des TPI reconnus dans le Concours Médical 2001. TPI Névroses traumatiques Dépression persistante Schizophrénie Trouble délirant 0 0 ou + 0 ou 0 ou - 0 0 ou + 0 ou + ou - Troubles conversifs somatoformes 0 0 ou 0 0 Déficicience intellectuelle Bipolarité Dépressions récidivantes Dépression(s) réactionnelle(s) Troubles anxieux TOC Troubles conversifs 0 0 0 0 ou - 0 0 ou - 0 ou + 0 ou + 0 0 + + + + 0 0 ou - 0 0 0 0 0 + 0 ou - 0 + + 0 + + + + 0 + + 0 + + + Troubles de la personnalité. + + + + 0 + EAP + = aggravation 0= pas d'interactions = atténuation - CONCLUSIONS Importance de l'étude approfondie de la psychobiographie du blessé, sans se livrer, a une « instruction» La loi du 04/03/2002 (Kouchner) facilite l'accès au dossier médical, mais ne peut empêcher la dissimulation d'antécédents. Sont imputables : - les séquelles de l'accident proprement dites, - l'aggravation de l'EA du fait de l'accident, - l'aggravation des séquelles du fait de l'EA. « Toute connaissance du particulier est fausse si la totalité dont il fait partie est négligée» K JASPERS psychiatre et philosophe. ETAT ANTERIEUR ET PATHOLOGIE DU RACHIS Georges FISCHER, neurochirurgien, LYON Dans le cadre qui m’est imparti j’envisagerai les particularités de l’état antérieur dans la pathologie du rachis puis le rôle de l’expert face à la notion d’état antérieur au moyen de quelques exemples et enfin j’insisterai sur le problème particulier des relations de la pathologie rachidienne avec les données psychologiques des patients qui en sont atteints. I – LES PARTICULARITES DE L’ETAT ANTERIEUR DANS LA PATHOLOGIE DU RACHIS Lorsqu’on voit en expertise un patient porteur d’une affection rachidienne l’une des premières questions qu’on lui pose concerne l’existence éventuelle d’antécédents susceptibles d’interférer avec cette pathologie et à même de constituer un état antérieur. Si la réponse est positive, la notion d’état antérieur connu s’impose d’emblée : c’est une réalité. Il n’est pas rare par exemple qu’un patient opéré de hernie discale lombaire ait déjà été opéré quelques années auparavant d’une pathologie similaire ou qu’il présente un spondylolisthésis par spondylolyse comme un pourcentage non négligeable de la population. Si la réponse est négative on ne peut bien entendu pas écarter de facto la notion d’état antérieur tant il est fréquent de constater l’existence par exemple d’une arthrose vertébrale découverte lors du bilan d’un accidenté ou d’un opéré du rachis qui préexistait donc à l’événement en cause. Un tel état antérieur révélé par l’imagerie que le patient déclare ignorer correspond en réalité à plusieurs cas de figure possibles : état antérieur effectivement méconnu du patient, complètement asymptomatique dit « muet », état antérieur oublié ou minimisé jugé banal par le malade, trop banal pour être signalé : « j’avais un peu mal au dos de temps en temps comme tout le monde ». C’est le cas le plus fréquent, l’état antérieur muet étant finalement beaucoup plus rare qu’on ne le pense, plus rare encore, voire exceptionnel, l’état antérieur important volontairement scotomisé. Dans ces trois cas le mythe devient réalité, la notion d’état antérieur est devenue patente. Dans le domaine de la pathologie lombaire il est de fait que les intrications se font le plus souvent avec la « neuro rhumatologie » et avec la psychiatrie ou plus exactement avec la psychopathologie. En effet l’association arthrose vertébrale-pathologie traumatique du rachis est une grande classique de la pratique expertale en particulier dans la détermination du préjudice corporel en matière de pathologie routière. Tout aussi fréquente et souvent ardue est la discussion du rôle d’un état antérieur psychiatrique dans les expertises en responsabilité médicale en matière de chirurgie neuro-orthopédique du rachis d’autant plus que celle-ci s’est livrée depuis plusieurs années à la mode débridée des montages métalliques appliqués aujourd’hui au traitement des rachis dégénératifs avec une générosité qui n’a d’égale que la multiplicité des procédures médicolégales qui en découlent. En pratique la différence est de taille entre ces deux situations : en présence d’un patient porteur d’une cervico-discarthrose, connue ou non de lui, constatée au moment de l’évaluation des conséquences d’un accident de la circulation au cours duquel sa voiture a été tamponnée par l’arrière, il n’y a aucune difficulté à reconnaître l’existence d’un état antérieur. il est plus difficile de parler d’état antérieur psychiatrique dans les suites d’un accident ou d’une chirurgie intéressant le rachis a fortiori si le malade comme c’est habituel s’estime indemne de toute anomalie préexistante. C’est un problème essentiel sur lequel je reviendrai à la fin de cet exposé. II – LE ROLE DE L’EXPERT A PROPOS DE L’ETAT ANTERIEUR Face au problème de l’état antérieur, le rôle de l’expert est souvent délicat mais c’est pourtant bien lui qui est le mieux placé pour l’apprécier. Il est de fait qu’il doit d’abord rester vigilant jusqu’au bout, une révélation pouvant toujours survenir en cours d’expertise. Ensuite il lui incombe bien entendu d’éclairer le Magistrat par ses conclusions sur l’évaluation de la part respective de l’état antérieur et de l’événement en cause (accident ou intervention chirurgicale) dans la responsabilité des séquelles observées. Quelques exemples concrets de différents cas de figure seront probablement plus parlants Etat antérieur connu Etat antérieur important connu Patiente de 55 ans, sans profession, mère de famille nombreuse soignée pour lombalgie depuis l’âge de 30 ans, opérée par ostéosynthèse rachidienne 15 ans plus tard à l’âge de 45 ans, qui gardait des algies lombaires invalidantes avec amyotrophie du membre inférieur droit quand elle a été réopérée pour canal lombaire étroit par nouvelle ostéosynthèse postérieure dont l’indication paraissait légitime. Une erreur de visée pédiculaire a été responsable d’une atteinte sensitivo-motrice radiculaire avec paralysie crurale gauche. En tant qu’expert j’ai décrit la perte d’autonomie de cette patiente liée en partie à la dernière opération responsable d’un déficit du membre inférieur gauche et à l’état antérieur responsable d’une atteinte du membre inférieur droit, proposant de considérer que l’état antérieur et l’intervention chirurgicale étaient responsables à parts égales de la perte d’autonomie de cette patiente. A ce propos je voudrais préciser que la mission comportait d’établir la part respective de l’état antérieur et de l’intervention litigieuse dans la genèse des séquelles observées, que dans mes conclusions, sans faire de partage mathématique j’ai tout de même donné mon avis sur un partage de responsabilités à parts égales en espérant ne pas sortir de mon rôle d’expert en adoptant cette formulation. Je ne sais pas ce qu’en a pensé le Magistrat mais je me pose encore la question. Etat antérieur connu décompensé et aggravé. Patient de 62 ans employé de bureau, qui déclare n’avoir souffert de douleurs cervicales que depuis trois mois seulement quand il a consulté en neurochirurgie en raison de paresthésies dans les deux bras et d’une maladresse motrice dans les membres inférieurs en précisant qu’il n’avait interrompu son activité professionnelle que pour être hospitalisé. L’imagerie a révélé alors une cervico-discarthrose des plus sévères rétrécissant le canal cervical dans toute sa hauteur. Il a été opéré en urgence en plein mois d’août par laminectomie cervicale étendue de C1 à C7. Au réveil il était déficitaire mais il est devenu tétraplégique à l’issue d’un lever intempestif précoce sans collier. La récupération n’a été qu’incomplète limitant son autonomie avec un déficit persistant des deux membres supérieurs. A l’expertise les chirurgiens qui l’ont pris en charge sont venus dire à l’expertise qu’ils étaient intervenus chez un malade déjà déficitaire qui présentait un tableau de tétraparésie de plus en plus marqué. Il est de fait que les lésions cervico-discarthrosiques majeures qu’il présentait s’étaient de façon certaine installées depuis plus de trois mois. Si ces lésions d’arthrose sont restées longtemps asymptomatiques, ce qu’on veut bien croire, elles ne s’en étaient pas moins sévèrement compliquées juste avant l’intervention. A l’issue de la description du handicap j’ai conclu à une IPP de 75 % en précisant que si la même intervention avait eu des suites normales il aurait tout de même gardé un déficit justifiant 25 % d’IPP. Il n’en demeure pas moins que cet état antérieur minimisé par le patient et son entourage, a été incontestablement décompensé et aggravé par l’opération. Etat antérieur connu innocenté. Patiente de 38 ans employée de bureau, qui a été victime quatre ans plus tôt, à l’âge de 34 ans, d’un premier accident de la circulation au cours duquel sa voiture à l’arrêt avait été tamponnée par l’arrière. Elle se rappelle avoir eu « mal à la colonne cervicale pendant quelques temps » pour laquelle elle a eu une IPP de 2 %. Elle n’a pas arrêté son activité professionnelle, n’a pas eu de traitement, n’a pas eu d’arrêt de travail depuis et les cervicalgies ont disparu totalement. Elle a eu un deuxième accident de voiture dans une collision assez violente avec névralgie cervico-brachiale droite immédiate en relation avec une hernie discale C5-C6 droite qui justifiait une intervention neurochirurgicale par voie antérieure dont les suites ont été simples. A l’expertise il est apparu que le premier accident n’avait pas laissé de séquelles durables. Les soins et les séquelles douloureuses ont été jugés imputables au seul second accident avec une IPP de 6 %, un pretium doloris à 3/7 et un préjudice esthétique à 1/7. L’état antérieur connu a donc été innocenté. Etat antérieur déclaré non connu Etat antérieur « muet ». Patiente de 77 ans, retraitée depuis l’âge de 60 ans, qui a fait toute sa carrière à la Sécurité Sociale sans un seul arrêt maladie et qui se présente comme une personne active, intellectuellement parfaite, conservant une activité physique et sportive importante faite de gymnastique, de natation et de randonnées pédestres ou à vélo. Elle a été renversée par un scooter alors qu’elle se trouvait sur un passage protégé et elle a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance. Au service d’urgences l’imagerie a permis d’éliminer une complication encéphalique et n’a pas montré de fracture du rachis cervical alors qu’elle présentait une atteinte tétraparétique par contusion médullaire cervicale qui a été traitée par un collier. Le bilan a tout de même révélé la présence d’une cervico-discarthrose majeure de C5 à C7 dont elle ignorait l’existence et dont elle n’avait jamais souffert. Il s’est avéré que cette patiente présentait des séquelles neurologiques mais aucune atteinte radiculaire sensitive ou motrice objective ce qui paraissait déjà étonnant, mais qui plus est aucune douleur cervicale résiduelle ce qui apportait la preuve que la cervicarthrose « muette » avant l’accident restait « muette » après. C’est ainsi qu’il a été possible de conclure que la totalité des préjudices économiques et personnels était liée au fait traumatique. A l’expertise la seule difficulté apparue a été que le radiologue qui avait effectué l’IRM avait écrit qu’elle présentait « une myélopathie cervicodiscarthrosique ». Il a été bien facile de rappeler aux médecins conseils présents à cette expertise qu’il s’agit là d’un diagnostic clinique et que le radiologue comme c’est souvent le cas, sortait de son rôle en établissant un diagnostic clinique sur des images radiologiques alors que justement dans le cas présent il s’agissait d’une contusion médullaire et non d’une myélopathie cervico-discarthrosique, en précisant encore que la cervico-discarthrose asymptomatique avant et indolente après, ne menaçait pas cette patiente de tétraparésie en l’absence de traumatisme. Etat antérieur révélé tardivement. Patient de 52 ans, cadre commercial, ancien sportif de bon niveau (basketteur) qui dans le cadre de son travail a été renversé par une voiture alors qu’il traversait la route sur un passage protégé. Victime d’un polytraumatisme comportant d’après le certificat médical initial : « Un traumatisme crânien sans perte de connaissance, cervicalgie, contusion du genou gauche ». Il n’a pas été hospitalisé mais n’a pas repris son travail à cause des douleurs multifocales du côté gauche dont il se plaignait au niveau de la région temporale, de l’épaule, de la hanche et du genou. La Sécurité Sociale l’a consolidé trois mois plus tard avec une IPP de 8 % alors qu’il présentait « un rachis cervical bien mobile pratiquement indolore ». Ce n’est que six mois après l’accident qu’il a eu une IRM qui a révélé la présence d’une discopathie C5-C6 associée à une arthrose cervicale d’allure tout à fait ancienne. L’expertise a donc permis de conclure que la colonne cervicale de ce patient présentait des anomalies dégénératives qui pré-existaient à l’accident qui ne pouvaient donc pas avoir été créées par lui et qui plus est n’ont pas été aggravées par lui pendant les six premiers mois après l’accident. Etat antérieur « suspecté ». Patient de 50 ans, chef d’entreprise, sans aucun antécédent pathologique personnel qui conduisait au retour des vacances sa grosse voiture familiale heurtée de front par une voiture dont le chauffeur avait perdu le contrôle dans un virage. Sorti apparemment indemne de son véhicule il s’est surtout préoccupé de ses passagers et de sa famille. Il n’a pas été hospitalisé. Rentré chez lui il s’est plaint dans la nuit d’une lombalgie irradiée au membre inférieur droit. Le médecin de famille consulté le lendemain a fait le diagnostic de sciatique droite. Un mois plus tard, n’arrivant plus à assumer sereinement sa charge professionnelle, il a consulté un neurochirurgien qui a fait le diagnostic de cruralgie droite. Après une imagerie éloquente il l’a opéré sans délai d’une volumineuse hernie discale L4-L5 droite exclue. La première expertise effectuée dans le cadre de la Loi Badinter avait abouti à un désaccord entre les médecins conseils des deux compagnies d’assurances présentes à cette expertise, l’un d’entre eux prétextant qu’une hernie discale L4-L5 ne pouvait rendre compte que de la cruralgie opérée par le chirurgien et non de la sciatique dont le patient avait souffert immédiatement après l’accident, et qu’en conséquence il convenait de suspecter une discopathie sous-jacente L5-S1 correspondant à un état antérieur. Il a été bien facile de rappeler à ce médecin conseil la notion élémentaire que l’installation en deux temps rapprochés de l’irradiation radiculaire était parfaitement typique d’un processus post-traumatique comportant l’ouverture traumatique du ligament vertébral commun postérieur puis l’exclusion d’un fragment discal sain non dégénéré à travers la brèche ainsi créée. Ce malade présentait effectivement une hernie discale fraîche exclue dans l’espace épidural comme le montrait l’imagerie et comme l’a confirmé le neurochirurgien. Cette lésion était si volumineuse qu’elle était tout à fait à même d’expliquer la compression et la souffrance de la racine L4 (crurale) par son expansion ascendante mais aussi la compression et la souffrance de la racine L5 (sciatique) par son expansion latérale. En conséquence de quoi l’expertise a pu conclure que ce patient n’avait pas d’état antérieur et que les soins et les séquelles étaient liés au seul fait accidentel. Etat antérieur scotomisé Patient de 42 ans, employé de Société de surveillance, victime à l’âge de 33 ans d’un très grave accident de moto survenu sans tiers identifiable car il n’avait pas d’assurance tout risque. Il n’a eu de cesse par la suite de multiplier les procédures en vue d’être indemnisé pour les accidents multiples régulièrement déclarés allant même jusqu’à reconstituer des documents anciens à partir de comptes-rendus récents par le jeu de photocopies interverties. Lors de l’expertise le patient a admis qu’il avait pu se tromper et on lui a expliqué que ses lésions anciennes pour lesquelles il souhaitait être indemnisé ne pouvaient pas être la conséquence d’accidents récents dans la mesure où ses lésions existaient sur l’imagerie pratiquée antérieurement. Prédispositions psychologiques comme état antérieur décompensé C’est un concept que les chirurgiens dont je suis n’admettent pas facilement Patiente de 54 ans, mise en retraite anticipée par la Sécurité Sociale à l’âge de 52 ans, après trois ans de congé de longue maladie, à l’issue d’une carrière sans tâche de 28 ans d’éducatrice à la DDASS. Cette femme qui souffrait de lombalgie depuis l’âge de 35 ans avait été opérée une première à l’âge de 39 ans de sa colonne lombaire en L5-S1. Elle a recommencé à souffrir deux ans plus tard sans interrompre son travail, menant une vie de dévouement au service des autres mais parsemée de difficultés et d’échecs sur le plan personnel. Sur le conseil d’une amie et sans prendre d’avis médical ni suivre aucun traitement adapté elle a fini par consulter un chirurgien qui pour une image banale de discopathie L4-L5 l’a opérée par arthrodèse-ostéosynthèse dont les suites somatomorphes ont été évoluant marquées par des indépendamment manifestations des conséquences proprement chirurgicales de son intervention. Dans un premier temps j’ai compris que l’expression de la douleur de cette malade précocement et durablement fixée sur ses lombes en était venue avec le temps à constituer son mode de métabolisation de ses différentes situations affectives successives délicates et mal vécues. En second lieu j’ai considéré que dans un tel contexte le chirurgien avait été imprudent de pratiquer une intervention aussi lourde de blocage du rachis lombaire effectué pour au mieux une simple discopathie devant une séméiologie douloureuse qui n’était pas rattachée de façon indiscutable à un élément organique dont on pouvait attendre la résolution par la chirurgie. C’est avec beaucoup de difficultés et après trois réunions expertales que je suis parvenu à établir que la responsabilité du chirurgien était engagée pour avoir apporté une solution chirurgicale lourde qui ne pouvait que décompenser un équilibre psychologique fragile, qui méritait d’être soutenue et confortée par les petits moyens et non d’être bloquée par des tiges métalliques dans le dos. Cette observation m’a paru intéressante à double titre permettant d’insister sur le fait que la chirurgie n’a lieu d’être que quand elle n’a pas d’alternative valable et sur la notion du rôle des prédispositions psychologiques des patients au moment où se décide l’intervention dont le chirurgien est seul juge, c’est son rôle le plus noble et en tous cas au moins aussi important que le geste lui-même. Cette dernière remarque fournit une transition naturelle sur le dernier point qui me tient à cœur et qu’on rencontre dans beaucoup d’expertises, à savoir l’intrication entre les lésions organiques supportées par les données scientifiques objectives et les explications, plus ou moins reconnues de la dimension psychologique des évènements accidentels ou chirurgicaux, car la plupart des patients et même nombre de médecins confondent volontairement ou non psychiatrie et psychologie. III – LE PROBLEME « PSY » EST PARTOUT L’expert non psychiatre l’aborde très souvent et même malgré lui Si la terminologie « psy » englobe communément les affections psychiatriques et les données psychologiques des patients expertisés, il est bien certain que tout expert y compris s’il est neurochirurgien, est bien obligé de traiter aussi en même temps que les problèmes de sa spécialité, tous les messages « psy » que les patients veulent bien lui délivrer. Il le fait bon gré mal gré, mais à la différence de Monsieur JOURDAIN en en étant parfaitement conscient. C’est l’une des difficultés de l’expertise. Dans la pratique quotidienne de l’expertise de deux choses l’une : ou la suspicion d’un état antérieur psychiatrique est très forte, c’est le cas des manifestations exubérantes ou exagérées après traumatisme minime du rachis. Le recours à un sapiteur psychiatre s’impose alors pour en évaluer la réalité et l’importance, ou les éléments de la sphère psychique et intellectuelle sont apparemment au second plan de la scène clinique face à l’importance réelle ou alléguée des lésions anatomiques objectives comme cela peut se voir en matière de responsabilité médicale dans les suites de chirurgie neuro-orthopédique rachidienne. Le débat est ici très serré. Le tableau n’a rien de psychiatrique au sens propre du terme. Les parties s’affrontent sur le terrain de l’évaluation du préjudice objectif et s’accordent sur un seul point : celui de minimiser, voire de scotomiser les prédispositions psychologiques, aussi bien le patient qui refuse l’étiquette « psy » que le chirurgien qui raisonne « radiographies et demande chirurgicale du patient ». L’expert est seul pour élever le débat. C’est pourtant essentiel. L’état psychologique du patient avant l’opération est un état constitutionnel à expressions variables suivant les circonstances de la vie. Il n’est pas besoin d’être psychiatre pour comprendre qu’un malade est fragile, instable ou malheureux, qu’il présente des désordres psychologiques ou qu’il est dans une « mauvaise passe » de sa vie, et qu’il demande avec plus ou moins d’insistance au chirurgien de le soulager mais en réalité le soulager de tous ses problèmes par un « coup de baguette magique chirurgicale ». Les conséquences pratiques Si dans ce contexte les doléances fixées sur le rachis ne sont pas rattachées de façon indiscutable à un élément organique dont on peut attendre la résolution par la chirurgie, on va droit à un échec programmé. Si le chirurgien à qui il incombe et à lui seul de poser en dernier ressort l’indication chirurgicale ne le comprend pas il est imprudent. C’est là l’explication de bon nombre d’échecs chirurgicaux, d’opérations inutiles, ou d’interventions franchement contre-indiquées. C’est aussi l’explication de la fuite en avant observée dans le très rare mais dramatique syndrome de Münchhausen. J’en ai vu personnellement deux cas en expertise dont l’un d’une patiente opérée 31 fois par des chirurgiens différents, tous tombés dans le piège sans se poser de question. C’est enfin à n’en pas douter l’explication qui s’impose dans le cas des interventions intempestives en séries, si peu raisonnables qu’elles en deviennent délictueuses. Finalement dans tous ces cas où la dimension psychologique constitutionnelle des patients n’a pas été d’une façon ou d’une autre prise en considération, le litige demeure. Ce sera ma conclusion car si finalement l’état antérieur n’est pas un mythe, c’est peutêtre que l’expert l’a démystifié, ou a du moins contribué à essayer de le faire. ETAT ANTERIEUR ET PATHOLOGIE DE L’EPAULE Claude SAVORNIN La définition de MAZEL de l’état antérieur est la suivante : « l’ensemble des prédispositions de la victime, de ces tendances organiques, de ces tares, constitutionnelles ou acquises, et aussi de ses infirmités, des maladies caractérisées ou latentes dont elle peut être atteinte ». Nous retenons de cette définition que les prédispositions et que les maladies latentes comme celles caractérisées doivent être prises en compte. L’état antérieur peut donc être d’importance variable : avéré, ou latent, ou simple prédisposition. Comme conséquences, nous pouvons déduire que l’état antérieur : -peut être aggravé par l’accident, -mais aussi que les prédispositions peuvent induire l’évolution de lésions particulières. Le rôle de l’expert sera donc triple : il devra comporter la recherche d’un état antérieur : celle-ci peut être facile lorsque l’état antérieur ne peut être ignoré de l’intéressé. Il est alors retrouvé à l’interrogatoire ou évident sur les examens complémentaires. Cette recherche peut être difficile lorsque l’état antérieur est caché ou méconnu. Il faut noter qu’un état antérieur latent peut être ignoré de l’intéressé. On peut alors s’adresser en cas de nécessité au médecin traitant ou au dossier hospitalier ou à la Sécurité Sociale … Enfin, cette recherche peut être impossible en cas de dissimulation, d’ignorance, de décès du blessé ou de décompensation par le traumatisme. il lui faudra établir les conséquences de l’état antérieur, ce qui doit comporter trois volets : -définir les conséquences du traumatisme sans l’état antérieur, -établir l’évolution normale de l’état antérieur sans le traumatisme, -évaluer l’aggravation de l’état antérieur par le traumatisme en présence d’un enchaînement anatomo-clinique. De plus, l’expert doit enfin apprécier les postes de préjudice : - la consolidation intervient généralement à 6 mois de la date du traumatisme. Au-delà de ce délai, l’état antérieur évolue pour son propre compte. Concernant le taux d’IPP, en état antérieur on définit son pourcentage ou sa portion au moment du traumatisme et on le déduit du taux global. Si l’état antérieur était latent ou représenté par une simple prédisposition, il faut le signaler au juge et ceci peut donner lieu : -soit à une réparation intégrale lorsque le traumatisme seul peut décompenser la prédisposition, -soit diminuer les dommages et intérêts du fait de la prédisposition, -soit ne pas entraîner de réparation lorsque l’ensemble du dommage est attribué à l’état antérieur. La réparation est fonction du régime : ainsi en droit commun, il y a une réparation intégrale du dommage, par contre en assurance individuelle accident ceci est fonction du contrat. En accident du travail, on se base sur la capacité de travail restante et en pension militaire, c’est le domaine de l’imputabilité. Quatre chapitres pathologiques doivent être envisagés . I. PATHOLOGIE DE LA COIFFE DES ROTATEURS Ce domaine domine les problèmes d’expertise de l’épaule. C’est en effet l’exemple type de l’affection latente : les études cadavériques ont ainsi montré 10 à 15% de rupture transfixiante et 15 à 40% de rupture partielle de la coiffe des rotateurs après 45 ans. De nombreuses prédispositions sont possibles : il existe en effet une zone critique tendineuse définie par CODMAN et MOSELEY à 1,5 cm du trochiter où la vascularisation diminue avec l’âge et l’hyper-utilisation de l’épaule. un conflit antéro-supérieur peut se produire de façon plus précoce en présence d’un acromion de type III de BIGLIANI (acromion en crochet), des ostéophytes du bec acromial ou de l’articulation acromio-claviculaire peuvent être responsables d’une tendinopathie de la coiffe, un conflit antéro-interne (APOIL) peut être engendré par les variations de longueur et d’orientation de la partie horizontale de la coracoïde, un conflit postéro-supérieur peut se produire entre la coiffe et le bord postéro-supérieur de la glène chez les sportifs à faible rétroversion humérale, générant des lésions de la face profonde du supra-spinatus. Cette pathologie est par ailleurs une affection évolutive du fait de facteurs mécaniques en avant associés à des facteurs biologiques en arrière qui ensembles peuvent engendrer trois stades depuis la simple tendinopathie jusqu’à la rupture en sachant que 50% des ruptures partielles deviennent totales en deux ans. Une infiltration graisseuse des muscles des coiffes des rotateurs rompues et du sous épineux (non rompu) en cas de large rupture antéro-supérieure des supra-épineux plus sub-scapularis s’aggrave ainsi avec le temps et s’accompagne d’une perte de la fonction musculaire. Ainsi, pour l’infra-épineux la graisse devient aussi abondante que les fibres musculaires pour 50% des ruptures de plus de six mois. QUELS SONT LES CRITERES D’ETAT ANTERIEUR DE COIFFE DES ROTATEURS POUR L’EXPERT ? De l’interrogatoire, l’expert pourra retenir l’existence de crises douloureuses nocturnes évocatrices de rupture tendineuse ; mais aussi l’existence d’une pathologie cervicale intriquée dans un tiers des cas. A l’examen, l’expert recherchera une amyotrophie des fosses sus et sous épineuses évoquant une rupture étendue et ancienne de la coiffe, De l’imagerie plusieurs éléments sont à retenir : sur les radios standards, on recherche des calcifications tendineuses dystrophiques d’insertion, de petite taille au contact du trochiter. un acromion crochu, des ostéophytes acromiaux et de l’acromioclaviculaire ainsi que des remaniements de la face inférieure de l’acromion. On mesure l’espace acromio-huméral qui lorsqu’il est inférieur à 6 mm traduit toujours une rupture de la coiffe. Des géodes et la sclérose osseuse du trochiter et du trochin sont aussi un élément à retenir. Enfin, par le scanner et l’IRM, on étudie la dégénérescence graisseuse qui traduit toujours une lésion ancienne de la coiffe des rotateurs mais on recherche aussi une rétroversion de la tête humérale et par l’étude de l’espace coraco-huméral, on définit un conflit antérieur éventuel. Il faut savoir par ailleurs en ce qui concerne les tendinopathies calcifiantes qu’elles sont très rarement associées à une rupture de coiffe. Concernant les ruptures partielles : de la face superficielle : lorsque situées en regard du bec acromial chez les sujets jeunes, elles peuvent être post-traumatiques. de la face profonde : chez le sujet jeune hypersportif (sport de lancer ou d’armé contrarié), lorsqu’elles sont dues à un conflit glénoïdien postérieur, elles sont associées à des lésions du bourrelet postéro-supérieur et du rebord glénoïdien et alors favorisées par une anomalie de rotation de l’extrémité supérieure de l’humérus. En ce qui concerne les ruptures transfixiantes : du supra-épineux : elles peuvent avoir un début traumatique mais rarement après un accident de sport ou du travail. L’imputabilité nécessite alors un traumatisme précis et un intervalle libre court. du sous-scapulaire : elles sont le plus souvent d’origine traumatique et associées à des lésions du tendon de la longue portion du biceps dans deux tiers des cas. Lorsque pluri-tendineuses les lésions de la coiffe sont en général anciennes et avec parfois subluxation frontale et diminution de la distance acromio-humérale. En ce qui concerne la pathologie du tendon de la longue portion du biceps : une tendinopathie mécanique est possible lorsqu’on met en évidence des ostéophytes du sillon inter-tuberculaire, en cas d’instabilité et de luxation, il existe généralement une rupture partielle ou totale du sub-scapularis associée. en cas de rupture, celle-ci est un épiphénomène dans l’évolution d’une rupture ancienne de la coiffe des rotateurs. En cas d’instabilité de l’épaule : la luxation antéro-interne de l’épaule après 50 ans survient souvent sur une rupture de la coiffe des rotateurs. Chez le sujet sportif, il y a en général des tendinopathies associées. Une pathologie rhumatismale peut être aussi à l’origine de tendinopathie : goutte, chondrocalcinose, polyarthrite rhumatoïde (ténosynovite) ; spondyloarthropathie (enthésite) ; hémodialysé ; prise de glucocorticoïde et fluoroquinolone. Mais une tendinopathie de la coiffe peut débuter ou se compliquer d’un enraidissement de l’épaule qui, s’il ne disparaît pas au test de NEER, doit faire rechercher une cause capsulaire (ou l’incarcération d’une rupture du tendon de la longue portion du biceps). Et de toute façon, en accident du travail, l’imputabilité nécessite un traumatisme précis et un intervalle libre court. Enfin, la tendinopathie de la coiffe des rotateurs est une affection inscrite au tableau n°57 des mlaladies professionnelles. Le délai légal de prise en charge est de 7 jours pour l’épaule douloureuse simple par tendinopathie de la coiffe des rotateurs et de 90 jours pour l’épaule enraidie succédant à une épaule douloureuse simple rebelle. La liste des travaux susceptibles de provoquer ces deux maladies professionnelles est limitative et ne concerne que les travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l’épaule. II. LA RAIDEUR DE L’EPAULE La raideur de l’épaule peut être post-traumatique vraie (luxation, fracture de tête humérale ou de la glène, ou fracture luxation de l’extrémité supérieure de l’humérus). Elle peut être aussi post chirurgicale après chirurgie de stabilisation ou de la coiffe des rotateurs ou d’arthroplastie de l’épaule. Le problème sera beaucoup plus difficile pour l’expert dans le domaine de la capsulite rétractile. La capsulite rétractile est le plus souvent idiopathique. Elle atteint la femme aux alentours de la cinquantaine, volontiers sur un terrain diabétique et de maladie de Dupuytren (anatomopathologie voisine). Son évolution se fait classiquement en trois phases : une première phase douloureuse d’installation progressive, une deuxième phase où s’installe progressivement une limitation des mouvements tandis qu’en règle générale les douleurs diminuent et une troisième phase où l’enraidissement est en règle indolore et diminue progressivement évoluant vers la récupération en 6 à 18 mois. Des évolutions plus prolongées sur plusieurs années sont possibles et cette évolution considérée comme toujours favorable peut cependant laisser des limitations définitives de la mobilité prédominant sur la rotation externe dans 39 à 76% des cas. Enfin, la récidive est exceptionnelle. Si l’anatomopathologie montre une hypervascularisation de la synoviale et un épaississement fibreux de la capsule, il semble que la rétraction de l’intervalle des rotateurs et en particulier du ligament coraco-huméral soit la lésion principale de la rétraction capsulaire. A l’arthrographie, des signes typiques permettent de poser le diagnostic de capsulite isolée : cavité réduite, reflux et effacement des récessus, absence de perforation de la coiffe. La capsulite rétractile est parfois secondaire ou associée à d’autres pathologies : ainsi un traumatisme direct ou indirect majeur ou surtout mineur à type de contusion de l’épaule ou de fracture non déplacée du trochiter peut en être à l’origine, mais aussi un infarctus du myocarde, une tuberculose, un cancer bronchopulmonaire ou des infections bronchiques chroniques. une pathologie thyroïdienne ou la grossesse ont un rôle plus discuté. Mais le rôle du terrain est reconnu bien que le mécanisme en reste tout aussi inconnu : à savoir le diabète et les troubles psychiques. Par ailleurs, la capsulite peut compliquer l’évolution de la tendinopathie de la coiffe ou des calcifications de la coiffe voire compliquer un geste de « trituration ». Ainsi, c’est ce domaine du terrain qui devra attirer toute l’attention de l’expert dans cette pathologie. III. LES INSTABILITES ET LUXATIONS GLENO-HUMERALES Il faut garder présent à l’esprit dans ces pathologies, les éléments suivants : des antécédents familiaux d’instabilité de l’épaule sont retrouvés dans un quart des cas, le rôle de l’hyperlaxité qui peut par elle-même évoluer vers une instabilité, le rôle de l’âge du patient et des facteurs de risque dans la récidive : les taux élevés de récidive en luxation erecta. le risque de récidive diminue avec l’âge mais est maximal avant 20 ans. enfin le problème de l’instabilité « volontaire » chez les hyperlaxes et dans un contexte psychologique particulier. IV. LES LESIONS DU BOURRELET GLENOIDIEN ISOLEES DANS LES EPAULES STABLES Il s’agit d’un domaine difficile à cause des variations anatomiques et du rôle du vieillissement. Il faut ainsi savoir distinguer les divers aspects anatomiques des lésions franchement pathologiques. Ainsi, les variantes anatomiques doivent être individualisées mais ne méritent pas de traitement. Par contre, en cas de lésion labrale avérée, le traitement arthroscopique peut consister en une résection des zones pathologiques ou en une réinsertion au rebord glénoïdien d’un bourrelet détaché. Dans ce domaine le rôle de l’hyperlaxité est aussi à retenir. Celle-ci est en effet plus fréquente dans la population présentant des lésions labrales, que dans celle qui n’en présente pas. Avec l’âge la fréquence des lésions du bourrelet glénoïdien augmente mais sa pathogénicité décroît. On peut noter que 85% des patients de plus de cinquante ans présentent des anomalies labrales asymptomatiques. Par contre dans la troisième décennie, cette pathologie atteint le sexe masculin dans trois quart des cas et le membre dominant par origine microtraumatique. Il en est ainsi des sports de lancer ou d’armé contré comme le combat, la gymnastique, les rameurs. .. mais surtout s’il existe une hyperlaxité associée. Enfin dans cette troisième décennie, on peut rencontrer cette pathologie après un traumatisme initial de mécanisme variable. La traduction clinique en est des douleurs antérieures de type mécanique avec dérangement interne associé (ressaut, claquements, accrochages). L’examen clinique est pauvre, on doit rechercher un Klunk-test, un test de Yergason, un test de O’Brien et du palm-up. Mais aucun de ces tests n’est vraiment fiable. Les examens complémentaires sont indispensables pour mettre en évidence les lésions. Sur les radiographies standards, on recherche une avulsion en général peu déplacée du tubercule glénoïdien supérieur ou des stigmates d’instabilité antérieure à type d’encoche du Malgaigne ou de décollement antéro-inférieur de la glène. Surtout l’imagerie avec produit de contraste à type d’arthroscanner ou d’IRM pourra fournir avec une fiabilité sérieuse un diagnostic positif de ce type de lésion en sachant que l’individualisation précise des différents types de lésion SLAP est difficile tout comme la mise en évidence de lésions ligamentaires et que la lecture de ces clichés est une affaire de spécialiste. L’arthroscopie diagnostique est donc un élément capital qui pourra mettre en évidence : les lésions de type SLAP, supérieure, labrale antérieure, ou postérieure de 7 types décrits par SNYDER et MAFFET en prenant garde à l’ existence de bourrelet supérieur particulièrement mobile et non pathologique chez les sportifs de lancer. d’autres lésions peuvent être visualisées de type antéro-supérieur (ANDREWS) à type d’épaule douloureuse du lanceur ; ou antéro-inférieur ou postérieur sous forme d’un effrangement du labrum postéro-supérieur qui peut être associé à une rupture de la face profonde du supra-spinatus en cas de conflit glénoïdien postéro-supérieur. Mais fréquemment ces lésions sont associées (50% des cas) avec une ou plusieurs altérations des structures de voisinage concernant l’intervalle des rotateurs ou le ligament gléno-huméral moyen ou le ligament gléno-huméral inférieur avec le problème de l’instabilité antérieure et de l’hyperlaxité mais en sachant que l’hyperlaxité est plus fréquente dans une telle population que dans une population témoin indemne. Enfin, des ruptures partielles profondes de la coiffe des rotateurs concernant la face endoarticulaire du supra-spinatus sont rencontrées de 20 à 50% des séries situées dans la moitié postérieure de ce tendon par piège entre le rebord glénoïdien et la tête humérale dans la position de l’armé du bras. Ces ruptures partielles profondes de la coiffe peuvent être également vues en région plus antérieure correspondant alors à une lésion de l’intervalle des rotateurs. Dans ce type de pathologie, les facteurs prédisposant doivent donc faire aussi toute l’attention de l’expert. CONCLUSION Il faut retenir de la pathologie de l’épaule que l’état antérieur peut être certes avéré mais que souvent il sera latent ou représenté par une simple prédisposition ; que ce domaine est dominé par le problème de la pathologie de la coiffe des rotateurs. En l’absence d’état antérieur avéré et évident, l’expert devra savoir signaler précisément au juge les éléments susceptibles d’intervenir. Etat antérieur et pathologie ORL Médecin chef des services hors classe Jean-Luc PONCET Chef du service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale Hôpital d’Instruction des Armées du Val-de-Grâce. BP1. 00446 Armées. La spécialité d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale n’est pas facile à cerner pour l’expert. Est-elle médicale ou chirurgicale ? Elle a en fait une dualité médicochirurgicale. Sa caractéristique est la diversité autour d’une spécificité territoriale finalisée dans la communication. Le territoire ORL comprend trois de nos cinq sens (olfaction, l’audition et la gustation) sans compter l’essentiel de l’équilibration (véritable sixième sens) ainsi que les organes effecteurs de la phonation, les éléments anatomiques de la déglutition, sans oublier le nerf facial… Dans ce cadre mouvant et imprécis, les plaintes des victimes sont complexes et multiples, d’ordre fonctionnel, souvent empreintes par une forte subjectivité ; et l’expert devra en vérifier la réalité par des moyens objectifs d’exploration fonctionnelle. 2.Position du problème : Le passé et/ou le présent, d’une victime d’un dommage corporel, peuvent modifier les conséquences habituellement reconnues des lésions traumatiques. De même, le fait traumatique peut infléchir, de façon transitoire ou définitive, l’évolution d’une pathologie pré existante ou concomitante. Ainsi, se pose le problème de l’état antérieur. Il rend parfois difficile l’application d’un des principes essentiels du droit de responsabilité : « Réparer tout le dommage et rien que le dommage ». Or, la réparation du dommage en droit commun consistant à remettre la victime dans l’état qui aurait été le sien sans l’accident, l’analyse du dommage comporte obligatoirement, l’étude des séquelles de l’accident et celles de l’état antérieur à l’accident. Le problème de l’état antérieur et de la prédisposition sont intimement liés à celui de l’imputabilité médicale et de la causalité juridique. Nous y retrouvons cette dualité « dommage-préjudice » et « imputabilité-causalité » qui distingue le rôle du médecin expert et celui du juriste décideur. 3. Définition de l’état antérieur et pathologies ORL L’état antérieur est l’ensemble des anomalies, séquelles des maladies ou accidents que présente un sujet avant un évènement déterminé. Il peut être anatomique telle une amputation d’une partie ou de la totalité d’un organe (laryngectomie partielle ou laryngectomie totale), une arthrose ou une raideur de l’articulation temporo-mandibulaire (avec limitation de l’ouverture buccale), ou physiopathologique : par exemple, surdité, vertiges, acouphènes, hyperacousie. Mais autant la « surdité » peut être quantifiée par un audiogramme, qui précisera s’il s’agit d’une surdité de transmission, de perception ou mixte, autant les « vertiges », les « acouphènes », « l’hyperacousie » (inconfortable voire douloureuse à l’exposition de l’oreille à des sons intenses, aigus ou de tonalité métallique) sont difficiles à quantifier. Cet état antérieur peut être patent, chez un sujet qui présent par exemple des crises répétées de vertiges de Ménière ; mais il peut être aussi latent, ne s’accompagnant d’aucune manifestation clinique, comme par exemple une cophose d’origine ourlienne et remontant à l’enfance. Cet état antérieur peut être connu, telle une malformation faciale ou auriculaire. Il peut être inconnu comme par exemple une hyperglycémie constituant un état pré-diabètique qui aurait favorisé une complication post-opératoire. Connu ou non connu, l’état antérieur peut être objectivable par l’examen clinique (perforation d’un tympan ou du septum nasal) ou para-cliniques (surdité de transmission, de perception ou mixte), ou non objectivable : c’est le cas des acouphènes ou d’une hyperacousie. Enfin cet état antérieur peut être stable telle une surdité avec une tympanosclérose (dégénérescence fibro-hyaline avec surcharge calcaire de la sous-muqueusede l’oreille moyenne) ou évolutif, comme une surdité par otospongiose (dystrophie héréditaire de la capsule otique). 4.Comment déterminer précisément l’état antérieur ? Devant un état pathologique tangible, les données de l’interrogatoire et du dossier médical du sujet, permettent de distinguer : les antécédents médicaux, les prédispositions pathologiques et un processus pathologique ignoré 4.1.Les antécédents médicaux. Ils recouvrent l’ensemble de la pathologie médicale ou traumatique du sujet avant l’accident. Cette pathologie peut être guérie, évolutive ou consolidée avec des séquelles. L’expert apprend cela de la victime elle-même ou par la lecture des documents fournis lors de l’examen. Mais il ne doit être décrit, dans le rapport, que les antécédents qui peuvent avoir une influence sur le dommage consécutif à l’accident ou s’ils ont été modifiés par lui. Dans le langage des spécialistes de la réparation du dommage corporel, le terme « état antérieur »est habituellement rapporté à l’événement considéré. Seuls les antécédents ayant une incidence sur l’événement ou ses conséquences sont susceptibles de constituer un « état antérieur ». 4.2. Les prédispositions pathologiques. On réserve le terme de « prédisposition » à une potentialité, à un état constitutionnel pouvant être lui-même connu ou inconnu, mais n’entraînant pas de déséquilibre chez le sujet, puisqu’il constitue sa nature même. Elle se définit comme un état cliniquement muet, totalement ignoré du patient et qui n’a fait l’objet d’aucune investigation particulière. *Cette prédisposition est souvent d’ordre psychique ou moral. Chaque sujet est « condamné » à vivre avec ses prédispositions. Il a son équilibre auquel il est adapté. Mais cet équilibre peut être fragile, un événement traumatique quelconque pouvant le faire basculer. Dans ce cadre, entrent les instabilités et les acouphènes post-traumatiques. Le vécu émotionnel du symptôme est sans aucune mesure avec l’intensité du traumatisme initial et des signes observés. La « prédisposition » est suspectée par l’expert sur un faisceau d’argument. La preuve formelle ne peut être apportée et, de plus, les spécialistes ne peuvent quantifier le risque qu’avait cette prédisposition de se transformer en état pathologique avéré. Cette fragilité antérieure, supposée et présumée, doit-elle grever la dette du responsable du traumatisme ou, au contraire, être opposée à la victime. La réponse n’est, à l’évidence, nullement d’ordre médico-légal mais d’ordre purement juridique car elle touche au fondement même de la réparation. L’expert ne peut qu’être, en effet, descriptif et doit bien indiquer son raisonnement médical, dans ses conclusions, mais il ne doit pas se substituer au juge ou au régleur qui seul décidera, en dernier ressort, avec les éléments donnés par l’expert. Il importe de ne pas confondre la prédisposition avec l’état antérieur non connu. *L’âge constitue la prédisposition la plus nette mais cette prédisposition doit prendre en compte également des facteurs tels que les influences familiales, les habitudes alimentaires et le marquage génétique. *Certaines pathologies constituent une prédisposition. -Avérée : La persistance d’une communication interauriculaire, présente chez 25 à 30 % des sujets adultes, est une cause pouvant favoriser les accidents aéroemboliques de l’oreille interne chez le plongeur. Les bulles du cœur droit, au lieu d’aller dans les poumons pour y être filtrées et éliminées, passent dans le cœur gauche, l’aorte, l’artère vertébrale et l’artère auditive interne. -Possible : Il en est ainsi du cancer ou de certaines affections cutanées comme le psoriasis. L’expérience montre qu’il s’agit en fait de maladie dont l’origine exacte est encore inconnue sur le plan scientifique. 2.3. Le processus pathologique ignoré. Le processus pathologique ignoré, de découverte fortuite lors de l’expertise, constitue une éventualité particulière et délicate sur le plan médico-légal. L’expert peut se trouver face à un processus ancien, fixé ou peu évolutif, sans manifestations cliniques et évocatrices, ou, au contraire, être confronté à la découverte d’une pathologie évolutive à son début. Exemple : Lors d’une expertise pour dysphonie après un traumatisme laryngé externe sévère, l’interrogatoire des antécédents révèle que le sujet a été l’objet, dix ans auparavant, d’une lobectomie droite pour un nodule thyroïdien bénin. L’examen post-opératoire des cordes vocales n’a jamais été pratiqué. L’examen du larynx lors de l’expertise met en évidence une immobilité de la corde vocale droite. Quel est l’état antérieur ? A quel traumatisme attribuer l’immobilité laryngée unilatérale ? 4.Relation du fait traumatique et de l’état antérieur. Nous envisagerons les deux éventualités d’un état antérieur connu lors de l’accident et celui d’un état antérieur inconnu ou méconnu. 4.1. Etat antérieur connu lors de l’accident Le raisonnement médico-légal face à un état antérieur qui influence, d’une façon ou d’une autre, les conséquences prévisibles du traumatisme, peut être résumé classiquement par une triple question : 1)Quelles auraient été les conséquences et l’évolution des lésions traumatiques en l’absence d’état antérieur ? Un expert ayant une certaine expérience et un bon sens clinique peut répondre facilement à cette question. 2)Quelles aurait été l’évolution de l’état antérieur en l’absence de l’accident ? La réponse peut être plus délicate dans notre spécialité. Par exemple, il est parfois difficile de prévoir la courbe évolutive spontanée d’une presbyacousie. 3)Quelles sont les conséquences de l’interaction état antérieur/ lésions traumatiques ? Pour répondre à cette question, il faut préciser quelle était la situation exacte de l’état antérieur lors des faits en cause et quelles sont les séquelles imputables de façon unique, directe et certaine au fait traumatique. 4.1.1. L’état antérieur est connu, patent mais stable, soit grâce à une thérapeutique soit spontanément. Le mécanisme traumatique est compatible selon les règles médico-légales avec un déséquilibre de cet état. Si le déficit observé est définitif, il est de première importance de fixer la date de consolidation médico-légale. Si le déséquilibre est estimé temporaire , l’expert doit alors conclure à une guérison par retour à l’état antérieur. Bien qu’il n’existe pas dans la pratique médico-légale de définition précise de la notion de « fonction », les différents barèmes font bien référence à la notion de fonction en ce qui concerne, pour notre spécialité, par exemple, l’audition, l’équilibration, la respiration. D’ailleurs, dans la mesure où la mission de la Chancellerie demande habituellement à l’expert de « chiffrer le taux d’incapacité permanente résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions », il est logique de s’appuyer sur cette notion de fonction. Ainsi, en schématisant, il est licite de distinguer trois situations : 1er cas : séquelles post-traumatiques et état antérieur affectent la même fonction. -Prenons l’exemple d’un déficit auditif : S’il dispose d’un audiogramme antérieur, l’expert calcule le taux résultant de l’état actuel et apprécie son taux actuel. La différence correspond au « taux imputable » selon la formule : Taux d’IPP imputable d’aggravation = taux d’IPP actuel – taux d’IPP antérieur Même face à une aggravation unilatérale (cas le plus fréquent), l’expert doit prendre en compte la valeur fonctionnelle des deux oreilles (antérieurement et lors de son examen) dans son appréciation ; sachant que la capacité d’audition binaurale et stéréophonique est perdue dès que l’écart entre les pertes auditives moyennes des deux oreilles dépassent 50 dB. L’expert s’attachera à bien décrire le retentissement fonctionnel antérieur, tant sur le plan personnel que professionnel. -Pour les troubles de l’équilibration, l’appréciation est plus délicate, notamment chez le sujet âgé. L’état antérieur étant parfois difficilement quantifiable, l’expert doit être avant tout descriptif, en particulier sur la capacité d’autonomie, pour donner au régleur les éléments nécessaires pour quantifier son indemnisation. 2ème cas : séquelles post-traumatiques et état antérieur affectent des fonctions différentes mais synergiques et/ou complémentaires. Ainsi, dans les traumatismes crânio-cérébaux, il est parfois difficile de faire la part des choses sur le plan médico-légal entre l’atteinte de l’organe périphérique de réception (cochléovestibulaire) et les troubles neurologiques centraux. Il en est de même pour des troubles de l’équilibration qui comportent, associés de façon complexe, une commotion labyrinthique, des troubles cérébelleux et oculaires. Seule une prise en compte multidisciplinaire, oto-neuro-ophtalmologique permettra d’appréhender tous les aspects séquellaires. 3ème cas : séquelles post-traumatiques et état antérieur affectent des fonctions différentes et totalement indépendantes. Ce cas ne pose évidemment aucun problème à l’expert. 4.1.2. L’état antérieur était connu mais déjà évolutif. L’expert devra tenir le même raisonnement que dans le 4.1.1. Lorsque la modification de l’état antérieur est considérée comme aggravée de façon définitive, l’expert doit alors évaluer le déficit physiologique imputable à celle-ci. 4.2.L’état antérieur était cliniquement muet (connu ou méconnu) et devient parlant dans les suites d’un accident. L’expert doit considérer que la chronologie des faits n’est pas à elle seule un argument d’imputabilité unique, directe et certaine. Une coïncidence est toujours possible. Il faut pour affirmer que la relation de la pathologie, apparue après le traumatisme, est formellement établie avec le traumatisme, qu’il ait existé un mécanisme physiopathologique uniquement traumatique pour l’expliquer et retenir l’imputabilité. Il s’agit d’un problème souvent bien difficile à trancher, par exemple, dans les troubles vestibulaires consécutifs à un traumatisme simple et isolé du rachis cervical. Lorsqu’une affection médicale précise ou un état anatomique et/ou fonctionnel anormal, jusqu’alors non diagnostiqués et asymptomatiques, sont découverts dans les suites d’un fait traumatique, plusieurs éventualités peuvent se présenter : *1ère éventualité : Cette pathologie n’a, à l’évidence, aucun lien avec le fait traumatique et le patient admet la conclusion des médecins. Même si l’expert est informé de l’existence de cette pathologie, de découverte fortuite, son rapport ne doit pas en faire état. Exemple : Découverte, lors d’une expertise pour surdité post-traumatique, d’une tuméfaction parotidienne homolatérale. *2ème éventualité : Cette pathologie n’a, à l’évidence, aucun lien avec le fait traumatique mais le patient n’admet pas la conclusion des médecins. Cette absence de relation, de cause à effet, et/ou d’influence réciproque est avérée mais le ou les médecins n’ont pas souhaité ou réussi à en persuader le patient qui pose sa revendication lors de l’expertise. Il lui incombe de produire les documents nécessaires pour obtenir cette revendication. Seul ou avec l’appui d’un spécialiste, l’expert devra développer les arguments techniques qui va à l’encontre de la revendication. Cette argumentation doit être claire et précise car un magistrat peut fort bien interpréter une rédaction trop prudente, comme un doute et en faire bénéficier la victime, en inversant la charge de la preuve. *3ème éventualité :Le fait traumatique peut être responsable de décompensation de l’état anatomique et/ou fonctionnel jusqu’à lors bien toléré. Le traumatisme peut avoir permis, favoriser ou hâter l’apparition d’une affection dont les progrès récents des connaissances ont montré le nécessaire support pathologique, génétique ou dégénératif (par exemple, une dégradation auditive progressive après un traumatisme sonore, chez un sujet qui présentait une presbyacousie évoluée mais non quantifiée) (voir annexe). On est souvent dans cette situation à la limite de l’état antérieur et de la prédisposition sur un terrain instable où l’expert ne peut cheminer sans risque avec un important bagage technique adapté. 5.Cas particuliers : 5.1. Etat antérieur dans les assurances de personnes. Depuis la loi Evin du 31 décembre 1989, l’assureur a désormais l’obligation de prendre en charge la suite des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou à l’adhésion de l’assuré à la Convention. Cette obligation s’applique aux contrats souscrits depuis le 2 janvier 1990. La loi élargit aussi la notion d’état pathologique au-delà du concept même de maladie. Ainsi la séropositivité doit-elle être prise en charge dans ses éventuelles conséquences, de même l’alcoolisme chronique et ses suites. 5.2.Etat antérieur et omission C’est un redoutable piège pour l’expert. Il s’agit, dans l’immense majorité des cas, de victimes, présentant déjà une pathologie de type post-traumatique et voulant obtenir une deuxième indemnisation. Elles dissimulent le passé en omettant de parler de l’atteinte traumatique antérieure qui peut passer inaperçue si l’expert n’est pas vigilant. Dans de tels cas, l’expert se heurte aussi au problème du respect du secret médical. 6.Conclusion Reconnaître et définir un état antérieur exact en expertise est souvent difficile. Ceci n’est pas nouveau : « Cette notion constitue l’obstacle majeur sur lequel viennent buter les experts médecins, les juristes et les juges, qu’ils soient néophytes ou spécialistes chevronnés » ( M. Le Roy, H. Margeat. La Gazette du Palais, 1981). La pathologie ORL par sa symptomatologie multiple et polymorphe ne facilite pas cet exercice qui requiert de l’expert, le plus souvent, une grande prudence et une collaboration spécialisée. Annexe : presbyacousie et traumatisme sonore La presbyacousie physiologique est codifiée et quantifiée par la norme ISO 7029. Il convient à ce sujet de souligner une légère différence des courbes audiométriques selon le sexe. La survenue d’une surdité liée à l’âge est légèrement différente (normes ISO 7029 « Hommes » et « Femmes » Iso 7029 (en trait plein : Hommes ; en pointillés : Femmes) Il existe une multitude d’indices visant à quantifier les effets d’un traumatismes sonore. .La « perte auditive moyenne » ( P.A.M.), évaluée en dB pour chaque oreille, peut être calculée selon différentes formules. Nous citons les principales formules utilisées : -la formule de FOURNIER, utilisée en expertise au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre : Le déficit est calculé pour chaque oreille en divisant par 4 la somme des déficits mesurés en dBHL sur les fréquences 0,5- 1 et 2 kHz, pondérés respectivement par les coefficients 1,2 et 1. -la formule proposée pour le calcul de la PAM de la surdité professionnelle, reconnue comme maladie professionnelle au tableau n° 42 du régime général et au tableau n°46 du régime agricole: Le déficit est calculé pour chaque oreille en divisant par 4 la somme des déficits mesurés en dBHL sur les fréquences 0,5- 1- 2 et 4 kHz. -la formule proposée pour le calcul de la PAM de la surdité post-traumatique, dans le Barème d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun Le Concours Médical. Edition 2001): Le déficit est calculé pour chaque oreille en divisant par 10 la somme des déficits mesurés en dBHL sur les fréquences 0,5- 1- 2 et 4 kHz, pondérés respectivement par les coefficients 2, 4, 3 et 1. Bibliographie Etat antérieur et pathologie ORL -Anciaux P, Coudane H, Courtat P et al. L’expertise. p 161-64. In « L’expertise en ORL et chirurgie cervico-faciale » C. Simon. SFORL Editeur, 2001. -Haertig A., Béjui J, Boulé P et al. Table ronde : l’état antérieur. Evaluation médico-légale et modalités d’indemnisation. Solutions pratiques à partir de quelques cas cliniques précis. Rev Fr Dommage Corp.1999-4, 369-382. -Orst G. Secret médical et recherche de l’état antérieur en assurance de personne. Rev Fr Dommage Corp.2002-1, 47-56. -Rousseau C, Fournier C. IV. Etat antérieur et prédisposition, p 83-88 in Précis d’évaluation du dommage corporel en droit commun. AREDOC/CDDC Editeurs,1989. -Sahuc V. 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