Que signifierait pour l`industrie un objectif de - Coe

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REXECODE
Le 10 septembre 2002
Que signifierait pour l’industrie
un objectif de croissance économique de 3 % par an ?
La présente étude vise à préciser les conditions pour l’industrie d’un
objectif de croissance de 3 % par an.
Atteindre un objectif de croissance économique de 3 % par an
implique un net changement des tendances de l’industrie française. Il
faudrait une accélération de croissance de la production industrielle et
une progression des facteurs de production plus forte que dans le passé.
Une croissance économique de 3 % par an n’est pas envisageable sans
une reprise rapide de l’investissement industriel et une augmentation du
nombre d’heures travaillées.
1. Quel objectif de croissance industrielle faut-il associer à une croissance
économique de 3 % par an ?
Une première question concerne l’objectif de croissance industrielle
qui devrait être associé à un objectif de croissance économique globale
de 3 % l’an. Un même taux de croissance économique peut résulter selon
les époques et selon le contexte conjoncturel d’une croissance
industrielle plus forte que la moyenne de l’économie ou d’une croissance
industrielle plus faible que la moyenne des secteurs. L’examen du passé
montre cependant qu’il existe une assez bonne corrélation entre le taux
de croissance de l’économie (PIB) et le taux de croissance de l’industrie
(valeur ajoutée des branches industrielles en volume).
La corrélation établie sur la période 1971-2001 (graphique 1) donne
une élasticité de la croissance industrielle par rapport à la croissance
globale de l’ordre de 1,3. Les cycles industriels sont dans l’ensemble
plus marqués que les cycles du PIB. Le graphique suivant illustre cette
corrélation de 1971 à 2001.
Graphique 1
Comparaison des taux de croissance du PIB et de la valeur ajoutée
de l'ensemble de l'industrie
Croissance de la valeur
ajoutée de l'Industrie
1971 - 2001 : VA industrie = 1.32 * PIB - 0.92
8
6
4
2
0
-2
-2
0
2
-4
1971-2001
4
6
Croissance
du PIB
-6
Années avant 1990
Années depuis 1990
Selon cette corrélation, une croissance économique nulle est
associée à un léger recul industriel, une croissance économique de 1 %
est cohérente avec une croissance industrielle de 0,4 % et une croissance
économique de 2 % avec une croissance industrielle de 1,5 %. Une
croissance économique de 3 % devrait associée à une croissance
industrielle de 3 %.
Cependant, il semble bien que la relation croissance globalecroissance industrielle a évolué dans le temps. Depuis le début des
années 1990, le ratio entre le taux de croissance industrielle et le taux de
croissance globale est plus élevé qu’auparavant.
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Graphique 2 Comparaison entre la croissance du PIB et la croissance de
la valeur ajoutée de l'industrie (en %)
6
Taux de croissance en moyenne annuelle (moyenne mobile sur 3 ans)
4
2
0
Ensemble de l'économie
Valeur ajoutée de l'industrie
-2
1970
1974
1978
1982
1986
1990
1994
1998
2002
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Les causes de ce relèvement sont certainement multiples. Une des
causes possibles est l’effet de la politique de désinflation compétitive.
On observe en effet que le ratio taux de croissance des exportations/taux
de croissance du PIB a fortement baissé du milieu des années soixantedix au milieu des années quatre-vingt, période particulièrement sombre
pour notre compétitivité industrielle. Ce ratio est ensuite remonté de
1987 à 1997 et cette remontée s’explique notamment par l’effort de
désinflation conduit par la France au début de la période. On sait que les
exportations sont très majoritairement constituées de produits industriels,
de sorte que l’industrie croît plus vite que la moyenne lorsque
l’économie est compétitive (et vice-versa).
Graphique 3 Ratio : taux de croissance des exportations / taux de croissance du PIB
6
4
2
0
moyenne mobile sur 3 ans
ratio annuel
-2
1970
1974
1978
1982
1986
1990
1994
1998
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Le changement intervenu au cours des années 90 peut aussi se
constater en examinant la relation entre les deux taux de croissance (de
l’économie globale et de l’industrie) sur les dix dernières années
(graphique 1). Le graphique confirme que la corrélation entre taux de
croissance économique et croissance industrielle s’est décalée vers le
haut.
Au total, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous estimons
que dans le contexte actuel, un objectif de croissance économique
globale de 3 % impliquerait un taux de croissance de l’industrie compris
entre 3,5 % et 4 % l’an. Nous retiendrons par la suite le chiffre de 3,5 %.
Un objectif de croissance industrielle de 3,5 % par an implique une
inflexion de tendance marquée par rapport au passé puisque le taux de
croissance moyen de la valeur ajoutée industrielle a été de 2,3 % de 1970
à 2001 et de 2,2 % de 1990 à 2001.
2. Desserrer les contraintes de production sur l’industrie
La seconde question examinée ici est celle des sources de la
croissance industrielle : productivité et quantités de facteurs de
production.
En moyenne de 1970 à 2001, la croissance industrielle a été de
2,3 % par an. Cette croissance moyenne passée a été obtenue par des
gains annuels de productivité globale des facteurs de 2,2 % par an et une
progression de la « quantité globale » de facteurs de production de 0,1 %
par an1.
Il est à nouveau intéressant de décomposer entre les deux souspériodes 1970-1990 et 1990-2001.
1
La quantité globale de facteurs de production est obtenue en pondérant la quantité de travail et la quantité de capital
par le poids de la rémunération de chacun de ces deux facteurs dans la valeur ajoutée. Les coefficients de pondération
retenus sont de 67 % pour le travail et de 33 % pour le capital.
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Décomposition de la croissance industrielle
(taux de variation annuel moyen, en %)
Dont
1970/2001 1970/1990 1990/2001
Croissance industrielle (valeur ajoutée de
l'industrie)
2,3
2,4
2,2
Productivité globale des facteurs
Quantité des facteurs de production
2,2
0,1
1,8
0,3
2,7
-0,6
dont : Stock de capital industriel
Heures travaillées dans l'industrie
4,1
-1,7
5,6
-1,6
1,5
-1,8
-0,9
-0,7
-0,9
-0,6
-1,0
-0,8
2,5
2,8
1,9
dont : Effectifs salariés
Durée du travail
Pour mémoire : PIB total
Entre les deux sous-périodes, on observe des similitudes et des
différences.
1. Globalement, la croissance globale de l’ensemble de l’économie
est un peu plus faible depuis 1990, mais son « contenu » industriel est
plus élevé ainsi que nous l’avons déjà dit. La croissance industrielle
moyenne a été de 2,4 % l’an de 1970 à 1990, de 2,2 % depuis 1990.
2. Les gains de productivité globale des facteurs ont sensiblement
accéléré au cours de la période la plus récente en passant de 1,8 % par an
avant 1990 à 2,7 % depuis.
3. Alors que la quantité globale de facteurs de production dans
l’industrie progressait légèrement (de 0,3 % par an) avant 1990, elle
recule (de 0,6 % par an) depuis 1990.
4. Le stock de capital productif a très fortement ralenti entre les
deux périodes, passant d’un rythme de progression de 5,6 % par an avant
1990 à un rythme de 1,5 % par an depuis.
5. Le nombre d’heures travaillées baisse tendanciellement de près
de 2 % par an sur l’ensemble de la période.
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Graphique 4 :
Taux de variation des composantes de la fonction de production de l'industrie (en %)
6
Productivité globale des facteurs
moyenne mobile sur 3 ans
variation annuelle
4
2
0
-2
4
Quantité globale des facteurs de production de l'industrie
2
0
-2
-4
1970
1974
1978
1982
1986
1990
1994
1998
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3. Les conditions d’une croissance industrielle de 3,5 % l’an
Si on se projette maintenant vers l’avenir, à quelles conditions peuton espérer une croissance industrielle de 3,5 % l’an ? Pour répondre à
cette question, il faut faire des hypothèses sur l’évolution possible des
facteurs de production. Pour la productivité globale des facteurs, nous
retenons une hypothèse de 2,5 % l’an. Cette hypothèse est plutôt haute.
Elle est proche de ce qui a été observé depuis 1990, mais il s’agit d’une
période au cours de laquelle les entreprises ont fait un effort exceptionnel
de productivité, notamment de productivité du capital. Inversement, on
peut peut-être espérer des gains de productivité associés à la poursuite de
la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la
communication dans le secteur industriel à l’exemple de ce qui s’est
produit aux Etats-Unis durant la décennie 1990.
Il resterait donc à trouver 1 % par an dans la croissance de la
quantité globale des facteurs de production, c’est-à-dire du capital et du
travail. Rappelons que la quantité globale de facteurs de production a
reculé sur les périodes antérieures. Cela implique donc un changement
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de tendance qui touche le rythme d’investissement et le nombre d’heures
travaillées.
Pour le nombre d’heures travaillées, nous retenons une progression
moyenne de 0,5 % par an. L’augmentation du nombre d’heures
travaillées se décompose en deux termes : une augmentation des effectifs
industriels et/ou une augmentation de la durée du travail. On notera
qu’une augmentation des effectifs ne s’est jamais produite à ce rythme et
sur une telle durée depuis trente ans. On sait en outre que le rythme
d’accroissement de la population active commencera à ralentir au cours
de cette décennie. Enfin on rappelle que l’industrie a rencontré de réelles
difficultés de recrutement dès que les effectifs industriels sont redevenus
positifs (en 1999-2000). Si une progression significative des effectifs
employés par l’industrie paraissait peu probable, l’augmentation du
nombre d’heures travaillées ne pourrait alors provenir que d’un
allongement de la durée du travail au rythme de 0,5 % par an en
moyenne.
Concernant l’évolution du stock de capital, une nouvelle
progression de son taux de dépréciation (rapport entre la consommation
de capital fixe annuelle et le stock de capital net) est probable en raison
de la déformation de la structure du stock de capital vers des actifs à
faible durée de vie moyenne comme les investissements en produits des
TIC (technologies de l’information et de la communication). La durée
moyenne d’amortissement du stock de capital productif net détenu par
les sociétés non financières industrielles est ainsi passée de 12 à 10,6
années entre 1970 et 2001. Compte-tenu de ces tendances, pour que le
taux de croissance annuel moyen du stock de capital industriel net
progresse de 1,7 % par an dans les années à venir, il faudrait que
l’investissement de l’ensemble des secteurs industriels progresse de
3,7 % par an en moyenne d’ici 2010. Entre 1970 et 2001,
l’investissement de l’ensemble de l’industrie a progressé au rythme
annuel moyen de 2,6 %. Nos perspectives actuelles retiennent un recul
de l’investissement industriel en 2002 (de -1 à -2 %) et une stabilisation
en 2003. Il faudrait donc une réaccélération très sensible aussi proche
que possible pour aboutir à une croissance annuelle moyenne de
l’investissement industriel de 3,7 %
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Un scénario pour 2002-2010
(taux de croissance annuel moyen, en %)
2002/2010
Croissance industrielle (valeur ajoutée de
l'industrie)
3,5
Productivité globale des facteurs
Quantité des facteurs
2,5
1,0
dont : Stock de capital industriel
Heures travaillées dans l'industrie
1,7
0,5
Dont (1) : Effectifs salariés
Durée du travail
Pour mémoire : objectif de croissance du PIB
(1) D’autres répartitions sont envisageables
0,0
0,5
3,0
4. Conclusions
Les chiffres précédents ne constituent pas des prévisions. Il s’agit
d’ordres de grandeurs visant à cadrer ce qu’un objectif de croissance
globale forte (3 % par an) impliquerait pour l’industrie française.
Ces changements concernent d’abord la croissance industrielle ellemême, trop faible jusqu’ici pour soutenir une croissance globale de 3 %.
Il faudrait gagner environ un point de croissance industrielle d’ici 2010.
Ces changements concernent aussi la productivité globale des
facteurs de production qu’il convient de maintenir sur un rythme plus
élevé que la tendance longue, ce qui renvoie notamment aux politiques
de recherche et d’innovation.
Ces changements concernent enfin les facteurs de production de
l’industrie, bridés jusqu’ici par une insuffisance d’investissement et par
une contraction presque permanente du facteur travail. Les causes sont
connues : insuffisante attractivité des emplois industriels, formations trop
peu tournées vers les métiers de l’industrie, mesures désincitatives à
l’offre de travail (préretraites, 35 heures), contraintes physiques sur les
horaires (contingent).
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Une croissance forte de l’économie n’est pas possible sans une
reprise industrielle durable. Or, une reprise industrielle durable implique
la persistance de gains de productivité élevés et des changements de
tendance significatifs du rythme d’investissement et du nombre d’heures
travaillées.
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Graphique 5 : Taux de variation des facteurs de production dans l'industrie
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moyenne mobile sur 3 ans
variation annuelle
Productivité globale des facteurs
4
2
0
-2
4
Quantité globale des facteurs de production de l'industrie
2
0
-2
-4
8
Stock de capital dans l'industrie
6
4
2
0
2
Nombre d'heures travaillées
0
-2
-4
-6
2
Effectifs salariés
0
-2
-4
-6
45
Durée hebdomadaire du travail (en heures)
40
35
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
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