La question des progressions. Approche interdisciplinaire mathématiques et sciences physiques. L'exemple de la terminale S. Introduction. Extraits des programmes de terminale S. 1. « Il est demandé d’introduire la fonction exponentielle très tôt dans l’année, dans un souci de cohérence entre les enseignements de mathématiques, de physique-chimie et de sciences de la vie et de la Terre.» 2. « (…) la problématique des équations différentielles (…) est fondamentale pour (…) la compréhension de la puissance des mathématiques pour la modélisation; un travail conjoint avec les autres disciplines favorisera cet objectif. » IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » Présentation. Groupe de l’IREM de Toulouse Actuellement : deux professeurs de sciences physiques : Monique Mandleur, Monique Sosset ; deux professeurs de mathématiques : Michèle Fauré, Pierre López. Autres personnes ayant participé à des travaux : Gabriel Birague, Antoine Rossignol. Travail présenté dans le cadre de la commission inter-IREM « mathématiques et sciences expérimantales » IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » I. Méthode de travail. Elle découle de quatre constats et de quatre principes Les constats. Premier constat. Les mathématiques et les sciences physiques s'interrogent réciproquement. Deuxième constat. Les mathématiques sont constitutives des sciences physiques. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » I. Méthode de travail. Troisième constat. Les sciences physiques utilisent des mathématiques de plus en plus sophistiquées. « besoins mathématiques croissants de notre société » Quatrième constat. Dans la vie des lycéens, sciences physiques et mathématiques sont liées, mais … « si loin, si proche » IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » I. Méthode de travail. Les principes. Premier principe : Nous allons des sciences physiques vers les mathématiques. Nous regardons, dans la pratique, comment le physicien utilise les mathématiques. Deuxième principe : On veut éviter au professeur de sciences physiques de faire des mathématiques, et au professeur de mathématiques de faire des sciences physiques. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » I. Méthode de travail. Troisième principe : En classe de mathématiques, avec les situations rencontrées en sciences physiques, on peut contextualiser des techniques plus ou moins explicites des programmes ; inversement, il s'agit de prendre en charge l'acquisition des outils et des techniques dont le physicien pourrait avoir besoin. Quatrième principe : Une collaboration entre les professeurs de mathématiques et de sciences physiques est nécessaire. Elle devrait aller vers des progressions concertées. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » II. Un premier exemple. La vitesse instantanée et la dérivation. vitesse = longueur du vecteur vitesse vitesse = coefficient directeur de la tangente y (m) y(m) 3 3 2 2 VM 1 1 2 4 6 0 8 t (s) x(m) 0 1 Le mathématicien croit que le physicien fait çà … IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » 2 3 4 alors que le physicien peut faire çà ! III. Premier T.P. de radioactivité. I . Objectif. Evaluer, à partir d’un instant donné de date t, le nombre de désintégrations se produisant pendant une durée ∆t déterminée dans un échantillon d’un élément radioactif. La « démarche expérimentale » conduit à effectuer plusieurs mesures. Impossibilité de répéter plusieurs fois une mesure à un même instant de date t. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. Choix de l’élément Césium 137 : la lenteur de sa désintégration permet de considérer que l’activité de cet élément n’est pas modifiée sur la durée du T.P.. Ainsi, on admet que toutes les mesures, faites nécessairement à des instants différents, correspondent à des comptages à la même date t. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. II . Dispositif expérimental. La désintégration du Césium se fait selon la réaction d’équation Cs →−10e + 137 55 Ba + γ 137 56 une source de Césium 137 (à droite dans le tube) émetteur d’électrons accompagnés de rayonnement γ ; un détecteur de radioactivité (à gauche dans le tube) ; un compteur d'impulsions (partie inférieure). IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. « Contraintes » expérimentales. 1. Le détecteur ne reçoit qu'une petite quantité du rayonnement émis. 2. Rien ne permet d’affirmer que le détecteur soit efficace à 100%. 3. Il réagit à des paquets de « radiations ». Le nombre d'impulsions affiché n’est donc pas égal au nombre de noyaux désintégrés. On considère que le nombre réel de désintégrations est proportionnel au nombre affiché par l’appareil. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. Mesures. Série 1 8 10 5 8 6 9 5 8 8 5 Série 2 7 4 7 6 5 8 6 8 9 9 IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » Série 3 6 7 6 7 7 2 7 10 8 4 Série 4 6 7 8 7 8 8 8 15 6 6 III. Premier T.P. de radioactivité. Interprétation. Certains élèves émettent l’idée que l’appareil de comptage est défectueux ! Arriver à l’idée de phénomène aléatoire. S’appuyant sur les acquis de la classe de seconde en mathématiques, l’enseignant peut alors guider les élèves vers un traitement statistique ; pour cela on utilise un fichier contenant le résultat de 1000 comptages. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. Traitement statistique. (obtenu avec le logiciel ©Généris 5+) 50 comptages 100 comptages 0,3 0,3 0,25 0,25 0,2 0,2 0,15 0,15 0,1 0,1 0,05 0,05 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 1 2 200 comptages 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 400 comptages 0,3 0,3 0,25 0,25 0,2 0,2 0,15 0,15 0,1 0,1 0,05 0,05 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 III. Premier T.P. de radioactivité. 1000 comptages 0,3 0,25 0,2 0,15 0,1 0,05 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Le « n’importe quoi » a une « forme ». Observation : la valeur la plus fréquente du nombre de désintégrations du césium 137 en deux secondes est égale à 7. Cette valeur a-t-elle un lien avec la valeur moyenne ? IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. Etude de la valeur moyenne. 9,50 9,00 8,50 8,00 Evolution de la moyenne en fonction du nombre de comptages 7,50 7,00 6,50 6,00 5,50 5,00 0 200 400 60 0 8 00 1000 La moyenne tend à se stabiliser à une valeur autour de 7,4. La valeur la plus fréquente et la valeur moyenne sont proches. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. V . Conclusions. Du côté du physicien : Le phénomène de désintégration radioactive qui pouvait paraître, au départ, imprévisible, peut, à la fin, être considéré comme un phénomène aléatoire. On synthétise les résultats expérimentaux en disant : à l’instant t de l’expérimentation, le nombre de désintégrations le plus probable est égale à 7, proche du nombre moyen, 7,37. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » III. Premier T.P. de radioactivité. Du côté du mathématicien. Les outils de la statistique sont indispensables pour étudier le phénomène de désintégration radioactive. Nécessité des notions de probabilités. Du côté du philosophe. Abandon du paradigme déterministe. Passage à un langage de probabilités pour que le phénomène n’en reste pas au niveau du «n’importe quoi » et que l’on puisse en dire quelque chose, IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » Auriez-vous une remarque ou une question ? Mais où est l’équation différentielle dont on nous dit qu’elle est indispensable au physicien pour traiter la radioactivité ? ??? … IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » IV. Où le professeur de maths intervient. 1. Modélisation de la désintégration radioactive. Il nous faut produire un modèle mathématique qui rende compte en particulier de : 0,3 0,25 Moyenne : 7,37 0,2 0,15 0,1 Ecart type : 2,61 0,05 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » 15 IV. Où le professeur de maths intervient. Première hypothèse. la désintégration d’un noyau d’un élément radioactif est un phénomène aléatoire. A partir d’un instant t fixé, pendant une unité de temps ∆t, un noyau de césium 137 a une probabilité p de se désintégrer. Deuxième hypothèse. Pour continuer « confortablement », les noyaux de césium n’interagissent pas entre eux. Au cours d’une unité de temps, chaque noyau de césium va se comporter indépendamment des autres. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » IV. Où le professeur de maths intervient. Soit N le nombre de noyaux. Ainsi on considère que ce qui se passe à partir d’un instant t, pendant une unité de temps, est la répétition N fois, de manière indépendante, de l’événement « un noyau se désintègre ». La probabilité d’avoir k désintégrations est égale à N k p (1 − p ) N − k k Loi binomiale de paramètres N et p. L’espérance mathématique est égale à N.p IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » IV. Où le professeur de maths intervient. Rappel. On cherche un modèle mathématique rendant compte de l’expérience. En particulier : pour 1000 comptages la moyenne du nombre de désintégrations est égale à 7,37. Simulation. N = 100, p = 0,0737. 0,3 0,25 Moyenne : 7,37 0,2 0,15 0,1 Ecart type : 2,61 0,05 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » IV. Où le professeur de maths intervient. Conclusion. Dans certaines conditions, la désintégration d’un noyau d’un élément radioactif est un phénomène aléatoire. A partir d’un instant de date t, le nombre de désintégrations pendant une durée ∆t, est une variable aléatoire qui suit une loi binomiale de paramètres N et p. La moyenne du nombre de ces désintégrations est égal à N . p qui est proche de la valeur la plus probable. On pourra dire que ce nombre moyen est le nombre de désintégration pendant la durée ∆t. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » Auriez-vous une remarque ou une question ? Probabilités et probabilités conditionnelles sont les seuls préalables indispensables à l’étude de la radioactivité. On n’a toujours pas d’équation différentielle. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » V. Second T.P. de radioactivité. Etudier l’évolution du nombre N de noyaux radioactifs au cours du temps. L’étude de l’évolution dans le temps de l’activité radioactive prend dans les classes de physique deux voix différentes : étude du radon 220 ; simulation (par exemple avec des dés). IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » V. Second T.P. de radioactivité. Matériel expérimental. On crée une dépression dans la fiole scintillante. On met en communication le générateur de radon et la fiole scintillante. La dépression aspire des noyaux de radon du générateur de radon. Le nombre N(0) de noyaux de radon introduits dans la fiole scintillante est proportionnel à la dépression ∆P. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » Fiole scintillante dans la chambre à photomultiplicateur Générateur de radon 220 V. Second T.P. de radioactivité. Mesures et traitement des mesures. On mesure des nombres de désintégrations : ∆N(t). Les comptages sont démarrés toutes les 7 secondes. La durée de chaque comptage est de 5 secondes. On fait deux expériences à deux dépressions différentes, pour avoir deux N(0) différents. Avec un tableur (©Généris 5+), les élèves calculent les rapports - ∆N(t)/ ∆t, appelé l’activité A(t), puis ils représentent le nuage de points (t ; A(t)). IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » V. Second T.P. de radioactivité. Expérience 1. Le logiciel permet alors de tester certains « modèles ». IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » V. Second T.P. de radioactivité. A1 (t ) = a exp − IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » t τ V. Second T.P. de radioactivité. Mise en commun des résultats des deux expériences La constante de temps est indépendante du nombre de noyaux. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » V. Second T.P. de radioactivité. Réduction au modèle « linéaire ». IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » V. Second T.P. de radioactivité. A(t ) = A(0) exp − t τ Et alors ? On veut connaître N(t). Le physicien dit que N(t) et A(t) sont proportionnels ∆N − (t ) = k N (t ) ∆t N (t ) = N (0) exp − IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » t τ VI. Seconde modélisation mathématique. Rappel. La désintégration d’un noyau d’un élément radioactif était un phénomène aléatoire. On attache une probabilité p à la désintégration d’un noyau pendant une durée ∆t à un instant de date t. A priori, p dépend de t, de N et de ∆t. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » VI. Seconde modélisation mathématique. Nouvelles hypothèses. Hypothèse 1 : à N et t fixés, la probabilité de désintégration est proportionnelle à ∆t : p = λ . ∆t. Hypothèse 2 : la probabilité p ne dépend pas du nombre de noyaux : λ ne dépend pas de N. Hypothèse 3 : la désintégration radioactive se fait « sans vieillissement » : λ ne dépend pas de t. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » VI. Seconde modélisation mathématique. p = λ . ∆t avec λ indépendant de N et de t. p est la probabilité qu’un noyau se désintègre pendant la durée ∆t, sachant que le noyau n’est pas désintégré à l’instant t ! IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » VI. Seconde modélisation mathématique. Etude de l’évolution d’une population de N noyaux. On regarde d’abord ce qui se passe pour UN noyau (ou un dé) : à t1 = ∆t, la probabilité qu’il ne soit pas désintégré : (1 − λ ∆t ) à t2 = 2.∆t, la probabilité qu’il ne soit pas désintégré : (1 − λ ∆t )2 à tn = n.∆t, la probabilité qu’il ne soit pas désintégré : (1 − λ ∆t )n qu’on peut écrire : λ tn 1 − n IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » n VI. Seconde modélisation mathématique. Donc pour un noyau, on peut définir une variable aléatoire de Bernoulli X avec : λ tn P( X = 1) = 1 − n n λ tn et P( X = 0) = 1 − 1 − n n L’évolution d’une population de N noyaux peut être considérée comme la répétition N fois, de manière indépendante, de ce qui se passe pour un noyau. Donc le nombre de noyaux restant à l’instant n . ∆t est une variable aléatoire qui suit une loi binomiale de paramètres : λ tn N et 1 − n IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » n VI. Seconde modélisation mathématique. Attention. Le nombre de noyaux restant à l’instant tn = n.∆t est aléatoire ! On convient de s’intéresser au nombre moyen. Celui-ci sera considéré comme LE nombre de noyau restants à l’instant tn = n.∆t : λ tn N (t n ) = N . 1 − n IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » n VII. Une vérification expérimentale. Le phénomène de demi-vie. Soit n 1 le nombre tel que : 2 λ . tn 1 2 N 1 − n1 2 n1 2 = N 2 à l’instant 2 . n 1 . ∆t , le nombre de noyaux restants est 2 λ . 2 n 1 ∆t 2 N 1 − 2 n1 2 2 n1 2 =N ( (1 − λ . ∆t ) ) n1 2 2 = N 4 Ce qui peut être testé sur les courbes obtenues. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » VIII. Modèle définitif. Jusqu’ici, nous travaillons avec des temps discrets. L’instant t ne peut être qu’un multiple de ∆t. Pour avoir un « maillage » du temps plus fin, on choisit un ∆t plus petit. Ce qui fait que pour un t fixé, n devra être « assez grand ». On s’intéresse donc à : n λ.t − λt lim N . 1 − =Ne n→+∞ n IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » VIII. Modèle définitif. La désintégration radioactive se modélise à l’échelle macroscopique par : N(t) = N . e − λ t avec N = N(0) cette fonction est solution de l’équation différentielle : y’ = - λ y soit en différentielles dN(t) = - λ N(t) dt c’est-à-dire que la variation du nombre de noyau à l’instant t est proportionnelle au nombre de noyau présents à l’instant t et à la durée dt considérée. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » VIII. Modèle définitif. En appliquant les différentielles aux accroissements : ∆N(t) = – λ N(t) ∆t , donc : ∆N (t ) = − λ N (t ) ∆t ∆N est donc proportionnel au nombre de noyaux. ∆t et on peut vérifier expérimentalement le modèle à travers l’étude de l’ « activité » d’un élément radioactif. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée » IX. Conclusion. Ce sont les notions de probabilités qui sont au programme de TS qui sont les préalables à l’étude de la radioactivité. On a, bien sûr, besoin de la fonction exponentielle, qui peut être introduite par résolution d’une équation différentielle … mais, vu le phénomène de demi-vie, l’introduction par généralisation des suites géométriques est aussi pertinente. L’équation différentielle est le modèle final. Elle n’a pas de vérification expérimentale directe. IREM de Toulouse. Groupe « Maths-Physique-Lycée »