
elles. Elle est une démarche propre à un environnement
donné, librement consentie vers le juste, le légitime et
l’équitable. Quant à la spiritualité, elle est l’ingrédient
« salvateur », si l’on peut dire. Elle caractérise le nouveau
type de management qui fait l’objet de la présente
contribution. Définissons-la, en simplifiant, comme cette
guidance intérieure qui nous transcende. Elle est cette
aspiration profonde, d’origine religieuse ou humaniste,
qu’alimente un « système », personnel ou partagé, de pensée,
de croyances, de principes et d’attitudes par lesquels nous
donnons du sens à la vie et à notre vie, et grâce auxquels nous
espérons élever notre humanité ou atteindre le divin.
Précisons d’emblée que spiritualité ne signifie pas ici
religion, même si cette dernière est la source première (mais
non la seule) de toute spiritualité, ce qui est indéniablement
le cas au Sénégal. La religion se définit par la sacralité et la
centralité du divin, de ses envoyés et des écritures saintes et
par les déclarations de foi. Elle s’organise autour de la
pratique de prières, rituels ou rites d’appartenance,
d’obligations communautaires et lieux de cultes. Autant de
caractéristiques absentes ou non requises, pour la plupart,
dans une démarche spirituelle. En effet, la spiritualité qui est
une voie d’élevation personnelle et d’essence intérieure est
fondée sur des principes, des vertus, sur l’expérience et la
recherche d’une relation directe entre soi et le divin.
… Les valeurs fondatrices du management spirituel sont
l’humilité, la justice, la vérité, la droiture et la
compassion…
. Il reste toutefois que dans un pays de croyants comme le
Sénégal où la foi religieuse, toujours présente et renouvelée,
rythme la vie des hommes et de la nation elle-même, la liste,
qui est très longue des principes et valeurs qui peuvent fonder
la spiritualité à incorporer dans le management de l’entreprise
Sénégal sera fondamentalement inspirée par la religion. Et
c’est tant mieux ainsi ! Mais quelles que soient les
préférences et sensibilités des uns et des autres, les valeurs
spirituelles fondatrices seront l’humilité, la justice, la vérité,
la droiture et la compassion. L’humilité, un précepte divin
nous a-t-on dit, est en même temps acte de foi et devoir.
Dirigeants et personnels de l’entreprise Sénégal étant d’abord
des croyants avant d’être des citoyens, l’acte de foi doit
résulter naturellement de leurs convictions et pratiques
religieuses. Le devoir d’humilité tient par ailleurs plus
simplement de la condition humaine: chaque être humain est
en définitive redevable de tout à son Créateur et à son
milieu; sans eux, il n’est rien, ne peut rien et ne sait rien.
L’humilité est en conséquence la simple reconnaissance de la
juste estime de soi et de la faiblesse de la condition humaine.
C’est en ce sens qu’il est devoir et dette qui doivent annihiler
toute suffisance ou orgueil. Dans la perspective spirituelle du
management … il n’y a point d’autorité ou pouvoir qui ne
viennent de Dieu…, les exercer avec humilité est un
témoignage de sa foi et de soumission à Dieu : devoir et
dette auxquels aucun manager ou dirigeant croyant d’une
structure publique ne saurait se soustraire. Dans un tel ordre
d’idée, ils sont des serviteurs et des coopérateurs de Dieu au
service de la communauté des citoyens que servent les
institutions qu’ils dirigent. En fondant leurs décisions et leurs
actions sur la justice et la vérité, les managers et dirigeants
spirituellement inspirés sont non seulement cohérents avec
leur foi et les commandements divins, mais c’est par elles
qu’ils acquièrent les « biens » les plus précieux dont un
dirigeant puisse rêver : la confiance indéfectible et l’amour de
ceux qu’il a la charge de conduire. En matière de
management spirituel, « la justice » n’est pas à entendre au
sens d’une application rigoureuse, déterminée, impersonnelle
et égale pour tous des règlements et lois, ni ce moyen de faire
respecter les droits des uns et des autres. Dans le même ordre
d’idée, « la vérité » n’y est pas celle du vrai ou du faux, et
n’y correspond pas non plus à celle des faits crus. Justice et
vérité y sont plutôt les deux sources inséparables
d’authenticité, de transparence et d’adhésion sans lesquelles
aucun projet d’entreprise ou organisation économique et
sociale ne sauraient être durablement efficaces et
performants. Si ces trois qualités sont des exigences qui
interpellent de façon égale les dirigeants et les personnels,
c’est aux premiers qu’incombent l’obligation spirituelle de
donner le ton et de créer l’environnement approprié à leur
développement. La justice à laquelle nous faisons allusion
dans le contexte du management spirituel, est moins l’équité,
l’éthique ou le respect des droits et libertés que celle qui est
fondée sur l’écoute permanente et le souci de (ré)concilier,
afin de donner à tous et à l’organisation la chance de pouvoir
vivre ensemble dans sécurité et dans la dignité. C’est par la
vérité, c’est-à-dire par l’authenticité des dirigeants, qu’on
accomplit plus surement ce qui précède : se comporter vrai,
agir vrai, écouter vrai, communiquer vrai et parler vrai ! Dans
le management spirituel, la justice est protectrice, généreuse
et bienfaisante. La vérité qui affranchit y est cohérence
intérieure et ouverture aux autres, deux liants indispensables
à des relations saines entre dirigeants et dirigés. La droiture,
qui constitue le quatrième principe spirituel de base est, dans
un pays aussi religieux que le Sénégal, une obligation de
cohérence avec sa foi. Elle est cette source d’épanouissement
personnel inscrite dans les enseignements des religions
révélées par laquelle on atteint la sérénité du cœur, la
tranquillité de l’âme et la plénitude intérieure. La droiture est
une qualité indispensable pour susciter la confiance, gérer
dans la transparence le bien commun et rendre compte avec
détachement de l’accomplissement de son mandat. La
compassion, enfin, comme déterminant et expression
essentiels de toute spiritualité, consiste pour les dirigeants de
l’entreprise Sénégal, à introduire leur cœur dans le milieu du
travail et à susciter la même ouverture chez leurs personnels.
Pratiquer la compassion, qu’elle prenne la forme de la
prévenance, de la courtoisie, de la considération, de la
compréhension, de la bonté, de la patience, ou qu’elle
s’exprime par un sens élevé du pardon, la dignité ou
l’humanité avec lesquelles sont traitées les personnes, etc.,
c’est servir le divin, reconnaître sa propre vulnérabilité, faire
acte d’humilité et agir envers les autres comme on aimerait
qu’ils agissent envers soi. Mais plus encore, c’est instaurer la
confiance et la loyauté, c’est enfin motiver et créer avec le
personnel une relation fondée non pas sur le méprisant
« moi/eux », mais sur une relation d’estime réciproque fondée
sur le « nous ».
… En quoi fonder les relations de travail sur la dignité et
chercher à promouvoir l’épanouissement personnel des
membres d’une organisation qui a des responsabilités
économiques et sociales sont-ils idéalisme ou naïveté ? En
quoi travailler à instaurer la confiance, le respect mutuel et
la solidarité est-il faiblesse ?...
Les sceptiques pourraient arguer que tout cela relève d’un
idéalisme naïf et n’a guère de chance de réussir ; qu’il faut