Rééducation du syndrome dysexécutif Philippe Azouvi Service de MPR Hopital R Poincaré, Garches Différentes approches en rééducation • L’approche analytique – porte surtout sur les déficiences • L’approche holistique (Ben-Yishay, Prigatano...) – centrée sur la personne – insistent sur la prise de conscience, l’acceptation de soi, la verbalisation, les thérapies de groupe (“milieu thérapeutique”) • L’approche pragmatique – centrée sur des problèmes concrets de la vie quotidienne – hors des milieux hospitaliers traditionnels (“communitybased”) – « réadaptation » Approches restauratives • Luria: stratégie de la médiation verbale • Rôle du « langage interne » pour – la formulation d’un plan de solution à un problème – la régulation du comportement pendant l ’exécution Importance de la rééducation des fonctions exécutives • Conséquences graves des déficits exécutifs dans la vie quotidienne • Le bon fonctionnement exécutif est indispensable à la rééducation des autes fonctions cognitives (mémoire, langage…) • Difficultés particulières liées à l ’anosognosie, au manque de motivation – Source d’échecs de la prise en charge Différentes stratégies de rééducation • Restauration – Stimulation intensive de la fonction déficitaire – Généralisation à la vie quotidienne ? • Compensation: ré-orientation vers des fonctions préservées – Mettre en place des routines comportementales – Thérapies cognitivo-comportementales, – Time-pressure management (Fassotti, 2000) • Techniques palliatives – « Prothèses mentales » (neuropage, agenda…) – Aide humaine Rééducation de la résolution de problème basée sur la médiation verbale (Luria) • Explication et démonstration par le thérapeute des étapes du processus de résolution • Puis on encourage le patient à utiliser la même technique, en la verbalisant à haute voix, avec correction éventuelle par le thérapeute • Diminution progressive de la verbalisation (chuchotement, puis en langage intérieur) Von Cramon & Matthes-von Cramon (1994) « retour au travail avec un syndrome dysexécutif chronique ? » • Jeune médecin, TC sévère • Difficultés de réinsertion – Incapacité à résoudre des problèmes non routiniers ou à solutions multiples – Déficit sur certains tests exécutifs (TdL, Stroop) • Rééducation intégrée sur l’activité professionnelle (analyse d ’examens anatomopathologiques) • Basée sur la médiation verbale Von Cramon & Matthes-von Cramon (1994) résultats • Après 30 semaines de rééducation • Taux de diagnostic correct proche de 100% • Nouveaux schémas de base acquis, appliqués systématiquement à chaque problème de diagnostic • Limites: pas de transfert sur des problèmes différents des problèmes appris – Ne détectait pas les similutes entre problèmes struucturés de la manière comparable Von Cramon et al. (1991) • Comparaison de deux groupes – PST (n=12) – Memory training (MT, n=9) • Amélioration supérieure du groupe PST – Tâches de résolution de problème (Tour de Hanoi – Tests de raisonnement et de catégorisation – Comportement dans la vie quotidienne Von Cramon & Matthes-von Cramon (1994) • Identification et analyse du problème – Analyser toute l’information et pas seulement les premières lignes – Contrôle de la pertinence du texte (/manuel) • Génération d’hypothèses – Distinguer les informations pertinentes et non pertinentes – Énumérer les éléments en faveur ou en défaveur d ’un diagnostic – Jugement de certitude (/10) pour chaque diagnostic proposé – Si doute: consulter un supérieur Technique d’indiçage (cueing) von Cramon et al. (1991) • Problem Solving Training (PST) – Décomposer des problèmes complexes en une série de sous-étapes plus simples • Indices proposées aux patients pour les aider – Visuels (dessins, schémas...) – Auditifs (questions, informations, suggestions…) • Indiçage saturé – Indices d’abord généraux – Puis de plus en plus spécifiques si nécessaire – Jusqu’à ce que le patient trouve la solution Goal Management Training (GMT) Robertson, 1996; Levine et al., 2000 • Modèle du « goal neglect » (Duncan, 1986) • Absence de prise en compte de certains objectifs et sous-objectifs pendant la réalisation de tâches complexes • « oubli » du but recherché, menant à des comportements non adaptés par rapport à l’objectif initial – Surtout en cas de compétition entre buts Etape 1 STOP! Etape 2 DEFINIR Etape 3 Levine et al. (2000) GMT sur un groupe de patients traumatisés crâniens Que suis-je en train de faire? LISTER l’objectif principal les étapes (sous-objectifs) 35 A…… B……. C………. Etape 4 Apprendre 30 25 20 les étapes Non 10 Oui 5 Je le fais! 0 Vérifier Etape 5 GMT CONTROL 15 (Est-ce que je connais les étapes?) Suis-je en train de faire ce qui était prévu? Age Educ GCS PTA (dys) Yrs post N=15 dans chaque groupe Oui Non Levine et al. (2000): GMT appliqué à la cuisine chez une patiente avec encéphalite herpétique Evolution du score d’erreurs (Z score) tâche écologique • Mettre le four à température 0,2 0,1 0 -0,1 -0,2 -0,3 -0,4 -0,5 -0,6 -0,7 -0,8 • • Control GMT Vérifier - Ai-je tout ce dont j’ai besoin? • Préparer les ingrédients • Vérifier - Est-ce que tout est prêt pour commencer? • Réaliser les étapes une par une • Grouping • Problems B-line Post Vérifier – Ai-je suivi toutes les étapes? • Instructions de cuisson Nombre moyen de problèmes de comportement par session 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Vérifier – Est-ce correct? • Rassembler les ingrédients 1 mo 3 mo 6 mo Vérifier – ai-je écrit le temps de cuisson sur le tableau de la cuisine? GMT: rôle de facteurs exogènes Manly et al., 2002 • Effet de signaux d ’alerte survenant de façon périodique et aléatoire durant la réalisation d’une tâche • Les signaux doivent rappeler au sujet l’objectif principal de la tâche Effet expérimental de facteurs exogènes (nouveauté ou surprise) 35 30 25 20 No monitoring cue Monitoring Cue 15 10 5 0 RH Stroke Patients Controls Tâche de l’hotel (Manly, Robertson et al – adaptation du test des 6 éléments • • • • Correction de prospectus Tri de badges de conférenciers Recherche de numéros de téléphone Ouverture et fermeture de portes de garage à certains moments spécifiques • Tri d’une collecte de charité • Classement de factures de clients Utilisation de la montre 9.00 8.00 7.00 6.00 5.00 4.00 3.00 2.00 1.00 0.00 . Nombre de tâches entamées Controle Avec alertes Écart par rapport à la répartition optimale du temps 150.00 5.00 100.00 4.00 50.00 3.00 2.00 Controle e Avec alertes 0.00 Controle Avec alertes Rééducation écologique Patient (Bernard, Gignoud & Azouvi, 2001, non publié) • Principe: travail spécifique d’une tâche proche de la vie quotidienne • Question: effet limité à la tâche ou généralisation à d ’autres tâches exécutives? Schéma expérimental • Étude de cas unique • Schéma ABC en trois phases de deux semaines chacune: – Ligne de base – Rééducation « week-end » – Rééducation « photocopie » • Homme de 24 ans, TC grave (lésions diffuses et contusion rolandique droite) • Délai depuis l ’accident: 9 mois • Syndrome dysexécutif sévère Deux tâches écologiques (différentes versions parallèles) • Organisation d ’un week-end – Contraintes prédéfinies (budget, destination, durée) – Objectif: déterminer trajet, hébergement, activités, visites • Photocopie (d ’après Crépeau et al., 1997) – Constituer un document de quelques pages sur un thème donné à partir de documents fournis • Durée de chaque tâche: 15 minutes Rééducation • Inspirée de von Cramon & Matthes-von Cramon (1992) – – – – – – – Formulation du but Analyse des consignes Analyse des données Sélection des informations pertinentes Anticipation des étapes de résolution Contrôle de l ’exécution Vérification des résultats • 5 séances de 45 minutes par semaine Évaluation des performances: deux juges indépendants • Déroulement chronologique • Efficacité • Erreurs et leur type: – Adhérence, persévérations, dépendance à l ’examinateur... Résultats: % de réussite Résultats: nombre d’erreurs 100 12 80 10 8 60 week-end photocopie 40 4 20 2 0 0 préligne de base rééduc W-E traitement rééduc Photocop préligne de base rééduc W-E traitement Pas d’amélioration des épreuves neuropsychologiques traditionnelles • • • • • Prise en charge à distance de l’accident, après la sortie du centre de rééducation: une étude randomisée (Powell et al., 2002) 90 groupe traité 80 groupe contrôle 70 * 60 * 50 40 * 30 * 10 0 Index de Barthel BICRO-39: score total soins personnels mobilité capacité d'organisation psychoaffectif vie sociale travail N=110. Durée du traitement: 2 séances /sem durant 27,3 (et: 19,1) semaines rééduc photocop Rééducation écologique: conclusion • • • • Test de Wisconsin modifié Tour de Londres Trail Making test Test des 6 éléments PM 38 20 week-end photocopie 6 Efficacité de la rééducation Non liée à la récupération spontanée Spécifique de la tâche entraînée Approche pouvant être utilisée dans une approche réadaptative: aider le patient à mieux gérer une situation pré-déterminée donnée, malgré ses troubles cognitifs Stratégies de compensation: exemple du “Time pressure management” (Fasotti, 1999; Fasotti et al., 2000) • Procédures utilisées pour compenser le ralentissement cognitif • Idée centrale: dans des tâches comportant une contrainte temporelle, la prise de décision peut être déplacée à des niveaux ou ces contraintes sont moins présentes – Prise de décision avant l’exécution ou pendant des moments offrant plus de marge de manoeuvre TPM (Fasotti, 1999) L’approche holistique • Trois niveaux de contrôle dans une tâche complexe (ex: conduite) – opérationnel (on-line, sur le parcours) – tactique (anticipation, choix de marge de manoeuvre: ex, choix de la vitesse) – stratégique (avant la départ: choix du parcours, de l’horaire...) – principe: optimiser les décisions tactiques et stratégiques pour minimiser la contrainte temporelle au niveau opérationnel • Application – identifier la contrainte de temps – prévenir la contrainte – préparer des programmes permettant de gérer la contrainte le cas échéant – surveiller le déroulement du programme • Ben Yishay, Prigatano: « milieu thérapeutique » • Développement de la conscience de soi et de l’acceptation de soi • Groupe de discussion entre patients et thérapeutes: – renforcement social (valorisation par le groupe de la conscience de soi) – Modelage (observation des progrès des autres) Thérapies cognitivo-comportementales Approche holistique • Efficacité difficile à évaluer objectivement • Intérêt de prendre en compte la globalité du patient • Développement de l’acceptation, de l’estime de soi • Prise en compte de l ’environnement social et familial Thérapies cognitivo-comportementales • Médiation verbale – basée sur le rôle régulateur du langage (Luria) – verbalisation de l’activité qui pose problème et de la solution – ex: anxiété liée à la douche: “l’eau va devenir chaude...” • Procédures comportementales – exclusions temporaires (time-out) – response-cost (renforcement négatif) avec feed-back et médiation verbale – renforcement differentiel d’autres comportements: renforcement positif pour encourager les comportements adaptés • Principe: remplacer un schéma comportemental par un autre plus adapté • Travail de la prise de conscience: – feedback – Renforcement • Auto-régulation – identification du comportement posant problème, de ses facteurs de déclenchement et de ses conséquences – favoriser la prise de conscience du patient – proposition de schémas alternatifs Alderman &Burgess (1990) • Comportement négatif lié à un syndrome dysexécutif (agressivité, désinhibition verbale, impulsivité…) • Comparaison de différentes techniques: – Token system avec ou sans feed-back – Coût de la réponse (response cost) • Apprentissage associatif conditionné • Perte partielle d’un objet à chaque survenue du comportement perturbé • Avec stimulation à verbaliser les raisons de la perte • Le coût de la réponse était le plus efficace Alderman et al. (1995) • Comparaison du coût de la réponse et du Self Monitoring Training (SMT) – Amener le patient à observer son comportement et à comparer son observation à celle d’observateurs externes – Puis conditionnement comportemental • Meilleure efficacité du SMT – – – – Modification plus importante du comportement Meilleure généralisation Possible hors de l ’hôpital Mais plus long Conclusion • • • • Pas de thérapie globale Combinaison des différentes approches Importance d ’une approche écologique Prise en compte de la globalité du patient – Humeur – Motivation, désirs • Et de l’environnement familial Aides externes • Relativement peu utilisé pour les fonctions exécutives • Neuropage (Wilson et al., 1997) – Agenda électronique portable relié à un ordinateur central, envoyant au patient les informations sur les tâches à exécuter – Pour troubles de mémoire, mais aussi d ’organisation et de planification • Efficace sur la réalisation de tâches et l ’organisation des rendez-vous