Faut-il vraiment dédier un centre d’étude et de formation spécifiquement
à l’Islam et aux musulmans?
Il faut d’abord rappeler que ce n’est pas une revendication de la communauté
musulmane. Mais les sujets qui concernent l’Islam et la présence musulmane sont
devenus si dérangeants que c’est désormais un besoin. Bien sûr, le terrorisme est
une réalité, mais on ne peut pas se contenter de réagir. Si on veut une action
préventive, il faut approcher la culture musulmane autrement: l’étudier, et surtout
impliquer les musulmans, pas seulement les cibler quand il y a un problème.
Avec l’implication de l’Etat, n’y a-t-il pas le risque de privilégier une vision
de l’Islam qui correspond à la société suisse et pas aux musulmans dans
toute leur diversité?
Je ne crois pas qu’il soit question de donner une seule version helvético-compatible
de l’Islam. D’ailleurs, en Suisse, la communauté musulmane n’est pas la seule à
être diverse. Le principe de consensus qui domine les institutions suisses est un
exemple très parlant de différences qui se conjuguent et dont on arrive à sortir
quelque chose d’utile pour le citoyen.
Est-ce que l’intégration peut vraiment passer par la religion?
On ne peut pas simplement tourner la tête en disant que cela appartient à la sphère
personnelle. Mais ce n’est qu’un élément parmi d’autres. Si on pense aux réfugiés
syriens, ils vivent une fracture qui relève de l’humain, et pas de la religion. Ils
arrivent avant tout d’un contexte différent, dont il faut tenir compte pour favoriser
une meilleure intégration.
Est-ce qu’une association comme celle des musulmans de Fribourg a un
rôle à jouer face aux personnes qui se radicalisent? A-t-elle prise sur eux?
On ne peut pas dire que nous avons une emprise sur ces gens. Nous ne le voulons
pas d’ailleurs. La question est: est-ce que nous avons un mandat pour cela? Non.
Notre rôle est avant tout d’expliquer notre façon de concilier pratique religieuse et
société civile. A partir du moment où les autorités nous verront comme des
partenaires, nous contribuerons activement à élaborer des stratégies contre le
terrorisme. En attendant cette prise de conscience, nous continuerons à agir sur
le terrain avec nos moyens, qui sont limités. Et pourtant, si un jour il se passe
quelque chose, on nous dira que nous n’étions pas assez actifs.
Faut-il plus de soutien de l’Etat envers les acteurs de la communauté
musulmane?
Personnellement, cela fait neuf ans que j’interviens bénévolement en tant
qu’aumônier à la prison de Bellechasse, mais ce n’est que depuis deux ans qu’on
a proposé de me défrayer pour mes déplacements. Le service d’aumônerie est né
quand des personnes de la communauté musulmane ont offert eux-mêmes leurs