Par exemple, un dessin pouvant s’interpréter tout aussi bien en termes d’évolution et de
développement (test du bonhomme), qu’en termes plus projectifs et de problématique
psycho-affective, ne faisait apparemment pas partie de leur background. L’utilisation de tests
plus spécifiques, pourtant très appropriés à une population où des traumatismes passés ou
actuels parcourent tellement la population (D10, pays de la peur et de la joie), d’application
simple, ne semble pas forcément avoir rencontré le succès qu’il était possible d’attendre ou
d’imaginer. Enfin et surtout, des conceptions erronées quant à notre culture, quant à Freud
aussi évidemment, et quant à des pratiques d’entretien pourtant courantes chez nous, nous
paraissant évidentes pour préserver la neutralité dans notre écoute, paraissaient encore
inhiber le développement de notre discipline dans des conditions respectueuses de nos
préalables déontologiques.
Après analyse et réflexions, il semble bien que ces obstacles soient dus avant toute chose à
deux phénomènes : les guerres successives et notamment le véritable endoctrinement d’une
partie des élites par les Soviétiques et par ailleurs, des coutumes locales, la culture,
radicalement différente de la nôtre, qui viennent barrer certains comportements
professionnels. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une sorte de mauvaise volonté de nos amis
afghans mais bien plutôt de profondes différences et d’une histoire récente. Ceci n’a fait que
rendre encore plus difficile à appréhender comme utiles ou bénéfiques pour eux ces
diverses méthodes. Les aider à les utiliser pourrait donc être un des défis à relever dans la
mesure aussi où ils s’en sentent le courage et en ressentent la nécessité ou l’utilité dans
leurs pratiques. Par ailleurs, cela les aiderait aussi à se prémunir du côté séduisant mais ô
combien réducteur de certaines pratiques, dont l’application directe du DSM, si cher à nos
amis d’Outre-Atlantique tellement présents là-bas, pratiques qui scotomisent quelque peu le
psychisme des individus (cf. la différence de traitement de la névrose de guerre et du
traumatisme dans le temps au regard du simple « post-traumatic disorder »). Il y va donc
aussi d’une certaine conception de l’Etre humain et du Sujet par ses semblables au-delà
des différences culturelles.
Au congrès de Nancy nous avons évoqué les difficultés inhérentes à un terrain très éloigné
du nôtre, dans un contexte culturel encore violent, marqué par la guerre et en terre d’Islam.
Conscients des biais culturels qui s’imposaient, utilisation de l’espace sur une feuille, vu à
l’envers par ceux qui écrivent de droite à gauche, des tabous en vigueur sur les
représentations du corps, de la façon de se vêtir, des relations interpersonnelles entre les
sexes, de l’urgence à laquelle il ne fallait pas céder, vu le nombre de cas en souffrance, des
traductions de plus ou moins bonne qualité, de la vision sociétale des soignants et de la
nôtre. L’intérêt est d’avoir pu en parler entre nous.
Martine Boyer-Schneider, Présidente d’AMPSA
Antoine Molleron, membre d’AMPSA
Résumé des apports de Pierre Vrignaud : A l’aide d’un transparent fort didactique,
notre chercheur émérite en matière de tests (rappelons qu’il est l’auteur de la version
française des recommandations de la Commission internationale des tests), a rappelé les
principaux biais existant en matière de tests (de construit, d’items, de méthode, liés au
matériel, liés à l’administration). Il nous a rappelé les pré-requis d’une bonne pratique en
matière de tests pour des cultures différentes c'est-à-dire la question des modèles de
référence, le respect de la culture en situation d’évaluation, les différentes approches
interculturelles à connaître. Les problèmes de définitions précises (interne ou externe,
linguistique, etc.) et le concept fondamental d’équité devant présider à cette pratique du
testing a donc aussi guidé cette réflexion, illustrant et explicitant par certains côtés les
difficultés rencontrées par exemple sur le terrain afghan et exposées par Martine Boyer-
Schneider.
Résumé de l’intervention de Dominique Serrano-Fitamant : Cette expert, ayant de
nombreuses fois travaillé pour l’ONU, nous apporté des témoignages forts, émouvants,