Pourquoi le monde arabe n'est pas libre
Il serait donc plus juste de dire que l'islam fut victime des nations qu'il envahit, victimes elles-mêmes de régimes
politiques et d'appareils administratifs dont le seul propos était d'assurer la domination de l'État sur tous les aspects
de la vie. La conséquence en fut que le monde arabe devint une nation prête à applaudir n'importe quel personnage
débordé par sa folie mégalomaniaque, prétendant être le Un qui arrangerait tout ... Une nation qui attend après un
sauveur ne peut rien vivre d'autre qu'une déception répétée.
Et qu'en est-il de la culture dans le monde arabe ?
Si nous entendons par ce mot tout ce qui dépend d'une méthode de transmission créatrice, alors nous devons
avouer que le monde arabe n'est pas vide de personnes cultivées mais est vide de culture !
En effet, il convient que les écrivains cessent de défendre la culture arabe ou de prédire son avenir mais qu'ils
oeuvrent à créer cet avenir ! Ils doivent participer à l'émergence d'école où enseigner le dessin, la sculpture, la
poésie, la narration, le journalisme, le théâtre, etc. Il faut surtout qu'ils trouvent le courage de rompre la barrière
élitiste de l'arabe classique car il lie et aliène le peuple au régime ; et fait des lecteurs un groupe de lettrés qui se
lisent les uns les autres mais n'ont aucune communication avec le reste de la population. Ils doivent revenir à la
langue vernaculaire car le but de l'écriture est de fournir la matière avec laquelle le peuple pourra articuler une
compréhension plus efficace de sa situation.
Aujourd'hui, les Arabes vivent dans des sociétés où le pouvoir politique, malgré son caractère apparemment
grotesque, ne suit pas la volonté de la majorité mais celle du monarque, lequel est supposé incarner un idéal
paternel.
Dans la culture arabe, cette fascination de l'idéal prend racine dans la fascination exercée à l'aurore de la vie par la
figure dite du père imaginaire ou idéal, une fascination qui peut prendre toute une vie pour se dissiper dans ses
effets conscients ou inconscients ...
A cela, il convient d'ajouter que chaque langue a inscrite en elle une certaine philosophie que la parole présuppose
sans l'expliciter. Par exemple, le français se tourne en premier vers l'universel, puis vers le particulier considéré
comme exemple et preuve de l'universel. Parler arabe, par contre, nécessite d'entrer dans un univers bien ordonné
où chaque chose est à sa place, où tant l'être individuel que l'univers en général sont protégés du changement. C'est
une philosophie que la réalité peut réfuter un millier de fois sans jamais la réfuter, parce qu'elle constitue les
prémisses latentes de la communication. Et qui osera se libérer des limites que la langue lui impose ?
A l'origine des origines, à la naissance de l'écriture en Mésopotamie et dans la vallée du Nil, un dogme s'est imposé
donnant à l'ascendant de l'écriture une puissance telle que les peuples étaient empêchés de pénétrer ses secrets.
En Extrême-Orient et au Moyen-Orient, ceux qui savaient lire et écrire n'excédait pas 3 à 5% de la population car le
but de l'écriture était de maintenir les différences sociales entre ceux qui gouvernent et les autres ...
Le résultat aujourd'hui en est flagrant ; d'où l'urgence qu'il y a à convaincre les écrivains arabes d'écrire dans la
langue parlée par le peuple et appeler à une démocratie qui soit l'expression réelle des sentiments du peuple. Car si
les écrivains arabes ne remplissent pas leur devoir, les Arabes n'auront aucune autre existence que celle que
l'Occident jugera convenable - si ce n'est pas déjà le cas ...
Enfin, pour aborder la question du terrorisme islamique, Moustaf Safouan nous rappelle que le Coran est la parole de
Dieu présentée sous la forme d'un texte et, comme tel, il ne peut pas, comme Platon nous l'a dit, répondre aux
questions. Il ne peut pas échapper, non plus, aux conflits des interprétations.
Néanmoins, excepté pour le Prophète, Dieu ne donna pas la connaissance de la signification finale ou de la vérité à
quiconque en particulier, quel que puisse être son statut, ni à aucune institution, quelle que puisse être son autorité.
Ainsi, la foi seule est à la mesure du discernement de chacun dans la lecture du Coran et de l'approximation de la
vérité à laquelle parvient chacun. En d'autres termes, la foi est une interprétation et l'interprétation est la mesure
même de la foi.
Donc, proclamer partager le savoir de Dieu est tout aussi blasphématoire que proclamer qu'il existe d'autres dieux
que Dieu. Et c'est précisément sur un tel mensonge blasphématoire que l'État islamique a été construit en
proclamant que Dieu lui a délégué non seulement Son pouvoir mais aussi Son savoir de la "vérité".
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