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firent
la
race
bien plus que
le
sang. »Mais
il
ajoute aus-
sitôt
que
les
liens de sang
permettent
de perpétuer
les
habitudes dëducation.
Il
y
aurait
donc des
"races
linguistiques'~
bien
plus
tenaces
et
répandues que
les
races
anthropologiques.
Cest
ce
qui
explique que «le
Turc,
dévot musulman, écrit-il,
est de nos jours
un
bien plus vrai Sémite
que
11sraélite
devenu Français, ou
pour
mieux
dire, Européen. »L'Asie
et
l'Afrique musulmanes représenteraientparfaitement,
selon lui, l'esprit sémitique,
même
si
les
Sémites
purs
y
sont devenus insignifiants. Par conséquent, si
les
Aryens
et
les
Sémites
ne
présentent aucune différence essentielle
du
point
de vuephysique, ils
nen
formentpas moins deux
races
distinctes
du
point
de vue de leurs aptitudes intel-
lectuelles
et
des instincts moraux.
«Du
système de la
langue à celui de
la
religion,
il
y a donc,
pour
Renan, plus
qu'une sympathie, une réelle coïncidence.
»2
Cette approche philologique
qui
fournit
unegrille de
lecture applicable àl'islam, on
la
retrouve curieusement
dans
la
manière dont
les
intellectuels arabes construiront
quelques décennies
plus
tard
la notion darabité, qu'ils
tiendront
pour
le
ciment d'une collectivité
dont
les
diffé-
rences
ethniques devront être subsumées voiregommées au
besoin
par
la
force. Et, comme chez Renan, ils
en
dédui-
sent une évaluation de IÏJistoire de l'Islam
qui
obéitàune
logique similaire mais inversée
des
races
linguistiques,
les
Sémites occupant
la
premièreplace.
1. cité pat M. Olender,
p.
85. 2. lb., p. 80.
La querelle
qui
oppose Renan à
Afghânî
prend
parfois
des
allures nominalistes.
Non
qu'il
y
eût
entre
les
deux
hommes
un
quiproquo sur l'objet de la discussion, mais
parce que
le
discours tenu sur 11slam depuis
plus
d'un
siècle
s'est
souvent trouvépiégé
par
les
mots.
Là
où Renan
use
de lexpression "islamisme': que l'éditeur aremplacée
ici
par
"islam': nous entendons aujourd'hui
les
mouve-
ments ou
les
idéologies radicales, alors que
le
savant
du
XIX' siècle
lavait
simplement construite sur
le
modèle de
"christianisme': voulantdésigner
la
civilisation née de
la
religion musulmane.
Pour
des
raisons
qui
tiennent àl'évolution
des
disci-
plines scientifiques et à
la
manière
dont
elles
déterminent
leurs méthodes
et
leurs objets,
tout
autant
quaux
posi-
tions qu'elles sont
censées
occuper dans
le
champpolitique,
on
s'est
empressé de bannir
du
lexique scientifique
un
cer-
tain nombre de mots.
La
critique de lancien orientalisme
qui
a
tant
traumatisé l'Académie estpassée
par
là,
inter-
disant
parfois le
débat
sur
les
nouveaux
usages.
Ainsi
a-t-on cru bon de remplacer
ladjectif
"musulman "
par
"islamique"dans bon nombre d'expressions
telles
que
"cité
musulmane" ou "droit musulman': devenus subitement
péjoratifi. Plus récemment, labsurde aété atteintavec cet
"islam "doté d'un
"i"
tantôt minuscule
pour
religion, tan-
tôt majuscule
pour
civilisation
et
culture, en réalité
un
même
mot
pour
désigner
des
objets aussi complexes que
la
civilisation, l'empire, l'État, la religion, la culture.
..
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