Les contributions possibles de l’agriculture et de la forêt à la lutte contre le changement climatique - CGAAER Page 5
Édito
Le 5
ème
rapport du GIEC (2013-2014) a montré que le « secteur des terres » (l'agriculture/alimentation, la
forêt et les sols) pourrait contribuer de 20 à 60 % au potentiel total d'atténuation des émissions planétaires
de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030. En effet, il est possible d'agir sur plusieurs leviers pour à la fois
réduire les émissions du secteur et améliorer les mécanismes naturels faisant des productions des champs et
des bois de véritables « pompes à carbone », capables de le stocker puis de substituer des produits bio-
sourcés à des énergies et à des matériaux non renouvelables beaucoup plus émissifs de GES. L'agriculture,
la forêt et les sols, ainsi que la bio-économie, sont donc clairement parties prenantes des solutions.
Le secteur des terres devra aussi pouvoir nourrir 2 milliards d’habitants en plus d’ici 2050, accroître d’au
moins 60% la production alimentaire (FAO) et contribuer à améliorer l’accès de tous à l’alimentation alors
qu’il est déjà touché et très menacé par les évolutions climatiques. Les conséquences pourraient être lourdes
en termes de migrations et d’instabilités. La « mise en péril des moyens d’existence du fait des ruptures des
systèmes alimentaires résultant des sécheresses et de la variabilité des pluies » ou « suite à un accès
insuffisant à l’eau d’irrigation et à la baisse de la productivité agricole » sont en effet deux des six grands
risques mondiaux identifiés par le GIEC avec une « confiance élevée ». L’Afrique et le Moyen Orient sont
notamment concernés mais l’Europe est et sera aussi clairement touchée.
La prise en compte des enjeux de la sécurité alimentaire et la réussite de l'adaptation de l'agriculture et de la
forêt, constituent donc, à tous les niveaux de territoires, y compris en Europe, un impératif d'importance
cruciale. La réussite de l’adaptation conditionne aussi directement la possibilité, pour le secteur des terres,
de contribuer, comme il le doit, à l'effort d'atténuation.
Ces questions relatives au secteur des terres, à la sécurité alimentaire et aux contributions « carbone »
d’origine photosynthétique, propres à l’agriculture et à la sylviculture, sont cependant demeurées
insuffisamment comprises et mesurées du fait de leur complexité.
Alors que la France s'apprête à accueillir au mois de décembre 2015 le prochain sommet climatique et se
doit de montrer l'exemple, M. Stéphane Le Foll, Ministre de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la
forêt, a demandé au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER),
qu’il préside, un rapport sur les contributions possibles de l'agriculture et de la forêt française à la lutte
contre le changement climatique. Le CGAAER était invité plus précisément à revisiter les chiffres des
émissions actuelles du secteur des terres en France et à explorer les marges de progrès possibles à l'horizon
2030 ainsi que les leviers d'action, tout en prenant en considération les aspects internationaux, la question
de l’adaptation, et la nécessité de pouvoir satisfaire les besoins alimentaires des populations.
Le présent rapport est le résultat de cette commande. Son originalité tient à son approche transversale,
chiffrée, et indépendante des méthodes cloisonnées des négociations climatiques, lesquelles ne permettent
pas de rendre compte de la responsabilité réelle et des progrès possibles du secteur des terres. Son
élaboration s’est appuyée sur la lecture du rapport du GIEC, sur des travaux nationaux, notamment ceux de
l’Institut national de la recherche agronomique et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de
l’énergie, sur les connaissances des auteurs et sur des entretiens. Suite à la publication à l’automne 2014 des
versions d’étapes n°1 et 2 du rapport, le CGAAER a organisé en décembre 2014 trois séminaires d’experts
dédiés respectivement aux changements d’utilisation du territoire, à l’agriculture/élevage et aux
forêts/filière bois et bio-filières. Ces séminaires ont réuni, autour des auteurs du rapport, des membres des
administrations en charge de l’agriculture, des forêts et de l’environnement, de leurs établissements publics,
d’instituts techniques (institut de l’élevage, centre technique interprofessionnel d’études de la pollution
atmosphérique), d’organismes de recherche agronomique et de conseil afin de mettre en débat les résultats
et de dégager des pistes d’approfondissement.