J. POUCET ARCHÉOLOGIE, TRADITION ET HISTOIRE (FOLIA ELECTRONICA CLASSICA, 16, 2008) 4
I. Première partie : la position du problème
Cette première partie propose, pour servir de cadre, quelques réflexions
méthodologiques, qui s’appuieront sur un certain nombre de mes travaux antérieurs
(notamment Poucet, Origines 1985, et Rois 2000). Elle est destinée à préparer l’examen de
cas concrets d’archéologues qui sont « passés à l’Histoire » trop légèrement, à mes yeux en
tout cas.
A. La notion de tradition
En ce qui concerne les origines de Rome, le sens du mot « tradition » doit être bien
précisé. Je l’ai fait ailleurs (Poucet, Rois 2000, p. 27-75 ; cf. aussi FEC 2008), en attirant
l’attention sur la complexité de la tradition, son aspect multiforme, et surtout son caractère
vivant, évolutif et dynamique. Je ne reviendrai pas ici sur ces données qui, malgré leur
importance, ne sont pas toujours suffisamment prises en compte, et je me consacrerai
essentiellement à la question de l’historicité de la tradition, c’est-à-dire de son rapport à
l’histoire, une question qui se pose depuis des siècles, et qui, depuis des siècles aussi, divise
profondément les chercheurs (Grandazzi, Fondation 1991 ; Penser 2007).
B. Deux écoles principales : les traditionalistes et les sceptiques
Dans le secteur des primordia s’affrontent en effet depuis longtemps deux écoles
principales, qui diffèrent fondamentalement par le degré de crédibilité qu’elles accordent aux
textes. Il y a d’un côté ceux qui considèrent que la tradition littéraire, en elle-même, est une
source historique digne de foi, en d’autres termes qu’elle contient des noyaux d’histoire
authentique qu’il est relativement facile de dégager. Ce sont les traditionalistes. Les tenants de
cette position ont besoin parfois de très peu de choses pour se sentir autorisés à qualifier
d’historique un élément du récit traditionnel.
Puis il y a ceux qui pensent que la tradition, compte tenu de sa nature et de ses
caractéristiques, n’est pas une source historique fiable : une information qu’elle livre ne peut
recevoir le statut de noyau d’histoire authentique qu’après un minutieux travail de critique.
Pour les partisans de cette position, l’historicité d’une notice traditionnelle n’est pas donnée
au départ : elle doit faire l’objet d’une démonstration rigoureuse. Ce sont les sceptiques. (Sur
cette question en général ; cf. Poucet, Origines 1985 ; Grandazzi, Fondation 1991 ; Poucet,
Fondation 1994 ; Poucet, Rois 2000 ; Grandazzi, Penser 2007).