Université Pierre-et-Marie Curie Master de mathématiques

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Université Pierre-et-Marie Curie
Master de mathématiques fondamentales, cours Introduction à la théorie des
schémas, corrigé de l’examen terminal du 17 décembre 2014
Enseignant : Antoine Ducros
Exercice 1. La fibre ϕ−1 (x) s’identifie à Spec κ(x)[T1 , T2 ]/T13 + 2T23 + 70. Nous
allons commencer
par une remarque générale. Supposons que T13 + 2T23 + 70
Q
ni
s’écrive 16i6r Pi où les Pi sont des polynômes irréductibles deux à deux
non associés de κ(x)[T1 , T2 ]. On sait alors d’après le cours (exemple 4.3.23)
que ϕ−1 (x) a exactement r composantes irréductibles, à savoir les V (Pi ).
Par ailleurs, soit f ∈ κ(x)[T1 ; T2 ]. On vérifie aussitôt qu’il existe n tel
n
3
3
que
p f ∈ T1 +2T2 +70 si et seulement si chacun des Pi divise f . Par conséquent,
3
3
(T1 + 2T2 + 70) = (P1 P2 . . . Pr ). Il s’ensuit que (T13 + 2T23 + 70) est saturé
si et seulement si ni = 1 pour tout i ; autrement dit, ϕ−1 (x) est réduit si et
seulement si ni = 1 pour tout i.
Pour répondre aux questions posées sur la fibre ϕ−1 (x) il suffit donc de
décomposer T13 +2T23 +70 en produit d’irréductibles. On distingue alors plusieurs
cas. Nous allons utiliser tout au long de l’exercice les propriétés arithmétiques
des anneaux de polynômes à coefficients dans un anneau factoriel.
• Premier cas : on suppose que x ∈
/ {x2 , x3 , x5 , x7 }. Nous allons montrer
que T13 + 2T23 + 70 est irréductible dans κ(x)[T1 , T2 ] = κ(x)[T2 ][T1 ]. En tant que
polynôme à coefficients dans κ(x)[T2 ] il est de contenu 1 (il est même unitaire) ; il
reste à vérifier qu’il est irréductible comme polynôme de κ(x)(T2 )[T1 ]. Puisqu’il
est de degré 3, il suffit de s’assurer qu’il n’a pas de racines dans κ(x)(T2 ), c’està-dire que 2T23 + 70 n’est pas un cube dans κ(x)(T2 ). On raisonne par l’absurde,
et l’on suppose donc que 2T23 + 70 est un cube dans κ(x)(T2 ). Sa décomposition
en produits de polynômes irréductibles dans κ(x)[T2 ] ne fait alors appraı̂tre que
des facteurs triples. Comme 2 est non nul dans κ(x) (car x 6= x2 ), cela signifie
que l’on peut écrire 2T23 + 70 = 2(T2 + b)3 pour un certain b ∈ κ(x). Le terme
en T22 de 2(T2 − b)3 étant égal à 6bT22 , il vient 6b = 0 puis b = 0 car 6 est
non nul dans κ(x) du fait que x ∈
/ {x2 , x3 }. Mais c’est absurde puisque 70 6= 0
dans κ(x), le point x n’appartenant pas à {x2 , x5 , x7 }.
Ainsi T13 + 2T23 + 70 est irréductible dans κ(x)[T1 , T2 ] ; la fibre ϕ−1 (x) est
donc réduite et irréductible.
• Second cas : x = x2 . On a alors κ(x) = F2 , et le polynôme étudié est égal
à T13 . Il s’ensuit, T1 étant irréductible, que la fibre ϕ−1 (x) est irréductible et
non réduite.
• Troisième cas : x = x3 . On a alors κ(x) = F3 , et le polynôme étudié est égal
à T13 −T23 +1. Comme on est en caractéristique 3, on a T13 −T23 +1 = (T1 −T2 +1)3 .
Il s’ensuit, T1 − T2 + 1 étant irréductible, que la fibre ϕ−1 (x) est irréductible et
non réduite.
• Quatrième cas : x = x5 . On a alors κ(x) = F5 , et le polynôme étudié est
égal à T13 + 2T23 . Comme 2 = (−8) = (−2)3 dans F5 , il vient
T13 + 2T23 = T13 − 23 T23 = (T1 − 2T2 )(T12 + 2T1 T2 − T22 ).
Montrons que T12 + 2T1 T2 − T22 est irréductible dans F5 [T1 , T2 ] = F5 [T2 ][T1 ].
Comme il est de contenu 1 en tant que polynôme à coefficients dans F5 [T2 ],
1
il reste à s’assurer qu’il est irréductible dans F5 (T2 )[T1 ], c’est-à-dire que son
discriminant 4T22 + 4T22 = 8T22 = −2T22 n’est pas un carré dans F5 (T2 ). Mais
c’est une conséquence immédiate du fait que (−2) n’est pas un carré dans F5 ,
comme on le vérifie aussitôt.
Les polynômes T1 − 2T2 et T12 + 2T1 T2 − T22 étant tous deux irréductibles et
visiblement non associés, la fibre ϕ−1 (x) a deux composantes irréductibles, et
est réduite.
• Cinquième cas : x = x7 . On a alors κ(x) = F7 , et le polynôme
étudié est égal à T13 + 2T23 . Nous allons montrer qu’il est irréductible dans
l’anneau F7 [T1 , T2 ] = F7 [T2 ][T1 ]. Comme il est de contenu 1 en tant que
polynôme à coefficients dans F7 [T2 ], il reste à s’assurer qu’il est irréductible
dans F7 (T2 )[T1 ], c’est-à-dire qu’il n’admet pas de racine dans F7 (T2 ) (puisqu’il
est de degré 3). Il suffit donc de vérifier que (−2T23 ) n’est pas un cube
dans F7 (T2 ), ce qui résulte immédiatement du fait (qu’on établit à la main
par inspection) que (−2) n’est pas un cube dans F7 .
La fibre ϕ−1 (x) est dès lors irréductible et réduite.
Exercice 2. a) On suppose d’abord que I ⊂ J. Soit J¯ l’image de J dans B/I ;
¯ On peut de ce fait, quitte à
c’en est un idéal homogène, et B/J = (B/I)/J.
¯ supposer que I = 0. On a donc J ∩Bn =
remplacer B par B/I, I par 0 et J par J,
0 dès que n > N .
Soit ϕ l’immersion fermée Proj B/J ,→ Proj B. Pour montrer que ϕ est
un isomorphisme, il suffit de montrer que pour tout élément f homogène de
degré r > 0 de B, la flèche ϕ−1 (D(f )) → D(f ) est un isomorphisme. Soient
donc f et r comme ci-dessus.D’après le cours
D(f ) = Spec(Bf )0 et; ϕ−1 (D(f )) = Spec ((B/J)f¯)0 ,
le morphisme ϕ−1 (D(f )) → D(f ) étant simplement induit par la surjection
(Bf )0 → ((B/J)f¯)0 .
Il suffit dès lors pour conclure de s’assurer que (Bf )0 → ((B/J)f¯)0 est injective.
Soit b un élément homogène de degré nr de B tel que l’image de b/f n dans
((B/J)f¯)0 soit nulle. Cela signifie simplement que l’image de b/f n dans (B/J)f¯
est nulle, c’est-à-dire qu’il existe s > 0 tel que f¯s b̄ = 0 dans B/J, ou encore
tel que f s b ∈ J. Cela reste vrai si l’on agrandit s, et l’on peut donc supposer
que sr + nr > N . Mais alors f s b ∈ J ∩ Bsr+nr = 0, ce qui montre que b/f n = 0
dans le localisé Bf , et achève la démonstration.
b) On ne suppose plus que I ⊂ J. L’idéal I + J est par construction
homogène, il contient I et J, et comme I ∩ Bn = J ∩ Bn pour n > N on
a
(I + J) ∩ Bn = I ∩ Bn = J ∩ Bn
pour n > N . Il résulte dès lors de la question a) que les immersions fermées
Proj (B/(I + J)) ,→ Proj B/I et Proj (B/(I + J)) ,→ Proj B/J
2
sont des isomorphismes. Les Proj B-schémas Proj B/I et Proj B/I sont donc
tous deux isomorphes à Proj B/(I + J).
Exercice 3. Supposons i) vraie. Dans ce cas f est injectif, et l’on a donc
f −1 ({0}) = {0} ; l’image par ϕ du point générique de Spec B est en conséquence
égale au point générique de Spec A, d’où ii).
L’implication ii)⇒iii) est évidente puisque le point générique de Spec A est
dense dans Spec A.
Supposons enfin que iii) soit vraie et soit a ∈ Ker f . Pour tout x ∈ Spec B
on a
0 = f (a)(x) = a(ϕ(x)).
Ainsi, a(y) = 0 pour tout y appartenant à l’image de ϕ ; autrement dit, le
fermé V (a) de Spec A contient l’image de ϕ. Comme celle-ci est dense, V (a)
est égal à Spec A tout entier ; cela signifie que a est nilpotent, et partant nul
puisque A est intègre. Le morphisme f est donc injectif.
Soit maintenant A un anneau non réduit (par exemple, A = k[T ]/T 2 où k
est un corps). Soit Ared le quotient de A par l’idéal de ses éléments nilpotents.
Puisque A n’est pas réduit, A → Ared n’est pas injective. Mais on sait d’après
le cours que Spec Ared → Spec A est un homéomorphisme ; en particulier, son
image est dense.
Exercice 4. a) Rappelons pour commencer que Am /mAm est canoniquement
isomorphe à Frac A/m, et donc à κ.
Le A-module m/m2 étant annulé par m, sa structure de A-module est
induite par une structure de κ-espace vectoriel ; puisque κ = Am /mAm , elle
est également induite par une structure de Am -module.
L’application A-linéaire canonique m → m/m2 induit donc une application
Am -linéaire de mm = mAm vers m/m2 , qui est par construction nulle sur m2 Am .
On obtient ainsi une application j: mAm /m2 Am → m/m2 , dont on vérifie aussitôt
qu’elle est réciproque de la flèche naturelle i: m/m2 → mAm /m2 Am (il est
immédiat que j ◦ i = Id ; et l’égalité i ◦ j = Id peut se tester simplement sur les
éléments de l’image de m dans mAm /m2 Am , pour lesquels elle est triviale).
b) Supposons A local et noethérien. L’idéal m est de type fini puisque A est
noethérien ; on sait alors (c’est une conséquence du lemme de Nakayama, cf.
2.3.4.2 dans le poly) qu’une famille d’éléments de m engendre m si et seulement
si les e¯i engendrent le κ-espace vectoriel m/m2 .
On en déduit qu’une famille (ei ) d’éléments de m en est une famille
génératrice minimale si et seulement si (ēi ) est une famille génératrice minimale
du κ(x)-espace vectoriel m/m2 , c’est-à-dire une base de ce dernier. Le cardinal
d’une famille génératrice minimale de m est donc bien égal à la dimension
de m/m2 .
Exercice 5.
a) Le point (λ, µ) de A2k correspond à l’idéal maximal p = (T1 − λ, T2 − µ)
de k[T1 , T2 ] ; il résulte de la question a) de l’exercice précédent que m/m2 ' p/p2 .
La famille de polynômes ((T1 −λ)i (T2 −µ)j ))(i,j)∈N2 est une base de k[T1 , T2 ].
L’idéal p est engendré par les (T1 − λ)i (T2 − µ)j où max(i, j) > 1 et l’idéal p2
par les (T1 − λ)i (T2 − µ)j où i + j > 2. Par conséquent,
(T1 − λ, T2 − µ)
3
est une base de p/p2 comme k-espace vectoriel ; ce dernier est donc de
dimension 2, et il en va de même de m/m2 .
b) On a OX,(λ,µ) = OA2k ,(λ,µ) /(P ), l’idéal maximal n est égal à m/P , et
le k-espace vectoriel n/n2 est égal au quotient de m/m2 par l’image de P .
Comme m/m2 est de dimension 2, ce quotient est de dimension 2 si l’image
de P dans m/m2 est nulle, et est de dimension 1 sinon.
En reprenant les notations du a), on sait que m/m2 = p/p2 . Le k-espace
vectoriel n/n2 est donc de dimension 2 si P ∈ p2 , et de dimension 1 sinon.
Comme P (λ, µ) = 0 on peut écrire
P = a(T1 − λ) + b(T2 − µ) +
X
aij (T1 − λ)i (T2 − µ)j .
i+j>2
Un calcul immédiat montre que a = ∂P/∂T1 (λ, µ) et b = ∂P/∂T2 (λ, µ). Or la
description de p2 donnée en a) assure que P appartient à p2 si et seulement
si a = b = 0. Ainsi, le k-espace vectoriel n/n2 est de dimension 2 si ∂P/∂T1
et ∂P/∂T2 s’annulent toutes deux en (λ, µ), et de dimension 1 sinon.
c) D’après la question b), l’ensemble en question est celui des couples (λ, µ)
appartenant à k 2 en lesquels P et ses deux dérivées partielles s’annulent
simultanément, c’est-à-dire tels que
λ3 = µ2 , 3λ2 = 0 et 2µ = 0.
Comme la caractéristique de k est différente de 2 et 3, cet ensemble est le
singleton {(0, 0)}.
Attention : il y avait une erreur dans l’énoncé. Il n’est pas vrai
que ϕ induit un isomorphisme de ϕ−1 (T ) sur D(T ), ni que ϕL induit
un homéomorphisme entre les espaces topologiques sous-jacents.
d) Posons A = k[T1 , T2 ]/(T13 − T22 ) (on a alors X = Spec A), et notons f le
morphisme de k-algèbres de k[T ] dans A qui envoie T sur T1 . On a
A = k[T1 , T2 ]/(T13 − T22 ) = k[T1 ][T2 ]/(T22 − T13 ) ' k[T ][T2 ]/(T22 − T 3 ).
Le second isomorphisme permet de voir A comme une k[T ]-algèbre, et le
morphisme de k[T ] dans A correspondant envoie T sur T¯1 ; il coı̈ncide donc
avec f . Par conséquent, si l’on voit A comme une k[T ]-algèbre via f , on dispose
d’un isomorphisme de k[T ]-algèbres A ' k[T ][T2 ]/(T22 − T3 ). Comme T22 − T3
est un polynôme unitaire en T2 , la k[T ]-algèbre A est finie, et ϕ est donc fini.
e) Le morphisme ϕL est induit par le morphisme
L[T ] → L[T ][T2 ]/(T22 − T 3 ).
La fibre ϕ−1
L (0) s’identifie donc au spectre de
L[T ][T2 ]/(T22 − T 3 ) ⊗L[T ] L,
où L est vu comme L[T ]-algèbre via l’évaluation en 0. Par conséquent,
2
ϕ−1
L (0) = Spec L[T2 ]/T2
4
et elle n’est pas réduite puisque T2 est un nilpotent non trivial de L[T2 ]/T22 .
f) Nous allons démontrer que si x est un k-point de A1k et si nx désigne l’idéal
maximal correspondant alors nx /n2x est de dimension 1 ; ceci montrera que A1k
n’est pas isomorphe à X, puisque X possède un k-point x tel que nx /n2x soit de
dimension 2, à savoir l’origine (0, 0) (question c).
Soit donc x un k-point de A1k . Il correspond à un élément λ ∈ k – l’idéal
premier associé à x est alors l’idéal maximal m = (T − λ) de k[T ]. On déduit
de la question a) de l’exercice 4 que nx /n2x = m/m2 . Mais m est le sous-k-espace
vectoriel de k[T ] engendré par les (T − λ)i pour i > 1, et m2 est le sous-k-espace
vectoriel de k[T ] engendré par les (T −λ)i pour i > 1. Le quotient nx /n2x = m/m2
est donc comme annoncé de dimension 1, de base T − λ.
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