Réformer l`islam ou mourir

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Réformer l'islam ... ou mourir
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Réformer l'islam ... ou mourir
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Date de mise en ligne : lundi 11 octobre 2004
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Réformer l'islam ... ou mourir
"Le Coran ne parle pas, ce sont les hommes qui parlent à travers lui", a dit 'Ali, le gendre du
Prophète. Détail majeur dans l'interprétation et la compréhension de l'islam. Postulat
indispensable pour briser les chaînes qui maintiennent la religion musulmane dans un carcan
trop étroit car figée à une époque donnée. Non, la religion musulmane ne découle pas
entièrement et immédiatement du seul Coran, qui serait la parole de Dieu nue, absolue et
éternelle. Car cela, comme nous le constatons tous les jours, bloque les processus d'évolution
des sociétés musulmanes et islamiques.
Paralysées par une extrême prudence, elles se cachent derrière une inaptitude à présenter aux yeux de monde une
approche à la fois fidèle à l'islam et en phase avec le progrès et la modernité. Tous les pays musulmans sont en
retard, tant sur le plan culturel que dans les domaines des sciences et des connaissances, sans parler de la
technique et de la création. Tout leur mode de vie est concentré jusqu'à l'obsession sur le respect de la tradition.
Bloquées, les pieds dans le ciment du dogme, les sociétés contemporaines musulmanes regardent passer le train du
futur sans pouvoir monter dedans. Il est grand temps que cela cesse. Mais pour briser le tabou il faut du courage.
Certains l'ont payé de leur vie (Mahmoud Mohammed Taha fut pendu en 1985 par la junte militaire soudanaise pour
apostasie). C'est donc un grand coup de chapeau que l'on doit tirer à Abdelmajid Charfi, cet éminent professeur à
l'université des lettres de Tunis, historien et sociologue musulman, qui ose penser l'islam de l'intérieur avec le regard
neuf d'un homme du XXème siècle (il est né en 1942). Ainsi, Charfi n'a de cesse de tenter de démontrer que les
sciences sont une chance pour la religion, et non son ennemie. Et il développe son propos en arabe, à dessein, car
en s'adressant en premier lieu aux lecteurs unilingues qui, souvent, vivent repliés sur la culture du passé sans avoir
la moindre idée des avantages qu'ils pourraient retirer des champs de connaissance modernes et même des
problèmes et questions connexes qu'ils soulèvent. Pourquoi écrire en anglais ou en français (même si ce vecteur a
plus de chance d'atteindre la communauté scientifique internationale) alors que la langue arabe se prête tout aussi
bien à l'exercice de la pensée ?
Soyons clairs : seules les élites des sociétés musulmanes ont le libre choix, celui d'aller étudier en Occident ou de
rester au pays, les 98% restant de la population sont maintenues sous le boisseau de la religion dictatoriale et
continuent à osciller entre hostilité et fascination pour "l'autre monde". L'éducation est alors souvent concentrée sur
les études religieuses ; et les filles en sont généralement exclues. Les rares qui tentent de s'extraire de la sphère
islamique sont muets car il leur est impossible de s'exprimer librement du fait de l'influence conjuguée d'un pouvoir
tyrannique, de la pression sociale, de la peur et de la suspicion qui suscite une parole neuve ...
Mais les sociétés musulmanes sont hétérogènes et la modernisation parvient parfois à y creuser un fin sillon par
lequel s'acheminent quelques idées nouvelles comme, par exemple, le statut de la femme et le droit à
l'enseignement. Mais c'est bien peu, c'est aussi très lent à se mettre en place. Trop lent.
Abdelmajid Charfi fait ici le pari audacieux de l'avenir en comptant sur la jeunesse pour faire sauter le verrou.
Internet et la satellite ont apporté une autre vision du monde. Ainsi, les musulmans de la nouvelle génération
souhaitent une réflexion islamique qui tiennent compte des quatre grandes révolutions majeures que l'humanité a
connues :
1/ Copernic : la terre n'est pas le centre de l'univers ;
2/ Darwin : la théorie de l'évolution démontre que l'homme a perdu le rang à part qu'il croyait occuper au sein du
règne animal ;
3/ Freud : l'homme n'agit pas selon sa seule volonté consciente mais il est soumis à l'influence de son inconscient,
avec le refoulement et les pulsions que cela induit ;
4/ le destin n'est plus : la biotechnologie et la génétique ont pris le pouvoir sur le contrôle de la vie.
A tout cela s'ajoute tout naturellement les médias, on l'a dit, mais aussi la prospérité matérielle, une société sociale
plus humaine, des valeurs nouvelles. Il convient donc impérativement de suivre les préceptes de Mahmoud
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Mohamed Taha qui, dans le livre qui lui a coûté la vie, Le second message de l'islam, affirmait que le message de
Muhammad était destiné à toute l'humanité durant la période mecquoise, mais restreint aux contemporains du
Prophète dans la période médinoise. En conséquence il est d'avis de supprimer les prescriptions contenues dans le
message restreint car elles étaient appropriées aux conditions de vie du début duVIIème siècle, mais elles ne le sont
plus à celles de la seconde moitié du XXème siècle ! Il faut donc revenir au message universel qui demeure valable,
bien que le contexte ait changé.
Et comme ici aussi, tout comme chez les juifs et les chrétiens, tout n'est que pouvoir ; l'idée même d'un retour aux
véritables valeurs d'une religion pour aider les hommes à vivre mieux est aussitôt traitée d'apostasie et l'on tue celui
qui a osé bafouer les règles. Honte à tous ces intégristes grabataires ou infantiles, honte à tous ceux qui
maintiennent le peuple musulman dans l'ignorance crasse pour pouvoir les manipuler et les exploiter !
Vive l'islam des Lumières, gloire à ses défenseurs, à commencer par Abdelmajid Charfi !
Post-scriptum :
Abdelmajid Charfi
L'islam entre le message et l'histoire
traduit de l'arabe par André Ferré
Collection "L'islam des Lumières", Albin Michel, 2004
230 p. - 18,50 euros
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