analogue à celle de l’Occident chrétien au 14e siècle, qui a connu des
désordres identiques.
Et qu’il y ait des hommes et des femmes pour aspirer
aujourd’hui, comme à l’époque de l’Ile Verte de Strasbourg, à une
vie pieuse et retirée, sans pour autant se rattacher à des ordres
monastiques, ou à des communautés religieuses, et à l’écart du
monde qui est le nôtre, ne doit pas surprendre.
Quel courant de spiritualité serait susceptible d’animer une telle « Ile
verte » : une tradition occidentale, comme celle qui inspira l’initiative de Rulman
Merswin, une tradition orientale qui serait alors le soufisme, ou encore une
tradition d’Orient et d’Occident ?
Les éléments de réponse se trouvent dans la question.
Le soufisme, naturellement, représente une réponse que l’on
pourrait dire immédiate, dès lors qu’il existe des organisations
initiatiques régulières dans l’Islam, alors qu’elles ont disparu en
Chrétienté. Mais une chose est de constater que les Amis de Dieu
(et l’Ile Verte) existent aussi bien en Orient qu’en Occident, une
autre chose serait de concevoir en Occident une Ile Verte, comme
celle de Rulman Merswin, fonctionnant à la manière d’un
« couvent » (ribat) musulman.
Mais s’il est question d’une tradition occidentale, elle ne
pourra que se rattacher à l’une des voies initiatiques que l’Occident
a connues autrefois : « métaphysique », « chevaleresque » ou encore
« théosophique » et comme, « pour un Occidental, il ne peut y avoir
d’initiation à sa propre tradition spirituelle, depuis longtemps
inaccessible, sans passer par une initiation à la spiritualité
orientale », il apparaît nécessaire que cette tradition soit une
tradition d’Orient et d’Occident, et elle ne peut le devenir qu’en
empruntant à une voie initiatique orientale son initiation : celle
d’une chevalerie spirituelle qui est effectivement d’Orient et
d’Occident ou encore celle des Fedeli d’Amore. Dans le cas de l’Ile
Verte, c’est la voie des Amis de Dieu (Awliyâ’ Allâh) qui se présente
immédiatement à l’esprit.
Quelle voie initiatique faudrait-il donc adopter pour une Ile
Verte contemporaine ? Voie métaphysique, dans la tradition de
Maître Eckhart, voie chevaleresque des Amis de Dieu, voie
théosophique (mais pas le théosophisme), inspirée de Jacob
Boehme et de ses successeurs ? De la réponse à cette question
dépend évidemment l’orientation spirituelle qui serait donnée à l’Ile
Verte.
Quoi qu’il en soit, il convient de retrouver tout d’abord les
conditions initiatiques qui permettraient de renouveler l’expérience