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Cet hiver, j’ai cru mourir de froid, mais, non, je suis toujours là et de petites feuilles vertes
et brillantes couvrent à nouveau mes branches.
Les voici maintenant suffisamment solides pour porter le rouge-gorge qui vient
régulièrement fureter à mon pied.
Depuis quelques semaines, je suis très content, car un grand-père et sa petite fille ont
installé un banc contre mon jeune tronc. Ils s’y sont assis et ont parlé longtemps. La petite,
blottie contre lui, a laissé couler quelques larmes qu’elle a discrètement essuyées. Puis elle
m’a regardé longuement et a souri. Son grand-père souriait aussi en regardant la mer.
*
Depuis, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu tomber mes feuilles, je n’ai plus
peur car je sais que c’est la promesse d’un renouveau.
Au fil des saisons, la petite fille a grandi mais elle vient toujours aussi souvent me voir.
D’ailleurs, la voici qui arrive ; elle donne la main à un jeune homme qui la dévore des yeux.
« Assieds-toi, François. »
Avant de s’asseoir à son tour, la jeune femme caresse doucement mon écorce. C’est un
rituel entre nous et cette caresse me fait vibrer de toutes mes fibres, de la pointe de mes
feuilles à mon cœur le plus secret.
« Son écorce est presque aussi douce et chaude que sa peau … Et tu as vu, aujourd’hui, ses
fleurs embaument. Quand je suis ici, contre cet arbre, mon arbre, je me sens en sécurité, j’ai le
sentiment de la retrouver. Regarde, tu vois cette photo de Maman ? Elle a été prise tout près
d’ici, un jour où le vent soufflait fort ; ses longs cheveux frisés dansent autour de sa tête, on
dirait un feuillage fou.
Le jeune homme se pencha sur l’épaule de la jeune fille pour l’embrasser dans le cou :
− Tu es aussi belle qu’elle.
− Tu as vu comme mon arbre lui ressemble ? Son feuillage, dense et léger, le coiffe
joliment et puis, juste dessous, il y a cette trace dans l’écorce qui dessine un sourire. Comme