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Séminaire Champ lacanien
qui pour nous ne sont pas sans écho, ce qui les oppose : « C’est que pour
Hegel le tragique d’une vie est toujours dépassé. Le vécu s’évanouit dans
le savoir », et c’est un savoir qui s’accroît et culmine glorieusement en
savoir absolu. Et Sartre précise que ce que Kierkegaard reproche donc à
Hegel « c’est de négliger l’indépassable opacité de l’expérience vécue. »
Jean Hyppolite tentera une synthèse de Hegel et de l’existentialisme, c’est
la raison de sa présence au Séminaire en 1953, car ce qui est supposé dans
ces lignes brillantes de Sartre, c’est l’opposition que fait Heidegger entre
l’historique et l’historial.
On sait que Heidegger pratique, avec le plus grand sérieux, cette
sorte de science amusante qu’est l’étymologie. Celle du terme « histoire » en
allemand me fournira l’occasion d’une confrontation, rien moins qu’entre
Heidegger et Freud.
Selon Heidegger, l’histoire (Geschichte) vient étymologiquement de
Geschehen, qui veut dire « ce qui arrive », « ce qui advient ». Henry Corbin,
dont la première traduction de Heidegger en 1937 a ancré le lexique heideg-
gérien en français pour longtemps, traduit Geschehen par l’« historial »,
qu’il oppose à l’« historique ». L’historial est donc ce qui advient à un sujet
dans son existence. La différence terminologique distingue cela de l’histo-
rique, qui serait de l’ordre du collectif.
On peut penser que le terme d’« historiole », dont Lacan fait usage en
1957, décalque, avec son ironie habituelle, le néologisme de Corbin. Dix ans
plus tard, dans son « Petit discours aux psychiatres » du 11 novembre 1967,
il fera cependant référence aux historiolae de Spinoza, les petites histoires
que se raconte tout un chacun.
Ce qu’en fait Lacan (entre 1953 et 1958)
Lacan a lu Hegel. Instruit par les cours de Kojève dès 1933, il est au fait
de la discussion philosophique de l’époque. Il dira 5 s’en être soutenu comme
d’un appui théorique contre les dégradations de la psychanalyse. Loin de
refuser les invitations des philosophes, il est intervenu à plusieurs reprises
dans leur débat. En témoignent, entre autres, son « Mythe individuel du
névrosé » prononcé au Collège philosophique de Jean Wahl, ou « Subversion
du sujet, dialectique du désir », communication à Royaumont lors d’un col-
loque international de philosophie, précisément sur la dialectique.
Comme praticien de la psychanalyse, il est certes du côté de « ce qui
advient » à un sujet. Mais il réintègre l’Aufhebung dans la théorie et ce en
des occurrences majeures : sa théorie du signifiant-métaphore et son pre-
mier repérage de la castration, avec les conséquences pour ce qu’il en est du