Eradication de la variole : destruction des stocks de virus variolique

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE
CINQUANTE-CINQUIEME ASSEMBLEE MONDIALE DE LA SANTE A55/21
Point 13.16 de l’ordre du jour provisoire 5 avril 2002
Eradication de la variole : destruction des stocks
de virus variolique
Rapport du Secrétariat
1. En mai 1999, la Cinquante-Deuxième Assemblée mondiale de la Santé a autorisé, par la résolution
WHA52.10, le maintien temporaire, jusqu’en 2002 au plus tard, des stocks existants de virus variolique
dans les deux sites actuels,1 aux fins de la poursuite des travaux de recherche internationaux. La résolution
priait également le Directeur général :
1) de nommer un nouveau groupe d’experts qui décidera des recherches qui doivent être
effectuées, le cas échéant, pour arriver à un consensus mondial sur la date de la destruction des
stocks existants de virus variolique, et qui sera chargé :
a) de conseiller l’OMS sur toutes les mesures à prendre concernant le virus variolique ;
b) d’élaborer un plan de recherche pour les travaux prioritaires sur le virus variolique ;
c) de concevoir un mécanisme de notification des résultats des recherches à la
communauté sanitaire mondiale ;
d) de préparer un calendrier d’inspection pour confirmer le confinement rigoureux des
stocks existants et garantir un environnement de recherche sûr pour les travaux sur le virus
variolique, et de formuler des recommandations sur ces points ;
2) de faciliter l’entière participation aux travaux du nouveau groupe d’experts d’un nombre
limité de spécialistes scientifiques et de la santé publique, ressortissants d’Etats Membres de
chacune des Régions de l’OMS ;
3) de faire rapport sur les recommandations initiales et les plans du groupe d’experts,
y compris les dépenses y afférentes incombant à l’OMS, au Conseil exécutif à sa cent sixième
session en mai 2000, à condition que des fonds extérieurs aient été fournis à cet effet ;
1 Centres de Lutte contre la Maladie, Atlanta, Géorgie (Etats-Unis d’Amérique) et Centre de Recherche de l’Etat sur
la Virologie et la Biotechnologie, Koltsovo, région de Novossibirsk, Fédération de Russie.
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4) de présenter un rapport détaillé, y compris l’état d’avancement du programme de recherche
sur le virus variolique, au Conseil exécutif et à l’Assemblée de la Santé dès que possible, mais en
tout état de cause pas plus tard qu’en 2002, et de faire des recommandations au Conseil exécutif et
à l’Assemblée de la Santé au sujet des propositions du groupe d’experts concernant la date de la
destruction finale des stocks restants de virus variolique.
2. Le Comité consultatif OMS de la Recherche sur le Virus variolique, composé de 18 membres de
toutes les Régions de l’OMS et conseillé par une dizaine de spécialistes scientifiques de domaines tels que
la santé publique, la recherche fondamentale appliquée ou les organismes de réglementation, a ensuite é
créé et s’est réuni trois fois. Les rapports de ses deux premières réunions ont déjà été soumis à
l’Assemblée de la Santé.1 Le présent document contient le rapport de la troisième réunion (Genève, 3 et
4 décembre 2001).
TROISIEME REUNION DU COMITE CONSULTATIF OMS DE LA RECHERCHE SUR
LE VIRUS VARIOLIQUE
3. Le Comité a décidé que, malgré les progrès considérables de la recherche sur le virus variolique, des
éléments importants de ces travaux, et notamment l’amélioration et l’utilisation d’un modèle animal mis
au point en 2001 et le développement d’antiviraux, avaient peu de chances d’être achevés avant la
fin 2002. En outre, au cours du vaste débat qui a eu lieu sur l’existence potentielle d’un modèle animal,
l’opportunité de recherches supplémentaires nécessitant l’accès au virus variolique vivant après la date
prévue de destruction des stocks en 2002 a été avancée.
4. La principale recommandation du Comité a donc été qu’il fallait envisager sérieusement de
repousser la date prévue pour la destruction des stocks de virus variolique afin de permettre l’achèvement
de l’essentiel des recherches. En outre, ces recherches supplémentaires sur le virus vivant devraient
continuer d’être suivies de près et passées en revue sous les auspices de l’OMS, et des mesures devraient
être prises pour faire en sorte que toutes les recherches approuvées restent axées sur les résultats et
limitées dans le temps et soient périodiquement réexaminées.
5. Examen des souches de virus variolique conservées dans les deux conservatoires. Il a été noté
précédemment que les Centres de Lutte contre la Maladie détenaient 451 isolements viraux obtenus sur
différents continents et dans divers pays lorsque la variole était endémique.2 L’examen actuel et les études
dont il a été rendu compte à la réunion se sont concentrés sur une cinquantaine d’isolements de la
collection russe qui ne figuraient pas dans la collection américaine. Sur ces isolements, 23 souches
provenant de prélèvements effectués au niveau des croûtes cicatricielles et des échantillons lyophilisés
étaient viables en culture tissulaire. L’isolement de l’ADN à partir de ces souches se poursuit ; 2 génomes
ont déjà été entièrement clonés et au moins 5 autres le seront d’ici la fin 2002. Le Comité a décidé
qu’avant cette date, il faudrait envisager la nécessité de conserver toute la gamme des isolements
actuellement disponibles dans ces deux centres.
6. Diagnostic reposant sur l’étude de l’ADN. Plusieurs méthodes ont été mises au point récemment
qui permettent une détection très sensible de l’ADN du virus variolique et permettent également de
1 Documents A53/27 et A54/16.
2 Document A54/16.
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distinguer cet ADN de celui des autres orthopoxvirus, la plus prometteuse étant l’analyse par amplification
génique (PCR) du polymorphisme de la longueur des fragments de restriction, la PCR multiplex et la PCR
en temps réel au moyen de sondes fluorogéniques. Certains de ces tests ont été utilisés pour le diagnostic
de certitude d’une infection récente par un orthopoxvirus non variolique contractée au laboratoire.
7. Les résultats obtenus montrent que l’analyse par amplification monogénique du polymorphisme de
la longueur des fragments de restriction et la PCR multiplex sont utiles pour détecter le virus variolique
dans les échantillons cliniques. Le Comité a constaté que, si la PCR en temps réel était une méthode plus
sensible et pouvait donc déceler l’infection à un stade plus précoce, elle nécessitait le recours à un matériel
coûteux et, jusqu’ici, ne permettait pas toujours de distinguer les différentes espèces d’orthopoxvirus. Une
PCR étendue à l’analyse du polymorphisme de la longueur des fragments de restriction s’est révélée utile
pour définir l’origine d’un isolement, mais pourrait nécessiter le passage préalable en culture tissulaire des
échantillons cliniques.
8. Le Comité a pris acte des progrès importants accomplis dans le domaine du diagnostic moléculaire,
mais a estimé qu’il était encore possible d’améliorer la sensibilité des tests disponibles. Par exemple, il
serait utile de savoir comment déceler une infection précoce par le virus variolique au stade prodromique.
On pourrait par ailleurs viser en dernier ressort la mise au point d’un matériel portatif manuel relativement
bon marché pour déceler l’ADN du virus variolique et diagnostiquer l’infection.
9. Afin de faire progresser ces travaux importants, le Comité a encouragé les chercheurs à mettre en
commun les réactifs de diagnostic, les principales amorces utilisées pour les différentes PCR et les
protocoles d’étude le cas échéant. Cette coopération serait particulièrement utile pour renforcer les
capacités des différents pays en matière de détection et de diagnostic rapides et fiables de l’infection par le
virus variolique.
10. Séquençage de l’ADN du virus variolique. Le Comité a été informé que les génomes complets de
7 isolements supplémentaires du virus variolique avaient été séquencés, ce qui porte le nombre total de
séquences génomiques complètes à 10 (9 souches de variole majeure et une souche de variole mineure).
Les séquences ont été très bien conservées. Pour répondre aux critiques arguant que ce résultat était la
conséquence d’un passage en culture tissulaire, le Comité a suggéré de réfléchir plus avant au séquençage
de l’ADN directement à partir des croûtes.
11. Le Comité a constaté qu’un volume considérable d’informations sur les séquences de l’ADN des
virus varioliques était désormais disponible. Après discussion, il a été convenu que la poursuite du
séquençage des extrémités plus variables du génome primait sur l’obtention de séquences d’autres
génomes entiers. Ce serait utile aux fins d’expertise médico-légale en cas de propagation délibérée des
virus varioliques, et il faudrait conserver à cette fin de l’ADN de référence.
12. Epreuves sérologiques. Des anticorps monoclonaux et polyclonaux dirigés contre le virus de la
vaccine ont été utilisés dans divers titrages immunoenzymatiques afin d’en évaluer l’utilité pour la
détection des antigènes varioliques. Les anticorps polyclonaux permettent de déceler toutes les souches
virales plus facilement que les anticorps monoclonaux actuellement disponibles, mais, si ces méthodes
semblent relativement sensibles, elles ne rendent pas facile la détection de tous les isolements viraux. Le
Comité a conclu qu’une épreuve sérologique propre au virus variolique pourrait compléter utilement les
techniques de diagnostic moléculaire, en particulier comme seconde méthode de détection. Les tests
disponibles doivent néanmoins être plus largement validés.
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13. Modèles animaux. Le Comité a été informé du succès de l’infection de macaques cynomolgus au
moyen de deux souches différentes de virus variolique injectées par voie intraveineuse, ou par voie
intraveineuse et aérosol. La maladie provoquée a en commun plusieurs signes pathologiques avec la
variole humaine. Toutefois, dans l’expérience en cause, la dose de virus était très élevée et l’évolution de
la maladie beaucoup plus rapide.
14. Des études supplémentaires sont nécessaires pour améliorer et valider ce modèle animal, mais les
travaux devraient s’étendre au-delà de 2002. Ce modèle simien pourrait être utilisé à titre expérimental
dans le cadre d’études prophylactiques ou thérapeutiques avec le virus variolique vivant et pourrait
également permettre de mettre au point de bons réactifs de diagnostic. Parallèlement, on recherche
également d’autres modèles animaux, en particulier en infectant des singes avec le virus de
l’orthopoxvirose simienne et des rongeurs avec le virus de la variole bovine, afin d’obtenir des données
plus en rapport avec les modèles utilisant le virus variolique.
15. Mise au point de médicaments. La plupart des études ont jusqu’ici porté principalement sur
l’efficacité du cidofovir contre les poxvirus. Ce composé possède une activité démontrable contre la
variole bovine chez la souris et contre l’orthopoxvirose simienne chez le singe. Aux Etats-Unis
d’Amérique, le cidofovir peut être utilisé en situation d’urgence comme nouveau médicament
expérimental pour traiter des manifestations postvaccinales indésirables importantes survenant avec
l’actuel vaccin antivariolique, et dans l’éventualité improbable d’une réémergence de la variole.
16. Le dépistage in vitro d’autres entités chimiques a permis d’identifier plus de 140 autres composés
ayant une activité antivirale dirigée contre les poxvirus. On a découvert que certains d’entre eux avaient
une activité sélective, inhibant un ou plusieurs orthopoxvirus, mais pas nécessairement le virus variolique,
ce qui vient encore renforcer le postulat selon lequel il faut avoir accès au virus variolique vivant pour
pouvoir cibler efficacement d’autres composés chefs de file. La plupart des composés actifs identifiés
jusqu’ici visent l’ADN-polymérase virale et l’on considère qu’il est important d’identifier d’autres
produits géniques viraux pouvant se prêter à une intervention pharmacologique.
17. Mise au point d’un vaccin. Le Comité a décidé que la meilleure protection contre la variole était la
vaccination. Cette stratégie a été mise en oeuvre avec succès pendant le programme d’éradication, mais un
nombre important de réactions indésirables est associé au vaccin antivariolique actuellement disponible.
Aussi, si le vaccin actuel a fait la preuve de son efficacité et de son utilité, des améliorations seraient
nécessaires, en particulier pour faciliter une vaccination sûre et efficace des groupes vulnérables de la
population (les personnes immunodéprimées, les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants
souffrant d’eczéma).
18. Le Comité a donc encouragé la définition de nouvelles recherches sur les stratégies vaccinales
susceptibles d’utiliser des souches du virus de la vaccine plus atténuées, des vaccins sous-unités ou autres
approches prometteuses, y compris les vaccins à ADN. Les résultats dont il a été rendu compte à la
réunion et dans de nombreuses publications sur des virus de la vaccine atténués recombinés codant pour
des antigènes d’autres germes pathogènes montrent l’intérêt potentiel de ces autres stratégies pour la mise
au point d’un vaccin. Il a été reconnu que l’accès au virus variolique vivant serait nécessaire pour évaluer
l’efficacité des nouveaux vaccins améliorés contre la variole et obtenir à terme leur homologation.
19. Conclusions et recommandations. Le Comité a reconnu que des progrès importants avaient été
faits dans la recherche médicale sur le virus variolique. Toutefois il a conclu que beaucoup de travaux de
recherche fondamentale ne seront pas achevés avant fin 2002. Il a donc estimé que de plus amples
recherches finalisées, s’étendant au-delà de la date de destruction prévue de 2002, se justifiaient pour que
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la population mondiale puisse être convenablement préparée dans l’éventualité, improbable mais
potentiellement catastrophique, d’une réémergence de la variole.
20. Il a en outre été recommandé que le Comité consultatif actuel poursuive son travail de surveillance
et d’examen de tous les travaux de recherche portant sur le virus variolique vivant et que des mesures
soient prises pour faire en sorte que toutes les recherches approuvées restent orientées sur des résultats et
limitées dans le temps.
STOCKS DE VACCINS ANTIVARIOLIQUES
21. Préparation en vue de flambées éventuelles de variole. L’usage délibéré de Bacillus anthracis
dans l’intention de nuire à une population civile a récemment suscité des préoccupations de santé publique
dans les Etats Membres concernant l’exposition au virus variolique et à d’autres agents biologiques
propagés de manière intentionnelle. Parmi les efforts consentis par l’OMS pour aider les Etats Membres,
en cas d’utilisation intentionnelle du virus variolique comme arme biologique ou en cas d’apparition d’une
autre orthopoxvirose, on peut mentionner : les activités visant à renforcer l’état de préparation par la
surveillance et par des enquêtes sur les rumeurs de cas de variole ; les mesures prises pour veiller à la
disponibilité de moyens de diagnostiquer les orthopoxviroses ; la compilation d’inventaires mondiaux des
stocks et fabricants de vaccins ; les mesures prises pour garantir l’accès au matériel de formation et aux
compétences nécessaires dans ce domaine ; et l’établissement de procédures et d’instruments pratiques
types et d’une liste d’experts permettant d’intervenir sur le terrain et d’enquêter sur les flambées. De
nouvelles recommandations et les résultats des inventaires seront fournis aux Etats Membres à mesure
qu’ils seront disponibles.
22. Surveillance des rumeurs de cas de variole et enquêtes les concernant. Entre le 1er janvier 2000
et le 14 mars 2002, des rumeurs de cas suspects de variole intéressant cinq des Régions de l’OMS ont été
signalées à huit reprises. Tous les événements ont fait l’objet d’une enquête du Réseau mondial d’alerte et
d’action en cas d’épidémie. Un événement était dû à une exposition accidentelle au virus de la vaccine
conduisant à l’hospitalisation de huit enfants. Deux événements ont été associés à des flambées de
varicelle, un à une flambée de rougeole et quatre avaient une cause inconnue.
23. Vingt-deux flambées de cas suspects d’orthopoxvirose simienne, touchant à une exception près la
République démocratique du Congo, ont été signalées à l’OMS pendant la même période. A la suite des
enquêtes effectuées, 11 flambées d’orthopoxvirose simienne ont été confirmées au laboratoire, alors que
4 flambées se révélaient être des flambées de varicelle. Les résultats des analyses au laboratoire
concernant 5 autres flambées sont encore attendus. Dans deux autres situations, l’étude au laboratoire n’a
pas été possible.
24. Inventaire des stocks nationaux de vaccins antivarioliques. Une enquête a été effectuée afin
d’évaluer la disponibilité de stocks de vaccins ainsi que le nombre de doses, l’existence de moyens de
fabrication du vaccin et l’existence de plans de production ou d’achat du vaccin d’une source autre qu’un
fabricant du pays. Le 26 octobre 2001, l’ensemble des 191 Etats Membres ont donc été contactés par
l’intermédiaire de leur mission permanente auprès des Nations Unies et/ou des bureaux régionaux de
l’OMS et priés de répondre à un questionnaire.
25. Au 14 mars 2002, 91 Etats Membres (48 %) avaient répondu. Treize réponses (14 %) faisaient état
de la disponibilité de stocks de vaccins antivarioliques et 25 (27 %) de l’existence de moyens de
production permettant de fabriquer des vaccins sur le territoire national, et dans 19 cas (21 %) on avait
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