APPLICATIONS DES OUTILS IMMUNOTOXICOLOGIQUES A L’ETUDE DES CONTAMINANTS MARINS Divers dispositifs d'observation du milieu marin (programmes de suivi ou "monitoring", réseaux de veille écologique, observatoires) répondent à la nécessité d'un suivi à moyen et long terme des biocénoses et des milieux touchés par les contaminations chimiques résultant des activités humaines, notamment en zone côtière. La recherche scientifique associée à ces suivis doit par ailleurs répondre à des questions posées quant aux mécanismes de la contamination des organismes dans leur milieu ainsi que les modalités de la tolérance, voire même de la récupération, de la faune exposée. Que ce soit dans une optique de meilleure connaissance du fonctionnement des écosystèmes littoraux soumis aux pressions anthropiques ou de l'élaboration d'outils de gestion, d’évaluation du Le milieu marin côtier est soumis à la forte risque, la modélisation requiert la définition et l'acquisition de pression des activités humaines. variables biologiques produites par les biocénoses. Associées aux informations et données disponibles sur les milieux dans le cadre d'associations pluridisciplinaires, elles permettront de mieux connaître la part des contaminations dans les facteurs générant des perturbations écologiques graves. La présence de molécules de type "xénobiotiques" dans les milieux naturels constitue un facteur abiotique générant des perturbations mais aussi des adaptations. Comme ces substances sont souvent persistantes et que même les sous-produits métabolisés peuvent conserver une forte toxicité, il apparaît nécessaire de considérer les effets biologiques le long de la chaîne trophique, particulièrement aux niveaux où la concentration s'opère. Nombre d'animaux benthiques, mollusques, échinodermes, poissons, constituent de bons modèles adaptés aux recherches en écotoxicologie. En effet, leur mode de vie généralement sédentaire et leur mode de nutrition concourent à des phénomènes de bioaccumulation des micropolluants, assurant une véritable intégration des épisodes de contamination des milieux (Phillips, 1995, Marine pollution Bulletin 31: 193-200). Cette accumulation, d'un facteur pouvant dépasser 100 pour les métaux lourds et atteindre plusieurs milliers pour des organiques, s'avère être un facteur éminemment aggravant en terme de toxicité et est fortement relié à la Les études de terrain (field studies) ressource trophique, donc au niveau des organismes dans la chaîne complémentaires aux études en laboratoire alimentaire. La prise en compte d'effets biologiques chez des poissons et leurs proies peut ainsi apporter des informations pour l'établissement de modèles d'évaluation du risque dans les écosystèmes côtiers. Si la recherche d'effets carcinogènes (mutagénicité, génotoxicité) apparaît parfois comme une voie privilégiée à suivre dans le cas de substances particulièrement toxiques (comme les dioxines, les HAP, certains pesticides), l'augmentation récente du volume des connaissances sur les phénomènes immunotoxiques a fait de l'immunotoxicologie une discipline de premier plan, capable de générer des signaux précoces de présence de ces molécules dans l'environnement (Zeeman, 1996, in Modulators of immune responses. J.S. Stolen et al eds, SOS Publications, Fair Haven, pp 317-329). Le système d’immunodéfense des Mollusques apparaît particulièrement sensible, du fait des nombreux maillons fonctionnels qu'il inclut (Anderson, 1988, American Fisheries Society Special Publication 18: 238-242; 1993, in pathobiology of marine and estuarine organisms, Couch J.A. and Fournie J.W. eds, CRC Press: 483-510; Auffret and Oubella, 1994, in Modulators of Fish Immune Responses, Stolen J.S. and Fletcher T.C. eds, SOS Publications, Fair Haven: 23-32; Pipe and Coles, 1995, Fish Shellfish Immunology 5: 581-595). Ainsi, leur Le prélèvement des hémocytes, cellules de la défense immunitaire des Bivalves. défense interne, relativement peu complexe, est basée sur une immunité innée où les processus cellulaires apparaissent prépondérant sur des facteurs humoraux essentiellement composés de molécules antimicrobiennes (Lorteau et al, 1995, Rec. Méd. Vét. 171: 415-422; Roch, 1999, Aquaculture 172: 125-145). Comme tout système immunitaire est une organisation complexe de diverses cellules à multiples fonctions, une évaluation correcte des effets de xénobiotiques nécessite l'examen de plusieurs fonctions complémentaires (Luster et al. 1989. Environmental Health Perspectives 81: 157-162). OBJECTIFS SCIENTIFIQUES Le projet, basé sur l'étude des phénomènes immunotoxiques chez les Invertébrés et les Vertébrés, s'inscrira dans les recherches actuellement menées au LEMAR et à l'INRS – Institut Armand Frappier (Québec) sur la fonction immunitaire d'organismes marins appartenant à des écosystèmes côtiers anthropisés. Dans un premier temps, seront retenus des Mollusques bivalves, l'huître Crassostrea gigas et la moule bleue, Mytilus edulis, modèles biologiques de nombreuses études en écotoxicologie. Il s'agira d'une part de contribuer à augmenter les connaissances sur les dysfonctionnements provoqués par des molécules de type "xénobiotiques" à l'échelle cellulaire et sub-cellulaire, et d'autre part de valider l'utilisation de ces connaissances dans le domaine de l'évaluation du risque L’échantillonnage sur le terrain avant les écotoxicologique en milieu marin. Il existe en effet une forte analyses au laboratoire. demande pour un soutien scientifique auprès des structures locales, nationales et européennes impliquées dans la gestion des milieux naturels, que ce soit dans le domaine de la réglementation (directives et lois sur l'eau) ou de la protection et la restauration d'écosystèmes soumis à une pression d'origine anthropique. Pour ce faire trois objectifs sont définis : 1. Déterminer les facteurs environnementaux ou endogènes qui modulent la réponse immunitaire 2. Étudier en conditions contrôlées les effets des xénobiotiques présents dans le milieu marin sur le système immunitaire 3. Harmoniser et standardiser certaines techniques et méthodes d’analyses des paramètres immunitaires. Ces trois objectifs vont se réaliser au travers d’expérimentations de terrain et en laboratoire, au Québec et en France.