gion du monde physique, la région quantique,
pour laquelle l'ontologie régionale de Galilée
ne vaut plus. Le postulat quantique de Bohr
exprime le fondement ontologique de la mé-
canique quantique, il définit l'ontologie quan-
tique. Le principe fondamental de cette onto-
logie est que les objets quantiques sont adhé-
rents aux conditions de leur manifestation.
Le caractère ontologique de la différence
entre physique classique et physique quantique
explique pourquoi il était si difficile de com-
prendre la mécanique quantique au moment
de sa création, et pourquoi cela reste aujourd'hui
(même si quelques physiciens le nient peut-
être) tout aussi difficile. En effet, les fondements
ontologiques de la physique classique s'ob-
tiennent à partir de l'ontologie du monde réel
par deux opérations :
–Il faut d'abord amputer le monde réel, non
seulement des « qualités secondes » des objets
(couleur, odeur, goût…), comme l'expliquait
Galilée dans le passage cité plus haut, mais
plus généralement de leurs propriétés usuelles
(par exemple leur utilité ou leur danger) et des
valeurs qui leur sont attachées (importance,
beauté, désir, crainte…).
–Il faut ensuite préciser ce qui reste : l'exactitude
absolue inhérente à la géométrie est étrangère
au monde réel.
Amputer et préciser sont certes des opérations
qui n'ont rien d'anodin ; mais il reste quand
même des traits communs importants entre le
monde réel et celui des physiciens classiques :
–D'abord, dans le monde réel aussi nous
avons affaire à des objets spatiaux.
–Ensuite, s'il est vrai que dans le monde réel
les conditions de la manifestation d'une chose
ne sont pas des détails dont on peut faire abs-
traction (comme le physicien, quand il théorise,
fait abstraction de la procédure expérimentale
qui lui a permis de mettre en évidence l'objet
de son étude) – s'il est vrai que les modes
d'apparaître d'une chose réelle « font son exis-
tence même » (selon l'expression de Lévinas
commentant Husserl).
–il n'en reste pas moins qu'à travers ces modes
d'apparaître, à travers le flux des sensations
constamment changeantes, la conscience atteint
une chose unique, identique à elle-même ; si
différentes que soient les images de la cathédrale
de Rouen aux différentes heures du jour qu'a
peintes Monet, nous savons pourtant – sans
quitter pour autant le monde réel, sans devenir
physiciens un seul instant – que ces images
sont celles d’un objet unique, celui précisément
que désignent les mots « cathédrale de Rouen».
L'ontologie de la physique classique, si dif-
férente soit-elle de celle du monde réel (du
monde de la vie, comme disait Husserl), est
donc encore proche, en un sens, de celle-ci.
Cette relative proximité, cette parenté du monde
de la vie et du monde de la physique classique
est le fondement de l'illusion des physiciens,
qui croient dur comme fer que ces deux mondes
n'en font qu'un. (Comme nous vivons à « l'âge
de la science », les illusions des scientifiques
sont partagées par beaucoup d'autres gens).
Mais cette même parenté permet aussi d'utiliser
en physique classique bien des intuitions formées
par l'expérience du monde de la vie.
Par contre la région quantique a des propriétés
bien plus paradoxales, bien plus contre-intuitives
que la région de la physique classique. Son
ontologie bat carrément en brèche celle du
monde réel. L'effort que nous tentons sponta-
nément pour constituer, à partir de plusieurs
résultats d'expérience, un objet unique (une «
cathédrale de Rouen »), échoue ; il est définiti-
vement voué à l'échec, pour les raisons qu'a
Classement > 7A24 mis en ligne en 10/ 2016
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