The Institutionalization of Anthropology in Mexico: A Conflicting Relation Between Knowledge and Power
Political Development in Latin America
CS18
IPSA Santiago de Chile, Juillet 2009
L’institutionnalisation de l’anthropologie au Mexique : une relation
conflictuelle entre savoir et pouvoir
César Guevara González
Abstract
During this presentation we will discuss the beginning of the process of institutionalization of
indigenous anthropology in Mexico between the years 1917 and 1924. We will focus on the
creation, in 1917, of the Directorate-General for Anthropology and the role played by the
anthropologist Manual Gamio as its Director-General. We should point out that in 1920 the
country, after having passed through a period of political and social instability caused by the
1910 revolution, began the gradual process of consolidating its institutions and social regulatory
mechanisms. Despite affirming the existence of a convergence of interests between the post-
revolutionary state and indigenous anthropology, we must also highlight conflicts between two
distinct logics and two distinct fields of action. In this sense we also explain from a
sociohistorical perspective the problems and obstacles faced by theoretical categories when
transformed into categories of public action.
Résumé
Cette communication traitera des débuts du processus d'institutionnalisation de l'anthropologie
indigéniste au Mexique dans les années 1917 1924. Nous nous concentrerons sur la création de
la direction générale d'Anthropologie en 1917 et sur le rôle qu'a joué l'anthropologue Manuel
Gamio en tant que directeur de cette institution. Il faut signaler que le pays a entamé en 1920 un
lent processus de consolidation de ses institutions et de ses mécanismes de gulation sociale
après avoir connu une période d'instabilité politique et sociale suite à la Révolution de 1910.
Tout en affirmant l'existence d'une convergence d'intérêts entre l'État post-révolutionnaire et
l'anthropologie indigéniste, nous devons également souligner les conflits entre deux logiques et
deux champs d'action distincts. C'est pourquoi nous aborderons aussi dans cette communication
l'explication socio-historique des problèmes et des blocages auxquels se sont trouvées
confrontées las catégories « savantes » lors de leur transformation en catégories de l'action
publique.
Resumen
En esta ponencia abordamos los comienzos del proceso de institucionalización de la antropología
indigenista en México en los años 1917 1924. Nos centramos en la creación de la Dirección
General de Antropología en 1917 y en el papel que jugó el antropólogo Manuel Gamio como
director de esta institución. Debe señalarse que en 1920 el país empezó un lento proceso de
consolidación de sus instituciones y sus mecanismos de regulación social, después de haber
atravesado por un período de inestabilidad política y social causado por la revolución de 1910. A
pesar de que afirmamos la existencia de una convergencia de intereses entre el Estado post-
revolucionario y la antropología indigenista, también debemos subrayar los conflictos entre dos
lógicas y dos campos de acción distintos. Por ello, en esta ponencia explicamos también socio-
históricamente los problemas y bloqueos que enfrentan las categorías teóricas cuando se
transforman en categorías de la acción pública.
The Institutionalization of Anthropology in Mexico: A Conflicting Relation Between Knowledge and Power
Political Development in Latin America
CS18
IPSA Santiago de Chile, Juillet 2009
L’institutionnalisation de l’anthropologie au Mexique : une relation
conflictuelle entre savoir et pouvoir
César Guevara González*
L’objet de cette communication est d’expliquer la relation qui s’est établie entre le
discours disciplinaire produit par les anthropologues au cours de la première étape
postrévolutionnaire mexicaine et la sphère du pouvoir politique liée à la construction du
nationalisme. L’anthropologue Manuel Gamio représente un exemple important de cette fusion
entre la pratique intellectuelle et la pratique politique. L’objectif de la pratique scientifico-
institutionnelle de Manuel Gamio est d’intégrer les Indigènes à la République par un processus
d’homogénéisation culturel plutôt que par leur insertion politique. Ceci explique en grande partie
le soutien institutionnel dont il a bénéficié, et le fait qu’il ait réussi à poser les bases qui allaient
permettre de développer l’anthropologie comme un nouveau champ d’intervention publique et de
l’institutionnaliser comme science du gouvernement. Il s’agira donc d’analyser le croisement
entre la discipline anthropologique et la pratique politique au-delà du culturalisme essentialiste.
Manuel Gamio va réussir à mettre en pratique ses catégories savantes dans une institution, le
département d'Archéologie et d'Ethnographie (1917) dont la création constitue la première phase
d’institutionnalisation de l’indigénisme mexicain. Dans ce contexte, nous analyserons les réseaux
et les « espaces intermédiaires » qui ont rendu possible sa création et son influence sur la
politique culturelle de l’État mexicain. Il faut souligner que Manuel Gamio a construit des
réseaux anthropologiques à l'échelle internationale, à la faveur de son implication dans l'école
internationale d'Anthropologie et d'Ethnologie.
Pour comprendre l’indigénisme en tant que science du gouvernement et en tant que politique
culturelle d’intégration des Indigènes à l’État révolutionnaire, il est indispensable d'analyser les
réseaux constitués par l'école internationale d'Anthropologie et d'Ethnologie, l’influence de
l’anthropologie américaine dans la formation des anthropologues mexicains et le rôle joué par des
anthropologues tels que Manuel Gamio comme médiateurs culturels entre l’État et les
populations indigènes. Nous essayerons donc d’expliquer dans les paragraphes suivants comment
la science anthropologique commence à s’institutionnaliser au Mexique sous la forme d'une
« anthropologie appliquée
1
», dans le contexte du projet assimilationniste de l’État mexicain. De
*
Docteur en Sciences Politiques, IEP Grenoble, France. Professeur à la Faculté de Sociologie, Université de Veracruz,
Mexique.
1
Pour une analyse de l’anthropologie appliquée au Mexique, voir
Nahmad, Salomón (1978) « Perspectivas y proyección de la antropología aplicada en México” In Nueva antropología año III,
nº 9, México, p. 103-107
Palerm, Ángel (1969) « Antropología aplicada y desarrollo de la comunidad” In Anuario indigenista, Instituto Indigenista
Interamericano, Vol. XXIX, diciembre, México, p. 153-161.
Romano Agustín (1969) « La política indigenista de México y la Antropología Aplicada” In América Indígena vol. XXIX, nº
4, octubre, México, p. 1065-1076
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même, nous analyserons comment Manuel Gamio a introduit au Mexique la méthodologie
empirique de l’anthropologie moderne pour jeter les fondements de l’intervention publique de
l’État auprès de la population. Cet auteur a en effet le mérite d’unir la recherche savante et la
prescription politique et normative dans une seule structure discursive. à ce propos, le texte
Forjando patria
2
est un exemple d’argumentation scientifique et prescriptive qui marque une
rupture avec l’idéologie positiviste et les discours philosophiques qui avaient légitimé les
politiques culturelles et démographiques mexicaines. Bien entendu, la création de groupes de
savants chargés de rationaliser l’action politique et administrative de l’État, demande la création
d'infrastructures, d'écoles, d’institutions, qui seront les responsables de la formation des nouvelles
élites académiques. En même temps, ces institutions produisent des catégories, des concepts et
des visions du monde qui seront repris par les discours politiques et par l’action publique. Dans
cet ordre d'idées, nous analyserons comment l'école internationale d'Anthropologie et
d'Ethnologie et le département d'Archéologie et d'Ethnographie commencent à offrir les
ressources matérielles à partir desquelles l’anthropologie mexicaine va chercher à
s’institutionnaliser. Toutefois, ces processus ne sont pas exempts de conflits avec les anciens
fonctionnaires responsables de la gestion et de la protection du patrimoine national. L’analyse de
ces conflits va nous permettre d’expliquer la difficulté qu'il y a à vaincre les inerties
institutionnelles ou à remplacer les anciennes bureaucraties culturelles. Finalement, nous
analyserons aussi l’impossibilité de réduire l’histoire de l’anthropologie mexicaine à l’histoire de
la discipline sans tenir compte des « sites intermédiaires » (R. Payre) et des réseaux politiques qui
interagissent avec les pratiques savantes.
3
Nous commencerons par analyser la relation entre les institutions mexicaines et la pratique
anthropologique de Manuel Gamio. Il ne faut pas oublier que M. Gamio a été le premier
anthropologue à mettre en évidence de manière systématique et empirique l’importance d'une
connaissance statistique et culturelle des peuples qu'on envisage d'administrer. De ce fait, la
politique publique en général et la politique culturelle en particulier, se voient justifiées par la
connaissance plus que par les doctrines éthiques ou philosophiques. À ce propos M. Gamio
insiste auprès du gouvernement mexicain sur l’importance que «les communes effectuent, le plus
efficacement et ponctuellement possible, les enregistrements et les annotations pour les
recensements et les statistiques régionales, et expliquent avec insistance aux citoyens les
avantages de cette mesure. Il faut obtenir des autorités ecclésiastiques qu'elles exigent de leurs
fidèles des certificats civils de naissance, de décès, de mariage, etc., avant les célébrations
religieuses respectives. Que dans les futurs recensements, il soit tenu compte du type de race et
du type de civilisation des habitants, et pas seulement des caractéristiques qui ont été retenues
jusqu'à présent.»
4
Entre 1909 et 1910, M. Gamio obtient une bourse pour étudier avec Franz Boas à l’université
Columbia. Il faut préciser que Franz Boas n'est pas seulement un des anthropologues les plus
prestigieux des États-Unis et un critique de l’anthropologie évolutionniste, mais qu'il a aussi
2
Gamio, Manuel (1992) Forjando patria, Porrúa, México
3
Payre Renaud (2003) « Les efforts de constitution d’une science de gouvernement municipal: la vie communale et
départementale ( 1923-1940) » in Revue Française de Science Politique ,volume 53. No. 2, avril. p. 215
4
Gamio, Manuel (1979) (edición facsimilar) La población del valle de Teotihuacán, Colección INI, 8-I, Instituto Nacional
Indigenista, p. XCVII. Sur le même sujet voir: Gamio, Manuel (1979) (edición facsimilar) La población del valle de
Teotihuacán, Colección INI, nº 8-IV, Instituto Nacional Indigenista, p. 133-145
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participé à la création de l'école internationale d'Anthropologie et d'Ethnologie à Mexico en 1911.
Cette école avait l'objectif de former les étudiants mexicains au courant boasien et, en même
temps, de diriger des recherches en archéologie et en anthropologie au Mexique à travers un
réseau international. Après un séjour à Columbia, il obtient son master en 1912, Manuel
Gamio retourne au Mexique il s’incorpore comme fellow à lcole internationale
d'Anthropologie et d'Ethnologie.
1917 voit la création, au sein même du ministère de l'Agriculture et du Développement,
du département d'Archéologie et d'Ethnographie, qui change de nom en 1919 pour s'appeler
direction d'Anthropologie. M. Gamio en est nommé directeur dès sa création. Dans cette
institution, il défend l’idée que l’anthropologie est une science intégrale qui doit étudier les
populations indigènes à partir de la statistique, la démographie, l’archéologie, la culture, etc
5
. En
1917, Manuel Gamio commence une étude intégrale de la population de Teotihuacan dans la
vallée de Mexico, qui sera publiée en 1922. D’après A. Warman, il y a un rapport entre la
construction du nationalisme mexicain et l’anthropologie intégrale de Manuel Gamio.
« L’anthropologie intégrale mexicaine soutient que l’étude de l’homme doit être
menée à partir de plusieurs dimensions : la dimension historique, la biologique,
la biographique, la culturelle. Cependant, toutes ces dimensions seront unifiées
par un seul ensemble conceptuel, celui de l’anthropologie comme une discipline
appliquée aux actions du gouvernement »
6
.
Sa recherche intégrale sur la population de Teotihuacan permet à M. Gamio d'obtenir son
doctorat de l'université Columbia. Mais cette recherche lui permet également d’obtenir la
reconnaissance d’importants anthropologues nord-américains et il est invité à prononcer des
conférences sur la culture indigène à Washington et à New-York. De cette manière, dans les
années 20, il consolide sa réputation aux États-Unis et la revue Survey Graphic voit en lui
l’anthropologue le plus important d’Amérique latine. Dans le même esprit, l'Association
américaine d'Anthropologie félicite M. Gamio pour ses recherches dans ce domaine
7
.
En 1921, il est toujours en étroite relation avec son maitre à penser F. Boas, et les deux
anthropologues échangent leurs impressions sur les études anthropologiques en Amérique latine.
De plus, F. Boas essaye d'encourager au Mexique les études de l'école internationale
d'Anthropologie et d'Ethnologie, dont le principal promoteur est M. Gamio.
Après la Révolution mexicaine, une série d’artistes et de penseurs opèrent une récupération
esthétique de pratiques indigènes. Il faudrait situer les études de Manuel Gamio dans ce contexte,
ainsi que ses positions politiques à propos des Indigènes. En effet, cet auteur a produit une des
études les plus importantes sur la zone archéologique de Teotihuacan
8
et il a également revalorisé
les Indigènes en proclamant la grandeur de leurs civilisations passées ; enfin, il a essayé de les
5
De la Peña, Guillermo (1996) Op. Cit. p. 62
6
Warman, Arturo (2002) “Todos santos y todos difuntos; crítica histórica de la Antropología Mexicana” In Bonfil Batalla,
Guillermo, et al. De eso que llaman antropología mexicana, Comité de publicaciones de los alumnos de la Escuela Nacional
de Antropología e Historia, México, p. 23
7
Comas, Juan (1975) Manuel Gamio en la Antropología mexicana” In Anales de Antropología. Instituto de Investigaciones
Antropológicas, UNAM, Vol. XII, México, p. 47-66
8
Gamio, Manuel (1979a) Op. Cit.
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incorporer graduellement à la nation mexicaine, en reconnaissant leurs particularités culturelles.
Si les artistes avaient entamé une exaltation esthétique des Indigènes, Manuel Gamio va, lui,
amorcer une approche scientifique de la population autochtone, au-delà des « préjugés raciaux »,
et il va proposer une étude culturelle et disciplinaire des différentes ethnies habitant le Mexique.
Selon M. Gamio, le Mexique des années 20 n’est pas encore une nation complètement
constituée, dans la mesure il ne rassemble pas les quatre caractéristiques de base qu'exige la
consolidation d’une nation : une langue commune, une race homogène, un personnalité commune
et une histoire commune. D’après lui, la condition pour former une patrie réside dans
l’intégration des populations autochtones à cette histoire et cette culture commune
9
. Il a en effet
observé la présence dans les populations natives, d'une multiplicité de langues et de coutumes
différentes. De plus, ces cultures différentes sont isolées et elles ne participent pas à la vie
nationale. Dans ce contexte, l’objectif de M. Gamio est de stimuler une fusion des races et une
fusion culturelle pour en finir avec la fragmentation et parvenir à ce que les populations indigènes
s’incorporent au projet national. Pour y arriver, il est indispensable d’identifier les différents
groupes ethniques, d’analyser s’ils peuvent être regroupés en gions avec une culture et une
histoire commune, préalablement à leur intégration nationale. Les Indigènes ne doivent pas vivre
comme des étrangers dans leur propre patrie, et ils doivent se transformer en Mexicains grâce au
partage d'une langue commune, l’espagnol, et d'une identité historique en tant que Mexicains,
plutôt que comme membres d’une ethnie en particulier. Cependant, M. Gamio considère que la
meilleure manière d’intégrer les Indigènes à la nation mexicaine consiste à commencer par
reconnaitre leurs différences. Autrement dit, une politique d’homogénéisation culturelle demande
comme préalable l’étude de l'hétérogénéité. Les politiques culturelles de l’État seront d'autant
plus efficaces et l’intégration des Indigènes, performante, que l’État sera capable de mettre en
pratique des politiques centrées sur les réalités culturelles et sociales particulières. Or, M. Gamio
a été le premier anthropologue mexicain à se rendre compte que la construction de
l’homogénéisation nationale demandait d’abord de connaitre et de maitriser l'hétérogénéité
culturelle. Dans la mesureil a été le premier archéologue diplômé du Mexique et un idéologue
de l’incorporation des Indigènes à la nation mexicaine, nous pouvons dire qu’il a fondé
l'anthropologie comme savoir scientifique gitime et discipline de l’action publique
10
. Bien que
M. Gamio ait souscrit aux thèses culturalistes de F. Boas et ait mis en valeur la grandeur des
populations autochtones, il a continué à considérer que les Indigènes vivaient dans un retard
permanent. Il pensait toutefois que ce retard était la conséquence des siècles de domination et
d'exploitation que les Indigènes avaient subi sous la domination espagnole. De cette manière,
l’infériorité des Indigènes trouvait une explication historique et culturelle, plutôt que biologique
ou raciale.
Au lieu de proposer une politique d’acculturation unilatérale, M.Gamio pense que l’intégration
des Indigènes peut se produire au moyen d'un échange culturel. Ainsi, les Indigènes accepteraient
les valeurs positives de l’Occident, telles que la productivité, la science, la langue et
9
Gamio, Manuel (1992) Op. Cit. p. 159-161
10
« Rédimé en tant que race et en tant que valeur abstraite ou potentielle de sa culture, l'Indien est resté situé à la racine même
de la nationalité et les Indiens sont devenus la matière première de la citoyenneté moderne. C'est pour cela que Gamio, après
avoir favorisé cette idée, a consacré ses études d'anthropologie appliquée à la transformation de l'Indien en Mexicain. Cette
stratégie a marqué le début de l'idylle entre l'anthropologie et l'État révolutionnaire. » Lomnitz, Claudio (1996) « Insoportable
levedad” In Fractal nº 2, julio-septiembre, año I, vol. I, p. 51-76
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