embryon, ethique et droit

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EMBRYON, ETHIQUE
ET DROIT
Dominique DECAMPS-MINI,
Doctorante, Allocatire de recherche, LERADP,
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales,
Université Lille 2.
[email protected]
Denain, 13 septembre 2005.
INTRODUCTION (1)
« L’humanité de l’Homme et donc sa dignité, ne
se trouve pas sous l’objectif du microscope ou à la
pointe du scalpel » (Mattéi)
Qu’est-ce que l’embryon ?
Dans un sens général, l’embryon peut être défini
comme un organisme en voie de développement
depuis son stade unicellulaire jusqu’à la réalisation
d’une forme capable de vie autonome.
Notion difficile à cerner car empreinte d’une forte
connotation morale donc subjective.
INTRODUCTION (2)
Débat ancien qui a traversé les siècles sans trouver
de réponse précise.
Intervention nécessaire du droit pour essayer de
dater le début de la vie.
En 1975, loi sur la dépénalisation de l’avortement.
Le danger le plus important concernant la
protection de l’embryon est venue de la
dissociation entre la sexualité et la procréation
avec l’évolution de la PMA. ( embryon en dehors
du corps de sa mère).
INTRODUCTION (3)
1982: naissance d’Amandine, premier « bébé
éprouvette ».
1983: création du Comité Consultatif National
d’Éthique.
Question de la nécessité d’une intervention
législative dans ces domaines puisqu’il existe des
règles déontologiques.
Mais rôle du droit est d’encadrer les
comportements humains et protéger les plus
faibles notamment les embryons.
INTRODUCTION (4)
En 1994, lors des lois dites de bioéthique, aucun statut
explicite pour l’embryon humain.
Distinction entre les embryons in vivo qui méritent
protection et les embryons in vitro auxquels on peut
porter atteinte à certaines conditions.
On a voulu établir artificiellement des seuils de
développement notamment seuil de l’apparition de la
douleur.
Finalités pour recourir à l’utilisation des embryons
louables puisqu’il s’agit de trouver de nouveaux
traitements.
Mais la fin justifie-t-elle les moyens ?
INTRODUCTION (5)
Doit-on laisser la médecine et l’économie dicter
les normes juridiques pour qu’elles s’adaptent aux
exigences des avancées scientifiques ?
Pas de définition claire du statut de l’embryon
dans notre dispositif juridique.
S’il n’y a pas de consensus, le droit doit se limiter
à poser des normes concrètes d’encadrement des
comportements.
Pure illusion puisque les normes adoptées font
transparaître les choix opérés.
PLAN
1- EMBRYON ET IVG
2- EMBRYON ET DPN
3- EMBRYON ET DPI
4- EMBRYON ET RECHERCHES
BIOLOGIQUES
5- EMBRYON ET DROIT PENAL
1- EMBRYON ET IVG (1)
Loi 75 a posé le principe de l’assimilation du
fœtus à un être humain et répondait à une logique
de mise en balance des droits fondamentaux : droit
à la vie de l’embryon contre liberté de la femme
de disposer de son corps.
Article 1er : « La loi assure la primauté de la
personne, interdit toute atteinte à la dignité de
celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès
le commencement de la vie »
loi du 4 juillet 2001 est venue remettre en cause
cet équilibre en venant allonger les délais légaux
pour recourir à l’IVG.
1- EMBRYON ET IVG (2)
Problème : risque d’une sélection des
naissances avec évolution des techniques
échographiques.
Infraction pénale de faire une IVG après un
DPN mais contrôle quasi impossible en
pratique.
Ces problématiques rejoignent le domaine
plus large du diagnostic prénatal.
2- EMBRYON ET DPN (1)
Médecine fœtale révélatrice d’enjeux
éthiques, philosophiques et bioéthiques.
DPN et IMG au centre des débats
bioéthiques
Quel sens voulons nous donner à la vie,
quelle valeur lui attribuer, dans quelles
conditions ?
2- EMBRYON ET DPN (2)
DPN comme promotion de la santé du fœtus
ou comme diagnostic de maladie?
Impuissance de la médecine fœtale,
médecine thanatophore.
Décalage entre les outils diagnostic et les
possibilités thérapeutiques
Pratique DPN banalisée notamment
l’échographie
2- EMBRYON ET DPN (3)
Question des anomalies découvertes fortuitement
comme un syndrome de Klinefelter.
Dépistage de plus en plus précoce donc risque de
dérives avec allongement délais IVG par une loi 4
juillet 2001.
Les médecins sont confrontés au travail d’avoir à
constater l’anomalie organique et doivent tenir
compte du malheur ou du bonheur « normal »
dans l’existence humaine. La déclaration de tel ou
tel état de santé est une constatation la plus
objectivée possible mais en même temps un
jugement de valeur.
2- EMBRYON ET DPN (4)
DPN pose directement la question d’interruption
de la grossesse pour motif médical lorsque le
fœtus a une forte probabilité d’être atteint d’une
affection d’une particulière gravité et reconnue
comme incurable au moment du diagnostic. (
article L 2213-1 du Code de la santé publique ).
Pas de contrôle a posteriori de la légitimité de
l’acte et c’est donc la solution qui ne fait courir
aucun risque au médecin en cas de doute. C’est
la question des faux- positifs et des faux négatifs.
Risque d’augmentation des « foeticides du
doute ».
2- EMBRYON ET DPN (5)
« eugénisme de précaution » avec un rôle
normalisateur de l’IMG
Risque de sélection des naissances avec le
développement de la recherche des cellules
fœtales dans le sang maternel à un stade précoce.
Le problème est que chaque anomalie fœtale
recouvre une gamme de nuance de handicap qui
échappe à toute analyse anténatale et oblige à
décider ( parfois à l’aveugle) sur une présomption
ou un calcul de risque.
Risque acceptable = risque ZERO mais il n’existe
pas!
Notion de qualité de vie et de
handicap (1)
Difficulté d’appréciation du handicap qui est
différent d’une personne à une autre, en fonction
de son vécu personnel, de sa culture, sa religion.
Mais selon quels critères peut-on distinguer le
handicap de la différence ?
Que savons nous de l’insupportable de l’autre?
A partir de quel seuil le handicap rend –t-il la vie
intolérable?
Notion de qualité de vie et de
handicap (2)
JF Germain a tenté une définition d’une vie sans
qualité: pour lui, une vie sans qualité est une vie
sans capacité de communication, d’interrelation,
sans faculté de penser ou de choix.
Mais alors, qu’est-ce qui fait l’homme?
Qu’est-ce qui fait que la vie d’une personne doit
être respectée ou non ? sa possibilité de parler?
Quid alors des personnes dans le coma ? sa
possibilité de penser ? va t-on alors déterminer la
valeur de la dignité de l’homme en fonction de son
QI ?
Notion de qualité de vie et de
handicap (3)
Pas possible de définir critères qualité de vie car notion
trop subjective.
Cela reviendrait à définir des critères de « normalité » et
nous serions là dans un véritable eugénisme avec une
sélection des individus en fonction de ces critères. Et puis,
qui les définiront? Les parents? Les médecins? Les
politiques?
Émergence d’une nouvelle valeur morale et sociale, le
droit à un corps sein de naissance.
Nouvelle valeur économique, le prix de l’être humain
normal…et pourquoi pas de nouveaux domaines à couvrir
pour les assurances, le risques d’anomalies congénitales
chez l’être humain.
3- EMBRYON ET DPI (1)
Le diagnostic pré-implantatoire consiste à recourir
à une PMA pour concevoir des embryons in vitro,
prélever une cellule de ces embryons au stade de 6
ou 8 cellules, l’analyser génétiquement pour ne
réimplanter que des embryons sains dans le corps
maternel.
Analyse sur une seule anomalie génétique décelée
chez un parent, frère, sœur ou grand-parent.
Tri des embryons, sélection, eugénisme.
Cela revient à définir des critères de normalité
avec le problème des seuils.
3- EMBRYON ET DPI (2)
Un pas supplémentaire a été franchi avec la loi
relative à la bioéthique du 6 août 2004 et
l’autorisation des « bébés médicaments ».
Ce qui est dangereux est qu’il s’agit d’une
sélection positive avec une réelle réification de
l’individu uniquement utilisé comme un moyen.
Conditions posées par les textes sont strictes.
3- EMBRYON ET DPI (3)
Couple ayant déjà un enfant atteint d’une maladie
génétique entraînant la mort dans les premières
années de vie et reconnue comme incurable au
moment du diagnostic.
Pronostic vital de cet enfant peut être amélioré
sans porter atteinte à l’intégrité de l’enfant né par
cette technique de DPI.
Réalisation d’un tel DPI soumise à l’autorisation
de l’Agence de Biomédecine.
volonté de guérison à tout prix même si l’on doit
utiliser un enfant pour en sauver un autre…plus de
place à l’incertitude, au doute, à la fatalité…
4- EMBRYON ET RECHERCHES
BIOLOGIQUES (1)
Possibilité des recherches sur les embryons
surnuméraires issus de PMA depuis la loi
du 6 août 2004.
Pourtant alternative thérapeutique possible
avec les cellules souches adultes.
Arguments avancés non scientifiques
puisqu’il s’agissait de céder à la pression
économique des différents lobbies.
4- EMBRYON ET RECHERCHES
BIOLOGIQUES (2)
Loi du 6 août 2004 pose pourtant un principe
d’interdiction de telles recherches mais adopte de suite
une dérogation à ce principe.
Art. L. 2151-5. « La recherche sur l'embryon
humain est interdite. »
Par dérogation au premier alinéa, et pour une
période limitée à cinq ans , les recherches peuvent
être autorisées sur l'embryon et les cellules
embryonnaires lorsqu'elles sont susceptibles de
permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la
condition de ne pouvoir être poursuivies par une
méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état
des connaissances scientifiques.
5- EMBRYON ET DROIT PENAL (1)
les lois de bioéthique de 94 et celle du 6 août 2004 ont
prévu toute une série de dispositions visant à établir
des infractions pénales afin de protéger l’embryon.
Cependant, il s’agissait surtout de déclarations
d’intention sans but répressif…mais plutôt dissuasif.
certaines affaires médiatisées ont tenté d’assurer une
protection pénale du fœtus lorsque l’atteinte était
portée par un tiers.
Il s’agissait de déterminer si l’embryon était protégé
par les atteintes à la vie énoncées dans le Code Pénal
et notamment par l’infraction d’homicide involontaire
lorsque la mort d’un fœtus a été provoquée par un tiers
par imprudence
5- EMBRYON ET DROIT PENAL (2)
Arrêt Cour de Cassation 30 juin 1999: on ne peut retenir la
qualification d’homicide involontaire à l’encontre d’un
médecin qui a provoqué par imprudence la mort d’un
fœtus âgé de 20 à 22 semaines.( prise en compte des
critères de viabilité).
Assemblée plénière de la Cour de Cassation dans un arrêt
du 29 juin 2001 a confirmé cette solution.
un parlementaire a déposé un amendement visant à créer le
délit d’interruption involontaire de grossesse ayant
entraîné la mort d'un enfant à naître sans le consentement
de la mère, en prévoyant une peine d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en cas
d’interruption de grossesse causée « par maladresse,
imprudence, inattention, négligence ou manquement à une
obligation de sécurité ou de prudence ».
5- EMBRYON ET DROIT PENAL (3)
Tollé des lobbies pro-avortement
Amendement Garraud supprimé et une nouvelle
proposition de loi relative à la protection pénale de
la femme enceinte a été déposée au sénat le 21
janvier 2004.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme dans
un arrêt du 8 juillet 2004 a été amenée à examiner
cette question. Elle a énoncé que se prononcer sur
une telle atteinte revenait à devoir trancher le
débat sur la qualification de personne du fœtus et
que le point de départ du droit à la vie relève de la
marge d’appréciation des États.
CONCLUSION
Nécessité d’une travail en commun avec
interdisciplinarité pour parler le même langage.
Prendre conscience des conséquences sociales,
économiques et sociétales de nos choix, décisions,
actes…
Ne pas traiter les problèmes dans l’urgence et de
manière individuelle, il faut réfléchir aux
implications collectives pour l’avenir.
« Trop tard ? L’avenir sera
ce que vous en ferez. »
Philippe Delerm (La première gorgée de
bière, p.27, Éd. L'Arpenteur)
« Nous sommes les générations
arrogantes qui sont persuadées
qu’un bonheur durable leur a été
promis à la naissance – promis ?
mais par qui donc? »
Amin Maalouf, Origines
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