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Le personnage de Rémi est omniprésent, il ne cesse de croiser des figures qui le surprennent, l'étonnent ou
l'inquiètent. Il se construit par les autres, qui sont ses miroirs déformants, de rencontre en rencontre. Des vies
possibles se dressent devant lui, qu'il n'avait même pas deviné, et dont il écarte ou retient des fragments, des bouts,
des bribes de dialogue, des mots, des attitudes... Il tisse sa vie de rencontre en rencontre...
Les seules figures récurrentes sont celles de sa mère, de son frère et de son cousin. Ce sont ceux dont Rémi doit se
détacher : sa mère un peu trop proche de lui et qui le couve, son frère qui l'a abandonné et qui demeure pour lui un
double mystérieux, son cousin plus âgé qui le précède dans l'apprentissage du grandir et qui modèle ses expériences
et ses a-priori et dont Rémi voit ou devine les errances, les peurs, les difficultés.
C'est un théâtre d'acteurs, tout part des acteurs pour susciter l'émotion, la réflexion et l'imagination du spectateur.
Le texte, les images, les signes naissent des acteurs, des postures des corps et des frottements des voix, et se
développent par eux. Une question centrale du texte est celle du corps, ce corps qui se métamorphose et qui
échappe, corps mystérieux et effrayant, corps propre dont on explore maladroitement les limites, corps de l'autre
qui fascine ou intrigue, qui attire ou fait peur.
Le texte évoque la sensualité naissante du corps, le saisissement des sensations de l'enfance, en dehors de toute
sexualité (la sexualité concerne l'adolescence, elle est une toute petite part de la sensualité et du rapport intime au
corps, quand l'enfance se termine).
Il s'agit de raconter ce développement organique de l'espace et des figures à partir des toutes premières répliques
du texte : ce fragment dialogué de la déclaration d'amour, les quatre répliques reconstituées difficilement par la
mémoire de Rémi et de l'Ami, ce moment bref et presque ridicule qui ravive la chaîne des souvenirs.
La mère apparaît, puis le frère dans les rêves de l'époque, puis le cousin, la voisine de l'immeuble...
On passe du récit théâtralisé à l'incarnation et au revivre, jusqu'à ce que la nappe entière de passé soit développée,
avec ses moments saillants de rencontres, pour retourner au présent et au récit.
L'espace est fragmenté, ouvert sur l'imaginaire, une sorte de kaléidoscope, comme une boite à rêves...
Toutes les scènes sont des bouffées d'enfance, des souvenirs reconstitués dont on ne sait jamais la part réelle. Rémi
rêve les figures qu'il croise, celles-ci se métamorphosent par son regard, s'échappent de la réalité et s'entourent
d'une brume de magie. Certains passages ressemblent à des hallucinations, les personnages surgissant de
l'imagination débridée de Rémi qui déambule dans les rues de la ville ou à la campagne, comme un somnambule
éveillé.
Le ton du spectacle est poétique. Il s'agit de partir d'un réel possible (qui n'est pas le conte, le merveilleux ou le
fantastique) mais pour s'en détacher aussitôt. La voisine devient une sorte de fée étrange, le caïd un frère rêvé et
plein de douceur, le jardinier un sage poète, gardien des vivants et des morts. On n'est jamais dans le naturalisme et
la reconstitution du réel mais dans un monde évoqué, qui s'échappe toujours vers le rêve et le jeu, l'imaginaire et
l'humour.
Le ton du spectacle tendra à saisir l'intime impersonnel du jeune en train de grandir : raconter le plus sensible de
chacun et que pourtant nous partageons tous. Il s'agira de rendre un univers teinté de réalisme poétique, entre rêve
éveillé et souvenir reconstitué.
Le spectacle sera une comédie, joyeuse et drôle. Jamais Rémi ne s'abandonne à la tristesse, même quand il croise
des figures sombres ou inquiétantes. Il garde toujours une trace d'humour, de distance, d'enthousiasme et de vie...
Dominique Richard
Scénographie
Le lieu des rencontres, Rémi est le seul point fixe où tout converge. C'est lui qui fait apparaître les figures
rencontrées au hasard, en lisant, en écoutant de la musique, en écrivant ou en dessinant, en rêvant...