comme univers
Raymond Queneau avait dénombré
cent mille milliards de poèmes. La
Nasa, elle, a comptabilisé cent
millions de mondes à décou-
vrir«Dans 20ans, nous
nous apercevrons que nous
ne sommes pas seuls dans
l’univers», certifiait en juil-
let dernier Kevin Hand, cher-
cheur de la Nasa, lors d’une assem-
blée de scientifiques en Afrique du Sud. Lune
des lunes de Jupiter, Europa, enserrée dans une bogue
de glace, pourrait abriter nos voisins intergalactiques.
En attendant qu’E.T. déserte sa châtaigne givrée
d’ Europa, les scientifiques continuent de nous encou-
rager à préparer les couverts pour notre hôte. «Il est
peu probable que nous, humains, soyons les seuls dans
l’immensité de l’univers », vient d’estimer
CharlesF. Bolden, un ancien astronaute.
Comme on glisse un œil dans le judas de la porte
pour examiner la physionomie de l’invité sur le palier,
la Nasa possède ses propres œilletons: les télescopes.
Dès 2017, le télescope spatial Tess furètera dans l’uni-
vers, en quête de planètes habi-
tables, rejoint dans son œuvre de
prospection par James-Webb,
lancé en 2018. L’homme ne
cesse de scruter les nuées
en espérant y lire sa
propre histoire. Déjà, en
ce début août 2014, la
sonde européenne
Rosetta, lancée en 2004
par l’Esa (Agence spa-
tiale européenne),
approche de la comète
67P/Tchourioumov-
Guerassimenko. En
novembre, elle se délestera
délicatement d’un robot,
Philae, qui, après son atter-
rissage, analysera la
composition et la struc-
ture du noyau, et nous
livrera peut-être des
indices sur la formation
de notre Système solaire.
Aux dernières nouvelles des étoiles, notre solitude
devrait donc s’achever incessamment. Et tant pis pour
notre ego si notre frère de l’espace ne ressemble pas
à un bel ectoplasme aux yeux globuleux mais à un
rachitique microbe interstellaire. «L’homme a toujours
été fasciné par cette recherche d’une sorte de confrère
galactique. C’est une quête des origines, comme s’il
s’escrimait à se prouver que la vie était une expérience
fréquente et partagée dans l’univers», analyse Sébastien
Lilli, président de l’Inrees (Institut de recherche sur
les expériences extraordinaires) et directeur du tri-
mestriel Inexploré. Fondé en 2007 par le journaliste
et écrivain Stéphane Allix, cet institut œuvre, en col-
laboration avec des scientifiques et des astrophysi-
ciens, à sensibiliser aux phénomènes qui se situent
à la frontière de la psychologie, de la science et de la
spiritualité: objets volants non identifiés, traînées et
halos, traces sur le sol, etc.
Selon le Geipan (Groupe d’études et d’informations
sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés), 22%
des observations demeurent inexpliquées. Actuelle-
ment, le Geipan, intégré au Cnes, reçoit 200témoi-
gnages par an. «C’est plutôt calme, en ce moment!»,
concède Sébastien Lilli.
Si la dernière vague d’observations date des années
1990, notamment en Belgique,
les sondages per-
sistent à montrer que l’espoir demeure ancré: l’une
des plus récentes études, réalisée en 2012, révélait
que plus d’un tiers des Américains (36%) croient en
l’existence des extraterrestres. En France, 55% des
Français, selon un sondage effectué par le site inter-
net du Figaro en 2007, partageraient cette conviction.
Il ne faut pas désespérer: les ovnis repérés ne sont
peut-être pas tous des lanternes thaïlandaises relâ-
chées dans le ciel! PASCAL PAILLARDET
E.T. es-tu là?
Une majorité de Français croit en l’existence d’extraterrestres.
Et les signes d’une vie, «ailleurs», ne manquent pas.
RUE DES ARCHIVES/BCA
comme tubes
Été 2013, les vacanciers reprennent en chœur l’ap-
pel de Stromae, ce grand enfant au père absent: «Où
t’es? Papa, où t’es?» Le rythme du tube Papaoutai
éclipse la gravité de son sujet: «Dites-moi d’où il vient,
enfin je saurai où je vais», implore l’artiste. Pour Didier
Varrod, directeur de la musique à France Inter, «cest
le privilège de la chanson pop francophone: dire des
choses graves avec légèreté! Il ne suffit pas de trouver
la bonne allitération, mais de faire réfléchir, de bouscu-
ler, d’émouvoir.» D’autres auteurs ont cherché à explo-
rer leur héritage traumatique sur des airs joyeux. En
1988, les Rita Mitsouko font fureur avec le titre le Petit
Train. De sa voix haut perchée, la diva Catherine Ringer,
d’origine juive polonaise, pleure la Shoah: «Train de
la mort mais que fais-tu? Le referas-tu encore?»
Chanter sur ses origines, c’est aussi rassembler le
public autour d’un sentiment nostalgique, voire patrio-
tique. «J’ai deux amours: mon pays et Paris», clame
la meneuse de revue franco-américaine Joséphine
Baker en 1930. Treize ans plus tard, Charles Trenet
tente d’apporter du réconfort aux Français enrôlés
dans le service du travail obligatoire (STO) avec Douce
France. Mais cette carte postale mélodique d’une
France villageoise et éternelle ne tarde pas à être cri-
tiquée et détournée. «Maudits soient ces enfants de
leur mère patrie, empalés une fois pour toutes sur leur
clocher», rétorque l’anarchiste Georges Brassens, en
1972, dans la Ballade des gens qui sont nés quelque part.
Pour les artistes issus de l’immigration, les chansons
liées à l’identité française
sont l’occasion d’affirmer
leur double culture. Avec son groupe Carte de séjour,
Rachid Taha reprend Douce France en 1986, sur des
accords orientaux, lorsque le FN entre à l’Assemblée
nationale. «La quête d’identité est également très pré-
sente dans le hip-hop, les rappeurs parlent de leur vécu,
et certains tentent de se réapproprier leurs racines»,
analyse Didier Varrod. «Je viens de là où le langage
est en permanente évolution: verlan, rebeu, argot»,
scande le slameur Grand Corps Malade dans Je viens
de là, alors que le groupe de rap IAM entonne: «Ma
musique est née dans un champ de coton», au début
du titre Libère mon imagination.
La génération actuelle de chanteurs à texte vit un
retour aux sources parfois amer. Dans Àl’origine,
Benjamin Biolay s’inquiète: «À l’origine tout nétait
pas si complexe (…) Je ne sais pas/Si nous étions les
mêmes/ Les mêmes en pire/Comment ça va finir»
D’autres, comme Camille, rêvent d’un ailleurs paci
-
fié: «Il n’y a pas de guerre, et les hommes sont de toutes
les couleurs» (Là où je suis née). «Les paroles de ce
type de chansons peuvent paraître basiques. Cependant,
elles aident à la compréhension de l’autre. Si elles ne
changent pas le monde, elles permettent une prise de
conscience», juge le mélomane Didier Varrod. C’est
ainsi qu’en 1989, Maxime LeForestier avait fortement
marqué les esprits avec Né quelque part, dont on
conserve les paroles en mémoire: «Est-ce que les gens
naissent égaux en droits? (…) Que les gens naissent
pareils ou pas?» PAULINE HAMMÉ
Ils chantent
pour ne pas oublier
De Joséphine Baker à Stromae, nombre
dechanteurs francophones sondent
leursorigines sur des airs devenus cultes.
ALAIN LEROY / L’ŒIL DU SPECTACLE
LE BELGE STROMAE
évoque l’absence
du père sur
les notes entraînantes
de Papaoutai.
LA VIE LA VIE
7-14 AOÛT 2014 62 7-14 AOÛT 2014 63 N
LA QUÊTE DES ORIGINES
comme vie
«L’embryon est extraordinaire
et émouvant à observer»
S’il reste beaucoup à découvrir, les récents progrès de la science sont
parvenus à lever beaucoup de mystères liés au développement humain.
À LIRE
Dans le secret
desêtres vivants,
Nicole Le Douarin,
Robert Laffont, 2012.
LUISA RICCIARINI/LEEMAGE
UN EMBRYON HUMAIN
à la cinquième semaine
de fécondation.
Pour les vertébrés, tout repose donc
sur la formation de trois «feuillets».
Comment sedéroule ce développement?
N.L.D. Lorsque les cellules commencent à sorga-
niser en trois groupes, certaines se placent à la péri-
phérie de l’embryon. C’est l’«ectoderme», qui sera à
l’origine de la peau et de ses annexes: cheveux, poils,
ongles… ainsi que du système nerveux. D’autres cel-
lules –c’est «l’endoderme»– vont venir tapisser la
cavité interne de l’embryon. Elles constitueront la
paroi du tube digestif et les glandes qui lui sont asso-
ciées, comme le foie et le pancréas, et aussi les pou-
mons. À ce stade, l’embryon se trouve donc structuré
par l’extérieur et l’intérieur, comme s’il avait deux
faces. Une partie des cellules de l’ectoderme s’insinue
ensuite entre les deux couches de cet embryon pour
former le «mésoderme», le troisième feuillet, à par-
tir duquel se développeront des organes tels que les
reins, le cœur, l’appareil reproducteur, mais aussi le
système vasculaire, les muscles, les os.
Comment vous y êtes-vous prise pour étudier
lamigration des cellules à partir de ces feuillets?
N.L.D. En fait, les organes sont le résultat d’un
mélange de cellules qui peuvent provenir des trois
feuillets initiaux: il ya communication et interaction
entre les cellules. Pour l’étudier, j’ai imaginé l’artifice
de l’animal chimère (caille-poulet, ndlr). C’est ce qui
ma valu une reconnaissance internationale. Au
moment où se forme, au niveau dorsal, l’ébauche de
la moelle épinière et du cerveau, apparaît également
ce que l’on appelle la «crête neurale». Celle-ci va
produire des cellules qui envahiront tout l’embryon
pour former le système nerveux périphérique. L’une
de mes expériences a consisté à substituer, chez un
embryon de poulet, un fragment de sa crête neurale
par l’équivalent provenant d’un embryon de caille. J’ai
constaté que l’on obtenait, au niveau du dos, des plumes
du poulet, mais de la couleur de la caille. Ainsi la crête
neurale produit-elle non seulement le système nerveux
périphérique, mais aussi des cellules pigmentaires,
responsables de la coloration de la peau, des cheveux,
des plumes… Celles-ci migrent, depuis la crête neurale,
pour aller coloniser les plumes qui se forment, elles,
à partir de l’ectoderme. Les cellules de la caille n’ayant
pas la même apparence au microscope que celles du
poulet, j’ai pu suivre la migration de ces cellules au
cours du développement de l’embryon.
Mais quelle serait donc la spécificité
dudéveloppement humain?
N.L.D. Il n’y en a pas. Dans les grandes lignes, en
effet, c’est le même pour tous les vertébrés… sauf que
le résultat nest pas tout à fait similaire! Un embryon
de poulet, que l’on a la possibilité de regarder se déve-
lopper en cassant le haut de la coquille, se développe
à peu près comme celui d’un homme. Mais ce qui
nécessite neuf mois pour l’être humain prend 21jours
chez le poulet. Lembryogenèse est donc assez uni-
forme. Tous les vertébrés ont un système nerveux,
qui dérive de l’ectoderme. Mais chez nous, la partie
de l’ectoderme destinée à fournir le cerveau se déve-
loppe et se complexifie beaucoup plus que chez les
autres. C’est cela qui a fait le succès de notre espèce
au cours de l’évolution. Et c’est impressionnant. Car
rappelons-nous que le cerveau est dérivé d’une couche
de cellules, l’ectoderme primitif, qui sert par ailleurs
à fabriquer la peau du ventre ou de la main. Nous ne
savons pas ce qui explique la place colossale du cerveau
chez l’être humain. Quand on aura compris de quelle
façon il se construit, on aura fait un grand pas dans
la compréhension de son fonctionnement, et donc
de la façon dont il engendre la pensée… Pour l’instant,
c’est un trou noir. Lexplication de cette singularité
humaine est à chercher dans nos gènes.
C’est donc sur le registre génétique que se poursuit
aujourd’hui la recherche embryologique?
N.L.D. Oui. Un nouveau champ de recherche s’est
ouvert pour tous les biologistes lors de la découverte
de l’ADN, au milieu du XXesiècle. Pour les embryo-
logistes, il ne suffit plus de décrire le comportement
des cellules, il faut découvrir quels mécanismes
l’engendrent. Des combinaisons de gènes inter-
viennent d’une façon spécifique à chaque étape de
l’élaboration de l’embryon.
Figurez-vous qu’il n’y a pas
beaucoup plus de différences
entre la carte génétique d’un
chat et celle d’un homme
qu’entre celle de deux êtres
humains. Mais la façon dont
ces gènes sont activés diffère.
Ils produisent des protéines,
constituants de notre
matière vivante, similaires.
Pourtant dans un cas, celles-
ci formeront du muscle de chat, et dans un autre du
muscle d’homme. Il nous faut donc comprendre
comment on passe du logiciel au produit fini, c’est-
à-dire comment le génome intervient pour trans-
former l’œuf de départ en petite souris.
Jusqu’à présent, nous avions regardé se dérouler
une pièce de théâtre. Mais celle-ci nexisterait pas sans
la pensée de son auteur, à laquelle nous voulons remon-
ter. Cela suppose d’être capable de manipuler les gènes
au niveau embryonnaire, et d’observer ce qui arrive
lorsqu’on modifie le génome d’un animal. Mais, bien
entendu, ce nest pas possible sur l’embryon humain.
On procède donc par comparaison. Restent de nom-
breuses interrogations, et notamment celle portant
sur le caractère exceptionnel du cerveau humain dans
le monde vivant. La recherche est devant nous.
INTERVIEW JOSÉPHINE BATAILLE
«Il ne suffit plus
dedécrire
lecomportement
des cellules, il faut
découvrir quels
mécanismes
l’engendrent.»
Qu’est-ce que l’homme? À sa façon,
l’embryologiste tente de répondre à
cette question, en montrant de quelle
manière il se développe. Jusquà l’être
humain achevé, auquel son extraordi-
naire cerveau confère un statut d’excep-
tion dans le règne animal, c’est l’histoire
d’une «transformation ordinaire», que
nous conte Nicole Le Douarin, biologiste
passionnée et internationalement
reconnue. Professeure honoraire au
Collège de France, secrétaire perpé-
tuelle honoraire de l’Académie des
sciences et membre de l’Académie pon-
tificale des sciences, elle a consacré sa
vie à l’étude de l’embryon et a été cou-
verte de distinctions (dont la médaille
d’or du CNRS). Rencontre avec celle qui
est remontée aux origines pour percer
le secret du développement.
LA VIE. Pour l’embryologiste
que vous êtes, quelle est l’origine
de l’être humain?
NICOLE LE DOUARIN. Lévénement fondamental,
c’est la fusion de deux gamètes en un œuf. C’est à ce
moment que l’être acquiert son patrimoine héréditaire.
Chaque gamète apporte le sien propre sous la forme
d’un nombre de chromosomes spécifique à chaque
espèce (46 pour l’homme). Au départ, donc, il n’y a
qu’une seule cellule, l’œuf. De là, il faut passer à un
être humain qui comporte des milliards de cellules.
Cela suppose la création d’une quantité incroyable de
matière vivante, d’une part, et, d’autre part, un phé-
nomène d’organisation très poussé. Lêtre vivant n’est
pas simplement un amas de matière: il est composé
de tissus formant des organes qui fonctionnent de
manière spécifique, mais aussi coordonnée. Le système
hormonal, le système nerveux et le système sanguin
rendent possible une communication à longue dis-
tance, tandis qu’une communication de voisinage
permet aux cellules d’un même tissu de fonctionner
harmonieusement. Ainsi, l’embryon est extraordinaire
et émouvant à observer, car c’est un être en devenir.
Comment se déroule cette transformation?
N.L.D. C’est tout l’objet de l’embryologie, un
domaine où beaucoup reste encore à découvrir. Au
XVIIesiècle, on a commencé à observer la biodiver-
sité et à s’interroger sur la manière dont se déve-
loppent les espèces animales variées. Lembryologie
prend véritablement son essor à partir du XIXesiècle.
On s’aperçoit alors que les processus de développe-
ment présentent des similitudes frappantes, quelle
que soit la diversité des espèces. Cela commence
toujours avec la division de la cellule-œuf en cellules
qui, à ce stade, sont toutes semblables. Celles-ci vont
s’organiser en groupes, en trois «feuillets». Mais
elles vont avoir un destin différent en fonction de la
place d’origine dans l’embryon. Elles se diversifient
et migrent afin de contribuer à la formation d’organes
distincts. Pour comprendre ce mécanisme, il fallait
trouver des moyens d’intervenir sur le développe-
ment et d’étudier les conséquences de ces interven-
tions. La science est passée d’une phase d’observation
à une phase véritablement expérimentale.
LA VIE LA VIE
7-14 AOÛT 2014 64 7-14 AOÛT 2014 65 N
LA QUÊTE DES ORIGINESLA QUÊTE DES ORIGINES
comme Walter (Henriette)
C’est en recourant à son étymologie, du grec
etymos, «vrai», et logos, «science, connaissance»,
que l’on peut tenter de retracer l’histoire d’un mot
jusqu’à son origine lointaine. Or, en l’absence d’enre-
gistrements vocaux et sans trace écrite des langues
d’autrefois, la découverte de l’origine réelle des mots
apparaît comme aléatoire, voire vouée à l’échec.
Pourtant, à condition de disposer de quelques docu-
ments écrits ayant traversé les siècles, une partie du
chemin peut être parcourue.
LES ATTESTATIONS ÉCRITES
Ainsi, à propos du mot brouette, on a la chance
d’en connaître la forme en ancien français, berouète,
ce qui permet d’entrevoir sa relation avec le latin
birota, voiture «à deux roues», et de comprendre
que l’étymologie de brouette est «à deux roues»,
même si aujourd’hui les brouettes ont généralement
plutôt une roue!
En revanche, la recherche devient plus probléma-
tique pour le nom latin rota, qui peut seulement être
rattaché à une racine prélatine signifiant «courir,
rouler». Mais on ne peut pas aller au-delà.
LE TÉMOIGNAGE DES TOPONYMES
Toutefois, si l’on tient à dépasser ce stade, il est
bon de prendre en considération les noms de lieu,
car ils ont souvent perpétué les formes lexicales les
plus anciennes. On peut ainsi découvrir des racines
lexicales remontant très loin dans le temps, par
exemple cal, «pierre, hauteur», que l’on peut deviner
dans le nom de la colline de Chaillot, à Paris, ou cuc,
«hauteur arrondie», que l’on reconnaît sans peine
dans Cucq (Pas-de-Calais), Cucugnan (Aude), ou
Cucuron (Vaucluse).
L’ÉVOLUTION SÉMANTIQUE
Les mots changent aussi de sens: par exemple
toilette est à l’origine le diminutif de toile, un simple
petit morceau de tissu utilisé pour se laver. Ce nom a
ensuite désigné l’endroit où on fait sa toilette, et il
s’est finalement appliqué, mais au pluriel, à une petite
pièce de la maison aux fonctions bien précises, puisque
l’on va aux toilettes en cas de besoin pressant.
LES MOTS, CES VOYAGEURS
Enfin, l’origine des mots doit souvent être cherchée
dans une autre langue, avec parfois des étapes inter-
médiaires: par exemple, le mot châle nous est venu
de l’anglais, qui l’avait emprunté au persan, mais ce
mot lui-même était hindi; le mot sketch remonte en
dernière analyse à l’italien schizzo, «esquisse», mais
après être passé successivement par le néerlandais
et par l’anglais; le mot tomate, qui est d’origine amé-
rindienne (du nahuatl, la langue des Aztèques), nous
a été transmis par l’espagnol…
LA LEÇON DE CETTE HISTOIRE ?
En prêtant une attention particulière à l’origine
des mots, on pourra peut-être éviter des pléonasmes
inconscients comme «huile d’olive», puisque huile
vient du nom de l’olive, ou encore «riz pilaf», attendu
que pilaf est justement le nom du riz en persan.
HENRIETTE WALTER
Déchiffrer les lettres
Les mots ont souvent parcouru un long chemin
avant de s’inscrire dans notre quotidien. Spécialiste
delinguistique, Henriette Walter remonte le temps.
HENRIETTE
WALTER enseigne
la linguistique à
l’université de Haute-
Bretagne (Rennes)
et fut directrice
du laboratoire
de phonologie de
l’Ephe (Paris). Elle
parle couramment
six langues et en
«connaît» plusieurs
dizaines d’autres.
JI-ELLE
DANIEL BUXTON / REX FEA/REX/SIPA
LA VIE
7-14 AOÛT 2014 66
LA QUÊTE DES ORIGINES
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