Produits pharmaceutiques et sécurité virale : une vue d ensemble

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Produits pharmaceutiques et sécurité virale :
une vue d’ensemble[1]
M
algré une amélioration considérable de la santé
publique à travers le monde grâce à l’utilisation
de produits pharmaceutiques dérivés de tissus
humains et animaux, certains de ces produits sont à l’origine
de transmissions iatrogènes de maladies telles que le sida, des
hépatites virales ou encore la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
L’objectif de cette Eur conférence était de fournir une vue
générale du concept de sécurité virale dans le domaine des produits biopharmaceutiques. Des présentations de grande qualité
ont fourni un large éventail d’informations dans le domaine de
la virologie, permettant aux participants de mieux cerner les
risques viraux liés à des produits tels que les protéines recombinantes, les anticorps monoclonaux, les dérivés sanguins, les
vaccins, les vecteurs viraux de thérapie génique.
SOURCES DE CONTAMINATION
La contamination par des virus peut être envisagée à plusieurs
niveaux, depuis la présence de virus dans les matériaux bruts
jusqu’à de possibles contaminations au cours de l’élaboration
des produits finis. La sélection rigoureuse des produits bruts et
la réalisation de tests spécifiques sur ces matériaux sont les premières étapes pouvant assurer une prévention de la contamination. J. Petricciani (International Association for biologicals,
Genève, Suisse) a ainsi rappelé que, par le passé, les tissus ou
cellules primaires ont généré des réticences d’utilisation ou ont
été la source de problèmes avérés (vaccins polio contaminés par
du virus SV40 lors de la production sur cellules primaires de
reins de singes : aucune évidence de risque de cancer plus important chez les enfants ayant reçu ces vaccins n’a été rapportée ;
un cas de transmission de rage lors d’une greffe de cornée).
Aujourd’hui, de nombreux produits biopharmaceutiques sont
obtenus à partir de cultures de lignées cellulaires. Bien que
jamais impliquée jusqu’à maintenant dans des cas de transmissions de virus, l’utilisation de produits provenant de lignées cellulaires n’est pas complètement exempte de risques.
Toutefois, l’utilisation de telles lignées permet le criblage de
contaminants microbiologiques et réduit ainsi les risques de
transmission de maladies infectieuses. De plus, des lignées testées de façon extensive pour la recherche de contaminants microbiologiques peuvent être obtenues à partir d’organismes spécialisés, comme l’a présenté R.J. Hay (American Type Culture
Collection, Manassas, États-Unis). Si la détection de virus cytolytiques est relativement évidente, ce n’est pas le cas pour les
virus non cytolytiques, plus particulièrement pour les rétrovirus
[1]
Compte-rendu de l’ EurΩconférence, Institut Pasteur, Paris, 2-3 mars 2000.
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qui s’intègrent dans le génome de la cellule infectée. R. Löwer
(Paul-Ehrlich-Institut, Langen, Allemagne) a expliqué que des
séquences endogènes ou de type rétroviral sont présentes en
grande quantité dans les cellules humaines et animales. Bien
que leur expression soit la plupart du temps réprimée par un processus de méthylation de l’ADN, de telles séquences peuvent
être réactivées par stimulation, par exemple par des mitogènes.
La production industrielle à partir de culture de cellules nécessite des bioréacteurs de taille importante, et utilise de grandes
quantités de produits d’origine animale (sérums bovins, trypsine
porcine) ou d’origine humaine (albumine) entrant dans la composition des milieux de culture. Ces produits doivent être contrôlés pour éviter d’éventuelles contaminations microbiologiques.
Leur sélection doit être faite sur la base de certifications, de la
part des fournisseurs, sur l’origine des produits bruts, les traitements qu’ils subissent pour inactiver les agents infectieux et leur
contrôle ainsi que celui des produits finis, comme l’a indiqué
A.R. Shaw (Merck Research Laboratories, West Point, ÉtatsUnis). Cependant, l’expérience de Genentech Inc., présentée par
G. Polastri (Genentech Inc., San Francisco, États-Unis), de deux
contaminations virales par un parvovirus murin (MVM), d’origines non clairement élucidées, a rappelé que, en plus de la contamination des produits bruts, sont également possibles des contaminations au cours du procédé ou dues à des opérateurs.
ÉLIMINATION/INACTIVATION VIRALE
Des étapes particulières des procédés de fabrication peuvent
éliminer et/ou inactiver des virus. Comme l’a expliqué
D. Larzul (Institut Pasteur-Texcell, Paris), le facteur de réduction (RF) est défini par RF = log10 [Li/Lf], où Li représente la
charge virale initiale (avant traitement) et Lf la charge virale
finale (titre obtenu après traitement).
J.S. Robertson (National Institute for biological standards and
control, Potters Bar, Grande-Bretagne) et F. Brown (United
States Department of Agriculture, Greenport, États-Unis) ont
souligné les principales caractéristiques structurales et les propriétés de résistance aux traitements physico-chimiques des
virus nus et enveloppés. Le plus souvent sphériques (de 20 à
200 nm de diamètre), les virus sont composés d’un noyau
interne contenant leur matériel génétique (ADN ou ARN), souvent complexé avec des protéines et des enzymes. Ce noyau est
contenu dans une capside protéique, qui est entourée d’une
bicouche lipidique d’origine cellulaire dans le cas des virus
enveloppés. À cause de cette membrane, les virus enveloppés
sont moins résistants aux traitements physico-chimiques (solLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
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vant/détergent, pasteurisation, traitements acides, irradiation
UV ou gamma). Des informations comparatives furent fournies sur l’efficacité d’inactivation de différents traitements (RF
de différents traitements), comme détaillé dans le tableau I.
Une autre approche pour réduire la charge virale est d’éliminer les virus, par filtration ou par partition (chromatographie,
centrifugation, précipitation). La présence d’une enveloppe
autour de la capside virale augmente la taille des virus enveloppés, permettant ainsi une meilleure filtration de ceux-ci. Les
virus enveloppés mesurent de 40 à 60 nm (Flaviviridae) jusqu’à 300 nm (Arenaviridae, Paramyxoviridae), alors que les
virus nus mesurent de 18-26 nm (Parvoviridae) à 70-90 nm
(Adenoviridae). La filtration sur des filtres de 35 nm de virus
enveloppés tels le BVDV (Flaviviridae, Pestivirus) ou le virus
Sindbis (Togaviridae, Alphavirus) peut conduire à des RF 5,5,
alors qu’une filtration identique de virus nus comme le virus
EMC (Picornaviridae, Cardiovirus) ou le virus PPV (Parvoviridae, Parvovirus) génère des RF de 4,3 et 2,6 respectivement.
Les différentes techniques de nanofiltration, présentées par
A. Bradburne (Glaxo Wellcome, Beckenham, Grande-Bretagne), possèdent des avantages et des inconvénients qui leur
sont propres. Durant une filtration frontale, c’est-à-dire lorsque
tout le produit doit traverser la membrane, les pores peuvent
être colmatés par des protéines ou des contaminations microbiologiques. De plus, des défauts dans la membrane peuvent
être à l’origine d’incidents de filtration. Dans le cas de filtration tangentielle, les particules (produit ou contaminant) ont le
choix de traverser la membrane ou d’être recirculées. Le passage ou non à travers le filtre est fonction de la distribution de
la taille des pores et de la concentration en particules dans le
rétentat. Afin d’éviter une concentration trop importante de
contaminants dans le rétentat, la filtration doit être arrêtée bien
avant que l’on ait récupéré la totalité du produit d’intérêt.
Lorsque l’on évalue les capacités d’inactivation et/ou d’élimination d’un procédé de fabrication, il faut prendre en considération
l’origine du produit de départ et des ingrédients utilisés pendant
la fabrication, afin de définir des virus qui représentent au mieux
les possibles contaminations. Comme cela fut présenté lors des
sessions, une grande variété de réponses peut être observée de la
part des virus vis-à-vis de traitements inactivants et/ou éliminants.
Il est désormais accepté que chaque étape soit évaluée séparément, et que les différentes étapes aient des effets additifs. De
façon idéale, l’efficacité de chaque étape ne devrait pas être affectée par la souche virale, ni par l’état d’agrégation du virus.
Traitement
Dans tous les cas, des procédures d’inactivation ou d’élimination qui ont été introduites spécifiquement pour prévenir une
contamination virale ne doivent pas interférer sur l’intégrité du
produit et sa qualité.
VACCINS
Comme l’ont rappelé F. Horaud (Institut Pasteur, Paris) et
P. Minor (National Institute for biological standards and
control, Potters Bar, Grande-Bretagne), des accidents graves
de transmission d’agents infectieux ont été rapportés lors des
premières périodes de vaccination (Rialta [Italie], 1861 :
60 personnes furent contaminées par la syphilis pendant une
campagne d’immunisation contre la variole ; Lübeck [Allemagne], 1930 : 72 morts par tuberculose après vaccination par
le BCG ; Cutter [États-Unis], 1955 : du vaccin polio contenant
du virus actif contamina les personnes injectées et leurs
proches).
Il y a deux aspects importants dans la préparation de vaccins
inactivés : le premier est d’assurer que le produit n’est pas
nocif ; le second est de montrer que le vaccin est immunogénique. Cela peut conduire au dilemme suivant : le virus est-il
suffisamment atténué, mais n’est-il pas trop altéré ? Comme l’a
expliqué F. Brown (US Department of Agriculture, Greenport,
États-Unis), de nombreux produits chimiques ont été utilisés
pour préparer des vaccins inactivés (formaldéhyde pour le virus
polio ou le virus de l’hépatite A, ß-propiolactone pour le virus
de la rage, éthylènes-imines pour les virus VSV ou Foot-andMouth Disease [FMDV]). Le formaldéhyde est loin d’être le
produit idéal, car les vaccins résultants peuvent encore contenir des virus non atténués (cas de Cutter), et, d’autre part, les
épitopes apparaissent trop souvent altérés. Dans le cas du
ß-propiolactone, il y a des preuves récentes que l’albumine
humaine, ajoutée au virus de la rage avant son inactivation, est
altérée de façon suffisante pour provoquer des réactions
immunes lors de l’injection du vaccin. Les imines, pour leur
part, paraissent être des produits de choix. En effet, il a été montré qu’elles ont la capacité d’inactiver une grande variété de
virus (ARN ou ADN, simple ou double brin). Des travaux
menés sur les virus polio ou FMDV ont conclu que, d’une part,
les imines n’affectaient pas les propriétés antigéniques des protéines virales et que, d’autre part, ces composés rendaient les
ARN non infectieux. Les mécanismes d’action des imines sur
les ARN sont actuellement à l’étude.
Facteur de réduction
Virus nus
Virus enveloppés
SV 40
Réovirus
VSV
VIH
(Papovavirus)
(Rhabdovirus)
(Lentivirus)
Solvant/détergent
(TNBP/Triton x 100
ou Tween 80)
<1
0,5
Chaleur sèche
<1
>6
Traitement acide
(pH 4,25)
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2,6
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
9,2
11
6,6
7,3
Tableau I. Facteur de réduction de la charge
virale en fonction des traitements.
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À propos de moyens plus sûrs de production de vaccins, de
grands espoirs ont été fondés sur les technologies d’ADN
recombinant. Par exemple, des protéines du virus de l’hépatite B ont été produites par purification à partir de plasma ou
par expression recombinante de l’antigène de surface du virus.
Cependant, selon M. Hilleman (Merck Institute for Therapeutic Research, West Point, États-Unis), la révolution technologique tant attendue ne semble pas se concrétiser.
Aujourd’hui, les accidents causés par les vaccins ont seulement
un intérêt historique. Grâce d’une part au progrès de la connaissance scientifique, et donc à une meilleure analyse du rapport
risque/bénéfice, et d’autre part à l’établissement de règles nationales et internationales strictes de production et de contrôle, les
vaccins peuvent être classés dans la catégorie des produits biologiques sans danger.
La vaccination a permis l’éradication de la variole, et conduira
très certainement à celle de la poliomyélite (la Chine en est pratiquement débarrassée et les campagnes d’immunisation en
Inde sont extrêmement prometteuses). Dans le même esprit,
l’éradication dans le futur des oreillons, de la rougeole, de la
rubéole et des hépatites A et B pourra être obtenue par des campagnes de vaccination globales et concertées.
VIRUS ÉMERGENTS ET ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME
BOVINE (ESB)
Alors que certaines maladies virales sont ou seront bientôt éradiquées, de nouvelles formes virales ou des formes réémergentes ont vu leur nombre augmenter de façon considérable
durant ces dernières décennies (40 nouveaux virus identifiés
durant ces 20 dernières années). Parmi les maladies virales les
plus sérieuses pour l’homme, beaucoup ne peuvent être éradiquées car elles sont naturellement maintenues chez des animaux ou des arthropodes. Dans le cas du virus influenza,
comme l’a montré B. Mahy (Center for Disease Control and
Prevention, Atlanta, États-Unis), les vaccins se montrent généralement inefficaces à cause des réassortiments continuels entre
virus humains, porcins et aviaires qui génèrent les nouveaux
virus. Combiné avec une transmission rapide entre les individus, cela pose de sérieux problèmes de pandémie.
Des agents infectieux émergents peuvent apparaître dans une
population (VIH, ESB) ou réapparaître et augmenter leur répartition géographique (dengue, Ebola), ou bien encore être
nouvellement identifiés (hépatite C, hantavirus, virus TT). Les
facteurs liés à l’émergence ou la réémergence de maladies
virales sont complexes, mais comprennent l’évolution et
l’adaptation virales, les répartitions géographiques et les comportements humains, la baisse des mesures de santé publique,
l’augmentation de la fréquence et de la rapidité des voyages
internationaux, les changements de technologies industrielles,
le développement économique et la colonisation de nouvelles
régions géographiques. Il semble certain que des virus continueront d’émerger ou de réémerger dans le futur, et qu’un réseau
de surveillance international soit absolument nécessaire.
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L’infection naturelle de l’homme par des virus animaux peut
être mise en échec par les barrières d’espèces (faible exposition à certains virus liée à des contraintes épidémiologiques,
mécanismes moléculaires empêchant la réplication virale),
comme l’a expliqué M. Eloit (École nationale vétérinaire de
Maisons-Alfort). Cependant, dans certaines circonstances liées
à la modification d’écosystèmes, à des conditions iatrogènes
ou à l’augmentation des expositions, ces barrières peuvent être
franchies et de nouveaux variants peuvent apparaître, capables
de se répliquer chez le nouvel hôte. L’analyse de ces mécanismes d’apparition se révèle utile pour anticiper les risques
associés à certains virus et/ou à des situations épidémiologiques.
Le risque de transmission de virus animaux à l’homme est un
problème récurrent, récemment réactivé par l’hypothèse d’un
lien entre l’épidémie d’ESB et un nouveau variant (nv) de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob (nv CJD). Il existe aujourd’hui
de nombreuses preuves sérieuses supportant cette hypothèse
identifiée pour la première fois en 1996, mais, selon R. Will
(Western General Hospital, Édimbourg, Grande-Bretagne), le
mécanisme de transmission de l’agent responsable de l’ESB à
la population humaine demeure non établi. Jusqu’à maintenant,
environ 55 cas de nv CJD ont été identifiés en Grande-Bretagne
(52 cas), en France (2 cas) et en République d’Irlande (1 cas).
La moyenne d’âge des patients décédés était de 29 ans, alors
que les cas sporadiques de maladie de Creutzfeldt-Jakob apparaissent normalement chez des individus plus âgés. L’analyse
génétique de 49 cas provenant de Grande-Bretagne a montré
qu’ils étaient tous homozygotes pour la méthionine au codon
129 de la protéine PRN.
D’autre part, des études de biodistribution de la protéine de prion
chez les individus atteints de nv CJD ont révélé sa présence dans
la rate, les ganglions lymphatiques et l’appendice. En comparaison, de telles observations n’ont jamais été rapportées dans
des cas sporadiques de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Cette distribution distincte de la forme nv CJD pose le risque de transmission de cette maladie par le biais de transfusions sanguines
ou d’instruments chirurgicaux. Cependant, aucune preuve
étayant cette hypothèse n’a jamais été apportée. Des mesures
destinées à minimiser les risques de telles contaminations iatrogènes ont été prises ou sont actuellement évaluées.
VECTEURS VIRAUX DE THÉRAPIE GÉNIQUE
La thérapie génique, c’est-à-dire la correction d’un dysfonctionnement génétique, est basée sur le transfert d’un ou plusieurs gènes, par l’intermédiaire de vecteurs. Ces vecteurs sont
divisés en deux grandes classes, viraux et non viraux.
Dans le cas de thérapie génique médiée par des vecteurs viraux,
les problèmes de sécurité virale sont de première importance.
En effet, aucune étape d’élimination et/ou d’inactivation ne peut
être incluse dans le procédé de fabrication sous peine d’altérer
les qualités thérapeutiques du vecteur.
Ainsi, comme pour n’importe quel produit d’origine biologique,
les contaminations adventices doivent être recherchées dans les
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
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produits entrant dans la fabrication du vecteur (lignées cellulaires, milieux de culture, sérums). De même, la sécurité du
produit lui-même, basé sur des virus limités à un cycle infectieux, doit être contrôlée. Ce contrôle est nécessaire depuis les
étapes de production afin de vérifier qu’aucun virus compétent
pour la réplication (RCV) n’est présent dans les lots produits,
jusqu’aux risques biologiques liés à l’utilisation, la biodistribution et la dissémination des vecteurs viraux.
Un vecteur viral est un virus qui est délété d’un ou plusieurs
gènes structuraux ou de régulation. Ainsi, il se trouve défectif
pour la réplication et doit être complémenté en trans pour ses
gènes manquants. Les cellules possédant les gènes manquants
sont appelées cellules productrices de vecteur (VPC) ou cellules d’encapsidation. Cependant, des événements de recombinaison entre le vecteur et les séquences virales en trans peuvent conduire à la génération de nouveaux virus compétents
pour la réplication et capables de se propager.
Les rétrovirus de leucémie murine (MLV) furent les premiers
virus à être utilisés, et sont encore aujourd’hui les plus fréquemment rencontrés dans les essais cliniques. F.L. Cosset
(École normale supérieure de Lyon) a présenté plusieurs types
de risques spécifiques à l’utilisation de vecteurs rétroviraux.
Premièrement, des protéines d’enveloppe à capacité fusogénique peuvent être incorporées dans la membrane lipidique et
aboutir à la formation de syncytium parmi les cellules cibles.
En outre, des séquences endogènes de type rétroviral peuvent
être encapsidées et exprimées, après transcription inverse et
intégration dans les cellules transduites. Si l’encapsidation de
telles séquences se produit avec des séquences du vecteur, des
recombinaisons peuvent également avoir lieu pendant la phase
de transcription inverse et conduire à la génération de RCV.
Depuis les premières générations de rétrovecteurs et d’adénovecteurs, jusqu’aux récents vecteurs dérivés de virus associés
aux adéno (AAV), de Herpèsvirus ou de Lentivirus, près de
20 ans d’expérience en vectorologie ont permis l’accumulation
de résultats et de connaissances, qui laissent même envisager
l’utilisation du VIH comme vecteur de thérapie génique. Des
résultats sur ce sujet ont été présentés par L. Naldini (Institute
for Cancer Research, Université de Turin, Italie). Les vecteurs
dérivés du VIH ont régulièrement évolué afin d’améliorer leur
sécurité d’utilisation, conduisant aujourd’hui au développement
de vecteurs dits de troisième génération. Ils comprennent la
séparation physique des gènes nécessaires en trans dans la cellule d’encapsidation, afin de réduire les probabilités de recombinaison et de permettre leur expression conditionnelle. Ils comportent également l’utilisation d’une fraction seulement des
gènes du VIH (le gène d’enveloppe, par exemple, provient du
rhabdovirus VSV) ainsi que la délétion des séquences du promoteur viral (self-inactivating vector). Ce dernier point est
important lorsque l’on considère la possible interaction avec
un virus de type sauvage, pouvant conduire à la dissémination
du vecteur. Aucune mobilisation n’a jamais été observée avec
ce type de vecteur. Le point important aujourd’hui est l’évaluation in vivo de ces vecteurs.
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Le décès en septembre 1999, à l’université de Pennsylvanie
(États-Unis), d’un patient enrôlé dans un essai clinique de
phase I évaluant la cytotoxicité d’un vecteur adénoviral portant
le gène de l’ornithine transcarbamylase a souligné les problèmes de sécurité liés à l’utilisation de ces vecteurs. A. Yver
(Rhône-Poulenc Rorer, Collegeville, États-Unis) a présenté les
résultats de traitements de cancers de la tête et du cou, traitements qui se sont révélés sans danger chez plus de 400 patients,
avec un adénovecteur porteur du gène p53 de type sauvage. Une
dissémination limitée du vecteur a été observée dans les urines
des patients, permettant des séjours brefs dans les centres de
soins. Aucun transfert de vecteur à des proches des malades ou
aux personnels soignants n’a jamais été observé. Les doses
de vecteur injectées étaient comprises entre 2,5 107 unités formant plages (ufp) et 2,5 1012 ufp, alors que la dose utilisée dans
l’essai de l’université de Pennsylvanie, 3,8 1013 ufp, était la plus
forte dose jamais injectée à un patient. Cela semble être la raison principale du décès.
De nouveaux types de vecteur sont constamment développés.
Ainsi, pour les vecteurs dérivés d’AAV, présentés par P. Moullier (CHU de Nantes), des améliorations importantes ont été
réalisées dans la production, permettant aujourd’hui d’obtenir
des lots de vecteurs AAV non contaminés par des AAV de type
sauvage ou par des adénovirus. Des études précliniques évaluant la dissémination, le relargage et la mobilisation après
administration intramusculaire de vecteur AAV chez le singe
ont révélé la présence de séquences du vecteur dans des échantillons de sang, d’urine ou de fèces, mais également dans des
prélèvements nasopharyngés. Ceci pourrait s’expliquer par la
présence de ces séquences dans des cellules circulantes de
moelle pendant 3 à 10 mois post-injection. Cette mobilisation
d’un vecteur AAV à partir du site d’injection doit être clairement évaluée, de même que son importance clinique.
CONCLUSION
Les problèmes de sécurité virale liés à la production et à l’utilisation de produits d’origine biologique couvrent un large éventail de domaines, depuis les dérivés sanguins et les protéines
recombinantes jusqu’aux vaccins et aux produits de thérapie
génique. Grâce à une recherche scientifique de grande qualité
d’une part et à une sélection et un criblage rigoureux des produits biologiques d’autre part, des améliorations importantes
ont été apportées à l’évaluation du rapport risque/bénéfice.
La biotechnologie moderne utilise des virus de façon intensive
dans des perspectives variées (vaccinations, thérapie génique).
En parallèle, les virus sont capables d’induire des maladies chez
l’homme et l’animal et peuvent être introduits dans des procédés de fabrication par des réactifs ou des opérateurs. Les nouvelles technologies se développant, on peut s’attendre à ce que
de nouveaux risques voient le jour. Afin de mieux les anticiper,
les comprendre et les résoudre, des échanges scientifiques de
qualité, comme ceux fournis pendant cette Eur conférence,
sont d’une importance capitale.
N. Dumey, D. Larzul, laboratoire Institut Pasteur - Texcell, Paris ;
F. Horaud, Institut Pasteur, Paris.
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