La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
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RÉUNIONS
produits entrant dans la fabrication du vecteur (lignées cellu-
laires, milieux de culture, sérums). De même, la sécurité du
produit lui-même, basé sur des virus limités à un cycle infec-
tieux, doit être contrôlée. Ce contrôle est nécessaire depuis les
étapes de production afin de vérifier qu’aucun virus compétent
pour la réplication (RCV) n’est présent dans les lots produits,
jusqu’aux risques biologiques liés à l’utilisation, la biodistri-
bution et la dissémination des vecteurs viraux.
Un vecteur viral est un virus qui est délété d’un ou plusieurs
gènes structuraux ou de régulation. Ainsi, il se trouve défectif
pour la réplication et doit être complémenté en trans pour ses
gènes manquants. Les cellules possédant les gènes manquants
sont appelées cellules productrices de vecteur (VPC) ou cel-
lules d’encapsidation. Cependant, des événements de recom-
binaison entre le vecteur et les séquences virales en trans peu-
vent conduire à la génération de nouveaux virus compétents
pour la réplication et capables de se propager.
Les rétrovirus de leucémie murine (MLV) furent les premiers
virus à être utilisés, et sont encore aujourd’hui les plus fré-
quemment rencontrés dans les essais cliniques. F.L. Cosset
(École normale supérieure de Lyon) a présenté plusieurs types
de risques spécifiques à l’utilisation de vecteurs rétroviraux.
Premièrement, des protéines d’enveloppe à capacité fusogé-
nique peuvent être incorporées dans la membrane lipidique et
aboutir à la formation de syncytium parmi les cellules cibles.
En outre, des séquences endogènes de type rétroviral peuvent
être encapsidées et exprimées, après transcription inverse et
intégration dans les cellules transduites. Si l’encapsidation de
telles séquences se produit avec des séquences du vecteur, des
recombinaisons peuvent également avoir lieu pendant la phase
de transcription inverse et conduire à la génération de RCV.
Depuis les premières générations de rétrovecteurs et d’adéno-
vecteurs, jusqu’aux récents vecteurs dérivés de virus associés
aux adéno (AAV), de Herpèsvirus ou de Lentivirus, près de
20 ans d’expérience en vectorologie ont permis l’accumulation
de résultats et de connaissances, qui laissent même envisager
l’utilisation du VIH comme vecteur de thérapie génique. Des
résultats sur ce sujet ont été présentés par L. Naldini (Institute
for Cancer Research, Université de Turin, Italie). Les vecteurs
dérivés du VIH ont régulièrement évolué afin d’améliorer leur
sécurité d’utilisation, conduisant aujourd’hui au développement
de vecteurs dits de troisième génération. Ils comprennent la
séparation physique des gènes nécessaires en trans dans la cel-
lule d’encapsidation, afin de réduire les probabilités de recom-
binaison et de permettre leur expression conditionnelle. Ils com-
portent également l’utilisation d’une fraction seulement des
gènes du VIH (le gène d’enveloppe, par exemple, provient du
rhabdovirus VSV) ainsi que la délétion des séquences du pro-
moteur viral (self-inactivating vector). Ce dernier point est
important lorsque l’on considère la possible interaction avec
un virus de type sauvage, pouvant conduire à la dissémination
du vecteur. Aucune mobilisation n’a jamais été observée avec
ce type de vecteur. Le point important aujourd’hui est l’éva-
luation in vivo de ces vecteurs.
Le décès en septembre 1999, à l’université de Pennsylvanie
(États-Unis), d’un patient enrôlé dans un essai clinique de
phase I évaluant la cytotoxicité d’un vecteur adénoviral portant
le gène de l’ornithine transcarbamylase a souligné les pro-
blèmes de sécurité liés à l’utilisation de ces vecteurs. A. Yver
(Rhône-Poulenc Rorer, Collegeville, États-Unis) a présenté les
résultats de traitements de cancers de la tête et du cou, traite-
ments qui se sont révélés sans danger chez plus de 400 patients,
avec un adénovecteur porteur du gène p53 de type sauvage. Une
dissémination limitée du vecteur a été observée dans les urines
des patients, permettant des séjours brefs dans les centres de
soins. Aucun transfert de vecteur à des proches des malades ou
aux personnels soignants n’a jamais été observé. Les doses
de vecteur injectées étaient comprises entre 2,5 107unités for-
mant plages (ufp) et 2,5 1012 ufp, alors que la dose utilisée dans
l’essai de l’université de Pennsylvanie, 3,8 1013 ufp, était la plus
forte dose jamais injectée à un patient. Cela semble être la rai-
son principale du décès.
De nouveaux types de vecteur sont constamment développés.
Ainsi, pour les vecteurs dérivés d’AAV, présentés par P. Moul-
lier (CHU de Nantes), des améliorations importantes ont été
réalisées dans la production, permettant aujourd’hui d’obtenir
des lots de vecteurs AAV non contaminés par des AAV de type
sauvage ou par des adénovirus. Des études précliniques éva-
luant la dissémination, le relargage et la mobilisation après
administration intramusculaire de vecteur AAV chez le singe
ont révélé la présence de séquences du vecteur dans des échan-
tillons de sang, d’urine ou de fèces, mais également dans des
prélèvements nasopharyngés. Ceci pourrait s’expliquer par la
présence de ces séquences dans des cellules circulantes de
moelle pendant 3 à 10 mois post-injection. Cette mobilisation
d’un vecteur AAV à partir du site d’injection doit être claire-
ment évaluée, de même que son importance clinique.
CONCLUSION
Les problèmes de sécurité virale liés à la production et à l’uti-
lisation de produits d’origine biologique couvrent un large éven-
tail de domaines, depuis les dérivés sanguins et les protéines
recombinantes jusqu’aux vaccins et aux produits de thérapie
génique. Grâce à une recherche scientifique de grande qualité
d’une part et à une sélection et un criblage rigoureux des pro-
duits biologiques d’autre part, des améliorations importantes
ont été apportées à l’évaluation du rapport risque/bénéfice.
La biotechnologie moderne utilise des virus de façon intensive
dans des perspectives variées (vaccinations, thérapie génique).
En parallèle, les virus sont capables d’induire des maladies chez
l’homme et l’animal et peuvent être introduits dans des procé-
dés de fabrication par des réactifs ou des opérateurs. Les nou-
velles technologies se développant, on peut s’attendre à ce que
de nouveaux risques voient le jour. Afin de mieux les anticiper,
les comprendre et les résoudre, des échanges scientifiques de
qualité, comme ceux fournis pendant cette Eur conférence,
sont d’une importance capitale.
N. Dumey, D. Larzul, laboratoire Institut Pasteur - Texcell, Paris ;
F. Horaud, Institut Pasteur, Paris.