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Au sujet de l’union de l’homme et de Dieu, Grégoire de Narek souligne qu’il y a du Dieu
dans l’homme, comme de l’homme en Dieu, et que l’idée que Dieu est en toute chose et, par
conséquent, toute chose est en Dieu. Telle est la sensibilité panthéiste de Narékatsi. Souhaitant
accéder à la béatitude dans une communication sans intermédiaire avec Dieu, Narékatsi avance des
idées lourdes de conséquences sur l’absurdité et l’inutilité de l’Église et de la féodalité
ecclésiastique dans son pays. Dans les vers de Grégoire de Narek, résonnent la nature source de
vie, toute la réalité sensorielle, ses émotions et la vie séculière. On peut dire que Narékatsi sort des
traditions médiévales et fonde la nouvelle littérature, l’histoire, entrant par là même dans la culture
arménienne au titre de la Renaissance.
La réalité et la nécessité de la Renaissance arménienne sont parfois mises en doute, pourtant
la Renaissance arménienne est un phénomène d’une telle importance historique que non seulement
on ne peut le sous-estimer, mais qu’on doit l’expliciter dans toute sa profondeur comme une
période d’évolution dans l’histoire de la culture arménienne.
Au Xe siècle, la Royauté d’Ani a fait renaître la culture antique ; on y observe un nouvel
intérêt pour les auteurs de la littérature hellénique et hellénistique, ainsi que pour les représentants
de la culture arménienne ancienne, leurs œuvres en philosophie, logique, mathématiques, sciences
naturelles, histoire et grammaire. On y étudie des auteurs comme David l’Invincible (Ve siècle),
Anania Chirakatsi (VIIe siècle) et on remet en circulation les traductions anciennes et nouvelles
des représentants de la culture antique : traductions arméniennes anciennes des œuvres d’Aristote,
de Platon, de Porphyre, d’Olympiodore, le traité Sur la nature de Zénon le Stoïque, dont l’original
grec ne s’est pas conservé ; seule sa traduction arménienne du Ve siècle nous est parvenue
(actuellement conservée au Maténadaran Machtots d’Erevan), la Rhétorique de Théon
d’Alexandrie, la Péripatétique d’Andronic de Rhodes, la Grammaire de Denys de Thrace et bien
d’autres. Il est à noter qu’à la première moitié du VIIe siècle, les Éléments de la Géométrie
d’Euclide ont été partiellement traduits en arménien et cette traduction est attribuée à Anania
Chirakatsi.
Les expressions « le manuscrit est tombé en captivité » ou « le manuscrit a été libéré de
captivité » sont fréquentes dans la littérature arménienne. Ces expressions, qu’on ne trouve nulle
part ailleurs dans l’histoire mondiale, témoignent du culte du livre chez le peuple arménien.
À l’époque de la Renaissance, des centres scientifiques de type antique ont été fondés dans
différentes régions d’Arménie. Citons les universités médiévales de Haghpat, de Sanahine, d’Ani,
de Narek, de Gladzor, de Tathev et d’autres où l’on étudiait la philosophie, la logique, la
littérature, les arts, les mathématiques, les sciences naturelles, la grammaire et la rhétorique, ainsi
que l’anatomie humaine à l’université de Tathev au XIVe siècle. Nous possédons une certaine
information sur l’enseignement des sciences et des arts à l’Université de Tathev. Voici un passage
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