ALLOCUTION DE S.E. M. THABO MBEKI, PRESIDENT DE LA

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ALLOCUTION DE S.E. M. THABO MBEKI, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
D’AFRIQUE DU SUD, LORS DE LA 62ème SESSION DE L’ASSEMBLEE GENERALE
DES NATIONS UNIES, LE 25 SEPTEMBRE 2007, A NEW YORK
Monsieur le Président de l’Assemblée Générale,
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord, comme bien d’autres avant moi, féliciter S.E. M. Ban Ki-Moon pour
son élection à la tête des Nations Unies et lui souhaiter un mandat fécond, dans la certitude
que, grâce à ses efforts, les pauvres de ce monde auront de bonnes raisons d’accroître leur
confiance en cette organisation des nations du monde.
Je souhaite également remercier à nouveau S.E. Mme Sheikha Haya Rashed Al Khalifa
pour son excellent travail en tant que Présidente de la 61ème Session de l’Assemblée
Générale des Nations Unies et adresser toutes mes félicitations à S.E. M. Sergjan Kerim
pour son élection à la Présidence de la 62ème Session de l’Assemblée Générale des Nations
Unies.
Le thème qui nous réunit aujourd’hui est celui de « Répondre au Changement Climatique »,
lors d’une session des Nations Unies qui se trouve à mi-chemin du laps de temps que les
nations du monde se sont accordé dans leur engagement à mettre en oeuvre, à la fois
individuellement et collectivement, les Objectifs de Développement du Millénaire.
Les milliards d’êtres humains qui peuplent notre planète savent bien que les conséquences
réelles du changement climatique, qui se manifeste par des sécheresses, des inondations,
un temps imprévisible et des températures extrêmes, font obstacle à la réalisation des
Objectifs de Développement du Millénaire. Nous comprenons tous aujourd’hui que le prix à
payer si nous ne faisons rien sera beaucoup plus élevé que celui que nous devrons payer si
nous prenons des mesures concrètes destinées à lutter contre ce problème. Il est clair que
remettre toute action en la matière à plus tard touchera très durement les pays et les
communautés les plus pauvres. Et pourtant, l’allure à laquelle les négociations sur le
changement climatique sont menées n’est pas à la hauteur de l’urgence soulignée par la
science.
C’est pourquoi nous devons vraiment chercher ensemble à ce que nos négociations
multilatérales progressent de manière significative lorsque nos négociateurs se
rencontreront à Bali en décembre prochain. Nous devons nous assurer d’élaborer un régime
juste, efficace, flexible et incluant tous les pays dans le cadre d’une convention des Nations
Unies sur le climat et dans le cadre du Protocole de Kyoto. Nous devons faire cela sans plus
tarder. Bien que nos responsabilités soient différentes et que les pays développés aient la
claire obligation de prendre la tête du mouvement, il n’en reste pas moins que nous avons
tous le devoir de faire plus et d’agir en fonction de nos capacités respectives et des
circonstances nationales de chaque pays.
Le Sommet Mondial des Nations Unies sur le Développement Durable a correctement
réaffirmé que le développement durable constituait l’élément central de l’action mondiale
contre la pauvreté et pour la protection de l’environnement, et il a identifié les liens
importants existant entre la pauvreté, l’environnement et l’utilisation des ressources
naturelles.
Ces liens sont bien réels pour les milliards d’êtres humains qui vivent dans la pauvreté et qui
connaissent la faim, la dégradation de l’environnement et l’exploitation de leurs ressources
naturelles, la combinaison de tous ces facteurs rendant leur existence misérable et
désespérée.
Un grand nombre de ces malheureux font l’expérience amère de voir leur région, qui était
autrefois riche en ressources, transformée en une terre aride, désolée et inhabitable qui les
pousse à émigrer vers des contrées mieux dotées, ce qui ne fait qu’exacerber les luttes et
conflits pour de rares ressources.
Nous tous qui sommes rassemblés ici en tant que représentants des peuples du monde,
nous savons bien que le changement climatique, la pauvreté et le sous-développement ne
sont pas le fait de la nature, mais plutôt celui de l’homme.
Il est clair que le point de départ d’un futur régime climatique doit être l’équité. Un bon
équilibre entre développement durable et impératifs climatiques doit être à la base de tout
accord en matière de régime climatique renforcé. Tout accord sur une « juste utilisation de
l’espace écologique » devra être équilibré par un accord donnant à chaque pays une « juste
opportunité en ce qui concerne son espace de développement ».
Dans le cadre des Nations Unies, mais aussi au sein de nos organismes régionaux, nous
avons adopté bon nombre de programmes et de déclarations comprenant des objectifs de
mise en oeuvre clairs pour mieux lutter contre le changement climatique, la pauvreté et le
sous-développement.
Comme le sait cette auguste assemblée, parmi les nombreux accords passés figurent ceux
que nous avons adoptés lors des sommets suivants :
• Le Sommet de la Terre à Rio,
• Le Sommet Social à Copenhague,
• Le Sommet du Millénaire,
• Le Sommet Mondial sur le Développement Durable, et
• La Conférence de Monterrey sur le Financement du Développement.
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Au cours de tous ces sommets et de bien d’autres, nous avons adopté des déclarations
constituées de mots solennels et émouvants qui traduisaient notre profonde prise de
conscience devant la gravité des défis auxquels le monde moderne est confronté, en nous
engageant très clairement dans la lutte contre toutes les conditions misérables et
déshumanisantes vécues par une grande partie de l’humanité.
Dans sa Déclaration du Millénaire, cette assemblée a affirmé :
« Nous ne reculerons devant aucun effort destiné à libérer nos compatriotes hommes,
femmes et enfants, des conditions abjectes et déshumanisantes de l’extrême pauvreté.
Nous nous engageons à faire du droit au développement une réalité pour tous et à libérer
l’humanité toute entière du besoin. »
Et pourtant, les pauvres chez qui nous avons tant de fois fait naître l’espoir en faisant
déclaration après déclaration contre la pauvreté et le sous-développement, tout comme
nous le faisons aujourd’hui sur le changement climatique, peuvent bien être pardonnés
quand ils pensent que cette importante instance dirigeante mondiale s’apparente bien des
fois à une coquille vide.
Nul doute que cette assemblée soit capable de décrire, et cela toujours en termes
éloquents, les effroyables conditions dans lesquelles vivent les pauvres de ce monde.
Toutefois, cette organisation, qui devrait tirer sa fierté de résultats et actions visibles en
matière de lutte contre le réchauffement climatique et la pauvreté, aurait bien du mal à
montrer les progrès décisifs accomplis à cet égard.
Les raisons n’en sont pas difficiles à trouver. Bien que les concepts de liberté, de justice et
d’égalité soient universels et bien que les Nations Unies y adhèrent pleinement, cette
organisation n’a pas subi de réforme et n’a pas désigné les institutions de gouvernance
nécessaires compatibles avec les noble idéaux qui guident les sociétés démocratiques
modernes.
Parce que les nations du monde sont divisées en deux catégories, les dominantes et les
dominées, les dominantes sont aussi devenues celles qui prennent les décisions dans les
forums mondiaux importants, y compris dans cette enceinte, siège de la gouvernance
mondiale.
De la même manière, la répartition biaisée de pouvoir dans les sphères politique,
économique, militaire, technologique et sociale, est reproduite dans les institutions
internationales, au grand désavantage de la majorité des déshérités de ce monde.
En vérité, même si nous sommes d’accord sur les programmes importants susceptibles
d’améliorer les conditions de vie de milliards de pauvres dans le monde, les puissants et les
riches cherchent toujours invariablement à assurer que, quoi qu’il arrive, les relations de
pouvoir existantes ne changent pas et donc que le statut quo demeure.
Il en résulte que les Nations Unies peuvent identifier, et le font correctement, les problèmes
et les solutions appropriées de manière à ce que le monde devienne un monde meilleur
pour l’humanité toute entière. Toutefois, les puissants et les dominants répondent, bien
naturellement, très souvent positivement aux programmes approuvés lorsque ces derniers
servent à promouvoir leurs propres petits intérêts.
Dans le même temps, les pauvres continuent de se battre pour obtenir une amélioration de
leurs misérables conditions de vie. Ils voient donc les Nations Unies comme l’instrument
naturel permettant d’accélérer le changement vers un mieux. A partir de là, la mise en
oeuvre de tous les programmes des Nations Unies est, à juste titre, considérée par eux
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comme cruciale pour les efforts en matière de changement climatique et dans la lutte contre
la pauvreté et le sous-développement.
Pourtant, la dure réalité est qu’il sera difficile à l’Organisation des Nations Unies sous sa
forme actuelle de mettre pleinement en oeuvre ses propres décisions et donc d’aider les
pauvres à atteindre urgemment les Objectifs de Développement du Millénaire.
En vérité, tant que les idéaux de liberté, de justice et d’égalité ne seront pas les
caractéristiques de ce premier organe mondial, les dominants imposeront leur loi aux
dominés et les intérêts des dominés, qui sont ceux de la majeure partie de l’humanité,
seront éternellement repoussés à plus tard.
C’est ainsi que de nobles déclarations continueront d’être faites sur tous les sujets qui
concernent la majeure partie de l’humanité, comme le besoin de conclure avec succès le
Cycle de Doha sur le Développement, alors que très peu est fait pour la mise en oeuvre des
décisions et des nombreux accords cruciaux visant à sortir les déshérités de la gangue de la
pauvreté et du sous-développement.
Monsieur le Président de la 62ème Session,
Nous sommes fermement convaincus en Afrique du Sud que nous atteindrons les Objectifs
de Développement du Millénaire. Après être sortis de trois siècles de colonialisme et
d’apartheid, nous avons hérité de deux économies liées entre elles que nous appelons la
Première et la Seconde Economie.
Ces deux économies, l’une développée et reliée au monde et l’autre locale et informelle,
affichent de nombreux traits propres à un système mondial d’apartheid.
En tant que Sud-africains, nous avons cherché à renforcer la Première Economie et à
l’utiliser en tant que base pour transférer les ressources permettant de soutenir et de
moderniser la Seconde Economie, nous lançant ainsi dans le processus qui conduira à
changer la vie de ceux qui ne font que subsister dans la Seconde Economie.
Sans transferts de ressources, il serait impossible d’atteindre les Objectifs de
Développement du Millénaire car la Seconde Economie de notre pays est incapable, seule,
de générer les ressources nécessaires à l’amélioration de la vie de millions de Sud-Africains
démunis.
Je mentionne ceci car, nous acceptons tous ce fait, la question du transfert des ressources
des pays riches du Nord aux pays pauvres du Sud est cruciale si nous voulons vraiment
atteindre les Objectifs de Développement du Millénaire au niveau mondial.
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Bien des pays en développement, et tout particulièrement ceux du continent africain, n’ont
pas les bases matérielles suffisantes pour atteindre seuls les Objectifs du Développement
du Millénaire. Par conséquent, il est urgent et nécessaire d’opérer des transferts massifs de
ressources par le biais de l’aide au développement, des investissements, du commerce, des
transferts de technologie et du développement des ressources humaines vers ces pays
pauvres si nous voulons atteindre les Objectifs de Développement du Millénaire et lutter
avec succès contre l’impact désastreux du changement climatique.
Si nous échouons à élaborer un régime sur le changement climatique harmonisant
adaptation et réduction et sous-tendu par un transfert de technologie et de ressources
financières, nous ferons alors peser sur les épaules des générations futures un poids
qu’elles ne seront pas en mesure de porter.
A cet égard, étant donné les défis terribles et spécifiques auxquels l’Afrique est confrontée,
nous pensons qu’il est important de former un partenariat avec l’Afrique par le biais du
programme de l’Union Africaine, à savoir le Nouveau Partenariat pour le Développement de
l’Afrique (NEPAD), que cette assemblée a adopté pour que les mesures que le continent a
entreprises, avec des ressources limitées, pour la renaissance de tous les pays africains
soient soutenues par la communauté internationale guidée par les programmes de l’ONU.
L’histoire nous a montré que c’est grâce aux transferts massifs de ressources que l’Europe
de l’Ouest a pu se reconstruire après la Seconde Guerre Mondiale et revenir sur le chemin
du développement. Une intervention similaire a également permis à un certain nombre de
pays asiatiques de retrouver la voie les conduisant vers leur propre développement.
La question que nous devrions nous poser est celle de savoir s’il existe ou non la même
détermination à aider les nations pauvres aujourd’hui.
Le village planétaire auquel nous nous référons sans cesse devrait nous encourager à faire
preuve de solidarité. C’est seulement ainsi que nous pourrons construire un pont durable audessus de la rivière qui divise en deux ce même village planétaire et que nous pourrons
nous assurer qu’aucun être humain ne vit une belle vie bien remplie tandis qu’un autre de
ses semblables vit, lui, une existence misérable.
En tant que représentants des citoyens du monde, nous nous sommes fixés des
programmes en fonction desquels il nous faut oeuvrer tous ensemble à la création de
conditions de vie meilleures pour tous et nous assurer de faire tout ce qui est nécessaire
pour une prospérité mutuelle.
Car c’est ensemble, riches et pauvres, pays développés et pays en développement, Nord et
Sud, que nous pouvons et devons nous donner la main pour relever les défis que
représentent le changement climatique et le développement durable et vaincre la pauvreté
et le sous-développement, en nous assurant qu’aucun être humain dans le monde ne
connaisse plus les situations humiliantes et scandaleuses que vivent les pauvres.
Pour y parvenir, il nous faut, avant toutes choses, mettre en oeuvre les décisions que nous
avons librement adoptées dans cette éminente enceinte des représentants de la
communauté internationale. Faisons à présent place à l’action.
Je vous remercie.
Publié le 25 septembre 2007 par le Ministère des Affaires Etrangères de la République
d’Afrique du Sud
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