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GILLES CHAILLET
DANS LA ROME
DES CÉSARS
PREVIEW> DANS LA ROME DES CÉSARS
de GILLES CHAILLET
L’EMPIRE
Le mythe des origines
Selon une tradition légendaire, l’histoire de la ville de Rome
prendrait racine dans la guerre de Troie, ce qui donnerait à
ses habitants un arbre généalogique aussi ancien que celui
des Grecs. Lors de l’incendie de Troie par les Grecs, le prince
Énée parvient à s’enfuir de la ville, accompagné de son père
Anchise, de son fils Ascagne-Iule et d’un certain nombre de
ses compatriotes. Après avoir pérégriné dans tout le bassin
méditerranéen, les Troyens fugitifs arrivent au Latium et
font alliance avec le roi de l’endroit, Latinus. Cette alliance
est scellée par l’union d’Énée et de la princesse Lavinia, qui
donne son nom à la première cité fondée par les Troyens
sur le sol italien, Lavinium. Trente ans plus tard, Ascagne,
fils d’Énée, fonde à son tour une autre ville dans le Latium,
Albe-la-Longue, et ses descendants règnent sur cette région
pendant quatre siècles.
Au VIIIesiècle av. J.-C., deux frères ennemis, Numitor et
Amulius, se disputent le trône. Amulius chasse Numitor,
s’empare du pouvoir et, lorsque sa nièce Rhéa Silva, enceinte
par les œuvres du dieu Mars, met au monde des jumeaux,
il ordonne que les nourrissons Romulus et Remus soient
abandonnés dans le lit du fleuve Tibre. Mais, attirée par les
vagissements des bébés, une louve les recueille et les nourrit
dans la grotte du Lupercal, au pied du Palatin. Parvenus à
l’âge adulte, Romulus et Remus reviennent à Albe,
rétablissent sur le trône leur grand-père Numitor et s’en
vont fonder une ville en 753 av. J.-C.
La légende veut qu’ils choisissent pour ce faire le site où la
louve les avait nourris. Afin de déterminer l’emplacement
précis de leur fondation, les jumeaux prennent l’avis des
dieux par les auspices, mais ils finissent par se quereller
pour savoir à qui reviendra l’honneur de tracer l’enceinte
de la nouvelle cité. Considérant que les auspices sont en sa
faveur, Romulus détermine le «pomoerium» ou enceinte
sacrée : à l’aide d’une charrue tirée par une vache et un
taureau blanc, il trace un sillon en soulevant l’attelage à
l’emplacement des futures portes. Furieux de cette initiative,
Remus saute par-dessus le fossé du pomoerium, et, pour
punition de cette provocation sacrilège, est tué par son frère.
Romulus reste donc seul maître du site de Rome. Il décide
alors que la nouvelle ville sera un «asyle», c’est-à-dire un
refuge pour tous les exilés ou les malfaiteurs chassés de
leur patrie. Les premiers habitants auraient donc été des
délinquants.
Or, l’avenir de Rome est tributaire de la naissance d’enfants
qui assumeront l’héritage des fondateurs. Aussi, les
compagnons de Romulus enlèvent les filles de leurs voisins
Sabins pour en faire leurs épouses, ce qui provoque une
guerre entre Romains et Sabins. Le conflit se termine grâce
à l’intervention des femmes sabines qui s’interposent entre
leurs pères et leurs maris. Désormais, Romulus partage le
pouvoir avec le roi sabin Titus Tatius. Après lui, trois rois
latino-sabins se seraient succédés sur le trône de Rome :
Numa Pompilius, qui aurait organisé la vie religieuse instituant
le culte et fondant les collèges des sacerdoces, et réformé le
calendrier en divisant l’année en douze mois ; Tullus Hostilius,
qui aurait détruit la ville rivale, Albe-la-Longue, ce qui permit
d’étendre la domination de Rome ; et Ancus Martius, qui
aurait entrepris la construction du premier pont sur le Tibre
et fondé la colonie d’Ostie dans son embouchure, procurant
ainsi un débouché maritime à Rome. À la fin du VIIesiècle,
un émigré appelé Lucumon, originaire de la ville étrusque
de Tarquinia, s’installe à Rome et est élu roi sous le nom de
Tarquin l’Ancien, mettant ainsi fin à la royauté latino-sabine
et inaugurant une lignée de rois étrusques sous le règne
desquels Rome ne cessera de prospérer.
Peu de villes, comme Rome, sont à tel point le reflet de
la civilisation qui les a vues naître, s’épanouir et arriver
à maturité. Ses rues, ses places, ses monuments
gardent encore aujourd’hui les vestiges du faste d’un
temps où les Romains étaient les maîtres du monde.
Une époque où Rome était devenue le paradigme de la
ville idéale, admirée, imitée, mais jamais égalée.
ROME, VILLE
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Une légende aux fondements
historiques avérés
S’il est vrai que le mythe tient une large place dans les récits
consacrés à la fondation de la ville de Rome, ces histoires
traduisent d’une manière plus ou moins codée
des réalités confirmées par des découvertes
archéologiques. Au milieu du IIe
millénaire av. J.-C., grosso modo
au moment où la légende situe
l’occupation du Latium par
Énée, des peuples indo-
européens arrivent en Italie et
s’installent dans les monts
Albains et sur les collines de
la future Rome – au pied
desquelles se trouvent à
l’époque encore des
marécages. Il y aurait eu trois
villages sur le Palatin, puis trois
sur l’Esquilin et enfin un sur le
Coelius. Au VIIesiècle, ces villages
s’unissent pour former une
coalition. Ce n’est pas encore une
cité à proprement parler, mais
les villages entretiennent entre
eux des liens religieux,
consacrés par un sacrifice offert
en l’honneur des Montes. Cette
Ligue septimontiale laisse de
côté le Capitole, le Quirinal et
le Viminal, des Colles occupés
sans doute par un autre
groupement, les Sabins.
Aux VIIe-VIesiècles, la péninsule italienne est occupée en
partie par un peuple non indo-européen, les Étrusques. Les
villages des ligues latines et sabine se trouvent sur le Tibre,
tête de pont à proximité de deux grandes villes étrusques,
Véies et Fidènes, ce qui donne au site de la future Rome un
intérêt stratégique incontestable. C’est probablement au VIIe
siècle que les Étrusques investissent ce site et réunissent les
villages des deux ligues en fondant une ville. Ils placent
cette cité sous la direction d’un lucumon, c’est-à-dire
un chef, ce que les Romains auraient interprété
plus tard comme un nom propre, celui du
premier roi étrusque. La ville de Rome est
donc une fondation étrusque intégrant des
peuples sabino-latins déjà installés sur le site.
Les Romains n’ont d’ailleurs jamais nié la
domination étrusque ; ils l’ont simplement
fait entrer dans le cadre d’une ville déjà
fondée et constituée, affirmant ainsi leur
prééminence vis-à-vis de leurs dominateurs.
La royauté
La tradition parle de trois rois étrusques : Tarquin
l’Ancien (617-579), Servius Tullius (579-535)
et Tarquin le Superbe (535-509). Pendant les
années de leur règne, Rome cesse d’être un
simple centre agricole et pastoral et devient
une ville commerciale et artisanale puissante
aux dimensions imposantes, dépassant en
extension les principales villes du Latium et
de l’Étrurie : elle est renforcée par une solide
enceinte de murs et s’embellit de temples et
d’édifices publics.
INTERVIEW RÉALISÉE PAR
RICARDO ALVAREZ
IMPÉRIALE
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Le cadre primitif de cette Rome royale est constitué par les
Gentes, ou clans de tous ceux qui se rattachent à un même
ancêtre et ont en commun le sang, le nom, la religion, ainsi
que l’assistance des clientèles qui dépendent d’eux. La
société est divisée en deux strates : patriciens, membres
des familles les plus riches, et plébéiens qui constituent les
couches les plus humbles de la population. Le roi cumule
les fonctions judiciaires, religieuses, politiques et militaires,
mais une certaine autorité est laissée à deux organes
consultatifs : le sénat, formé des chefs des familles les plus
importantes, et les comices curiates ou assemblée générale
des citoyens ; ces derniers, contrôlés par les patriciens,
étaient subdivisés en trente curies regroupées en trois tribus.
Postérieurement, Servius Tullius tentera de limiter le pouvoir
des patriciens et de favoriser l’ascension sociale des nouveaux
riches en instituant des comices centuriates, fondées sur la
division en centuries selon le cens.
La République
La royauté étrusque se termine tragiquement, avec le tyran
Tarquin le Superbe. Un de ses neveux, en violant Lucrèce,
épouse du noble Collatinus, provoque la révolte des
Romains : dirigés par Brutus, ils renversent la monarchie
et installent une nouvelle forme de gouvernement, la
République, en 509 av. J.-C.
Le premier siècle de la République romaine est marqué par
l’affrontement de deux groupes des habitants de Rome :
les patriciens et les plébéiens. À l’époque, Rome n’était pas
une cité pourvue d’institutions communes à tous ses
habitants. Les patriciens détenaient le monopole des
magistratures, des pouvoirs militaires, des actes religieux
et du sénat ; face à eux se trouvait la plèbe, qui était
inorganisée et ne possédait aucun droit. Petit à petit, la
plèbe prend conscience de sa capacité politique et des
instruments dont elle dispose pour s’affirmer. Les patriciens
refusant de partager leurs privilèges, les plébéiens se retirent
sur le mont Aventin en 494 ou 493 et menacent de se
séparer définitivement des patriciens pour fonder leur propre
ville. Le consul Ménénius Agrippa les convainc de renoncer
à leur projet. En échange, ils obtiennent la création des
«tribuns de la plèbe», représentants et défenseurs des
plébéiens qui pourront exprimer leur volonté en votant des
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«plébiscites». Les revendications des plébéiens ne s’arrêtent
pas là. Les lois étant secrètes et connues uniquement des
pontifes et des magistrats patriciens, ils réclament la
publication d’un code de lois écrites, la loi des Douze Tables.
Progressivement, les plébéiens obtiennent également l’accès
aux charges politiques. Ainsi, Rome progresse d’un pouvoir
royal unique à un État républicain bâti sur des charges
partagées. Par leurs luttes, les plébéiens sont
progressivement intégrés dans la cité. Cependant, seule une
minorité bénéficie de cette ouverture politique. Le clivage
originel patriciens-plébéiens disparaît, mais une nouvelle
fissure fait son apparition entre ceux qui détiennent pouvoir
et richesse (patriciens et plébéiens aisés) et le reste du
peuple romain.
À peine consolidée, la jeune république doit aussitôt se
défendre contre les attaques de ses voisins et se découvre
très vite une vocation expansionniste qui l’amènera, en
l’espace de deux siècles, à dominer toute la péninsule.
L’ascension politique et militaire de Rome est double. Elle
s’affirme d’abord dans le Latium, puis dans toute la péninsule,
contre les Étrusques au nord, contre les Sabelles, les
Ombriens, les Samnites, les Campaniens et les villes grecques
du sud. Au moment de la chute de la royauté, Rome se
trouve à la tête d’une ligue de peuples latins. Ces peuples
sont environnés d’ennemis : les Volsques, établis dans les
monts Albains ; les Eques, installés dans la région de Tibur
et de Prénestre, et les Sabins, occupant le nord du Latium.
Des conflits provoqués par l’occupation d’un terrain ou par
des razzias menées sur les troupeaux ou les biens d’un voisin
ne cessent de se produire, jusqu’à ce que, vers 430, les
Latins et les Romains parviennent à contrôler les Volsques
et les Eques. Un autre problème de voisinage se pose à
Rome par la présence des Étrusques au nord du Tibre, et
plus précisément par l’existence des villes de Fidènes et de
Véies, qui contrôlent le passage du fleuve et contrarient le
commerce romain. Rome détruit Fidènes et 425 et, après
un difficile siège de dix ans, anéantit Véies en 396, obtenant
ainsi le monopole du trafic sur le Tibre.
Une fois les adversaires du Nord éliminés, Rome se tourne
vers le Sud, où se trouvent les Samnites, puissant peuple
du sud des Apennins. Entre 343 et 290, elle livre trois
guerres contre les Samnites, qui aboutissent à la formation
d’un État fédéral romain-latin, contrôlant un vaste territoire
où prospèrent de nombreuses colonies. Les victoires sur les
Samnites ouvrent la voie vers le Sud de l’Italie, la Grande
LA SOCIÉTÉ EST
DIVIE EN
DEUX STRATES :
PATRICIENS,
MEMBRES
DES FAMILLES
LES PLUS
RICHES, ET
PLÉBÉIENS QUI
CONSTITUENT
LES COUCHES
LES PLUS
HUMBLES
DE LA
POPULATION.
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Grèce, qui est absorbée en 272 dans les possessions
romaines. Après la prise en 265 de la dernière ville étrusque
encore libre, Volsinies, Rome est maîtresse de la péninsule,
de l’Arno et du Rubicon au nord au détroit de Messine au
sud.
Souveraine de l’Italie, Rome veut maintenant devenir une
puissance méditerranéenne. Or la colonie phénicienne de
Carthage, fondée à la fin du IXesiècle av. J.-C., contrôle les
routes maritimes vers l’ouest et détient le monopole
incontesté du commerce occidental. La rivalité entre les
deux puissances débute en Sicile, où habitent des Grecs qui
étaient depuis toujours les adversaires des Carthaginois et
qui avaient passé des alliances avec leurs compatriotes du
Sud de l’Italie, désormais entrés dans l’orbite de Rome. Cette
situation conduit fatalement à l’affrontement. Les guerres
puniques dureront plusieurs dizaines d’années et verront
les Romains et les Carthaginois se battre tant sur mer que
sur terre. Au cours de la première guerre punique (264-
241), sans doute la plus cruelle et la plus violente, a lieu la
bataille navale de Myles (260) qui, avec celle des îles Égates
en 241, permet aux Romains de conquérir successivement
la Sicile, la Sardaigne et la Corse. La deuxième guerre
punique (219-201) est dominée par la personnalité
exceptionnelle d’Hannibal. Élevé depuis sa plus tendre
enfance dans la haine des Romains, Hannibal attaque la
ville espagnole de Sagonte, alliée de Rome, remonte de
l’Espagne vers la Gaule, franchit les Alpes, débarque à
l’improviste dans le nord de l’Italie, remporte les victoires
du Tessin, de Trébie, de Trasimène et, en progressant vers
le sud de la péninsule, il pulvérise les forces romaines près
de Cannes. Seule l’intervention des Scipions, Publius Cornelius
l’Africain en particulier, détermine un renversement de la
situation en faveur de Rome, qui bat Carthage lors de la
bataille décisive de Zama en 202.
Prétextant un conflit entre les Carthaginois et le roi numide
Massinissa, Scipion Émilien, petit-fils du vainqueur de Zama,
donne le signal de l’ultime conflit. Après un siège atroce,
Carthage est prise en 146, incendiée et rasée, et l’Afrique
devient une province romaine. Par la suite, les Romains se
lanceront dans une série d’offensives diplomatiques et
militaires contre les autres royaumes orientaux (Macédoine,
Syrie, Égypte) qui, de 201 à 133 av. J.-C., fera d’eux les
maîtres de toute la Méditerranée.
LA CRISE DE
LA RÉPUBLIQUE
Rome domine désormais la Méditerranée, mais seule une
petite partie de la population (les oligarques) tirent parti de
cette situation. La conquête de nouveaux territoires suscite
des problèmes agraires, au centre de conflits et de guerres
civiles qui entraîneront l’effondrement la République. Les
terres appartenant à l’État romain à la suite des guerres
sont accaparées par la noblesse, tandis que les petits
propriétaires terriens, retenus pendant de nombreuses
années dans les zones des combats, n’ont plus les moyens
à leur retour au pays de remettre en état leurs terres laissées
en friche. Leur situation s’aggrave lorsqu’ils doivent faire
face à la concurrence des produits provenant des territoires
conquis. Ils finissent par quitter leurs domaines pour
s’installer à Rome avec leur famille, grossissant une plèbe
urbaine miséreuse.
Afin de trouver une solution à cette situation fort
préoccupante, le tribun de la plèbe Tiberius Graccus présente
en 133 une loi agraire limitant la possession des terres à
125 hectares par citoyen ; ceux qui en détiendraient plus
s’en verraient dépossédés, et ce surplus serait redistribué
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