LE CHANGEMENT CLIMATIQUE. MYTHE OU REALITE ? QUELLES
CONSEQUENCES POUR LA FORET COMTOISE ?
Franche-Comté nature environnement s’est rendu le 30 mars 2007 à la conférence
de Philippe RIOU-NIVERT, organisée par la Société forestière de Franche-Comté. Un
public nombreux, composé de propriétaires forestiers, d‘étudiants, de professionnels mais
aussi d’amateurs, était au rendez-vous pour connaître les impacts du changement
climatique annoncés sur le patrimoine forestier français et franc-comtois.
A droite : Le Président de la Société Forestière
de Franche-Comté, Bertrand de GUILLEBON.
« Le réchauffement climatique est un sujet
d’actualité à la fois chez nos politiques en
campagne et pour le GIEC (Groupement Inter-
gouvernemental d’études sur l’Evolution du
Climat) qui a analysé ces problèmes en les
précisant et en donnant l’évolution attendue d’ici
2008 ».
A gauche : Mr. Philippe RIOU-NIVERT est
ingénieur à l’IDF ( Institut pour le Développement
Forestier) et au CNPPF (Centre National
Professionnel de la Propriété forestière), spécialisé dans les résineux et les problèmes liés aux
changements climatiques.
Cette conférence a été retranscite dans sa presque totalité. Elle sera résumée dans le
prochain bulletin trimestriel de la Société Forestière de Franche-Comté suivant ses propres
modalités ; on y trouvera les graphiques et les cartes géographiques qui ont appuyé le discours
de Mr. RIOU-NIVERT tout au long de son exposé et que ne nous n’avons pas pu ajouter.
Cependant, nous avons agrémenté cette retranscription de deux graphiques trouvés sur le net
et qui présentent de fortes similitudes avec ceux proposés par Mr. Riou-Nivert.
Plan de la conférence :
La forêt face aux changements climatiques
1- Climat : des constatations alarmantes
2- Climat : quelles évolutions attendre ?
3- Conséquences sur les arbres et la forêt
4- Conséquences sur la gestion
1- Climat : des constatations alarmantes.
a) Les faits
Depuis 2001 et selon les derniers documents du GIEC qui regroupent 2000 experts
internationaux, on est pratiquement sûr qu’il s’est passé plusieurs choses : augmentation des
températures, hausse du niveau des mers, réduction de la couche neigeuse des glaciers, de la
banquise et des calottes polaires, augmentation des événements climatiques extrêmes et de
certaines maladies.
En effet la température augmente depuis1850 ; on a pu aussi constater une stagnation puis une
diminution des couches neigeuses dans l’hémisphère nord. Depuis 1900 en France et par
rapport à la moyenne de 1961-1990 qu’a pu fixer Météo France, les 10 années les plus
chaudes du siècle se situent dans les 16 dernières années du siècle. Les indicateurs sont les
glaciers : les glaciers alpins ont perdu 1/3 de leur surface et la moitié de leur masse rien
qu’entre 1850 et 1980 et de 1980 à 2000, le phénomène s’est accéléré puisqu’ils ont encore
perdu 20 à 30% ; en 2003, c’est encore 10% ! (chiffres de l’Agence européenne à
l’environnement). Ceci n’est pas spécifique aux Alpes ; la plupart des glaciers de montagne
dans le monde sont en forte réduction.
Pour la pluviosité j’ai pris l’exemple de Dijon ; on constate qu’elle diminue en été (tendance -
10%) et augmente en hiver (tendance +20%) donc globalement on a une augmentation des
pluies sur l’année avec beaucoup d’irrégularité. Le réchauffement n’est pas incompatible avec
une augmentation de la pluviosité
Quand aux pertes économiques, les assureurs en enregistrent liées aux changements
climatiques ; depuis 1990 le nombre de catastrophes climatiques a doublé (cyclones,
tempêtes, incendies et inondations chez nous). Il semblerait qu’il y ait une augmentation des
extrêmes climatiques.
b) Les causes, ce qui peut expliquer ces dérives climatiques ?
C’est l’augmentation de l’effet de serre, des gaz à effet de serre et la responsabilité
humaine.
Parmi les gaz (mis à part la vapeur d’eau pour lequel on a peu de prise), le plus important est
le dioxyde de carbone (CO²) qui intervient dans l’effet de serre pour 60% ; vient ensuite le
méthane pour 20%, les halocarbures (industries du froid, bombes aérosols) et le dioxyde
d’azote (NO²) pour 6%.
Il y a plusieurs hypothèses pour expliquer l’augmentation de leur concentration dans
l’atmosphère : la responsabilité humaine était discutée il y a quelques années mais les
recherches récentes menées sur les carottages des deux pôles permettent de reconstituer les
concentrations de gaz à effet serre dans le temps ; on a pu remonter jusqu’à 400000 ans dans
le passé :
L’an zéro, en abscisse,
correspond à notre
époque.
Quand la courbe bleue
diminue, on est en
période de glaciation.
Quand elle augmente,
on est en période
interglacière
Voici les résultats à partir de l’étude des carottes de glace qui ont permis de
reconstituer la concentration de CO² (en rouge) ; on a ensuite dessiné en parallèle la courbe de
températures (en bleu) et on voit qu’il y a corrélation presque parfaite entre les deux ! Grâce à
cette technique on a pu construire des modèles de prévisions pour l’avenir :
La température est matérialisée
par courbe rouge et la zone
grisée représente la marge
d’incertitudes.
A partir des années 2000
chaque courbe de couleur
correspond à un scénario
d’évolution des températures
selon différents modèles
d’émission de gaz à effet de
serre.
On remarque bien l’évolution de la température dès 1870 environ ; elle correspond à la
Révolution industrielle et au rejet par l’homme de ces gaz.
Pour en arriver là, le GIEC a réussi à dissocier les causes naturelles de l’augmentation de la
température (rayonnement du soleil, volcans…) de celles dues à l’homme ; ces dernières sont
donc bien un facteur explicatif très important de la hausse des températures.
2- Quelles évolutions attendre ?
Sur cette question on est moins sûr de nos réponses… J’ai résumé des rapports du GIEC
2007 qui vont jusqu’à l’horizon 2100 :
Le dioxyde de carbone va continuer à augmenter ; suivant le mouvement, la température
aussi, de 1 à 6, 4 degré selon les scénarios économiques (plutôt 3° à 6° en Europe et dans
l’hémsisphère nord car il y a plus de terres émergées et même 8-10° en Arctique) ; de même
pour les précipitations dans l’hémisphère nord avec une mauvaise répartition géographique et
saisonnière. On observera aussi le déplacement des zones de végétation ; la hausse des
incendies naturels car ils sont liés à la sécheresse estivale ; quand aux tempêtes, leurs
fréquences est sujet à débats et ce serait plutôt leurs intensités qui augmenteraient que leurs
fréquences ; l’augmentation du niveau des mers sera de 20 à 60cm et enfin la fonte des glaces
continuera.
a) Les engagements
La France s’est engagée à diviser par 4 ses émissions de gaz à effets de serre en 2050
(transport, industries, agriculture) ; ceci non pas pour empêcher le réchauffement mais pour le
limiter à 2,5° en 2100.
Ce qui fait peur c’est que même si on arrête ces productions d’ici une dizaine d’années, on ne
va que stabiliser la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère et on ne pourra la
diminuer car il y a rémanence : il reste dans l’atmosphère pendant un certain temps ; on a
encore le dioxyde issu de la Révolution industrielle…De même pour la température qui ne va
pas diminuer mais augmentera moins vite pour se stabiliser dans quelques siècles ; enfin, le
niveau des mers continuera à augmenter (inertie) en même temps que la température.
A propos du Gulf Stream, il y a plusieurs hypothèses qui disent qu’avec la fonte des deux
calottes, il pourrait y avoir une limitation voir un arrêt de ce courant mais cette hypothèse est
maintenant mise en réserve par ceux qui pensent que se sont les circulations des masses d’air
et les vents d’ouest qui viennent réchauffer les côtes de l’Europe de l’ouest ; pour eux une
diminution de ce courant ne nous ferait pas rentrer dans une aire glaciaire mais atténuerait
simplement le réchauffement.
b) Les évolutions en France et en région
Si l’on étudie les températures estivales en France depuis 1860 et ce, jusqu’en 2100 on
observe une forte hausse ; l’été 2003 deviendra alors un été moyen en 2070…
Si l’on se réfère au scénario le plus pessimiste, dans le sud de la France les étés verront leur
température augmenter de 6° à 7°.
En 2000 on a eu 3 à 10 jours de canicule dépassant 35° ; en 2100 on en aura 30 jours avec le
sénario le plus pessimiste.
En hiver, les précipitations vont augmenter de manière générale avec une accentuation dans
les régions montagneuses et en Bretagne.
En Franche-Comté on estime +2mm/ jours soit 30 cm en totalité durant tout l’hiver en plus
d’une augmentation des inondations. Les fortes averses donneront +20mn.
Toujours avec le scénario pessimiste, les durées des sécheresses l’été iront jusqu’à 35 jours
dans le sud-ouest ; ici ce sera 25 jours.
3- Conséquences sur les arbres et la forêt
Ces évolutions ne sont pas toutes mauvaises :
L’augmentation du taux de CO² n’est pas mauvais pour les arbres car c’est leur nutriment
principal pour fabriquer de la matière avec l’eau et la photosynthèse.
Si la température d’automne, d'hiver et de printemps augmente, alors la saison de
végétation va s’allonger ; les résineux qui conservent leurs feuilles en hiver, vont aussi
pouvoir pousser.
Cependant, il y aura aussi des conséquences négatives : l’augmentation des gelées qui ne
seront pas exclues même s’il y a hausse de la température ; la saison de végétation deviendra
plus longue et les saisons moins tranchées ; les arbres vont alors démarrer trop tôt au
printemps et risquer les gelées tardives ; l’été, il n’y aura pas assez d’eau disponible dans le
sol et ils vont griller en période de sécheresse ou beaucoup transpirer ; de plus ils vont tarder à
se mettre en hivernation en automne suite aux températures encore agréables et seront
confrontés aux tempêtes qui vont augmenter, comme certains le pensent.
a) la production
On constate que les forêts françaises sont plus productives (étude INRA Nancy)
contrairement à ce que l’on pensait dans les années 80 après les pluies acides ; ceci est vrai
pour toutes les essences (épicéa, sapin, hêtre, chêne, pin). On a ensuite relié ce phénomène à
celui du changement climatique (allongement de la saison de végétation, hausse des
températures, du taux de CO² mais aussi de la pollution atmosphérique).
Prenons l’exemple des durées de révolution pour l’année 2005: pour atteindre 60cm, il ne
fallait déjà plus que 90 ans (-40%) alors qu’il y a un siècle il aurait fallu 150 ans ; je vous
laisse imaginer les bouleversements pour les plans de gestion, les aménagements…
Quand aux hauteurs on prévoyait qu’elles allaient augmenter de 4m à l’âge de 65 ans. Ces
changements sont vraiment importants pour la stabilité des peuplements
Si l’on s’intéresse à la vigne, on sait que les viticulteurs ont toujours été plus attentifs aux
changements climatiques, indices majeurs pour la bonne santé de leur production ; ils ont
ainsi pu constater depuis 1970 que la date de floraison était avancée de 12 jours et la date de
vendange de 23 jours. C’est un problème car il n’y a plus étudiants disponibles à cette
époque ! Ils sont donc très inquiets sur l’évolution des crus.
Cette tendance de l’évolution de la production ne peut pas durer indéfiniment, les arbres ne
peuvent pas pousser indéfiniment ; il y aura des changements quand on manquera d’eau et que
la sécheresse viendra ; il y aura une rupture. Dans le sud a été mise en place une étude sur le
pin d’Alep qui prend de la place sur le pin Sylvestre (cf : hécatombe de 2003 dans les Alpes
de Haute-Provence). Depuis 1960 il y a une diminution de la production mais il finira lui aussi
par disparaître vers 2030.
b) Aspect phytosanitaire
Il est lui aussi inquiétant car une augmentation de la température s’accompagne d’une
expansion de l’aire potentiel, en surface et en hauteur, d’un certain nombre de ravageurs
(insectes, parasites, pathogènes…) : la chenille processionnaire du pin va bientôt arriver en
Franche-Comté ainsi que la maladie de l’encre du chêne ... Les insectes ont de beaux jours
devant eux !
c) Catastrophes climatiques
Les incendies de forêts sont un indice fort. On a l’exemple de 2004 où on avait relevé des
risques important en zone méditerranéenne ; en 2003, pendant la canicule, le risque couvrait
une bonne moitié de la France.
Les gens ont des idées partagées sur la fréquence des tempêtes mais on constate au moins que
les dégâts sont plus importants ; les volumes abbatus sont plus importants ; ils sont dus soit à
la tempête soit à la fragilité des peuplements qui sont de plus en plus haut et qui vont
s’accroître encore.
d) Evolution des aires de répartition potentielle des espèces d’arbres
Pour atteindre ces nouvelles aires de développement il leur faudra migrer naturellement,
ce qui n’est déjà pas évident car on ne peut savoir comment elles vont vraiment réagir au
changement climatique. De plus, sur leur chemin, elles vont rencontrer d’autres espèces, il
faudra alors qu’elles s’équilibrent.
On distingue 5 groupes d’essences: celle des montagnes, celle des plaines et des montagnes de
l’ouest, celle des plaines de l’ouest, du sud ouest et méditerranéennes (carte validée avec les
données de l’Inventaire forestier national) ; on observe, suivant le scénario le plus positif du
GIEC, une remontée des espèces du sud et une réduction importante des espèces de montagne
et de l’ouest.
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