retrouver le temps de parler. Je prends un autre exemple,
celui de la migraine. Le médecin de famille écoute le
patient inquiet qui veut des réponses rapides. En
l’absence de temps pour l’écoute, le médecin prescrit
souvent des examens coûteux pour rassurer le patient.
C’est une facilité qui coûte à la collectivité !
Si nous retrouvons le temps de parler, la plupart de ces
examens peuvent être évités. Ce temps doit être reconnu
à sa juste valeur, payé. On doit freiner la course actuelle
aux actes et à la rentabilité immédiate.
Et pour les examens et le recours aux spécialistes, à qui se
fier ?
Dans un premier temps, l’essentiel c’est de faire un bon
diagnostic. Il y a des progrès à faire sur ce sujet, sans
doute en utilisant mieux le dossier médical. C'est aux
médecins de famille d’établir ce diagnostic et ils doivent
être formé en conséquence.
Par ailleurs, il est vrai que les examens complémentaires
d’aujourd’hui donnent accès à une information de
qualité et cela peut être précieux. Entre une palpation de
l’abdomen et une échographie abdominale, il n’y a pas
photo ! Les analyses PSA (Prostate Spécific Antigen) pour
le dépistage du cancer de la prostate peuvent donner
des informations riches.
Enfin, je suis partisan du double avis. Le double avis est à
mes yeux un régulateur qui permet de ne pas
nécessairement recourir aux examens les plus coûteux,
comme l’Imagerie à Résonance Magnétique ou le
scanner. D’une part le médecin essaie de faire des
économies, d’éviter la prescription inutile, d’autre part il
cherche à se couvrir juridiquement. Le double avis donne
à la décision concernant la prescription coûteuse une
meilleure sécurité au patient et favorise la discussion entre
les professionnels.
Le double avis entre qui et qui ?
Entre deux médecins, qu’ils soient généralistes ou
spécialistes. Deux avis deviendraient alors conseillés pour
que l’examen soit pratiqué et remboursé.
Et vous ne craignez pas qu'avec ce suivi médical, on
remette en cause la liberté du choix du médecin ?
On peut le craindre. Mais des choix sont nécessaires si on
veut assurer une bonne qualité pour tous.
Vous savez, pour faire des économies, on a crée le
numerus clausus, destiné à diminuer l'offre de praticiens
dans l'esprit de baisser la consommation. Résultat ? Des
départements entiers sont ainsi privés de neurologue ou
de gynécologue ! Quelle liberté quand on n’a plus de
praticien ?
Toutes ces mesures mettent-elles en danger l'égalité des
soins pour tous ?
En France et jusqu’à présent, tout le monde peut avoir
accès au meilleur des soins. C'est cela notre acquis et
c'est cela qu'il faut défendre !
La prévention, le recours à un médecin traitant, le dossier
médical partagé, le double avis sont à mon
sens des solutions concrètes pour faire les économies là où
elles sont efficaces et possibles. On se redonne ainsi les
moyens économiques des exigences dont nous parlions
au début, et in fine on protège ces acquis.
Racontez-nous l'histoire du Centre OSE.
Initialement, c’est une association fondée en 1913
à St Petersbourg par des médecins juifs et communistes. Ils
se soucient justement d’organiser la prévention des
fléaux de l’époque : tuberculose, syphilis, malnutrition…
En 1918, ils sont expulsés de Russie et se réfugient en
Autriche et en Allemagne où ils créent une association
juive laïque dont Albert Einstein est le président. Ils fuient
en 1933 pour rejoindre la Suisse puis la France. Ils fondent
13 centres de santé sous le nom d’O S E (Œuvre de
Secours aux Enfants). Ils entrent dans la Résistance avec
Jean Moulin en 1940, sous la direction de Mr Garel, et
prennent en charge les enfants de familles juives
déportées et les « enfants cachés ».
Ils font passer 9000 enfants en zone libre avec l’aide de
familles françaises catholiques ou protestantes ou encore
laïques. Après la guerre, l‘OSE recueille les orphelins quelle
que soit leur origine, et bénéficie de l’Aide Sociale à
l’Enfance.
Et aujourd’hui ?
Nous continuons cette oeuvre en faveur des enfants, en
maison d’enfants, en placement familial ou en milieu
ouvert. Dans le centre de Paris, nous avons aussi un
Centre Médico Psychologique, rue Ferdinand Duval, 4ème.
Nous n’oublions pas les enfants cachés qui ont
maintenant plus de 70 ans… Nous avons créé un café
pour les survivants de la Shoah au 19, rue du Pont-aux-
Choux dans le 3ème. Notre centre de santé, rue Vieille du
Temple recueille aussi leur mémoire ; le Centre de Jour
Edith Kremsdorf soigne les plus âgés avec troubles
cognitifs. L’OSE a également créé une « maison des
sources », inspirée par la maison verte de Françoise Dolto,
rue Julien Lacroix, dans le 20ème. Depuis la fin de la guerre,
ces centres sont bien sur ouverts à tous sans distinction de
confession.
Avez-vous des projets ?
Nous souhaitons nous adresser à ceux qui ne peuvent plus
se déplacer en adaptant leur environnement à
l’handicap, aider à aménager les appartements
permettant le soutien à domicile, et en évitant tous les
inconvénients de l’hospitalisation.
Nous rêvons de créer un « hôpital de jour pour les troubles
du comportement » pour les arrondissements du centre
de Paris. Nous souhaitons développer le dépistage
précoce de la démence, favoriser le travail de réseau, la
formation informelle des soignant, aidants familiaux et
volontaires.
Et à court terme?
Contre vents et marées, garder un service de prévention
et d'accompagnement pour les personnes fragilisées par
la précarité, la maladie physique ou psychique,
l’isolement, le grand âge.
Développer des lieux d'accueil et de soins pour les
populations plus jeune, marginalisé, non intégrés dans le
tissu social, en particulier les enfants autistes ou
psychotiques.
Rationaliser nos relations avec le dispensaire public de la
rue au Maire, 3ème et proposer des soins complémentaires
aux autres services de soin du secteur, public, associatif
ou libéral.
Dans cette optique, il est indispensable de resserrer les
liens avec les généralistes et médecins traitants du
quartier de façon à utiliser au mieux le plateau technique
offert par le Centre OSE, son service social, son unité de
dépistage et de soins des troubles de la mémoire, de la
maladie d’Alzheimer et affections apparentées.
L‘OSE souhaite préserver ses échanges avec les praticiens
d’autres pays européens confrontés aux mêmes
problèmes, avec Israël où l’expérience des centre de jour
est une des plus riche au monde, ainsi que les soignants
des Pays de l'Est, d’Afrique du Nord, Maroc et Tunisie en
particulier avec lesquels les liens d’amitiés sont anciens et
solides.
Propos recueillis par Richard Toffolet (3ème), Dominique
Brard, Edith David, Jean Rincé (4ème) – Juillet 2004
Ce courrier vous est adressé par les Conseils de Quartier de Paris Centre : Saint-Gervais (4°) et Temple (3°). Nous invitons tous les parisiens et
Conseils de Quartier que le sujet intéresse à nous contacter à l’adresse suivante : quartiers_sante@yahoo.fr ou au 01 44 54 75 28.
3
3
n u m é r o
n u m é r o