UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l`éducation

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UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l’éducation
Département des Sciences de l’éducation
Master 2ème année – Sciences de l’éducation
Mention professionnelle Métiers de la formation
Parcours
Ingénierie et conseil en formation
L’EVALUATION DES ETUDIANTS AU CŒUR DE L’ALTERNANCE,
UN NOUVEL ENGAGEMENT AU SERVICE DES COMPETENCES
L’exemple des étudiants (es) infirmiers (ières)
Sous la direction d’Emilie DUBOIS, Directrice de mémoire,
Présenté par Rémy PEZIN
Septembre 2010
— Table des matières —
INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 3
Première partie : Contexte historique et évolution de la formation en soins infirmiers ............ 5
1.
L’universitarisation de la formation ................................................................................... 5
1.1
Le système licence-master-doctorat ............................................................................. 5
1.2
Les enjeux de cette nouvelle formation ......................................................................... 6
2.
Un nouveau référentiel de formation ................................................................................. 8
3.
Une nouvelle approche pédagogique par les compétences ........................................... 9
3.1
De l’activité à la compétence ......................................................................................... 9
3.2
La compétence au service de la professionnalisation................................................. 12
4.
L’importance de l’alternance dans la formation infirmière ............................................ 14
4.1
Ses finalités dans l’apprentissage ................................................................................ 15
4.2
L’apprentissage sujet aux représentations sociales des étudiants ............................. 17
5.
De nouvelles modalités d’évaluation pour de nouvelles modalités d’apprentissage 19
5.1
Les modèles d’évaluation ............................................................................................ 19
5.2
Les évaluations et leurs fonctions ............................................................................... 21
5.3
Les postures de l’évaluateur ....................................................................................... 25
5.4
Une nouvelle dimension pédagogique pour le cadre formateur : le
socioconstructivisme .................................................................................................... 29
Deuxième partie : Construction de la problématique .................................................................. 32
1.
Constat ................................................................................................................................ 32
1.1
Questionnements ........................................................................................................ 32
1.2
Hypothèses .................................................................................................................. 35
2.
Dispositif de recherche ..................................................................................................... 36
2.1
Présentation de la structure ........................................................................................ 36
2.2
Constitution du groupe d’analyse ................................................................................ 37
2.3
Choix de la méthodologie d’investigation .................................................................... 37
2.4
Le guide d’entretien ..................................................................................................... 38
2.5
Le déroulement de l’entretien ...................................................................................... 41
2.6
La transcription des entretiens .................................................................................... 41
Troisième partie : Présentation de la mission .............................................................................. 42
1.
Nature de la mission .......................................................................................................... 42
2.
Contexte de la mission ...................................................................................................... 43
3.
Méthodologie : l’entretien d’explicitation ........................................................................ 45
4.
Synthèse ............................................................................................................................. 46
5.
Projections professionnelles ............................................................................................ 49
Quatrième partie : Analyse des résultats de la recherche .......................................................... 50
1.
Mise en place d’une grille d’analyse ................................................................................ 50
2.
Vérification des hypothèses ............................................................................................. 51
2.1.
Première hypothèse .................................................................................................... 51
2.2.
Deuxième hypothèse ................................................................................................... 56
2.3.
Troisième hypothèse ................................................................................................... 61
2.4.
Retour à la problématique initiale et propositions de réponses à la problématique
posée ........................................................................................................................... 64
3.
Critiques et limites du travail ............................................................................................ 66
Cinquième partie : Propositions .................................................................................................... 67
1.
Vers une nouvelle dynamique d’accompagnement et d’évaluation des étudiants 67
2.
Réflexions autour du partenariat ................................................................................. 71
3.
Perspectives et applications envisageables............................................................... 72
CONCLUSION ...................................................................................................................................... 75
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................. 76
ANNEXES ............................................................................................................................................. 82
INTRODUCTION
Etre Cadre de santé – Formateur en soins infirmiers en Institut de formation en soins
infirmiers (I.F.S.I.) nous a amené à appliquer le programme de formation en date de 1992. Il
nous fallu mettre en œuvre des modalités évaluatives spécifiques en stage. Nous avons pu
constater que ces évaluations principalement normatives représentaient une part importante
en temps autant pour les formateurs que pour les équipes soignantes. De plus, ces mises en
situation professionnelle (M.S.P.) sont à la fois subjectives, stressantes et déstabilisantes
pour les étudiant (tes), mais rassurent l’ensemble des évaluateurs par la possibilité de juger
de leur capacité. Elles n’invitent pas pour autant au partage, même si au cours de nos
expériences, une certaine liberté nous a été offerte dans l’échange, plus à notre sens dans la
transmission de notre vécu professionnel.
Nous avons pu aussi souvent remarquer qu’il était difficile pour l’évalué d’avoir une
autoévaluation constructive au terme de 2 ou 3 heures de M.S.P. « éprouvantes » car il a
hâte que l’épreuve se termine.
Suite à l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier, le référentiel de
formation nous invite maintenant à évaluer des compétences plutôt que de contrôler des
habiletés ou des capacités développées par l’étudiant en situation de soins.
Il engage ainsi l’ensemble des formateurs dans un nouveau processus de construction de
savoirs.
C’est pourquoi, afin de permettre de réfléchir et d’acquérir de nouvelles compétences
adaptées à notre situation professionnelle actuelle, il convient d’analyser, concevoir, mettre
en place, conduire et développer de nouvelles pratiques pour les rendre efficientes et
préparer les étudiants en soins infirmiers à l’exercice de leur futur métier.
Dans le cadre du Master professionnel « Ingénierie et Conseil en Formation », nous
avons donc choisi de travailler sur cette problématique à l’I.F.S.I. du Centre Hospitalier
Régional et Universitaire (C.H.R.U.) de Lille avec nos étudiant(tes) à la fois dans le cadre
d’un travail de recherche mais également au-travers d’une mission confiée par le Directeur
de la structure.
Aussi, après avoir campé le contexte historique et l’évolution de la formation en soins
infirmiers avec ses nouvelles approches pédagogiques, nous présenterons la problématique
en lien avec les concepts précédemment définis.
Ensuite nous exposerons la mission avec l’analyse des résultats ainsi que celle
relative à la recherche.
Enfin, nous porterons un regard critique sur cette recherche et nous terminerons sur
des projections professionnelles possibles suscitées par les réflexions émanant de ces deux
travaux.
Première partie : Contexte historique et évolution de la formation en soins infirmiers
1. L’universitarisation de la formation
1.1 Le système licence-master-doctorat
Jusqu’au XVIIème siècle, les soins ont été dispensés aux malades par des nonmédecins et relevaient en partie de la charité chrétienne et les savoir-faire dépendaient des
pratiques séculaires. L’appellation « infirmier » n’est apparue que vers 1642. Il a fallu
attendre la laïcisation des hôpitaux, les travaux de Pasteur et les progrès de la chirurgie pour
que le besoin de formation se fasse ressentir. L’enseignement officieux, au-départ, était axé
sur les soins « ménagers » (couture, entretien du linge, de la maison…) et les soins aux
personnes. La formation s’est ensuite officialisée au-cours du XXème siècle. De 1924 à 1992
se sont alors succédées de nombreuses réformes parallèlement à l’évolution de la
profession.
La formation infirmière connait aujourd’hui une réforme majeure qui vient mettre un terme
à dix-sept ans d’application du programme de 1992. Une nouvelle formation1 a donc vu le
jour. Elle s’inscrit dans la création d’un espace européen de l’enseignement supérieur dans
le cadre du processus de Bologne lancée en 1999 avec une volonté d’uniformiser les
systèmes éducatifs nationaux et de faciliter la reconnaissance des diplômes. Le décret 2002482 du 8 avril 2002 portant application au système français d’enseignement supérieur de la
Construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur marque l’entrée du système
français dans ce processus. Son application se caractérise :
- par une harmonisation commune des schémas de formation type LMD (Licence-MasterDoctorat) nécessaire pour répondre aux exigences universitaires, mais aussi dans le but d’
améliorer la qualité de l’enseignement et du contenu des formations,
- par une organisation de formation en semestres et en unités d’enseignement,
- par la mise en œuvre du système européen d’unités d’enseignement (U.E.) capitalisables
et transférables, dit « système européen de crédits (ECTS) ».
De plus, la rénovation du diplôme devait s’inscrire dans les évolutions législatives et
pédagogiques notamment la validation des acquis de l’expérience, l’inscription de la
profession dans le répertoire national des certifications professionnelles et le développement
des référentiels d’activité et de compétences.
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Cette formation, comme la précédente, a toujours pour objectif de former des infirmiers
autonomes, responsables mais capables aussi maintenant d’élaborer et de réaliser un projet
professionnel qui s’inscrive dans une perspective dynamique, sociale, économique, tout en
évoluant dans un cadre institutionnel et européen. En effet, les mutations techniques, le
recours au numérique et à l’informatique, un contexte financier difficile, l’identification de
nouveaux besoins de santé, les problèmes démographiques dans la profession,
l’augmentation de la charge de travail…obligent les nouveaux professionnels à acquérir une
qualification initiale suffisante pour maîtriser les exigences de leur environnement.
C’est pourquoi, la formation doit aujourd’hui se centrer sur les étudiants afin de les conduire
à acquérir les capacités indispensables pour faire face à ce nouveau contexte.
La mobilité offerte aux étudiants entre les pays de l’Union Européenne est donc encouragée,
de même que celle des formateurs afin de favoriser les échanges, les expériences et les
pratiques dans les hôpitaux comme dans les établissements de formation.
Néanmoins, la formation initiale reste avant tout essentielle pour développer les capacités et
l’autonomie des étudiants.
1.2 Les enjeux de cette nouvelle formation
Avant cette réforme, l’apprentissage était organisé en modules répartis par champ
disciplinaire sur toute la durée de la formation. Les nouveaux contenus sont à présent liés à
dix compétences, cœur du métier d’infirmier.
Cette nouvelle logique vise à rendre les étudiants plus acteurs de leur formation et à donner
du sens au contenu des cours des U.E. contributives à l’I.F.S.I comme en stage. Les unités
d’intégration, prévues au programme leur permettent de mieux assimiler les savoirs
progressivement au décours de celui-ci, d’en comprendre leurs utilités au regard des
situations rencontrées en stage ou d’une situation clinique décontextualisées.
De plus, l’approche des stages est différente. Plus longs et moins nombreux, les stages
permettent à chacun d’acquérir et de développer plus aisément des habiletés au regard de
chaque compétence.
Les étudiants disposent d’un outil d’apprentissage essentiel, un portfolio, qui leur permet de
mesurer leur progression mais aussi d’analyser des situations vécues, des difficultés
rencontrées ; analyse facilitée par des temps d’échanges renforcés avec les professionnels
des terrains de stage et les cadres-formateurs. Ces nouvelles modalités nécessitent de leur
part un engagement volontaire et une forte implication pour comprendre leur vécu, pour
mettre en évidence les éléments positifs ou négatifs afin de les transposer ou les modifier au
cours de leurs expériences futures.
Pour cela, la formalisation du référentiel de formation doit les aider à résoudre des
problèmes plus ou moins complexes et développer leur liberté d’action ainsi que leurs
capacités pour les conduire à des pratiques innovantes afin d’atteindre les objectifs fixés.
Ces nombreux changements conduisent par ailleurs chaque professionnel à réinterroger sa
posture.
Ils repositionnent à la fois différemment l’encadrement de proximité et les cadres-formateurs
de l’I.F.S.I. En stage, le tutorat est formalisé pour les infirmiers (ières). Il reprend tout son
sens comme le définit précisément Thierry Ardouin2 quand il est pratiqué dans les systèmes
de travail : « le tutorat correspond aux activités d’un professionnel, en situation de travail ou
de production, ayant en charge l’accompagnement d’un d’une personne en cours de
formation ou d’intégration dans l’entreprise ». Il est donc un mode de formation qui se
déroule dans les situations de travail réel, dans un contexte et un environnement particulier,
dans des structures de soins ou à domicile en ce qui nous concerne et qui prend la forme
d’un accompagnement.
Le tuteur représente la fonction pédagogique du stage. Il doit développer ses propres
compétences et s’inscrire dans un processus d’évaluation des acquisitions des compétences
en induisant une démarche de questionnement et de raisonnement de l’étudiant. Cela
demande une grande adaptabilité et un accompagnement très personnalisé pas toujours très
aisé dans le contexte actuel.
Les formateurs voient leur rôle également évoluer. Il nécessitera une guidance très
personnalisée des étudiants qui nécessitera d’adapter leur parcours à leur niveau de
progression. Ils doivent aussi trouver des moyens qui affineront leur sens de l’observation et
qui leur permettront d’exercer leur capacité de recherche et de raisonnement dans leurs
expériences.
Le référentiel de formation a donc pour objet de professionnaliser le parcours des étudiants
Il convient ainsi de rappeler ici les notions et concepts de référentiel de formation, de
compétence, d’évaluation en lien avec le thème de la professionnalisation, avant de justifier
de la pertinence du paradigme constructiviste pour l’approche par compétences dans le
cadre du référentiel de formation conduisant au diplôme d'Etat d’infirmier (ière).
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2. Un nouveau référentiel de formation
Le référentiel de formation est un document dont le contenu a pour objectif de
préciser les dispositions réglementaires et pédagogiques d’une formation.
Le métier d’infirmier (ière) diplômé (e) d’Etat
6FKpPD
Référentiel d’activité du métier
Le diplôme d’infirmier (ière) diplômé (e) d’Etat
Le Référentiel de certification du domaine professionnel
Référentiel de 10 compétences
Critères d’évaluation
La formation
Référentiel de formation
Modalités d’évaluation et de validation
— Le référentiel de formation en soins infirmiers —
en Soins infirmiers
3H]LQ5DGDSWpGH&RXGUD\
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Ce référentiel est induit par le référentiel de certification du domaine professionnel qui
comporte3 (cf. schéma 1) :
-
un référentiel de compétences structuré ; référentiel ayant été défini à partir d’un
référentiel d’activités du métier d’infirmier (ères),
-
les critères d’évaluation de ces compétences qui fixent le niveau d’exigence,
-
les modalités d’évaluation et de validation.
« Le référentiel de formation présente un ensemble cohérent et significatif de compétences
à acquérir. Il est conçu selon une démarche qui tient compte à la fois des facteurs tels que
les besoins de formation, la situation de travail, les buts ainsi que les moyens pour réaliser la
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pWXGHVLQILUPLqUHV(GLWLRQ0DVVRQ
formation. Le référentiel de formation constitue un outil de référence dont une partie ou la
totalité a un caractère prescriptif. Les compétences du référentiel incluent une description
des résultats attendus au terme de la formation ; elles ont une influence directe sur le choix
des activités pratiques et théoriques d’enseignement (…). Il est également un outil de
référence pour l’évaluation des apprentissages »4.
Il précise ainsi les règles d’organisation de la formation infirmière, ici en référence à l’Arrêté
du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier5 et à l’Arrêté du 31 juillet 2009 relatif aux
autorisations des instituts de formation préparant aux diplômes d’infirmier, (…)6 et les
consignes d’organisation de l’enseignement par alternance, soit la répartition des unités
d’enseignement et des stages sur les six semestres de formation ainsi que leurs modalités
d’évaluation. Le cadre – formateur met en œuvre le projet pédagogique définit par l’I.F.S.I. et
organise par ailleurs un enseignement cohérent de ces unités d’intégration en lien avec le
niveau d’acquisition des dix compétences à atteindre en stage. La compétence est donc
indissociable de l’action et des pratiques en structures de soins.
3. Une nouvelle approche pédagogique par les compétences
3.1 De l’activité à la compétence
Le professionnel doit être en mesure d’effectuer au quotidien des activités, des tâches
précises délimitées et définies par son champ d’exercice. On peut notamment distinguer
pour les infirmiers (ières) neuf grandes activités professionnelles :
- Observation et recueil de données cliniques,
- Soins de confort et de bien-être,
- Information et éducation de la personne, de son entourage et d’un groupe de personnes
- Surveillance de l’évolution de l’état de santé des personnes,
- Soins et activités à visée diagnostique et thérapeutique,
- Coordination et organisation des activités des soins,
- Contrôle et gestion de matériels et de produits,
- Formation et information de nouveaux personnels et de stagiaires,
- Veille professionnelle et recherche.
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Ces activités sont donc mises en œuvre dans différents lieux : des établissements de santé
(Hôpitaux, Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes…), à domicile,
dans des collectivités (crèches, collèges, lycées…) et dans différents contextes : dans des
situations d’urgence, en fin de vie, dans des situations de prévention…
Elles font donc parties intégrante, comme la définition de l’infirmier7 l’indique, « des soins de
nature préventive, curative ou palliative, dispensés visant à promouvoir, maintenir et
restaurer la santé, ils contribuent à l’éducation de la santé et à l’accompagnement des
personnes ou des groupes dans leur parcours de soins en lien avec leur projet de vie ».
Néanmoins, les activités sont mises en œuvre dans des situations professionnelles
complexes qui ne permettent pas en elle-même de se rendre compte très précisément de la
richesse du métier. Seule la compétence peut exprimée essentiellement cette richesse.
Philippe Zarifian8 définit la compétence comme :
- « la prise d’initiative et de responsabilité de l’individu sur des situations professionnelles
auxquelles il est confronté » : cela suppose que l’individu est capable d’imagination,
d’invention pour adapter une réponse face à un évènement. De part son action, il a pouvoir
de modifier l’existant et d’influer sur les conséquences de l’évènement.
- « une intelligence pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et
les transforme, avec d’autant plus de force que la diversité des situations augmente » : pour
pouvoir intervenir face à un évènement, l’individu fait appel à la fois à la dimension cognitive
de son intelligence, ce qui signifie qu’il lui faut la connaissance du produit. La seconde
dimension est de forme compréhensive, il sait apprécier et comprendre une situation. Les
connaissances acquises sont dépendantes du nombre d’évènements auxquels a été
confronté l’individu et de l’expérience qu’ils lui auront apporté.
- « la faculté à mobiliser des réseaux d’acteurs autour des mêmes situations, à partager des
enjeux, à assumer des domaines de coresponsabilités » : pour faire face à une situation,
plusieurs individus vont mobiliser leurs compétences respectives afin de mieux répondre à
celle-ci.
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8
ZARIFIAN P., Objectif compétence pour une nouvelle logique, Paris, Editions Liaisons, 1999
Il s’agit donc maintenant comme le suggère Guy Le Boterf9, de dépasser la compétence
comme simple addition de savoirs mais de la percevoir comme « une certaine combinaison
de capacités ou d’aptitudes pour résoudre un problème donné ». Le professionnel doit
« Savoir agir, savoir intégrer, savoir transférer ». De même, André de Peretti la caractérise
comme « une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à
maîtriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de
les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais
problèmes »10 .
Les caractpristiques de la compptence 1
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1 D¶aprqs la DHOS, CG Conseil, Note mpthodologique pour l¶plaboration des diplômes, l¶plaboration d¶un rpfprentiel de
formation
3
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Pour répondre à ses futures missions, l’étudiant(e) infirmier(ière) devra donc disposer des
ressources personnelles suffisantes et adéquates telles que des savoirs théoriques, savoirs
pratiques, méthodologiques, relationnels et sociaux. Ces savoirs lui seront nécessaires à la
compréhension des situations. Il devra se constituer, combiner et mobiliser des ressources
personnelles et externes en situation réelle ou simulée. Puis il devra être en mesure
d’évaluer son action pour ensuite conceptualiser et acquérir la capacité de transposer ses
acquis dans des situations nouvelles.
En stage, il est important de considérer la mobilisation de ces connaissances, de pouvoir
déterminer si l’étudiant(e) est capable de les combiner en situation, de les transposer
ultérieurement dans un autre contexte et ainsi s’il agit avec compétence ou non.
Cette approche est déterminante dans le processus de professionnalisation de l’étudiant(e).
3.2 La compétence au service de la professionnalisation
« La professionnalisation est définie comme un ensemble d’actions visant à organiser
une activité professionnelle ou à améliorer la performance professionnelle d’une personne
ou d’une organisation »11.
Elle s’applique à développer des compétences à visée professionnelle dans le cadre d’une
formation initiale conduisant à un diplôme professionnel. L’étudiant(e) infirmier (ière) doit
donc acquérir au cours des stages un ensemble de dix compétences. Pour Guy Le Boterf12,
une formation professionnalisante vise à développer chez les étudiants des ressources
personnelles, à leur offrir des ressources externes et les moyens d’y accéder, mais aussi
surtout si son exercice professionnel repose sur l’entraînement à agir en situation.
On ne peut définir le terme de professionnalisation sans définir le terme « compétence » :
« capacité à agir « dans » et « pour » un ensemble de situations professionnelles ; (…)
savoir mobiliser et combiner des ressources, de façon pertinente au regard de finalités
poursuivies, et en prenant en compte les caractéristiques de la situation »13 .
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Richard WITTORSKI a réalisé des travaux sur le concept de professionnalisation. Selon lui,
le mot «professionnalisation » revêt trois sens différents14 :
- la professionnalisation des activités, voire des métiers, au sens de l'organisation sociale
d'un ensemble d'activités (création de règles d'exercice de ces activités, reconnaissance
sociale de leur utilité, construction de programmes de formation à ces activités,...) ;
- la professionnalisation des acteurs, au sens à la fois de la transmission de savoirs et de
compétences (considérées comme nécessaires pour exercer la profession) et de la
construction d'une identité de professionnelle ;
- la professionnalisation des organisations, au sens de la formalisation d'un système
d'expertise par et dans l'organisation.
La professionnalisation est donc un processus de négociation, par le jeu des groupes
sociaux, en vue de faire reconnaître l'autonomie et la spécificité d'un ensemble d'activités et
un processus de formation d'individus aux contenus d'une profession existante. Dans le
premier cas, il s'agit de construire une nouvelle profession et, dans le second, de former des
individus à une profession existante.
La professionnalisation « met en scène » des acquis personnels ou collectifs tels les
savoirs, les connaissances, les capacités et les compétences. Bien plus, elle réside dans le
jeu de la construction et/ou de l'acquisition de ces éléments qui permettront au final de dire
de quelqu'un qu'il est un professionnel c'est-à-dire qu'il est doté de la professionnalité
(l'ensemble des connaissances, des savoirs, des capacités et des compétences
caractérisant sa profession).
Ainsi, comme il le stipule, l’offre de formation prend un « caractère professionnalisant » et
vise « à développer l’efficacité perçue des dispositifs en vue d’améliorer la place et la
légitimité des pratiques de formation ». « Elle constitue un enjeu identitaire fort pour les
milieux de la formation » 15.
Le cadre formateur doit donc mettre les étudiants en situation pour qu’ils construisent euxmêmes leurs connaissances à partir de leurs savoirs.
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Pour cela, Richard WITTORSKI considère plusieurs voies de professionnalisation :
- la transmission des savoirs théoriques,
- la formation alternée,
- la réflexion anticipée pour une mise en pratique dans le travail,
- l’analyse de pratiques qui formalise des compétences produites dans l’action,
- l’expérience
L’alternance éducative semble être aujourd’hui un dispositif de choix pour contribuer à la
professionnalisation et il semble important de clarifier ses représentations car les voies
décrites ci-dessus semblent faire partie intégrantes d’une alternance de qualité, notamment
au-sein de la formation infirmière.
4. L’importance de l’alternance dans la formation infirmière
Le projet de formation est construit sur le modèle de la formation en alternance, qui
marque l’existence de plusieurs lieux de formation, l’I.F.S.I. et les lieux d’exercice
professionnel, et donc la reconnaissance du stage comme élément fondamental dans
l’acquisition des compétences. « Au cours de la formation conduisant au diplôme d’Etat
d’infirmier, les équipes enseignantes des instituts de formation disposent de vingt semaines
de stage qu’elles organisent librement, en fonction du potentiel de stage, du projet
pédagogique de l’institut de formation en soins infirmiers et du projet professionnel de
l’étudiant dont un stage de projet professionnel, d’une durée de huit semaines au minimum
et de douze semaines au maximum en fin de formation »16. Les stages doivent se dérouler
dans trois disciplines différentes. Le choix s’est porté dans notre institution sur 5 stages de 4
semaines par année répartis dans les spécialités suivantes : médecine, gériatrie, chirurgie,
psychiatrie, santé publique, pédiatrie et réanimation/urgences/soins intensifs, bloc
opératoire. Le temps d’enseignement clinique est ainsi à peu près équivalent au temps
d’enseignement théorique, sauf en fin de cursus où les troisièmes années bénéficient d’un
temps de formation pratique supérieur au temps d’enseignement théorique.
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4.1 Ses finalités dans l’apprentissage
L’alternance avec l’hôpital rejoint ainsi les finalités de J.Houssaye (1987) 17 :
- d’ « adapter, c'est-à-dire relier formation et emploi », ouvrir l’I.F.S.I. sur le monde
professionnel que sont entre-autres les hôpitaux généraux et psychiatriques, les
établissements pour personnes âgées dépendantes, les établissements scolaires, les
crèches…et répondre aux exigences du monde professionnel.
- de « motiver », car un nombre important de nos étudiants ont besoin de l’être pour
leurs études après des incertitudes au niveau de leur scolarité : difficultés scolaires,
réorientations après des échecs en faculté de médecine, reprise des études tardives comme
les aides-soignants…
- d’ « insérer les jeunes sortis de l’école traditionnelle sans diplôme et sans
qualification »
- d’ « intégrer les jeunes ou adultes dans un système de formation qui tente de gérer
des ruptures notamment de lieux », ici l’I.F.S.I. et les lieux d’exercice cités précédemment.
Pour Philippe Perrenoud « L’alternance désigne le va-et-vient d’un futur professionnel
entre deux lieux de formation, d’une part un " institut de formation initiale ", d’autre part un ou
plusieurs « lieux de stages » »18.
Les étudiants mettent donc en pratique les cours théoriques enseignés réalisés par l'équipe
enseignante ou par des intervenants extérieurs (médecins, kinésithérapeutes, infirmiers...) :
On distingue les modules transversaux étudiés tout au long des trois ans qui sont le support
de la profession infirmière (soins infirmiers, sciences humaines, anatomie-physiologiepharmacologie,
législation-éthique-déontologie-responsabilité-organisation
du
travail,
hygiène), et les modules de soins spécifiques dont chacun est étudié une fois ( ex : soins
aux personnes atteintes d'affections respiratoires soins aux personnes atteintes d’affections
digestives… ) répartis sur les 3 ans ; ou alors « anticipent » leurs apprentissages.
&/(1(7-5HSUpVHQWDWLRQVIRUPDWLRQVHWDOWHUQDQFH(GLWLRQVO·+DUPDWWDQ
3(55(128'3©$UWLFXODWLRQWKpRULFRSUDWLTXHHWIRUPDWLRQGHSUDWLFLHQVUpIOH[LIVHQ
DOWHUQDQFHª)DFXOWpGHSV\FKRORJLHHWGHVVFLHQFHVGHO·pGXFDWLRQ8QLYHUVLWpGH*HQqYH
L’alternance est un véritable moyen d’apprentissage. Elle doit être « susceptible
d’accompagner le sujet dans un processus d’apprentissage récursif, coopératif et alternatif :
« faire pour comprendre » et « comprendre pour faire »19. Elle permet à l’apprenant de
mettre son savoir au profit de son savoir-faire et inversement. Pour Piaget, le formateur peut
s’appuyer sur deux types de stratégies existants, le « réussir » et « le comprendre » (…)
« Comprendre consiste à dégager la raison des choses ; réussir ne revient qu’à les utiliser
avec succès »20. Le savoir prend sens par les problèmes qu’il permet de résoudre en
pensée.
Ainsi, les cours effectués à l’I.F.S.I. en seraient l’application. Par contre, « réussir », c’est
comprendre en action une situation donnée pour atteindre des buts proposés. L’apprenant
mobilise alors son vécu expérientiel. Il agit pour comprendre. La volonté d’une pédagogie de
l’alternance dans notre projet de formation prend donc la forme d’une alternance « réelle ou
intégrative » comme le nomme Gérard Malglaive, où les « liens entre les lieux de formation
sont assurés par l’utilisation des expériences mutuelles dans l’un et l’autre des lieux. Cette
structure ainsi formalisée permet des interactions entre savoirs théoriques et savoirs
pratiques,
que
l’apprenant
s’approprie,
construit
et
transforme
en
compétences
professionnelles »21. L’enseignement mené à l’I.F.S.I. et les activités réalisées sur les lieux
de stage prennent alors du sens. Cela oblige de la part des étudiants à mobiliser leurs
potentiels, à une autonomisation progressive face à des situations de soins plus ou moins
complexes. Le rôle des acteurs de la formation, à la fois les cadres formateurs et les
différents partenaires est donc important pour les conduire vers cet objectif.
&/(1(7-/·LQJpQLHULHGHVIRUPDWLRQVHQDOWHUQDQFH3RXUFRPSUHQGUHF·HVWjGLUHSRXUIDLUH
3DULV/·+DUPDWWDQ
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0$/*/$,9(*$OWHUQDQFHHWFRPSpWHQFHV/HVFDKLHUVSpGDJRJLTXHVQƒ
4.2 L’apprentissage sujet aux représentations sociales des étudiants
« Devenir adulte (…) C’est apprendre à vivre dans le doute et l’incertitude ».
Hubert Reeves
Aussi, on peut se demander si les étudiants d’aujourd’hui sont prêts à s’impliquer
ainsi et à faire face à de telles responsabilités. De plus les représentations sociales que se
font la plupart des étudiants du monde du travail et de l’apprentissage sont bien différentes.
Les acteurs de formation devront donc en tenir compte dans leur accompagnement.
En effet les représentations sociales constituent « une forme de connaissance, socialement
élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité
commune à un ensemble social »22. Elles concernent « la façon dont nous, sujets sociaux,
appréhendons les événements de la vie courante (…) ». Bref, la connaissance spontanée,
naïve, qui intéresse tant aujourd’hui les sciences sociales, celle que l’on a coutume d’appeler
la connaissance de sens commun ou encore pensée naturelle, par opposition à la pensée
scientifique. Cette connaissance se constitue à partir de nos expériences, mais aussi des
informations, savoirs, modèles de pensée que nous recevons et transmettons par la
tradition, l’éducation, la communication sociale. Aussi est-elle, par bien des côtés, une
connaissance socialement élaborée et partagée »23.
Pour Michel Vandenberghe24, les valeurs, les attentes et les attitudes à l’égard du travail sont
différentes pour les nouvelles générations. Les cadres sociaux du travail ont changé et ils ne
sont pas sans créer quelques conflits entre les différentes générations. De nombreux
étudiants, sensibles à la difficulté de trouver du travail, ne rentrent pas toujours en formation
avec des motivations fondées. La population est très hétérogène (bacheliers, universitaires
de différentes filières…) du fait d’un parcours plus chaotique dans leur formation. De plus,
beaucoup n’ont que des notions très succinctes du monde de l’hôpital et de la profession
d’infirmier (ières). Au cours des premiers entretiens pédagogiques, elle se résume souvent à
apporter du confort aux patients par une présence, par des paroles et « faire des piqûres »,
et la notion de puéricultrice à s’occuper des enfants ! Leur objectif est d’obtenir dans une
filière courte un diplôme qui leur permettra de s’insérer rapidement dans le monde du travail
et de s’assumer. Intégrer une formation par alternance représente déjà une insertion sociale
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G·pFKDQJHVVXUOHSDUWHQDULDW,)6,²&+58GH/LOOH
dans laquelle ils vont se faire leur propre expérience. Selon les générations, la conception
même de l’expérience n’est pas la même. Dans la génération des infirmiers diplômés dans
les années 70-90, acquérir de l’expérience valorisait les échanges avec les pairs. Echanges
basés sur un respect hiérarchique, une qualité de relation dont les conseils pour réaliser des
actes infirmiers constituaient l’essence même du savoir. Maintenant, les bonnes pratiques se
sont standardisées par le biais de protocoles, de procédures dont les nouveaux étudiants ont
la connaissance. Pour eux, connaitre les procédures et savoir les appliquer font preuve
d’expérience! De plus, l’évolution technologique est venue questionner la notion
d’expérience, évolution que maîtrisent davantage les jeunes générations. Ainsi, les
changements à répétitions et l’évolution du métier sont au cœur des tensions entre les
différentes générations et aboutit parfois à un apprentissage dans la confrontation ;
confrontation avec la réalité que ce soit dans leurs rapports avec autrui que dans leurs
exercices professionnels. Ils apprennent tout en travaillant. « La question est posée de
savoir comment la classique notion de conflit de génération est encore pertinente pour traiter
les problèmes d’intégration des plus jeunes ou de transmission de connaissances »25.
Ici, l’étudiant « construit des représentations qu’il développe autour des valeurs personnelles,
de la valorisation qu’il accorde à ses actions et à ses apprentissages »26.
Pour autant ce mode d’apprentissage semble-t-il correspondre à leurs attentes, il
bouleverse également leurs représentations de la formation.
Scolarisés dans le primaire et le secondaire, leurs apprentissages étaient le plus souvent
réduits à l’assimilation de connaissances théoriques et à leurs restitutions décontextualisés
pour obtenir des notes dans l’objectif de valider leur année et passer dans une classe
supérieure.
Notre ancien programme de formation est lui aussi très axé sur un apport massif de
connaissances qui font l’objet d’évaluations de formes diverses.
,ELG
&/(1(7-5HSUpVHQWDWLRQVIRUPDWLRQVHWDOWHUQDQFH/·+DUPDWWDQ
5. De
nouvelles
modalités
d’évaluation
pour
de
nouvelles
modalités
d’apprentissage
5.1 Les modèles d’évaluation
Si on se réfère aux 3 modèles d’évaluation : l’évaluation-mesure (période des
modèles « historique »), l’évaluation-gestion (période des modèles contemporains) et les
modèles en élaboration, on peut mettre en évidence que notre projet pédagogique inhérent à
notre ancien programme était principalement un modèle contemporain.
Dans ce modèle « évaluer, c’est gérer, c'est-à-dire maîtriser les situations, atteindre des
objectifs, être efficace…prendre les bonnes décisions, rationnellement, résoudre des
problèmes…, développer les potentiels… »27.
En effet, la déclinaison de « l’évaluation » dans notre projet pédagogique se déclinait par
objectifs28 :
-
« Construire
des
savoirs
opérationnels
en
tenant
compte
des
évolutions
professionnelles, institutionnelles, et de l’environnement,
-
Participer à la promotion de la santé de la population, des personnels et des
étudiants,
-
Améliorer la qualité des soins offerts aux clients, usagers des structures de soins ».
Un ensemble de moyens étaient mis à disposition des étudiants afin d’atteindre des
compétences spécifiques à notre profession avec pour finalité « Former des infirmières
responsables et autonomes ».
On voit ici que la démarche s’inscrit à la fois dans le modèle de pensée :
-
du fonctionnalisme « schéma moyens-fins… » représenté par la « théorie des
objectifs » : l’évaluation normative est conçue pour permettre aux étudiants d’obtenir
des résultats suffisants pour être diplômés.
-
du structuralisme se caractérisant « par sa mise à jour d’invariants » : « la
reproduction des règles » notamment dans le respect des textes officiels comme
celles des règles professionnelles par exemple.
-
de la « systémie » qui se préoccupent de l’interrelation des éléments entre-eux : elle
permet à l’étudiant de participer à l’évaluation formative lorsqu’il sollicite auprès des
professionnels de terrain un bilan de demi-stage, quand il évalue avec l’aide de
l’encadrement en stage ou à l’I.F.S.I. « ses tâches », ses méthodes de travail, ses
aptitudes gestuelles, quand il argumente ses choix de procédure pour une meilleure
adaptation à la réalité professionnelle et qu’il applique la démarche de résolution de
problèmes aux situations rencontrées…L’évaluation formative prend alors la forme
9,$/06HIRUPHUSRXUpYDOXHU'H%RHFN
©3URMHWSpGDJRJLTXHª,)6,&+58GH/LOOH
comme le décrit Charles Hadji 29 d’ « évaluation prédictive ou pronostique », cette
dernière « identifie certaines caractéristiques de l’apprenant et fait un bilan, plus ou
moins approfondi, de ses points forts et de ses points faibles ». Evaluation réalisée
tout au long de la formation au cours des suivis pédagogiques dans le « but de
favoriser l’évolution de l’étudiant en travaillant sur le positif de chacun »30.
5.2 Les évaluations et leurs fonctions
On peut alors remarquer que les évaluations assument deux fonctions « sociales »31 :
o l’évaluation normative ou sommative « socialement organisée, annoncée et
32
exécutée » : elle vérifie « la conformité selon un référentiel préétabli (…) dans une logique
de contrôle »33 en regard du code de la santé publique en permettant aux étudiants de
devenir des professionnels.
Dans cette fonction, « Evaluation est synonyme d’opérations de mesure »34. Jean Cardinet la
nomme « évaluation quantificatrice » car « elle recueille en priorité des données
chiffrées »35. Les outils d’évaluation produits « sont des appareils de mesure (…) dont le
prototype reste la notation de zéro à vingt ».
L’évaluation des connaissances et des aptitudes des étudiants est effectué tout au long de la
formation au moyen d’un contrôle continu. Elle porte sur les connaissances théoriques en
regard des modules théoriques étudiés (soins infirmiers en pédiatrie, aux personnes
atteintes d’affections respiratoires, d’affections digestives…), soit un total de quinze modules
complétés par deux modules d’approfondissement, des connaissances cliniques à raison de
deux mises en situation professionnelle en stage par an et sur les stages (seize stages au
total). Sont insérés dans l’évaluation des modules théoriques l’évaluation des modules
présentant un caractère global et transversal : sciences humaines, anatomie-physiologie et
pharmacologie, législation - éthique et déontologie - responsabilité - organisation du travail,
santé publique, soins infirmiers et hygiène.
L’enseignement théorique est évalué sous forme d'un contrôle de connaissances prenant la
forme de multi questionnaires, de cas cliniques et de questions à choix multiples.
+$'-,&/·pYDOXDWLRQGpP\VWLILpH(6)pGLWHXU
,ELG
9,$/06HIRUPHUSRXUpYDOXHU'H%RHFN
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,ELG
9,$/0%211,2/--/HVPRGqOHVGHO·pYDOXDWLRQ'H%RHFN
,ELG
L'évaluation est réalisée par plusieurs formateurs de l'institut de formation ayant participé à
l'enseignement du module concerné. Chaque évaluation est notée sur vingt points et fait
l’objet d’une grille de correction précise. Cependant, outre le soin apporté à la précision des
éléments du corrigé, la docimologie, définie comme « l’étude systématique des examens
(modes de notation, variabilité interindividuelle et intra individuelle des examinateurs,
facteurs subjectifs…) » a mis à jour « une série de variables influençant les notations,
appelées « effets » »36.
On y retrouve :
-
les « effets d’ordre et de succession des copies ». Jean-Jacques Bonniol a constaté
au cours d’une étude deux phénomènes : à la fois que la note d’une copie dépend en
partie de la ou des copies précédentes et leur est en quelque sorte opposé, et que
les correcteurs sont plus sévères à la fin de la série qu’au début. Effet que l’on a pu
observer notamment lors des doubles corrections des copies de rattrapage en fin
d’année.
-
les « effets de stéréotypie » qui stipulerait ici que le formateur connaît suffisamment
les étudiants et influencerait sa correction. Le choix a donc été fait de rendre
anonyme les copies d’examen.
-
l’ « effet de halo », défini par M. Gilly, où certains stéréotypes sociaux influenceraient
les représentations des formateurs à l’égard des étudiants. Il est vrai que l’implication
d’une
promotion,
l’attitude
des
étudiants
envers
les
intervenants,
les
formateurs…peuvent inconsciemment participer à l’évaluation, notamment lors d’un
exposé oral.
L’ensemble de ces connaissances théoriques corrélées à des recherches personnelles sera
ensuite mobilisé pour l’élaboration d’un travail écrit, le travail de fin d’études, dont la note
prend part pour moitié dans l’évaluation certificative pour l’obtention du diplôme d’état
d’infirmier.
Les mises en situation professionnelle font également l’objet d’une cotation sur vingt points
se basant sur une grille d’évaluation. Elles consistent en l’observation d’un étudiant en
situations de soins par un cadre formateur et un soignant d’une équipe de soins. L’étudiant
applique des protocoles de soins, qui nécessitent une adaptation en fonction de la personne
9,$/0%211,2/--/HVPRGqOHVGHO·pYDOXDWLRQ'H%RHFN
soignée et de la situation du jour. L’évaluation porte sur le comportement professionnel, les
capacités à gérer et à organiser les soins d’un point technique et relationnel. Elle s’orientera
donc davantage sur les aptitudes et les attitudes que met en place l’étudiant pour optimiser
sa prise en charge, comme par exemple son organisation, sa communication, son respect de
l’hygiène…
Dans ce cas, l’évaluation « porte sur une production, sur un comportement qui est une
réponse déterminée par un problème, par une tâche (…), tâche définie à partir d’objectifs
d’évaluation qui spécifient les objectifs institutionnels visés ». Elle « est alors définie comme
une comparaison entre un produit réel et un modèle de référence »37. Le produit réel étant
l’étudiant en situation de soins, le modèle de référence, l’infirmier mais avec des exigences
différentes par rapport aux acquisitions selon le niveau atteint dans ses études. La
représentation que peut se faire l’évaluateur d’une tâche peut donc tout à fait être variable
car il y a une infinité de réalisations possibles qui peuvent dépendre d’un ensemble de
paramètres (le temps imparti, les moyens disponibles…), et ce fait être abstraite. De plus,
l’expérience des évaluateurs dans la spécialité ou l’enseignement de soins spécifiques du
service influera sur les exigences voulues « Si, pour un même évaluateur, les exigences
évoluent, il va de soi qu’elles varient d’un enseignant à l’autre »38. Cette évaluation revêt
donc un caractère très subjectif. Le plus souvent, elle est peu appréciée par les étudiants.
Lesquels expriment des difficultés à reproduire l’enseignement de l’ I.F.S.I. au cœur de la
réalité professionnelle. La posture est donc délicate tant pour l’étudiant que pour le cadre
formateur.
Par des modalités similaires, une dernière mise en situation professionnelle est requise pour
certifier des compétences de l’étudiant. L’obtention d’une moyenne minimum à dix sur vingt
de cette note à celle du travail de fin d’études sera sanctionnée par le diplôme d'Etat
d'infirmier.
Cette situation d’évaluation se fait aussi dans une logique de contrôle au cours de laquelle
un jury va vérifier le niveau d’acquisition et d’intégration par l’étudiant d’un savoir, d’un
savoir-faire et d’un savoir être.
Pour chacun des stages effectués tout au long de la scolarité, une évaluation est réalisée à
un moment bien déterminé, par l'équipe ayant effectivement assuré l'encadrement de
l'étudiant et par le professionnel du service responsable du stage.
9,$/0%211,2/--/HVPRGqOHVGHO·pYDOXDWLRQ'H%RHFN
9,$/0%211,2/--/HVPRGqOHVGHO·pYDOXDWLRQ%280$5''H%RHFN
Chacun des stages est noté sur vingt points. Les notes sont étayées par une appréciation
précise et motivée. L’outil utilisé, une grille fait l’objet aussi de critères comportementaux
divers. Là-aussi, ces critères ne peuvent qu’être appréciés avec subjectivité. De par une
observation « continue » le temps du stage, les équipes soignantes réalisent l’évaluation de
l’étudiant, avec des exigences plus ou moins déterminées, en attendant de la part de
l’étudiant une certaine compétence, sans prendre spécifiquement en compte le niveau de
formation de celui-ci.
o l’évaluation
formative :
elle
« contribue
39
à une
bonne
régulation de
40
dans une autre
l’enseignement » . Elle doit « Promouvoir le changement, émanciper »
logique qui est celle « de l’accompagnement de la dynamique de changement »41, ceci en
formant des infirmières « capables d’élaborer et de réaliser un projet professionnel qui
s’inscrive dans une perspective dynamique, sociale, économique et d’évoluer dans un cadre
institutionnel régional et européen »42.
Philippe Perrenoud rappelle qu’est « formative toute évaluation qui aide l’élève à apprendre
et à se développer, autrement dit, qui participe à la régulation des apprentissages et du
développement dans le sens d’un projet éducatif », affirme qu’il vaudrait mieux parler
« d’observation formative que d’évaluation »43. En effet, contrairement à la posture du cadre
formateur lors d’une évaluation normative qui observe pour noter, il porte ici son regard sur
l’activité de l’étudiant en stage. Selon Patrice Pelpel, « l’observation se définit ici comme un
processus attentionnel qui se situe en aval du simple regard, et en amont de l’évaluation et
de l’intervention »44. Regarder, c’est diriger son regard plutôt que vers cela sans pour autant
qu’il y est une finalité particulière. Tandis qu’observer, c’est focaliser son attention d’une
manière volontaire sur certaines informations significatives. « Il s’agit d’un processus
attentionnel dirigé et restrictif, libre de tout jugement et de toute intervention volontariste
dans la situation observée »45. Le cadre-formateur observe la prise en charge des patients
que l’étudiant a en responsabilité. Il observe son organisation, la mise en œuvre des
techniques de soins, ses capacités relationnelles avec les malades mais aussi avec les
équipes soignantes…Font suite, des échanges entre le formateur et l’étudiant sur des
+$'-,&/·pYDOXDWLRQGpP\VWLILpH(6)pGLWHXU
9,$/06HIRUPHUSRXUpYDOXHU'H%RHFN
,ELG
©3URMHWSpGDJRJLTXHª,)6,&+58GH/LOOH
3(55(128' 3 ©3RXU XQH DSSURFKH SUDJPDWLTXH GH O·pYDOXDWLRQ IRUPDWLYHª 0HVXUH HW
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3(/3(/3*XLGHGHODIRQFWLRQWXWRUDOH/HVpGLWLRQVG·RUJDQLVDWLRQ
,ELG
données précises, afin de permettre à ce dernier de situer précisément ce qu’il a acquis et
les difficultés rencontrées. La finalité serait de lui permettre de mettre en œuvre d’autres
procédures afin de faciliter sa progression. Selon, G. De Landsherre, « l’évaluation formative
a pour but de dresser un état d’avancement, de reconnaître où et en quoi un élève éprouve
une difficulté et de l’aider à la surmonter. Cette évaluation ne se traduit pas en notes (…). Il
s’agit d’une information en retour (feedback) pour l’élève et pour le maître »46 avec pour
enjeu essentiel pour B. Petit jean, de rendre « l’élève acteur de son apprentissage (...), elle
est continue, plutôt analytique et centrée plus sur l’apprenant que sur le produit fini »47.
L’évaluation formative centrée sur l’étudiant en situation professionnelle prend la forme d’une
pédagogie individualisée
dans l’objectif de donner du sens à ses actions. Elle va lui
permettre de se questionner et de renforcer son positionnement. L’étudiant se construit ainsi
une identité d’apprenant toujours en évolution.
Le cadre formateur en soins infirmiers, dans sa posture d’évaluateur, prend à la fois les
figures emblématiques, définis par Charles Hadji48, d’expert, de juge et de philosophe.
5.3 Les postures de l’évaluateur
Expert, car c’est celui qui sait. Il a un niveau de connaissances reconnues, les
compétences infirmières pour mesurer et régler une situation. Pour Jacques Ardouino, il est
« un professionnel qui a capacité, de par son pouvoir, de par son savoir, à intervenir de
manière pertinente sur une situation délimitée par la profession, pour observer, évaluer, agir
de manière directe ou différée, en vue d’obtenir une meilleure maîtrise de l’opérateur sur les
évolutions à venir des processus qui composent ladite situation »49.
Juge, car c’est celui qui donne une « parole appréciative » en fonction d’un modèle
prédéterminé. Un référentiel apprécie une situation par rapport à une autre situation visée ou
souhaitée par rapport à un ou des critères repérés. Il vise ici une qualité de soins dans son
approche multidimensionnelle qu’ils soient curatifs, préventifs ou éducatifs.
$%5(&+7 5/·pYDOXDWLRQ IRUPDWLYH XQH DQDO\VH FULWLTXH 'H %RHFN 8QLYHUVLWp 'H
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FRQVXOWDQW/HVQRXYHOOHVIRUPHVGHODUHFKHUFKHHQpGXFDWLRQ/LOOH&8((3
Philosophe car il cherche « à comprendre l’être dans sa multidimensionnalité ». Il
donne « une parole interprétative » sans partir d’un modèle prédéterminé. Il donne du sens à
une situation « en construisant avec le référent ». La prise en charge d’un patient étant
individuelle et personnalisée, le cadre formateur permettra à l’étudiant de faire émerger les
liens entre le ou les problèmes (s) de santé du patient et la pertinence des prescriptions
médicales et des soins prodigués. Ceci lors de présentations de projets de soins
individualisés de la personne soignée conformément à la méthodologie du raisonnement
clinique enseignée. La situation peut alors être réelle en stage, ou fictive à partir d’un cas
clinique lors de travaux dirigés en groupes d’étudiants à l’I.F.S.I.
Au regard de ces figures emblématiques, il apparaît que le cadre formateur lors des
évaluations formatives en stage se trouve dans une position ambivalente par rapport à
l’étudiant. En étant juge et expert, il détient un certain pouvoir sur l’étudiant observé qui n’est
pas sans créer une sorte de mal-être chez celui-ci. Les étudiants renvoient souvent cette
impression de vivre une évaluation normative sans la note, soit une « répétition » une fois
par an de l’évaluation avant la prochaine qui sera notée. L’évaluation formative se perd alors
dans une logique de contrôle plutôt que de s’ouvrir sur la recherche de sens, sur la
connaissance.
Néanmoins, même si cette situation d’évaluation est en grande partie perçue pour beaucoup
d’étudiants comme du contrôle, pour Michel Vial, il reste de cette évaluation quand on en
retranche le contrôle, ce qu’il a appelé « la logique du reste »50 ; une forme plus élaborée
d’évaluation formative proposée dans les années quatre-vingt par les chercheurs de
l’Académie d’Aix-Marseille, G. Nunziati, J.J. Bonniol, R. Antigues, sous l’appellation
d’ « évaluation formatrice »51, dont le terme initialement suggéré par le québécois G. Scallon,
proposait de centrer l’approche sur « la régulation assurée par l’élève lui-même », et non pas
pour J.J. Bonniol en priorité sur les « stratégies pédagogiques du maître ». La finalité de ce
dispositif est de faire de l’évaluation « formatrice » un outil de formation dont l’élève
disposerait pour poursuivre ses objectifs personnels et pour construire son propre parcours
d’apprentissage.
9,$/06HIRUPHUSRXUpYDOXHU'H%RHFN
$%5(&+75/·pYDOXDWLRQIRUPDWLYHXQHDQDO\VHFULWLTXH'H%RHFN8QLYHUVLWp
Les objectifs d’apprentissage principaux visés par la démarche de cette évaluation retenue
par G. Nunziati sont les suivants52 :
o L’appropriation par les élèves des objectifs et des critères des professeurs, ce
qui débouche sur une représentation concrète des buts à atteindre et installe les conditions
de l’auto-évaluation.
Les objectifs sont d’une part l’objectif de la tâche, qui recouvre une idée du résultat qui sera
l’aboutissement de l’activité de l’élève (que s’agit-il de faire exactement ?), d’autre part les
objectifs d’apprentissage, qui devraient idéalement être assimilés, c’est les mécanismes
cognitifs au cours de l’activité.
Deux types de critères sont définis : les critères de réalisation répondant aux
questions « Que dois-je faire pour fabriquer ce produit ? Quelles actions mentales, quelles
opérations dois-je faire subir aux outils, aux savoirs et aux notions dont je dispose ? » et les
critères de réussite répondant à la question « Comment saura-t-on que l’opération a été bien
faite, en ne voyant que le produit ? Comment saura-t-on que le produit est bon ? »
o
La maîtrise par l’apprenant des procédures de planification préalables et
d’orientation de l’action ;
o
La gestion des erreurs dans le cadre de l’autocorrection.
Appropriation, auto-évaluation, autocorrection : on constate que le souci d’impliquer l’élève
est très présent et que la régulation est assurée essentiellement par lui-même.
« Auto signifie de par soi-même, qui passe par soi et qui construit le sujet »53 et vise donc
l’autonomie de l’individu. On pourrait se questionner sur les bénéfices d’un tel dispositif
d’apprentissage en regard de la définition des soins infirmiers selon le conseil international
des infirmières qui visent en partie l’autonomie dans les soins « On entend par soins
infirmiers les soins prodigués, de manière autonome ou en collaboration, aux individus de
tous âges, aux familles, aux groupes et aux communautés – malades ou bien-portants – quel
que soit le cadre…. »54. Ce dispositif est en phase avec la réalité professionnelle, il fonde les
représentations, l’identité de l’apprenant. L’identité pour A. Mucchielli est définie comme
« l’ensemble des processus cognitifs et affectifs par lesquels les personnes donnent sens
,ELG
9,$/06HIRUPHUSRXUpYDOXHU'H%RHFN
KWWSZZZLFQFKIUHQFKKWP&RQVHLO,QWHUQDWLRQDOGHV,QILUPLqUHV
aux informations conçues et/ou reçues en un savoir qui leur est propre »55. L’ensemble de ce
savoir est source de l’identité personnelle.
Dans la mesure où « apprendre par alternance, c’est construire et inventer ses propres
savoirs »56, l’étudiant en soins infirmiers en se plaçant dans ce dispositif n’est plus
simplement acteur mais auteur de sa formation en décidant et en agissant sur son
apprentissage. En ce sens, il rentre dans un processus d’autoformation comme l’a défini P.
Galvani « L’autoformation exprime l’action de mise en forme et de mise en sens personnel
qui articule différentes sources de formation : l’existence, l’expérience et la pratique et les
connaissances offertes dans l’environnement social »57.
Elle s’appuie sur le modèle ternaire défini par Gaston Pineau58 qui détermine les sources
suivantes :
-
le pôle « hétéro », la formation reçue par les autres, celle dispensée à l’école, en
centre de formation, la formation formelle ou instituée ;
-
le pôle « éco », l’expérience directe des choses et des éléments, la formation
pratique en entreprise, (…) la formation de l’expérience, la formation informelle ;
-
le pôle « auto » qui se caractérise par une action définie comme un double processus
réflexif, une prise de conscience de soi comme étant formé par les autres (hétéro) et
par les choses (éco) et une appropriation du pouvoir de formation par soi-même et de
son application à soi-même.
L’étudiant s’inscrit donc dans une « démarche autonome de production de savoirs qui
va de paire avec la production de sens ». Ce sens lui permet de s’inscrire dans une
démarche globale de construction de soi et de développement des connaissances,
de construire son projet professionnel et donc son projet de vie. Pour Catherine
Clénet59, le cadre formateur doit développer chez l’apprenant sa propre réflexion sur
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son expérience. Elle vise un encouragement à la réflexivité de l’apprenant sur celleci. Cette démarche consiste à explorer la pratique professionnelle et à identifier les
savoirs incorporés à l’action. L’objectif est de faire émerger des situations
professionnelles où l’apprenant pourra identifier les savoirs mis en œuvre, ou savoirs
d’action, pour mieux les réfléchir et les exploiter d’un point de vue théorique. Comme
l’indique Guy Le Boterf, le professionnel n’est pas celui qui possède des savoirs ou
des savoir-faire, mais celui qui sait les mobiliser dans un contexte professionnel. « La
compétence est toujours « compétence pour » »60. La méthodologie doit être axée
sur une démarche de recherche, et développer ainsi le raisonnement hypothéticodéductif. A partir de l’expérience concrète, il lui faut identifier des situations
problèmes, encourageant la recherche, l’analyse et la problématisation.
5.4 Une nouvelle dimension pédagogique pour le cadre formateur : le
socioconstructivisme
En effet, le programme de la nouvelle formation s’inscrit dans un paradigme
épistémologique de la connaissance qu’est le socioconstructivisme. Ce « cadre général de
référence articule entre-eux les concepts et les catégories qui guident la pensée et l’action
de celui qui s’intéresse aux questions relatives à la construction, à l’acquisition, à la
modification, à la réfutation ou au développement des connaissances »61.
Les connaissances ne doivent pas être transmises mais « construites par celui qui
apprend »62. Les étudiants doivent construire leurs connaissances par une activité réflexive à
partir de leurs différents savoirs, et les adapter aux exigences et caractéristiques des
situations auxquelles ils vont être confrontés à l’hôpital comme dans les lieux de vie. Leurs
apprentissages vont ainsi se développer grâce aux interactions sociales établies dans leurs
différents lieux de stage au contact des clients et des partenaires soignants.
Pour les cadres formateurs, il convient de les accompagner dans ces situations, éléments
centraux de leurs apprentissages, mais surtout dans leur pratique réflexive.
Il s’agit maintenant pour les enseignants de trouver de nouveaux repères et d’accorder une
place de choix à l’enseignement clinique en stage. Par définition, l’enseignement clinique
« est une forme de communication et d’application des connaissances théoriques,
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techniques, organisationnelles et relationnelles. Il se déroule dans un milieu susceptible
d’offrir à l’étudiant(e) l’occasion de situer ses connaissances dans une vue d’ensemble réelle
auprès des clients. Il lui permet de passer de la théorie à la pratique. Il favorise l’intégration
des connaissances par la répétition »63. Charge aux cadres formateurs de superviser cet
enseignement en organisant judicieusement les expériences en stage offertes aux
étudiants(es), en s’assurant des savoirs nécessaires à mobiliser en milieu clinique, en leur
donnant des objectifs d’apprentissage précis selon le niveau de performance requis au
semestre de formation et en élaborant leurs propres instruments d’observation et
d’évaluation complémentaires de l’utilisation du portfolio de l’étudiant.
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— L’évaluation formative dans l’enseignement clinique —
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Le schéma conçu ci-dessus met en évidence que la relation pédagogique établie,
outre l’objectif d’amener les étudiants à acquérir des compétences professionnelles, doit les
conduire dans une démarche d’analyse de leurs pratiques : ceci en soulignant leurs erreurs
pour induire une remise en question, mais aussi en pointant les éléments positifs de manière
à renforcer leur confiance, notamment par le biais d’un processus de co-évaluation mettant
l’accent sur une approche didactique. De plus, elle doit promouvoir chez eux la capacité
d’auto-évaluation afin de développer leur sens critique, de leur permettre de juger
objectivement leurs actions et d’être en capacité à l’avenir de réajuster. Il importe de les
accompagner dans un processus métacognitif de construction de la connaissance et de
dépasser le sens très large de la définition de la métacognition proposé par le psychologue
John Flavell dans les années 70 qui « se rapporte à la connaissance qu´on a de ses propres
processus cognitifs, de leurs produits et de tout ce qui y touche, par exemple, les propriétés
pertinentes pour l´apprentissage d´information et de données... La métacognition se rapporte
entre autres choses, à l´évaluation active, à la régulation et l´organisation de ces processus
en fonction des objets cognitifs ou des données sur lesquelles ils portent, habituellement
pour servir un but ou un objectif concret »64. Il convient d’agir distinctement sur les deux
aspects principaux de cette définition : la connaissance qu’a l’apprenant de ses propres
processus mentaux, de leur produit et de leur régulation. Bien que ces deux aspects relèvent
d’une réflexion de ce dernier sur le traitement mental qu’il fait de la situation, il parait utile de
distinguer « les opérations mentales qui produisent des connaissances et celles qui
produisent des actions, qui participent à la régulation des opérations mentales »65. Dans le
cadre d’un soin à réaliser chez un patient par exemple, la métacognition concerne, d’une
part, les connaissances de l’étudiant sur le soin proprement dit, sur le ou les maladies du
patient…et, d’autre part, sa capacité de les adapter, les ajuster, en tenant compte du
contexte singulier de la situation (horaire, lieu de réalisation, état général et questionnement
du patient, matériel disponible…) pour réaliser ensuite un soin le plus optimal possible.
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Dans ce cas, la métacognition est un processus mental dans lequel se distingue
trois étapes66:
- le processus métacognitif : le sujet a conscience de ses activités cognitives. Dans le cas
de l’exemple, l’étudiant connait le protocole du soin à réaliser et le patient à traiter.
- le jugement métacognitif : le sujet exprime ou non un jugement sur son activité cognitive
ou sur le produit mental de cette activité. Toujours dans le cas cité, l’étudiant est en mesure
d’évaluer l’étendue et la pertinence de ses connaissances du protocole de soin et du patient
afin de prodiguer le soin en question.
- la décision métacognitive : le sujet peut prendre la décision de modifier ou non ses
activités cognitives ou leur produit ou tout autre aspect de la situation en fonction de son
jugement métacognitif. L’étudiant, selon son évaluation, va adapter sa technique de soin au
contexte.
La métacognition peut alors se limiter à la première ou à la deuxième étape et ne pas se
révéler régulatrice. Le rôle du formateur est de faire émerger à la conscience des étudiants
leurs propres démarches. Ce processus piagétien d’abstraction réfléchissante67 doit
s’exprimer dans des situations de résolution de problèmes au cours desquelles l’étudiant
sera capable de comprendre ses actions, la manière dont il les entreprend, et de développer
de nouvelles connaissances efficaces lui permettant ainsi d’y apporter des corrections
constructives.
Deuxième partie : Construction de la problématique
1. Constat
1.1 Questionnements
Les constats précédents nous montrent que les modalités d’évaluation dans le cadre
d’une nouvelle approche pédagogique centrée sur les compétences en situation clinique
doivent inscrire l’étudiant dans une démarche de questionnement. Pourtant les choses ne
sont pas si simples et elles nous suggèrent la position suivante. Le schéma suivant est un
appui complémentaire pour nous permettre de suivre la progression du raisonnement.
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Situation
d’apprentissage
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Evaluation
formative
Représentations
Cadre Formateur
Représentations
Etudiant en
Soins infirmiers
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Pratique
réflexive
Autoévaluation
Savoirs
pratiques
Implication
Expérience
personnelle
COMPETENCE
Savoirs
théoriques
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Contexte
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Savoirs
méthodologiques
Savoirs
relationnels
et sociaux
— Analyse diagnostic des processus évaluatifs mis en œuvre par les étudiants en
soins infirmiers au cours de leurs pratiques professionnelles —
Comme nous l’avons développé dans le concept de l’évaluation, l’étudiant, de par sa
scolarité antérieure :
¾ Associe évaluation à contrôle,
¾ Perçoit le cadre formateur comme un juge,
¾ Adopte des conduites de prudence, de méfiance par rapport à l’autorité.
¾ Apprend toujours quelque chose à partir des situations d’apprentissages rencontréesn.
Seulement, le processus d’acquisition fait que chaque étudiant, dans sa part d’autonomie,
apprend en fonction de son mode d’appréhension des données, de sa capacité
d’organisation mentale, de ses centres d’intérêts. Et c’est lui qui trie, élimine, réajuste,
organise, transforme les données observées ou vécues pour les assimiler.
Dans cette configuration, le cadre formateur dans une nouvelle approche didactique doit lui
permettre de niveler ces données, de le guider dans les notions à acquériro. Ceci en :
- Instaurant une relation de confiance constructive,
- Prenant en compte les connaissances empiriques déjà constituées en stage ou lors
de ses expériences personnelles,
- Changeant la culture de l’évaluation de l’apprenant.
De ce fait, le cadre formateur est soumis d’une part, à sa représentation de la situation
d’évaluationp, une pratique antérieure de l’ordre du normatif et une pratique formative à
développer; d’autre part aux représentations de l’étudiant sur la posture du formateur et de
l’évaluation elle-mêmeq.
En effet, pour s’adapter à ce nouveau contexte, chaque acteur produit des représentations
dites sociales. Elles sont définies par Denise Jodelet, comme « des systèmes d’interprétation
régissant notre relation au monde et aux autres qui orientent et organisent les conduites et
les communications sociales (...). Elles interviennent dans des processus aussi variés que la
diffusion et l’assimilation des connaissances, le développement individuel et collectif, la
définition des identités personnelles et sociales, l’expression des groupes et les
transformations sociales »68. Elles se constituent à partir de notre bagage culturel, éducatif,
de nos valeurs, de nos expériences individuelles et sont régulées en fonction de nos
besoins. Elles « fonctionnent comme un système d’interprétation de la réalité qui régit les
relations des individus à leur environnement physique et social et qui va déterminer leurs
comportements et leurs pratiques »69. Elles peuvent alors induire au sein d’un groupe des
manifestations mentales négatives comme les préjugés et les stéréotypes que le formateur
doit clarifier et comprendre pour développer de nouvelles relations d’apprentissage.
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On peut alors se poser la question de recherche suivante :
« Les représentations des étudiants (tes) en soins infirmiers de l’évaluation en
stage sont-elles un obstacle à l’analyse de leurs pratiques et à l’engagement dans un
processus réflexif avec le cadre formateur? »
1.2 Hypothèses
En effet, l’enseignement clinique oblige les cadres formateurs à développer de
nouvelles stratégies dynamiques pour que ces représentations évoluent, pour franchir cet
obstacle et impliquer l’étudiant(e) infirmier(ère) de manière active dans son apprentissager.
Les changements semblent tout à fait justifiés mais restent difficiles car :
« L’évaluation réalisée par les cadres formateurs en stage est toujours perçue par les
étudiants (tes) en soins infirmiers comme un contrôle » (Hypothèse 1).
De plus, nous pouvons nous poser de nombreuses interrogations face aux difficultés
de bon nombre d’étudiants à transférer, dans des situations réelles, les connaissances
transmises en cours, généralement abordées plusieurs fois sur les trois années de formation
et supposées acquises. Certaines, pourtant essentielles, sont oubliées, ou si acquises,
compartimentées par discipline et peu liées entre-elles pour traiter des situations complexes.
Elles s’orientent davantage vers les savoirs pratiques et leur satisfaction de savoir réaliser et
reproduire un geste technique d’un patient à un autre. Ils croient maîtriser la situation alors
qu’il n’en est rien !
« Les pratiques en stage conduisent les étudiants infirmiers à fournir un jugement
métacognitif optimiste de leur compétence » (Hypothèse 2).
Il nous faut donc nous questionner sur les processus mis en œuvre par les étudiants
(es) infirmiers (ères) dans l’acquisition des compétences et la construction de leur identité
professionnelle, ceci avant de passer d’un mode d’enseignement relevant plutôt du
béhaviorisme à celui du socioconstructivisme. A ce jour, « Les étudiants en soins
infirmiers ne s’inscrivent pas dans une autoévaluation objective de leurs activités
professionnelles car ils méconnaissent le concept de compétence » (Hypothèse 3).
Changer les représentations, avoir une vision claire du traitement cognitif des
ressources effectué par les étudiants et préciser la compétence nous semble un enjeu
pédagogique majeur au sens où ce cadrage devra permettre aux apprenants de comprendre
comment se responsabiliser, d’évaluer leurs propres compétences et poursuivre leur
investissement vers la réussite.
Dans le cadre de l’ingénierie de formation, cette recherche se situe dans sa première
phase. Elle se présente comme l’analyse diagnostic des processus évaluatifs mis en
œuvre par les étudiants au cours de leurs pratiques professionnelles.
L’intérêt de ce sujet réside dans la nécessité de clarifier l’accompagnement des étudiants
(es) dans l’évaluation et la construction de leurs compétences conformément à la mise en
place du référentiel de formation infirmière.
2. Dispositif de recherche
2.1 Présentation de la structure
La recherche s’est effectuée dans notre lieu d’exercice professionnel, l’Institut de
Formation en Soins infirmiers (I.F.S.I.) et l’Institut de Formation des Aides-Soignants
(I.F.A.S.) situés au cœur du campus hospitalo-universitaire régional de Lille. Cette proximité,
où étudiants, élèves et professionnels se côtoient, permet à l’Institut de bénéficier de la
haute technicité des équipements, de la diversité des activités et de la qualité des soins
proposés par le C.H.R.U. de Lille. Les Instituts œuvrent avec l’ensemble des partenaires
sanitaires et sociaux pour offrir une formation de qualité et développer des compétences
professionnelles au service de la population.
Il est dirigé par une équipe de direction constituée d’un Directeur de soins et d’un adjoint
Cadre supérieur de Santé. Une équipe de 23 formateurs, Cadres de Santé, accompagne
près de 450 étudiants et élèves répartis sur les trois années. Ils sont complémentaires par
leurs expériences et leurs qualifications.
La finalité de la formation est de permettre aux étudiants et élèves de faire vivre leur projet,
de construire leur identité professionnelle et de devenir des infirmiers et des aides-soignants
engagés dans un exercice éthique.
2.2 Constitution du groupe d’analyse
L’Institut de formation en soins infirmiers a donc été un terrain de choix pour effectuer
cette recherche. La population auprès de laquelle elle a été réalisée s’est composée de
douze étudiantes en soins infirmiers ayant déjà eu l’expérience de deux mises en situation
professionnelle (M.S.P.) au cours de leur année antérieure. Le choix s’est donc orienté vers
deux groupes d’étudiantes : six de deuxième année et six de troisième année.
Dans chacun de ces deux groupes d’étudiantes, trois ont réussi leurs deux M.S.P. en
obtenant une moyenne supérieure ou égale à 18/20 points ; trois autres ont eu une note
entre 8 et 10 à la première M.S.P. puis la note suivante au-dessus de la moyenne lors de
leur deuxième M.S.P, obtenant ainsi une moyenne comprise entre 11 et 13,5.
L’âge moyen pour les étudiantes de 2ème année est de 20,5 ans et pour celles de 3ème année
de 25,5 ans.
Aucun garçon n’a pu être interviewé car ils ne correspondaient pas aux critères définis.
Parmi les étudiantes de 2ème année, une seule est en études professionnelles.
Le recrutement s’est fait par sollicitation directe des étudiantes et sur la base du volontariat.
2.3 Choix de la méthodologie d’investigation
Aux vues des objectifs de cette recherche visant à l’expression des représentations
des étudiants sur l’évaluation en stage et la compréhension des processus cognitifs qu’ils
mettent en œuvre lors de leurs pratiques professionnelles, la méthode de recherche
qualitative nous a paru plus adaptée. En effet, elle a favorisé leur expression sur ces thèmes
et a permis de réaliser une analyse fine de ces processus. Elle s’est appuyée pour cela sur
l’utilisation de l’entretien. Ce dernier a permis de collecter des données qui ont permis, « en
utilisant un processus de communication verbale, de recueillir des informations, des
ressentis, des sentiments, des récits, des témoignages en relation avec le but fixé »70.
Pour cette recherche, le choix s’est porté sur des entretiens semi-directifs enregistrés auprès
des volontaires. Ils se sont composés de questions ouvertes, précises en vue d’introduire les
différents thèmes relatifs aux hypothèses. Cette méthode, grâce au contact direct avec les
étudiants et une faible directivité de la part du chercheur, ont facilité le recueil d’opinions.
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2.4 Le guide d’entretien
Les questions ont été préparées pour répondre à la problématique de recherche.
Deux à trois questions ont été posées pour valider ou non les deux premières hypothèses.
Hypothèse 1
« L’évaluation réalisée par les cadres formateurs en stage est toujours perçue par les
étudiants (tes) en soins infirmiers comme un contrôle »
1. Les évaluations vous ont-elles été aidantes dans votre formation ?
Si oui : pourquoi ?
Si non : Pourquoi ?
2. Vous souvenez-vous de vos évaluations formatives ?
Si oui, vous ont-elles permis de progresser ?
Si oui, dans quelle mesure ?
3. Comment était le formateur qui est venu vous évaluer ?
En formative ?
En normative ?
Hypothèse 2
« Les pratiques en stage conduisent les étudiants infirmiers à fournir un jugement
métacognitif optimiste de leur compétence »
1. Lors de vos stages, pourriez-vous me citer des situations de soins pour lesquelles
vous avez été satisfait de votre prestation?
Si oui : quelles sont-elles ? En quoi, étiez-vous satisfait ?
Y en a-t-il certaines pour lesquelles vous ne l’étiez pas ? Si oui ? Pourquoi?
2. Vous semble-t-il facile de vous auto évaluer après avoir pratiqué des soins chez un
patient ? Si oui ou non pourquoi ?
Sur quoi porte cette auto-évaluation ? Que remettez-vous en question lors de vos
pratiques professionnelles ?
Quels sont les notions qui vous semblent non acquises et pour lesquelles vous
éprouvez le plus souvent des difficultés ?
Une autre interrogation s’est appuyée sur l’observation d’une photographie pour la
troisième hypothèse.
Hypothèse 3
« Les étudiants en soins infirmiers ne s’inscrivent pas dans une autoévaluation
objective de leurs activités professionnelles car ils méconnaissent le concept de
compétence »
Lorsque vous réalisez un soin comme un prélèvement sanguin chez une patiente,
cela requiert de connaitre la technique de soin pour le réaliser. Selon vous, que faut-il aussi
connaitre pour être compétent dans une telle situation de soin. Vous pouvez vous appuyer
sur cette photo pour vous aider.
L’observation est primordiale dans la fonction infirmière, « c’est l’action de
considérer avec une attention méthodique, une personne, un groupe de personnes
soignées, c’est aussi un ensemble de documents dans lesquelles sont consignés les
résultats de cette observation. Elle est un élément capital de surveillance, qui permet de
saisir et de comprendre les changements qui peuvent se manifester. Elle met en jeu des
capacités intellectuelles et sensorielles qui permettent de discerner les besoins de la
personne ou du groupe, et les problèmes de santé qui en découle : démarche de soins,
surveillance clinique »71.
Elle est donc une source essentielle pour recueillir des données objectives et qualitatives qui
mobiliseront les connaissances nécessaires à une prise en charge holistique du patient.
Cette méthode coutumière dans la pratique professionnelle nous a donc semblé plus
familière aux étudiants et facilitatrice pour répondre à la question. Il a donc été fait le choix
de rester conforme à la réalité afin que cette observation soit la plus objective possible. Une
photographie, comme nous pouvons le voir ci-dessus, d’une infirmière en situation de soins,
réalisant un prélèvement sanguin chez une personne a été présentée.
Les étudiants visualisant la réalisation d’un prélèvement sanguin chez une personne soignée
pouvaient alors mettre plus facilement en évidence les caractéristiques principales de cette
compétence notamment en s’interrogeant sur le contexte (salle de soins ? service de
consultation ? cabinet libéral ? matériel disponible sécurisé ou non ?...), sur les tous les
savoirs associés « théoriques, pratiques, méthodologiques » à ce type d’acte (notions
d’anatomie pour le choix du lieu de ponction, nature, raisons de la prise de sang ?
positionnement adéquat de l’infirmière ? matériel bien mis à disposition ? respect des règles
d’hygiène et de protection des accidents d’exposition au sang avec le port de gants ?...),
« relationnels et sociaux » (communication appropriée / attitudes comportementales de la
soignante ?, connaissance de la personne/absence de blouse : malade ou non ? contrôle
préventif/ prise d’un traitement?...).
Les critères observables étaient descriptifs et faisaient l’objet de faits « concrets ».
L’ordre des questions a été modulable en fonction des réponses apportées dans le but
d’encourager l’expression libre.
Afin d’assurer une rigueur méthodologique, le guide d’entretien a été testé auprès d’une
personne, étudiante en troisième année.
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2.5 Le déroulement de l’entretien
Les entretiens ont été réalisés dans un bureau, pièce fermée afin de préserver le
calme et la confidentialité. La finalité de la recherche a été expliquée.
La durée de l’entretien, trente minutes à une heure a été précisée.
Tous les entretiens ont été enregistrés, après accord des interlocuteurs, pour assurer une
retranscription intégrale des données fiables, et pour faciliter leur analyse.
2.6 La transcription des entretiens
Les douze entretiens ont pu être retranscrits après les enregistrements.
Aucune distinction n’a été faite entre les étudiantes de 2ème et de 3ème année, ni entre celles
ayant des différences de résultats.
Avant d’exposer l’analyse des données recueillies lors de cette recherche, il
semble maintenant intéressant d’expliquer la mission qui a été menée auprès d’autres
étudiants (tes) infirmiers (ières) au sein de la même structure afin de proposer ensuite
une réflexion commune sur ces deux travaux.
Troisième partie : Présentation de la mission
1. Nature de la mission
En ce qui concerne la mission réalisée sur notre lieu de travail, elle s’avérait
complémentaire de la recherche engagée dans le cadre du Master 2 Ingénierie et Conseil en
Formation.
En effet, l’équipe pédagogique de l’Institut de formation du C.H.R.U. de Lille doit faire face
depuis septembre 2009 à cette réforme fondamentale de la formation72. Cette dernière a
suscité bien évidemment beaucoup de questionnements, notamment sur les nouvelles
modalités d’apprentissage par unités d’enseignement et sur l’accompagnement clinique en
stage.
Les nouvelles modalités n’effacent pas pour autant l’existant et s’inscrivent néanmoins dans
un continuum s’articulant avec le nouveau projet pédagogique. De plus, l’ancien programme
reste d’actualité pour l’apprentissage des étudiants des promotions 2009-2012 et 2008-2013.
Une phase transitoire s’avère donc nécessaire, et il convient de comprendre et de s’appuyer
sur les éléments générateurs de compétences chez les étudiants inscrits dans le programme
antérieur de formation.
De ce fait notre double fonction en tant que Cadre formateur se situe à deux niveaux méso
et macro. Elle nous amène au sein de l’Institution à exercer une fonction de responsable
de formation et participer « à la conception du dispositif général […] définir des orientations,
fixer des objectifs et organiser les moyens de la formation »73, et une fonction directe de
formateur permanent qui suit « les étudiants infirmiers dans leur cursus »74.
Aussi par la double fonction que nous assurons et de par les différentes postures définies,
dans le projet pédagogique :
- Posture de coordonnateur dans l’organisation, la gestion de la formation et la
négociation ;
- Posture de formateur qui aide l’étudiant à trouver sa propre « forme » ;
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- Posture d’enseignant dans le rapport de l’étudiant au savoir ;
- Posture de médiateur dans un accompagnement individuel et collectif ;
- Posture d’évaluateur dans une démarche formative et normative ;
- Posture d’accompagnateur dans une démarche de questionnement professionnel et dans
une analyse de pratique réflexive.
Nous nous devions de mettre à profit nos compétences et d’engager une démarche
de réflexion pour améliorer nos fonctions respectives, notamment en ciblant les étudiants
(tes) ayant connu un échec lors des mises en situations professionnelles. Ainsi, le public
ciblé de la recherche et celui-ci était-ils représentatifs de tous les niveaux des étudiants (tes).
Plus précisément encore pour certains(nes) d’entre-eux (elles), nous avions remarqué des
écarts de notes importantes entre l’échec et la réussite à leur épreuve de rattrapage.
Chaque étudiant(te) est tenu(e) pour valider son année d’obtenir une moyenne de 10/20
après deux mises en situation professionnelle. Malheureusement, pour quelque uns (unes),
la première ou la deuxième évaluation normative en stage s’est avéré un échec et a été
sanctionnée par une note éliminatoire, inférieure à 8/20. Ils ont été sujets à une troisième
évaluation au-cours du dernier stage et nous avons pu remarquer des notes très favorables,
supérieures pour bon nombre à 17/20.
Dans ces cas précis, il était judicieux et intéressant d’identifier les facteurs « générateurs de
sens » de la réussite de ces étudiants (es) infirmiers (ères) entre leur mise en échec et leur
réussite au cours du rattrapage.
Nous avons diposé pour remplir cette mission d’un délai de 450 heures réparties sur 5 mois.
2. Contexte de la mission
Le public des étudiants(es) était tout à fait accessible pour cette mission même si leur
rencontre était sujet aux contraintes imposées par le rythme des stages. Les rencontres
prenaient du temps mais les journées accordées dans le cadre de cette mission ont été
suffisantes pour la remplir à bien.
Sur un plan matériel, l’I.F.S.I. dispose d’un logiciel de gestion des notes des étudiants, il a
facilité le recensement de ceux concernés.
Ainsi :
¾ Concernant les étudiants actuellement en 2ème année, lors de leur 1ère année, il a
été recensé :
- Sur une promotion de 129 étudiants, 12 étudiants ayant eu une note de rattrapage : 6
lors de leur 1ère M.S.P., 4 lors de leur 2nde et 2 n’ayant pas eu la moyenne pour les 2 notes
(M.S.P. 1 et M.S.P. 2). 10 ont ensuite eu une note en M.S.P. de rattrapage supérieure ou
égale à 15, et 2 à 13.
¾ Concernant les étudiants actuellement en 3ème année, lors de leur 2ème année, il a
été recensé :
- Sur une promotion de 122 étudiants, 8 étudiants ayant eu une note de rattrapage : 4 lors
de leur 1ère M.S.P., 4 lors de leur 2nde. 5 ont ensuite eu une note en M.S.P. de rattrapage
supérieure ou égale à 15, et 3 entre 11 et 13.
Pour les 2 promotions, le nombre d’étudiants à interviewer était donc de 20 au total.
Après présentation des mes objectifs à l’ensemble, 15 étudiants(es) se sont portées
volontaires pour les entretiens : 8 en 2ème année (Moyenne d’âge : 21,5 ans, 5 titulaires du
baccalauréat S, 1 du bac. SVT, 1 du bac. SMS) & (7 en 3ème année (Moyenne d’âge pour 6 :
24,5 ans et une personne de 44 ans, 1 titulaire du baccalauréat S, 1 du bac. SVT, 3 du bac.
L, 1 du bac ES, 1 du DPAS).
Les rendez-vous se sont étalés sur plusieurs semaines en fonction de l’organisation des
stages, de leurs disponibilités personnelles sur les créneaux convenus avec-eux les mardi
après-midi, certains jours vers 13H00 ou après 17H00.
En terme de compétence, l’ensemble des cadres-formateurs a été formé à l’entretien
d’explicitation en 2009. Cet outil nous a alors semblé être un atout pour recueillir des
informations conséquentes dans l’objectif global de comprendre les modalités personnelles
mises en œuvre après leur échec et les facteurs facilitateurs de leur réussite.
3. Méthodologie : l’entretien d’explicitation
Les interviews ont donc pris la forme d’entretiens d’explicitation.
Pierre
Vermersch
définit
l’entretien
d’explicitation
comme
« une
technique
de
questionnement visant la verbalisation de l’action, permettant la prise de conscience des
connaissances implicites contenues dans l’action »75.
Cet outil nous a paru essentiel pour permettre un retour réflexif sur les actions singulières
mises en œuvre par les étudiants(es) au cours de leurs stages et les éléments qui ont
contribué à faire face à leurs difficultés. Sur ce plan, c’était un outil de choix pour identifier
les indicateurs de réussite.
C’était d’autant plus important du fait que les situations rencontrées en stage sont très
diverses et qu’elles sont pour eux « un ensemble de problèmes à résoudre »76 et où le savoir
« faire-face » devient une compétence essentielle.
Au-regard de leurs résultats, les étudiants répertoriés ont été en mesure de faire face à leur
échec. Ils devaient donc être capable de s’interroger sur leurs pratiques, et nous permettre
de mieux comprendre leurs méthodes de résolution de tel ou tel problème, repérer et
prendre conscience de leurs stratégies d’apprentissage, les développer, les rendre
opérationnelles au cours du dernier stage en M.S.P. de rattrapage.
Avant de démarrer les entretiens, nous avons été attentifs à rappeler le cadre, les
objectifs de notre démarche, notre positionnement et les modalités de leur entretien. Ainsi :
¾ que cette mission s’inscrivait dans le cadre de mes études en Master 2
Ingénierie et conseil en formation ; ils nous percevaient donc davantage comme des
étudiants chercheurs que comme des cadres formateurs.
¾ que leurs témoignages serviraient d’appui pour améliorer l’accompagnement
en stage des nouveaux étudiants infirmiers ; ceux-ci n’ayant plus de mise en situation
professionnelle, il était nécessaire de retravailler sur leur suivi en stage. Pour cela, il nous
était nécessaire de présenter l’objectif de l’entretien comme étant une méthode de
compréhension de ce qui a permis dans leur apprentissage d’améliorer leurs résultats après
leur échec en MSP, et permettre ainsi la réussite au rattrapage.
9(50(56&+30$85(/03UDWLTXHVGHO·HQWUHWLHQG·H[SOLFLWDWLRQ3DULV(6)
=$5,),$132EMHFWLIFRPSpWHQFHSRXUXQHQRXYHOOHORJLTXH(GLWLRQV/LDLVRQV
¾ qu’il s’agissait d’un entretien d’explicitation, débutant par une expression libre
de leur part pour ensuite leur proposer de revenir sur certains éléments afin d’obtenir des
précisions pour nous aider à la compréhension.
¾ que l’entretien était anonyme
¾ que nous souhaitions les enregistrer s’ils nous l’autorisaient
¾ que nous prendrions des notes
Les entretiens ont duré en moyenne 22 minutes.
Ils se sont déroulés dans nos bureaux pour 13 des étudiants et 2 dans une salle de cours.
Nous étions positionné l’un en face de l’autre afin qu’il (elle) ne soit pas incité(e) à lire nos
notes.
Les étudiants(es) étaient détendus(es).
4. Synthèse
Pour réaliser cette synthèse, il a été nécessaire de répertorier ensuite l’ensemble des
éléments dans des tableaux selon des domaines de verbalisation :
- un tableau de différentes catégories pour classifier les informations satellites77 telles
que :
¾ le procédural : cette catégorie « concerne tout ce qui se rapporte au faire, tout ce
qui permet de décrire le déroulement de l’action » comme « les connaissances théoriques,
les connaissances réglementaires formalisées… ». Les entretiens n’ont pas mis en évidence
d’éléments significatifs.
¾ le contexte : cette catégorie décrit « les circonstances, l’environnement de
l’action »78, principalement axée dans cette mission sur la M.S.P. ratée et celle réussie.
¾ le jugement : cette catégorie est relative à l’évaluation objective, aux opinions, aux
commentaires, aux croyances.
9(50(56&+30$85(/03UDWLTXHVGHO·HQWUHWLHQG·H[SOLFLWDWLRQ3DULV(6)
/(+,5&)DLVRQVXQUrYHHWTXHFHODGHYLHQQHUpDOLWp5HYXH(;3/,&,7(5QƒPDUV
¾ le déclaratif : cette catégorie regroupe l’ensemble des savoirs théoriques,
procéduraux, réglementaires « thématisés »79 soit l’action vécue (la MSP…) mise en mots,
sous une formulation langagière développée.
¾ l’intentionnel : cette catégorie se rapporte aux buts, sous-buts, objectifs, intentions
des actions menées.
- un autre tableau sur les éléments de focalisation de l’étudiant qui vise à révéler en
fonction de l’expérience individuelle de chacun d’eux la compréhension consciente des
événements qui l’a conduit à la réussite. Cette focalisation s’est axée sur un ou plusieurs
thèmes : la situation de la MSP, le formateur, sa posture en stage, son évaluation en stage
lors des soins, le projet de soins.
En référence aux thèmes de la focalisation,
l’élucidation essaient de tirer au clair la
cohérence interne qui a généré des progrès, ceci à travers 3 niveaux de fragmentation
(Niveau 1, 2 et 3).
Les entretiens ont été répertoriés en fonction du niveau de formation des étudiants :
deuxième et troisième année.
En résumé, l’analyse a ainsi montré que les causes des échecs en mise en situation
professionnelle entre les étudiants de 2ème et les étudiants de 3ème année
étaient
différentes.
Les étudiants de 2ème année axaient principalement leurs difficultés sur le manque de
préparation de leur MSP. Ils ne se projetaient pas rapidement au-cours de leur stage sur
l’épreuve. Contrairement aux étudiants de 3ème année qui se reprochaient plutôt de ne pas
aller au devant de l’équipe au-cours de leur stage et qui émettaient pour certains(es)
avoir subit une « injustice » de la part de l’évaluatrice.
Et en qui concernait leur réussite par la suite, pour les étudiants de 2ème comme pour les
étudiants de 3ème année, l’accompagnement par les équipes de soins a été un facteur
favorisant de réussite en MSP.
Les étudiants de 2ème année semblaient davantage rechercher un encadrement pour
préparer leur situation de MSP.
9(50(56&+30$85(/03UDWLTXHVGHO·HQWUHWLHQG·H[SOLFLWDWLRQ3DULV(6)
Et les étudiants de 3ème année recherchaient plutôt un encadrement et une évaluation
quotidienne. Ils ont exposé la possibilité de pouvoir se référer à des membres de l’équipe
afin d’avoir le reflet de leurs capacités tout au long de leur stage, ceci pour réajuster leurs
prises en charge et comprendre plus aisément les informations reçues.
Certes, en règle générale, les conditions de réussite en stage paraissaient réunies
pour l’ensemble des étudiants. Si nous avions arrêté cette analyse à ce stade, nous aurions
pu conclure de manière très réductrice que des services plus que d’autres se prêtaient à
l’encadrement des étudiants ! Les niveaux de focalisation déterminés nous ont ensuite
permis d’avoir une analyse plus fine des éléments de compréhension qui les avaient
conduits vers la réussite. Chacune des étapes n’était bien-sûr pas abordée pour chaque
étudiant car elles relevaient de leur progression singulière.
Recueillir alors la parole incarnée80 auprès des étudiants de deuxième année a
permis de percevoir chez eux un questionnement personnel sur l’ensemble des données
relatives aux patients. Pour certains, l’accompagnement par des formateurs a facilité ce
questionnement progressif et a contribué par la suite à leur auto-évaluation. Il s’est opéré
une réelle prise de conscience des recherches complémentaires à effectuer pour opérer
véritablement un raisonnement clinique. C’est sans doute ce qui les a incité à s’investir et à
collaborer davantage avec les membres des équipes soignantes, facilitant ainsi leur
compréhension des situations rencontrées en contribuant par ailleurs à leur assurance et à
leur autonomie. Les entretiens ont permis aussi de mettre en évidence une troisième
catégorie d’acteurs, d’autres étudiants en soins infirmiers, qui ont pris une part importante
dans l’apprentissage des projets de soins des étudiants en difficulté.
Pour les étudiants en troisième année, compte-tenu du niveau de formation,
l’engagement a été différent. Ils ont eu tendance à rechercher une autonomie au-cours de
leurs stages. L’expérience s’est avérée peu concluante car ils semblaient ne pas avoir perçu
réellement le sens de l’autonomie bien différent du « vouloir travailler seul(e) ». Les
échanges avec les formateurs se sont aussi avérés pour eux constructifs. Ils leur ont permis
plutôt de concevoir l’autonomie comme « empowerment » en partant du principe que le
partenariat entre eux et les autres professionnels de soins s’avéraient nécessaires, ceci afin
9$5(/$)7+203621(526&+(/·LQVFULSWLRQFRUSRUHOOHGHO·HVSULW6FLHQFHVFRJQLWLYHV
HWH[SpULHQFHKXPDLQH3DULV6HXLO
d’obtenir et
étudiants
se
d’utiliser les ressources de chacun suffisantes à leur compréhension. Les
sont
engagés
plus
volontairement
dans
ce
processus
d’aide
et
d’accompagnement en sollicitant tous les professionnels, y compris les autres étudiants
infirmiers pour mieux contrôler les situations de soins rencontrées en stage et les
raisonnements cliniques en regard de leurs patients.
5. Projections professionnelles
Cette mission et l’utilisation de l’entretien d’explicitation nous ont donc semblé
intéressantes pour comprendre les facteurs de réussite des étudiants sujets au rattrapage.
La mise en pratique de cette technique d’entretien et de son analyse nous a permis à la fois :
¾ De favoriser la verbalisation des étudiants interviewés. Nous avons remarqué
que l’analyse par niveaux de fragmentation est par ailleurs indispensable pour aider à la
compréhension d’une problématique. Nous avons également pris conscience qu’il serait
facilitant au-cours des entretiens de focaliser davantage sur certaines actions. Nous restons
pour cela pondéré car l’utilisation de cette technique nécessite de l’exercice pour la maîtriser
et devenir expert.
¾ D’ouvrir des pistes de réflexion quand à notre accompagnement en tant que
cadres formateurs en soins infirmiers. Les étudiants interviewés ont fait part de
l’importance qu’ils accordaient à la validation de leurs pratiques par les soignants et de leurs
nombreuses difficultés face aux projets de soins. Les nouveaux étudiants n’étant plus sujets
aux mises en situation normatives en stage, le contexte nous invite cependant à poursuivre
l’apprentissage du jugement clinique en stage, « faculté indispensable dans la pratique
infirmière »81.
Le
référentiel
de
compétences
des
infirmières
incite
à
introduire
l’apprentissage progressif de la démarche clinique pour préparer des infirmiers(ières)
clinicien(iennes) généralistes. Il nous sera important de développer la réflexion autour de ce
thème avec les étudiants(es) conditionnés(es) par leurs connaissances acquises à l’I.F.S.I.
mais également par leurs expériences en stage. L’auto-accompagnement réflexif de leurs
pratiques peut-il être une perspective intéressante pour articuler formation
expérientielle et formation formelle ? En effet, les étudiants consultés ont appris par
36,8.7©/DGpPDUFKHFOLQLTXH(YROXWLRQGHODVLQJXODULWpYHUVO·LQWHUGLVFLSOLQDULWpª
5HFKHUFKHHQ6RLQVLQILUPLHUV1ƒ0DUV
l’action, par l’analyse de leurs actions et en prenant de la distance avec leurs activités. Une
pratique accompagnée par différents acteurs, qui puisse interroger les échecs et les
difficultés éprouvées par les étudiants au fur et à mesure de la formation, pourrait leur
permettre d’évoluer professionnellement.
Cette mission nous a ainsi permis de clarifier des besoins éprouvés par des
étudiants(tes) en difficulté au-cours de leur formation et de nous interroger sur notre
accompagnement pour faciliter leurs apprentissages.
L’analyse de la recherche présentée ensuite vient davantage explorer et préciser cet
accompagnement.
Quatrième partie : Analyse des résultats de la recherche
1. Mise en place d’une grille d’analyse
L’analyse des résultats est la phase qui va permettre « de constater si les informations
recueillies correspondent bien aux hypothèses ou, en d’autres termes, si les résultats
observés correspondent aux résultats attendus par hypothèse »82.
Cette analyse comprend 3 étapes :
¾ Une analyse verticale ou longitudinale
Nous avons tout d’abord lu l’ensemble des entretiens retranscrits puis afin de les rendre
utilisables, comme le décrit Bardin83, il a été nécessaire de regrouper, classer et organiser
les différents éléments.
Les données ont été organisées dans trois tableaux en regard de chacune des
hypothèses. Ces données ont elles-mêmes été catégorisées par question en regard du
guide d’entretien, ceci pour chacun des étudiants(es) : Entretien 1=E1, puis E2, E3….E12).
La classification a été objective puisque l’ensemble des données a été restituée avec fidélité.
48,9<59$1&$03(1+28'7/0DQXHOGHUHFKHUFKHHQVFLHQFHVVRFLDOHV'XQRG3DULV
qPHpGLWLRQ
%$5',1//·DQDO\VHGHFRQWHQX38)qPHpGLWLRQ
Il a été ensuite nécessaire pour faciliter l’interprétation de certaines questions de mettre en
évidence et classer dans un tableau des mots clés (Hypothèse 1 – Question 3) et d’organiser
de manière thématique également dans un tableau les éléments recueillis pour la question
relative à l’hypothèse 3.
¾ Une analyse horizontale ou transversale
Une lecture transverse des entretiens a permis de mettre en évidence différentes familles
d’éléments de réponse aux questions posées. Chacun des éléments relevant d’une même
catégorie a été surligné manuellement de la même couleur. Nous avons pu avoir un premier
aperçu visuel des convergences et des divergences entre les propos des interviewés.
¾ Une analyse et une interprétation des résultats
Les catégories de comparaison les plus pertinentes ont été retenues afin de proposer
une interprétation des résultats. Cette interprétation a permis ensuite de confirmer, infirmer
ou relativiser les hypothèses correspondantes.
2. Vérification des hypothèses
2.1. Première hypothèse
Question 1 :
Concernant la question relative au caractère aidant des évaluations en stage, 10
étudiants sur 12 (E1, E2, E3, E4, E5, E6, E7, E8, E9, E10) ont un avis positif sur celles-ci.
Ce sont un moyen pour eux :
¾ de concrétiser leurs apprentissages théoriques tant dans la pratique que dans la
connaissance de la personne soignée, « cela nous entraine (…) selon ce que nous avons
appris à l’école », « cela permet (…) de revoir à chaque fois les modules », « C’était plus
concret », « pour concrétiser ce qu’on apprend en cours »,
¾ de confirmer ou non si leurs pratiques sont appropriées « J’ai confirmé mes
bonnes pratiques », « J’ai réussi au fur et à mesure à prendre les conseils »
« elles
montraient du doigt les vrais erreurs », « au-niveau des pratiques, çà permet de prendre du
recul » « J’ai du me remettre en question »,
¾ mais aussi de faciliter l’apprentissage du raisonnement clinique « à faire des liens
et à raisonner autrement », « de faire un point sur notre façon de faire une démarche de
soins », « de mener un projet de soins ». La situation d’évaluation leur permet ainsi « de faire
le lien entre la personne et ses pathologies ».
Seulement 2 personnes (E11, E12) n’ont pas perçu les évaluations comme une aide. Ils les
considèrent plutôt comme stressantes et comme une manière « de juger » leur travail « un
moyen pour les formateurs de voir notre parcours », « d’avoir un regard critique ».
Il est intéressant de noter aussi que pour certains étudiants (E1, E4), les évaluations ont
permis d’améliorer les rapports en équipe en augmentant leur « confiance » vis-à-vis de
l’étudiant ou en permettant à un autre de tenir compte des remarques qui lui sont faites
« Quand un infirmier me fait une réflexion j’enregistre le maximum de ce qu’on peut me
dire ».
Les évaluations, en règle générale sont bénéfiques pour un bon nombre
d’étudiants. Elles semblent être un élément moteur pour comprendre le sens de leurs
actions en regard des motifs d’hospitalisation, des pathologies que présentent les
patients placés sous leur responsabilité. Le plus surprenant est qu’ils semblent
attendre la situation d’évaluation pour le faire ; donnée évoquée plus directement par
l’un d’entre-eux « Quand on n’a pas de MSP on se disperse plus facilement, on va
essayer de voir tout en gros que la prise en charge en particulier d’une personne et
dans sa globalité. On fait les soins sans pour autant comprendre ».
Question 2 :
En ce qui concerne les questions portant sur les évaluations formatives, la totalité des
étudiants en a le souvenir. En fonction de leur niveau d’études, certains en ont eu deux,
d’autres une.
Toutes ne leur ont pas été bénéfiques (E1, E6), notamment quand elles ont concerné des
activités « extra-hospitalières » comme faire « un gâteau » en psychiatrie ou « en crèche ».
6 étudiants sur 12, en évaluation formative, expriment vraiment le fait d’avoir profiter de cette
situation pour se mettre en condition avant l’évaluation normative et de répondre aux
attentes demandées « Je l’ai faite comme si j’avais une note à la clé », « cela va vraiment
nous aider à ce que nous soyons cadrés pour une évaluation normative », « De savoir
exactement quoi présenter au formateur et à quel moment », « C’était une répétition de
l’évaluation normative », « j’ai toujours fais ce qu’on m’a demandé ».
11 étudiants sur 12 expriment par contre en fonction de son niveau de progression l’aide
qu’ont pu leur procurer ces évaluations, même si le douzième reste modéré dans ses propos
(E10) « j’avais trouvé bien car on a quelqu’un qui nous guide dans ce qu’on fait ».
Tous les domaines principaux de la prise en charge d’un patient dans sa globalité
sont exprimés :
¾ « l’organisation » des soins entre les patients (E1, E2, E5, E9, E11),
¾ « les techniques » de soins (E1, E2, E4, E6, E10) avec des notions spécifiques
comme « l’hygiène » (E2, E11), la « toilette » (E10),
¾ la compréhension des patients (E2, E3, E4)
¾ les moyens de « communication », « le relationnel » adapté (E5, E8) et à adopter
notamment en psychiatrie (E5),
¾ « les démarches de soins » ou les « projets de soins » tant dans leurs contenus
« les liens », « les problèmes » que dans leurs présentations à l’oral (E2, E3, E6, E7, E8,
E12)
Dans l’ensemble, les évaluations formatives ont été bien perçues par les
étudiants essentiellement quand elles sont réalisées dans un lieu de soins plus
conventionnel comme l’hôpital. Pour beaucoup, une prise de conscience s’est opérée
pour passer du prescriptif théorique à l’opérationnel. Elles ont été un bon moyen pour
prendre de l’assurance en vue des prochaines évaluations normatives. Le regard et
les conseils des formateurs semblent leur avoir été favorables, de même que pour un
étudiant (E8) l’interactivité avec un autre de ses collègues.
Question 3 :
On peut noter sur l’ensemble des réponses données par les étudiants une posture
tout à fait différente du formateur entre les évaluations formatives et les normatives. Le
tableau ci-dessous résume les caractéristiques évoquées par les étudiants.
Attitudes & Posture des formateurs
en formative
E1
met à l'aise
E2
plus proches de nous
aident
plus sympathique
observateur de l'exercice
aidant, pointe des détails
bienveillant
E3
E4
silencieux
moins accessible
comme une glace
pas aidant
Froids
Parlent peu
juge
E5
fort aidant
dans un critique constructive
E6
très pédagogue
attentif
patient
agréable
souriante
détendue
strict
exigeant
E8
E9
très détendu
intéressant
aidant
strict
intéressant
aidant
E10
guide
aide
observateur
pas aidant
E11
méchant
évaluateur
personne neutre
aide
méchant
évaluateur
personne neutre
très critique
plus autoritaire
juge
arbitraire
E7
E12
en normative
déstabilisant
On peut remarquer que les qualificatifs employés pour les attitudes et la posture des
formateurs en évaluation normative sont peu flatteurs pour 10 étudiants sur 12. Elles sont
davantage génératrices de stress, déstabilisent les étudiants en situation et n’incitent
pas au partage avec les étudiants.
En évaluation formative, elles sont bien différentes. Les étudiants sont bien plus à l’aise
car elles incitent au dialogue avec leur formateur. Celui-ci adopte une démarche plus
accompagnatrice dans le sens où il donne des explications, sa vision des bonnes pratiques
ou questionne les étudiants.
Seuls deux étudiants ne font pas de différence entre les deux évaluations. Soit le formateur
est toujours perçu comme un évaluateur au sens strict du terme et il ne redevient formateur
proprement dit qu’après l’évaluation (E11) ou alors il sait adopter la même posture aidante
dans les deux cas de figure (E9).
L’analyse de ces trois questions montre l’importance des évaluations dans le
cursus des étudiants interrogés. Elles sont favorables à leur formation et à leur
progression. Elles incitent à se poser les bonnes questions et optimisent la prise en
charge des patients hospitalisés qu’ils ont sous leur responsabilité. Contrairement
aux représentations, les évaluations formatives représentent une part non négligeable
dans ce processus. Et même si pour une partie d’entre-eux, celles-ci servent de
répétition aux futures évaluations normatives, elles ne sont pas perçues comme un
contrôle du fait de postures très divergentes adoptés par les formateurs dans les deux
types d’évaluations. L’hypothèse évoquée comme quoi « L’évaluation réalisée par les
cadres formateurs en stage est toujours perçue par les étudiants (tes) en soins
infirmiers comme un contrôle » ne se vérifie donc pas au vu des propos recueillis.
2.2. Deuxième hypothèse
A la première question concernant la satisfaction ou non des étudiants sur les situations
de soins rencontrées au cours de leur expérience, les réponses sont très divergentes.
En effet, certaines vont concerner plus particulièrement un soin et d’autres une situation de
soins.
La satisfaction évoquée va concerner davantage la réussite à certains soins pratiqués
pour 5 étudiants sur 12 (E1, E5, E6, E11, E12) comme pour « un pansement », pour « les
pansements en chirurgie thoracique », « pour des prises de sang, les toilettes », pour
l’ablation d’ « une sonde vésicale », pour « un pansement stérile et le retrait de drain ».
Dans l’ensemble, ils considèrent qu’ils ont respecté des critères d’efficacité du soin comme
« le confort » du patient, « les règles d’hygiène », « la dextérité » et son déroulement
logique.
Pour une majorité, 7 étudiants, la satisfaction s’oriente plutôt vers le bien-être du patient
et la maitrise d’une situation de soins.
D’une part, la dédramatisation de la situation et l’approche relationnelle sont
privilégiées et semblent être plus valorisantes que la technique du soin elle-même (E2,
E3, E7, E10).
Quelque soit le type de prise en charge « dame âgée (…) handicapée », « dame (…)
plâtrée », « ponction veineuse » chez une patiente, dame victime de « violences
conjugales », la communication prend la forme :
¾ d’une simple discussion plutôt occupationnelle « c’était prendre son temps et
discuter avec elle, c’est toujours plus valorisant de me dire que j’ai passé du temps avec elle,
qu’elle est contente car sinon elle ne voit personne. J’étais contente de moi à la fin (…),
¾ a des objectifs informatifs ou éducatifs « Le patient est rassuré (…) Même aller lui
parler s’il a besoin de réconfort, de plus d’informations, c’est plus valorisant pour nous de
nous dire que nous avons pu l’aider », « Je me suis surprise moi-même à avoir un rôle
éducatif avec elle et à la motiver et à réussir à la convaincre de le remettre alors qu’elle allait
repartir »,
¾ participe à l’acceptation du soin « j’ai senti que la personne en face était vraiment à
l’aise, qu’elle me faisait confiance et c’est çà qui m’a vraiment satisfaite dans le soin.
Ressenti car la personne regardait ailleurs, me parlait d’autres choses, qu’elle avait envie de
parler de sa vie, qu’elle avait envie de s’exprimer sur autres choses, qu’elle n’a pas eu
mal…en fait, le soin n’était pas central. Le plus important, c’était le moment qu’on a passé
ensemble »,
¾ ou favorise la prise en charge « J’étais contente (…) d’avoir réussi à aider cette
dame, d’avoir agi à mon niveau quelque part et qu’elle ait senti qu’elle pouvait se confier à
moi ».
D’autre part, 3 autres étudiants (E4, E8, E9), dans une situation de soins ont fait preuve
d’autonomie et ont su gérer par eux-mêmes cette dernière, notamment quand elle requiert
une organisation précise avec beaucoup d’éléments à prendre en compte comme « la
préparation et le retour du bloc opératoire » d’un patient ou lors d’une transfusion par
exemple. « J’avais le sentiment de savoir ce qu’il fallait vraiment faire et d’être moins dans
l’interrogation en fait, plus confiance en moi », « J’ai bien aimé le fait de pouvoir moi gérer
toute seule avant que le patient », « quand j’ai transfusé pour la première fois, j’ai eu
l’impression de n’avoir rien oublié, d’avoir pensé à tout, tout ce qui était codifié », cette
gestion personnelle leur permet d’autant plus d’obtenir une reconnaissance de la part
des membres de l’équipe qui se sont assurés au préalable de leurs capacités.
Pour ce qui est de l’insatisfaction des étudiants dans les situations de soins, ce
sont pour ainsi dire les mêmes qui vont davantage se soucier du soin technique en lui-même
et les autres des autres aspects entourant le soin.
Pour les 5 étudiants (E1, E5, E6, E11, E12), les soins cités sont « la pose d’une
perfusion », « la prise de sang », « le pansement », « la pose de cathéter veineux » et nous
retrouvons dans leurs propos leur malaise « je me suis rendue compte que ce que j’avais
fait était vraiment « merdique » », « m’envoyer faire une prise de sang sans que je sois sûr
de moi », « par exemple, des prises de sang ratées çà m’énerve, pose de cathéter quand je
le pose mal. Ce qui me dérange le plus c’est surtout quand je fais mal au patient », « j’arrive
pas à gérer l’anxiété, ça me fait un peu perdre mes moyens, j'ai du mal à gérer l'organisation
du soin, d'avoir des pensées logiques ».
Pour les 7 autres (E2, E3, E4, E7, E8, E9, E10), les aspects communicationnels,
organisationnels et le bien-être des patients sont mis en évidence aussi « Il n’a pas
entendu quand je lui ai parlé et après il m’a râlé dessus. (…) Il m’a agressée après et moi je
ne savais plus quoi dire », « dans le sens où quelques fois on fait des choses tellement
machinalement, par exemple la toilette que forcément on se remet en question », « mon 1er
pansement (…) j’ai fait une erreur suffisamment importante (…) et la fois d’après j’ai eu peur
de « scruter » le patient. Ensuite, je l’ai refait avec la même patiente, elle a eu confiance et
cela m’a rassuré », « çà arrive très souvent quand je suis surveillé (ide) je cafouille, il y a des
choses auxquelles je ne pense pas », « je me dis j’aurais du faire çà et j’ai oublié de le
faire », « j’ai essayé 3 fois de piquer un patient, c’était vraiment nul de lui faire mal 3 fois, de
ne pas réussir ».
Quête de l’autosatisfaction par la maitrise de la technicité pour certains ou quête
avant tout de la satisfaction du patient, chaque étudiant réagit différemment au-cours
d’une situation de soins quelque soit son niveau d’études. La maitrise du geste
technique n’explique pas pour autant la capacité de certains à développer davantage
les autres aspects du soin.
On peut se demander maintenant s’il y a adéquation entre l’autoévaluation des étudiants et
le regard porté sur leurs soins et les situations de soins évoquées.
Sur les 12 étudiants interrogés, 4 disent ne pas vraiment s’auto-évaluer après avoir
réalisé un soin (E7, E10, E11, E12). Ils sont soit :
¾ sûrs d’eux-mêmes « Je pensais avoir bien fait un autre pansement en pédiatrie »,
¾ ils ne savent pas le faire « je doute tout le temps. Après un soin, je ne sais jamais si
le soin s’est bien passé »,
¾ ils ne le font jamais « je ne l’ai jamais fait »,
¾ ils s’appuient sur l’encadrement « je préfère avoir le regard d’une personne
expérimentée parce que je ne vois pas toujours mes erreurs, j’ai besoin d’un regard extérieur
pour m’aider, pour relever les fautes, les maladresses »,
Pour les 8 autres (E1, E2, E3, E4, E5, E6, E8, E9), l’auto-évaluation est faite mais les
réponses ne sont pas pour autant très précises. Un seul étudiant se reporte au
protocole de soin « Je compare toujours avec le protocole ce que j’ai fait ou non, ce qui va
ou non » , les autres se basent plutôt sur du ressenti et les expériences antérieures
« Je me dis que ce n’est pas comme cela qu’il faut faire, que ce n’est pas une bonne
pratique, que ce n’est pas dans les valeurs que je m’étais fixée », « Ce n’est pas difficile de
savoir ce que j’ai fait et ce que j’ai raté », « de plus en plus au fur et à mesure des stages et
de l’expérience pour les soins les plus développés les plus pratiqués », « Je suis capable de
dire s’il fallait faire comme il fallait ou pas en ayant eu les bons gestes antérieurement », « je
le sais même au moment du soin. Facile car au moment où je le fais je revoie ce que j’aurais
du faire », « pas forcément facile mais on a quand même l’idée de ce qui ne va pas ».
Les questions suivantes sont donc intéressantes pour savoir sur quels éléments
portent leurs auto-évaluations et leurs difficultés. Les éléments retrouvés sont pour
les 8 étudiants précédents (E1, E2, E3, E4, E5, E6, E8, E9) :
¾ « Les fautes d’organisation »
¾ L’application des « protocoles », des « méthodes » de soins
¾ « Les règles d’hygiène »
¾ « La technique », « La dextérité » dans les soins
¾ « Le relationnel »
¾ L’absence de complications chez le patient
Ces éléments sont aussi évoqués lors de l’expression de leurs difficultés. Néanmoins
certaines ne concernent pas les soins eux-mêmes mais sont de l’ordre du positionnement
en équipe ou d’une situation de soins compliquée comme une réanimation (E3, E9), de
la compréhension des « pathologies », des « problèmes de soins » et de leurs exposés
par le biais de « la démarche de soins » (E3, E5).
Pour les 4 autres étudiants (E7, E10, E11, E12), même si aucune auto-évaluation n’est
pratiquée, ils expriment et opèrent tout de même des remises en question sur leurs
pratiques professionnelles qui portent essentiellement sur le respect des règles
d’« hygiène », sur l’absence de plaintes du patient ou de l’équipe par rapport à d’éventuels
oublis, sur « des soins techniques » comme « les ponctions veineuses ». Un étudiant (E11)
exprime aussi ses difficultés dans les « démarches concernant les patients ».
Outre l’importance accordée par 7 étudiants à la première question (E2, E3, E4,
E7, E8, E9, E10) sur d’autres dimensions du soin, nous remarquons que pour près de
5 d’entre-eux (E2, E3, E4, E8, E9) ces dernières ne prennent que peu d’importance
dans leur auto-évaluation même si le relationnel est cité. Ils portent davantage leurs
intérêts vers l’aspect technique des soins et leurs règles de bonne pratique.
Au terme de l’analyse de ces questions, nous remarquons que pour les
étudiants
interrogés,
la
maitrise
du
geste
technique
reste
finalement
une
préoccupation majeure dans les soins ou les situations de soins rencontrées même si
pour le plus grand nombre, la satisfaction éprouvée en situation n’est pas évoquée en
ce sens. Leurs auto-évaluations mettent en évidence leur souhait d’appliquer le
protocole enseigné. De même que pour les étudiants qui ne prennent pas
concrètement de recul personnel sur leurs pratiques, les difficultés et leurs
préoccupations restent les mêmes. Néanmoins, aucun étudiant n’est pleinement
satisfait de ses prestations, ils subsistent toujours pour eux des doutes dans leurs
bonnes manières de faire, notamment en matière d’hygiène, critère fondamental dans
l’exercice de la profession. Quelque soit l’année d’étude, les étudiants tentent aussi à
concilier les savoirs pratiques et les rapports humains chers à l’image de la
profession. De ce fait, l’hypothèse 2 stipulant que « Les pratiques en stage conduisent
les étudiants infirmiers à fournir un jugement métacognitif optimiste de leur
compétence » ne se vérifie que partiellement.
2.3. Troisième hypothèse
L’analyse réalisée en regard de l’hypothèse précédente nous fait pressentir que la
compétence pour les étudiants ne s’oriente pas essentiellement sur le geste technique en
lui-même. Qu’en est-il réellement ? Le tableau ci-dessous décrit les ressources nécessaires
constitutives de la compétence pour la réalisation d’un prélèvement sanguin ou veineux chez
une personne.
L’étudiant doit donc avoir :
¾ La connaissance du protocole du soin : sa définition(s), ses objectif(s), ses
références réglementaires, sa (ses) indication(s), ses contre-indications, quand doit-on le
faire?, Où le faire ?, le matériel nécessaire, les préalables, ce qui doit être fait et comment le
faire ?, ses risques, sa traçabilité et assurer la continuité des soins. (Cf annexe N°… ),
¾ La connaissance de la fiche technique expliquant le déroulement du soin,
¾ Des connaissances
- en Hygiène (les précautions standard et particulières) notamment en matière
d’hygiène des mains, la nécessité d’une protection complémentaire si le patient est
immunodéprimé ou infecté par exemple
- en LEDROT (Législation-Ethique-Déontologie-responsabilité et organisation du
travail) : la prévention des A.E.S. (accidents d’exposition au sang et aux liquides
biologiques)
¾ Des connaissances en Sciences Humaines en adoptant une relation soignantsoigné adéquate par une communication adaptée (rôle informatif, éducatif). Cela nécessite
aussi la connaissance de la personne prélevée (Situation sociale, familiale, sa
personnalité…).
Il doit aussi :
¾ S’appuyer sur son expérience antérieure
¾ S’impliquer personnellement, critère non évaluable par l’interrogatoire
¾ Tenir compte des moyens mis à disposition en fonction du contexte qui peuvent
différer entre l’hôpital, le domicile, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un
laboratoire…voir même à l’intérieur des locaux entre une chambre, une salle de soins…De
plus, l’acheminement des tubes et la récupération des résultats seront différents
également…
Les réponses obtenues ont pu être classifiées en regard de chacune des ressources. Une
croix a été indiquée à chaque fois qu’un élément de la ressource correspondante a été cité
par l’étudiant.
Etre compétent dans la réalisation d'un prélèvement sanguin chez une personne
Ensemble des ressources requises
Moyens
mis à
Connaissances
Connaissance Connaissance
Connaissances Appui sur Implication disposition
en
du protocole
de la
en
l'expérience personnelle
en
Hygiène :
du soin
fiche
Sciences
antérieure
fonction
les
technique
Humaines
du
précautions
contexte
standard et
particulières
LEDROT :
la prévention
des AES
E1
±
±
E2
±
±
±
E3
±
E4
±
±
±
E5
±
±
±
±
E6
±
±
±
E7
±
±
±
±
E8
±
±
±
E9
±
±
±
±
±
E11
±
±
±
±
±
±
±
±
±
E10
E12
±
±
±
±
L’observation du tableau nous montre qu’un seul étudiant (E7) cite toutes les
ressources correspondantes et essentielles pour cette compétence (celle de l’implication
personnelle n’étant pas évaluable). Pour les autres, ce n’est que parcellaire avec une
ressource commune pour quasiment la totalité des étudiants (11 sur 12), celle des
ressources humaines, car ils accordent une grande importance au relationnel pendant
l’acte de soins.
Néanmoins, même si nous remarquons que 7 étudiants sur 12 tiennent compte de plus de
50% des ressources (E1, E4, E5, E6, E7, E8, E12) pour cette compétence, et 2 (E3, E11)
50% d’entre-elles, les propos recueillis sont très peu développés et restent très superficiels
en regard des attentes de la formation.
Les exemples suivants le montrent bien. En ce qui concerne :
¾ La connaissance du protocole du soin : « bien installé », « savoir exactement ce
qu’on prélève savoir à quoi correspondent la couleur des tubes pour les prélèvements », « le
pourquoi on fait une prise de sang au patient l’objet, le but, connaitre les différents tubes à
prélever », « ordre des tubes », « pourquoi le fait-on, que recherche-t-on dans la ponction »,
¾ La connaissance de la fiche technique « le positionnement aussi la posture que
l’on doit adopter pour réaliser un soin », « il faut qu’elle est le bras bien posé »,
¾ Les connaissances
- en Hygiène « Il y a des notions d’hygiène », « il faut connaitre l’hygiène »,
« l’asepsie doit être rigoureuse »
- en LEDROT « risques par rapport au sang », « avoir des connaissances sur tout
ce qui est risque d’A.E.S. »,
¾ Les connaissances en Sciences Humaines : « Avoir des connaissances sur le
patient », « connaitre son patient », « il y a un côté relationnel », « tout le relationnel pour la
réassurer, lui réexpliquer », « Il faut lui expliquer pourquoi on fait ça et la continuité des
choses », « on doit tenir compte de la personne qui est en face de nous pas non plus
engager une conversation, discuter »,
¾ L’expérience antérieure « Il faut avoir une certaine dextérité, de l’entraînement »,
« se rappeler ce qu’on a pu sentir »,
¾ Les moyens mis à disposition en fonction du contexte « Tout le cheminement
après avoir prélevé (étiquettes, bons, TAL, récupérer) », « dans quel contexte il est fait »,
« juste le décor, pas une chambre, pas le domicile, un laboratoire ».
Ainsi si on se réfère à la fiche technique, au protocole du soin et à l’ensemble des cours
et des notions pré-requis enseignés dès la première année des études, il s’avère que
l’ensemble des étudiants ont eu des difficultés à répondre à cette question. D’une part, la
notion de compétence semble avoir été un frein pour répondre. D’autre-part, même si ce mot
a été clarifié pour qu’ils puissent répondre plus facilement, structurer ensuite leurs réponses
ne leur a pas été chose aisée. La photographie présentée a quand même permis à certaines
de compléter leurs réponses car leur regard s’est porté dessus le temps de leurs réponses.
Nous pouvons nous demander si mettre en exergue les ressources de la compétence d’un
soin est adéquat quand il est décontextualisé.
Cependant, compte-tenu des imprécisions mises en évidence pour un soin considéré
comme courant et acquis à ce niveau de formation, il nous est difficile de dire que les
étudiants sont compétents dans la réalisation d’un prélèvement sanguin. De plus, il leur
serait très difficile d’avoir une évaluation objective de cet acte de soins du fait des éléments
apportés pour chacune des ressources. L’analyse montre donc que « Les étudiants en
soins infirmiers ne s’inscrivent pas dans une autoévaluation objective de leurs
activités professionnelles car ils méconnaissent le concept de compétence » et permet
de confirmer cette hypothèse 3.
2.4. Retour à la problématique initiale et propositions de réponses à la
problématique posée
« Les représentations des étudiants (tes) en soins infirmiers de l’évaluation en
stage sont-elles un obstacle à l’analyse de leurs pratiques et à l’engagement dans un
processus réflexif avec le cadre formateur? »
Compte-tenu des informations recueillies, nous pouvons dire que les étudiants
éprouvent le besoin d’être évalué en stage et qu’ils peuvent percevoir cette évaluation
comme un élément facilitateur de leur apprentissage. Cependant, elle doit s’inscrire dans
une perspective d’accompagnement et d’engagement entre l’étudiant et le formateur.
L’évaluation formative semble être, comme décrite précédemment par Philippe Perrenoud et
Patrice Pelpel, la forme la plus appropriée pour inviter à ce partage.
Elle reste indispensable pour les étudiants car leurs préoccupations plutôt
constantes, même si elles ne sont pas majeures, s’orientent davantage vers des activités de
soins plus ou moins complexes. Ils tentent d’apprendre à mener en autonomie un ensemble
d’actions identifiées, appris ou non en cours sans par ailleurs cerner clairement les attentes
précises requises. Ils combinent et mobilisent leurs propres ressources et construisent ainsi
sans vraiment le savoir leur compétence.
La compétence, même pour une activité de soin simple, est loin d’être acquise au cours de
la formation. Elle est en construction permanente.
Les étudiants sont prêts à apporter du sens à leurs pratiques quotidiennes si le formateur
adopte une posture et des attitudes dans la relation « bienveillantes et « aidantes »
Ce type de relation sera alors favorable pour engager l’étudiant dans une démarche
volontaire, dans laquelle il sera responsable de l’analyse de ses actions tout en ayant un
professionnel capable de le guider dans ce processus. Ainsi, au fur et à mesure de ses
expériences professionnelles, il saura mobiliser clairement ses savoirs pour répondre aux
objectifs des situations rencontrées et se construira des compétences. Compétences qui
participeront à la reconnaissance par leurs pairs et à la construction de leur identité
professionnelle.
Il est donc important aujourd’hui de poursuivre notre réflexion sur des nouvelles
modalités d’accompagnement des étudiants. Le concept de « compétence » est central dans
l’apprentissage des nouveaux étudiants et l’évaluation par le biais du portfolio est
préoccupante pour les équipes de soins. L’évaluation en stage doit s’inscrire dans une
continuité. Le formateur doit la percevoir comme un « processus d’évaluation » dans lequel il
doit s’inscrire. Cette recherche participe à cette réflexion même si des éléments mériteraient
d’être développés.
3. Critiques et limites du travail
Le choix des étudiants pour cette recherche s’est avéré complémentaire de celui de la
mission. Ces deux travaux ont permis d’obtenir une étude des modalités d’apprentissage en
stage représentative de tous les niveaux d’étude des étudiants. Le nombre d’étudiants(tes)
retenus(es) reste néanmoins faible mais suffisant pour un recueil d’informations pertinentes.
En effet, au-cours des premiers entretiens, il était perçu une différence majeure entre les
étudiantes aux notes « moyennes » ayant connu un échec et celles aux excellents résultats
notamment pour le jugement métacognitif de leur compétence. Les réponses apportées
donnaient l’impression que les « meilleures » étudiantes cherchaient à maitriser les
situations de soins plutôt que les gestes techniques eux-mêmes. Différencier les deux
catégories d’étudiantes auraient pu être alors pertinent mais l’anonymat et l’absence de
précisions dans l’enregistrement du niveau de l’étudiante n’était plus possible. La poursuite
des entretiens a permis ensuite de relativiser ce point de vu subjectif perçu à l’oral.
Se baser sur les notes obtenues, notamment les meilleures n’a pas permis d’interroger la
minorité masculine des étudiants. Il aurait fallu être moins restrictif ou élargir
l’échantillonnage car pour interviewer le premier garçon, il eu fallu s’entretenir avec 8 filles au
préalable pour le groupe de deuxième année et 6 pour celui de troisième année. Par contre,
une étudiante en étude promotionnelle a pu être interviewée mais ses réponses n’apportent
pas de données plus significatives car ses propos n’ont pas été comparés à ceux des autres
étudiants.
L’étude aurait donc été plus précise s’il avait été décidé de mener une étude
comparative des modalités d’apprentissage entre les filles et les garçons, et voir même dans
ces deux catégories, si les étudiants en étude promotionnelle avaient été différenciés des
autres étudiants pour la grande majorité bacheliers depuis moins de trois ans. Cela aurait
peut-être permis d’obtenir des informations complémentaires susceptibles d’améliorer les
accompagnements individualisés.
Cinquième partie : Propositions
1. Vers une nouvelle dynamique d’accompagnement et d’évaluation des étudiants
De par ces analyses menées, nous pouvons percevoir plusieurs pistes de réflexions
sur lesquelles les formateurs pourront s’appuyer pour accompagner les étudiants dans le
cadre de la nouvelle formation.
Il s’avère en effet que les nouvelles générations soient davantage prêtes à s’engager
dans leur formation. Un engagement actif, dans le sens où ils ne veulent plus se contenter
de recevoir des connaissances à appliquer. Leur quête d’autonomie et le cadre social dans
lequel ils évoluent les amène de plus en plus à s’impliquer dans cette recherche de savoirs.
Ils désirent montrer qu’ils sont capables d’utiliser leurs ressources personnelles afin de
s’intégrer dans des milieux apparaissant comme « inhospitaliers» ou difficiles de prime
abord. Fort de leurs adaptations antérieures dans une société en perpétuel mouvement qui
ne leur facilite pas la tâche dans l’insertion du travail, et de leurs capacités à utiliser les outils
technologiques dans la recherche d’informations, l’intégration dans une formation par
alternance professionnalisante semble être « salvatrice » au développement de leurs
qualités et à leur partage avec autrui. Ils aspirent rapidement, bien avant d’être diplômé, à un
besoin de reconnaissance. Reconnaissance en stage qui est loin de passer par la notation
mais par les relations établies avec les professionnels et les patients.
Comme le stipule Christophe Dejours84, cette reconnaissance passe par le jugement
sur le faire. Plus qu’un jugement d’utilité qui confirmerait qu’ils sont des étudiants(es)
consciencieux(scieuses) capables de bien apprendre les cours donnés, le jugement auquel
ils aspirent est celui de beauté. Le jugement de beauté porte « sur la manière de travailler,
sur la façon dont la personne a tenu compte des accords normatifs et des règles de l’art qui
prévalent dans le collectif de travail. Il témoigne de la connaissance des règles de métier et
de sa maîtrise ». Par ce jugement, les étudiant(tes) se sentent reconnus(es) comme ayant
des qualités nécessaires pour faire partie des professionnels de santé. Ainsi ne se
perçoivent-ils (elles) pas comme différents(es), comme de « simples » étudiant(es).
L’envie de prendre soin des personnes est ce sens commun qui les unit aux autres, et les
échanges associés construits autour de celui-ci leur permettent d’autant plus de nourrir leur
goût de développer les qualités humaines et professionnelles adéquates.
'(-2856&7UDYDLOHWXVXUHPHQWDOH%D\DUGeGLWLRQV3DULV
Pour cela il est nécessaire d’amener les équipes de soins et celui des formateurs à apporter
un autre regard sur l’évaluation individuelle longtemps pratiquée. Cette dernière comme
nous l’avons démontrée devait être source de performance avec en guise de récompense
une note. Facteur de stress, elles n’ont jamais été bien vécues. De plus, dans notre société
où l’individualisme est de plus en plus présent, il parait indispensable de générer de
l’entraide et de la solidarité entre chaque acteur pour qu’une confiance mutuelle
s’instaure, et que les étudiants puissent éprouver un sentiment d’appartenance rapide à ce
corps de métier. Cela éviterait parfois le malaise grandissant que les stages génèrent pour
beaucoup d’entre-eux.
Les cadres formateurs pourraient alors inciter à une dynamique de travail différente lors de
leur accompagnement en stage :
¾ Réunir les étudiants en stage quelque soit leur niveau d’études pour travailler
autour de situations de soins par exemple,
¾ Inviter les professionnels de santé, et peut-être plus particulièrement les tuteurs
(tutrices) à partager avec des groupes d’étudiants sur différents sujets de réflexion éthiques,
sociaux…mais aussi les intégrer dans des débats et de production de démarches cliniques…
Loin du contrôle et de la délivrance d’un savoir, le cadre-formateur réunirait des conditions
facilitatrices pour ces échanges ; choix d’espaces adéquats, choix des étudiants en
fonction des sujets de réflexion, compétences des tuteurs (tutrices) pour ces sujets… Il
prendrait également part à ces échanges en relatant son expérience, il serait aussi à même
de guider la réflexion, de solliciter la prise de paroles…d’animer le groupe constitué. Dans ce
cas, les objectifs ne sont pas d’obtenir un savoir formel mais de nourrir les
compétences, les valeurs professionnelles.
Comme nous l’avons dit auparavant, beaucoup d’étudiants sont usagers des
nouveaux outils d’informations sans toujours en mesurer toute l’importance dans le cadre de
leur formation. Même si certains apprennent de manière autodidacte, il serait intéressant que
les formateurs puissent se les approprier dans leur pédagogie. Sachant que les
responsabilités de terrains de stage augmentent par formateur, une communication sous
forme de forum pourrait par exemple s’avérer utile. Les stages éloignés n’incitent pas les
étudiants à venir poser leurs questions à l’I.F.S.I. Il ne leur est pas aisé non plus de savoir si
leur formateur référent est présent.
Par la-même, la mission et la recherche viennent légitimer la place du cadreformateur en stage. Les étudiants attendent certes principalement un encadrement des
soignants au-cours des actes de soins. Pour autant, les actes ne représentent qu’une infime
partie des acquisitions dans le portfolio et les étudiants désirent également maitriser d’autres
aspects des soins, ressources même des compétences infirmières. Les formateurs devront
donc questionner les étudiants afin qu’ils puissent eux-mêmes évaluer leurs niveaux
d’acquisition et la maîtrise globale des situations de soins.
Au-grès des expériences en stage, nous avons mis en évidence que les besoins des
étudiants sont différents. Au-cours des trois années et en fonction des dix compétences du
portfolio à évaluer, une personnalisation de l’encadrement s’avèrera sans doute
indispensable.
Des outils de transmission entre les cadres-formateurs référents pédagogiques et les
cadres-référents de stage pourront être une étape préalable pour permettre ensuite à ces
derniers de proposer aux étudiants une aide personnalisée pour :
¾ qu’ils sachent exprimer leurs besoins,
¾ qu’ils comprennent leur fonctionnement (rapports en équipe, avec les patients,
organisation du travail en fonction des priorités…),
¾ qu’ils optimisent leurs potentiels (connaissances personnelles et acquises en
cours…),
¾ qu’ils puissent répondre aux exigences requises en stage,
¾ qu’ils deviennent petit à petit autonome.
Des espaces d’échanges et un accompagnement individualisé introduiront
ainsi davantage la métacognition dans le processus pédagogique. L’apprenant saura
opérer une prise de recul face aux situations rencontrées, à ses apprentissages et à
ses manières de les gérer.
La collaboration entre les interlocuteurs, l’écoute des autres, la recherche de
solutions en commun, lui seront révélateurs quant à sa démarche cognitive et à son
état affectif. Les étudiants seront alors amenés à se découvrir en tant que sujets
apprenants. Ils prendront conscience des ressources nécessaires au développement
d’une reconnaissance qui les rendront performants dans leur exercice au quotidien.
Ils pourront ainsi progresser à leur rythme et opérer au fur et à mesure des transferts
de compétences au-cours de leurs expériences.
L’encadrement ou l’évaluation en stage à développer aujourd’hui doit donc s’inscrire dans
une démarche générale de recherche d’adaptation du système de formation aux besoins de
l’apprenant, à ses objectifs personnels.
Comme l’a définit R. Burns85 :
- « Il n'y a pas 2 apprenants qui progressent à la même vitesse,
- Il n'y a pas 2 apprenants qui soient prêts à apprendre en même temps,
- Il n'y a pas 2 apprenants qui utilisent les mêmes techniques d'étude,
- Il n'y a pas 2 apprenants qui résolvent les problèmes exactement de la même manière,
- Il n'y a pas 2 apprenants qui possèdent le même répertoire de comportements,
- Il n'y a pas 2 apprenants qui possèdent le même profil d'intérêt,
- Il n'y a pas 2 apprenants qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts».
Il nous faut donc individualiser notre accompagnement en prenant en compte le « profil »
personnel de chaque étudiant, et leur offrir en quelque sorte une formation sur mesure « a
tailor made training ».
Cette pédagogie différenciée pourrait être envisageable et bénéfique dans ses deux
orientations contrairement à ce que pense Philippe Meirieu86 à la fois dans :
¾ « sa conception mécaniste », qui spécifie que les connaissances préalable des
étudiants, leurs spécificités, leur niveau de développement cognitif, leurs stratégies
d'apprentissage, permettraient de déduire les propositions pédagogiques les plus adaptées à
chacun d'eux.
Et aussi dans :
- « sa conception plus systémique », plus ouverte, qui part de l'idée que l'étudiant doit
devenir acteur des ses apprentissages et donc, progressivement, le pilote naturel du
processus de différenciation.
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KWWSGDUNWHDFKHUIUHHIUPRGXOHVSKS"QDPH 1HZVILOH DUWLFOHVLG Cette nouvelle stratégie d’apprentissage requiert pour cela une grande souplesse de
notre dispositif de formation et une étroite collaboration avec l’ensemble des acteurs
de formation.
2. Réflexions autour du partenariat
Pour développer cette pédagogie différenciée, nous disposons de l’avantage d’une
formation par alternance. Pourtant une scission a toujours été apparente entre les terrains de
stage et l’Institut de formation. Les différences d’exigences entre l’un et l’autre sont parfois
incomprises et mettent au final mal à l’aise les étudiants qui ne savent auxquelles répondre.
Ces nouvelles modalités de formation sont aujourd’hui un atout pour créer une cohésion
entre chaque partenaire soignant.
Dans l’Institut de formation en soins infirmiers du C.H.R.U. de Lille, il a été initié il y a
deux ans en prévision de ces nouvelles modalités d’accompagnement la création d’un
espace d’échanges et de rencontres entre les soignants et les cadres-formateurs.
Ce groupe « Partenariat » permet de développer depuis des thématiques de travail dans
l’objectif d’obtenir une cohérence interservices dans notre établissement hospitalier. Les
« jeunes » et plus « anciens (nes) » infirmiers (ières), les tuteurs (tutrices) infirmiers (ières)
ou ceux (celles) destinés (ées) à l’être, les cadres de service, les cadres-formateurs ont pu
observer un bilan positif de leurs rencontres et d’autant plus avec l’inconnu d’un nouveau
programme de formation. Les attentes des uns et des autres se montrent grandissantes. Les
statuts ne sont pas un obstacle aux échanges, et chacun met à profit ses compétences dans
la création d’outils d’accompagnement…
Pourtant, même si le bénéfice est observé, les réflexions évoquées au fil de ces travaux
nous montrent que dans ce groupe interprofessionnel, il manque un acteur qui aurait tout à
fait sa place dans les réflexions menées : l’étudiant.
Associer de manière contractuelle des étudiants représentatifs de différents semestres de
formation à l’élaboration de leur encadrement, et donc aussi de leurs savoirs, permettrait de
développer la pédagogie de projet, qui ces dernières années, s’en est seulement tenue en
deuxième année à l’élaboration d’un projet de santé publique. Comme l’a stipulé Nicole
Poteaux, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Louis Pasteur de
Strasbourg, « le projet favorise la curiosité intellectuelle, la compréhension, la créativité,
l’aptitude de penser par soi-même, le goût d’apprendre et de faire, la confiance en soi et aux
autres, le sens des responsabilités, la capacité de jugement et bien d’autres »87.
Inclure des étudiants à ces travaux permettrait de relayer plus facilement les attentes des
autres étudiants et faciliterait une analyse critique plus constructive de leurs apprentissages
dans les services de soins. Leurs idées seraient alors entendues et prises en compte pour la
recherche de solutions.
Dans le constructivisme, « l’apprenant doit avoir le choix de sa méthode et de ses
associations à travers ses démarches afin qu’il puisse construire son propre savoir ª LO
« apprend à construire ses savoirs autant sur le plan cognitif que sur le plan métacognitif. Il
se développe également sur le plan personnel et social par des stratégies affectives et par
les défis cognitifs qui se présentent à lui afin qu’il puisse se dépasser et se réaliser »88
Associer les étudiants à des groupes de professionnels serait un moyen pour
eux de se construire une identité dans le présent mais de se projeter aussi dans un
avenir proche, et d’avoir une vision plus réaliste du métier exercée en structure
médicalisée ou en secteur libéral par exemple. Il développerait par là-même la culture
du travail en équipe, équipe déjà lieu de confrontation en stage au sens propre du
terme car les « jeunes » générations sont très souvent incomprises et critiquées dans
leurs attitudes, dans leur curiosité professionnelle…
Faire émerger d’autres propositions de projets dans le dispositif d’apprentissage
développerait la socialisation des étudiants et contribuerait à l’acquisition des
différentes ressources constitutives des compétences.
3. Perspectives et applications envisageables
Cette implication à part entière des étudiants dans leur apprentissage obligerait
l’ensemble des professionnels de santé, mais d’autant plus les cadres-formateurs à
s’adapter à une autre logique de formation. Leurs rôles s’en trouveraient modifiés car il
nécessiterait de gérer les contenus, les méthodes… avec d’autres professionnels qui ne sont
pas pour autant formés à la pédagogie. Il est vrai que ces rapports complexifieraient la
327($8;1/DSpGDJRJLHGHSURMHWMXLQKWWSILOHVLJIHVWZHEQRGHIU
IEI/DS&$GDJRJLHGHSURMHWGRFGRF
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gestion de la formation. Ces changements demanderaient du temps mais une prise de recul
serait bénéfique à chacun et replacerait les étudiants au cœur-même de leur projet principal
et initial « devenir infirmier (ière) ».
Mettre en projet rapidement les étudiants(tes) et les inviter à se questionner sur leurs
pratiques professionnelles au quotidien les engagera dans une culture de la recherche en
soins infirmiers jusque-là très peu développée en France contrairement à d’autres pays
anglo-saxons comme le Canada. L’université est donc une opportunité pour motiver,
concrétiser et crédibiliser les recherches disciplinaires à venir. Le travail de fin d’études,
initiation à la recherche en soins infirmiers, ne représentait que peu d’intérêt pour bon
nombre d’étudiants si ce n’est valider ce travail pour obtenir le diplôme. « La recherche est
un ensemble d’actions qui a pour but d’améliorer et d’augmenter l’état des connaissances
dans un domaine scientifique »89. Celle-ci, outre l’acquisition de savoirs, favorise la qualité
des soins délivrée aux personnes. Chaque acteur appartenant au champ de la santé,
diplômé ou futur diplômé, en fonction de son positionnement dans les différentes institutions,
peut être amené à jouer un rôle dans cette recherche.
L’évaluation des pratiques infirmières des étudiants en formation précédemment
décrites, ainsi que l’appropriation des ressources de la compétence par une réflexion
critique, sont au cœur du défi de l’amélioration de la pratique professionnelle en
adéquation avec les modalités pédagogiques engagées.
Chaque fois qu’un(e) étudiant(e) entre en relation avec un patient, il (elle) contribue à une
activité de recherche clinique.
Selon Ljiljana JOVIC, l’activité de recherche clinique s’applique dans au-moins trois
dimensions :
¾ « la première concerne l’élaboration et le développement des connaissances
spécifiques à chaque métier,
¾
la
deuxième
est
relative
aux
approches
multidisciplinaires
voire
pluri
professionnelles. Elle est pertinente à chaque fois que la problématique de compréhension
des phénomènes et/ou de prise en charge des malades nécessite la collaboration et la
complémentarité entre différents métiers,
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¾ la troisième porte sur la contribution à la réalisation des travaux dans d’autres
disciplines que la sienne (par exemple : la participation des infirmières à la recherche
médicale) ».
Puisque chaque étudiant et chaque personne et/ou patient sont uniques, et que chaque
démarche clinique doit être individualisée, toutes les évaluations prennent leur sens pour
contribuer à l’amélioration de la prise en charge préventive et/ou éducative de ces dernières.
L’étudiant émet un jugement clinique, appelé aussi raisonnement clinique, à partir des
données recueillies lors d’une observation structurée d’une personne soignée. A partir de
ces données, il active des opérations mentales hypothético-déductives qui lui permettront
d’élaborer une démarche clinique en reliant les signes à une conclusion, d’où découleront
des soins personnalisés.
Comme nous avons pu le décrire dans cette réalité complexe que sont les soins
infirmiers situés au point de convergences des sciences médicales, des sciences humaines
et des sciences de l’éducation, l’évaluation formative des étudiants par une pratique réflexive
et leur inscription dans une démarche de projet présentent des intérêts majeurs dans le
développement des soins infirmiers.
Les échanges inter-professionnels par le biais d’un partenariat accru permettront aux
étudiants d’adopter des stratégies d’adaptation aux situations rencontrées, de développer
leur raisonnement clinique tout en mettant à profit leurs acquis, leurs connaissances,
notamment pour comprendre les réactions humaines, les émotions face à la maladie par
exemple.
Un apprentissage motivant et bien mené, développant la personnalité et les capacités
des étudiants pourra aisément se transposer dans le cadre du raisonnement clinique
et dans l’accompagnement des patients. Il les incitera à s’engager dans une culture de
recherche, et conduira ainsi à la formation d’infirmiers (ières) clinicien (iennes)
généralistes.
CONCLUSION
Le cheminement de cette réflexion nous montre, comme l’a stipulé Guy Le Boterf,
que le professionnel, ici le cadre de santé – Formateur en soins infirmiers, doit « prendre du
recul pour ne pas rester au stade de l’empirisme et pour mieux conduire ses pratiques
professionnelles »90, notamment dans le cadre des nouveaux processus d’évaluation des
étudiants en soins infirmiers lors de leurs stages basés sur les compétences. Il doit « avoir la
faculté de se distancier »91 pour s’adapter à de nouvelles exigences réglementaires et à une
nouvelle culture générationnelle.
Cela suppose le développement de nouvelles méthodes pédagogiques, de nouvelles
postures, une autre culture partagée de l’évaluation garante d’une formation de qualité.
Un travail collaboratif pourrait par exemple être initié invitant au partage d’expériences avec
les pairs et entre les étudiants eux-mêmes. Cette démarche semble favorable pour leur
formation, mais également dans leurs rapports avec les autres professionnels de santé.
L’entretien d’explicitation gagnerait d’autant plus à être partagé entre tous les acteurs pour
développer les capacités d’apprentissage des apprenants, et de concevoir dans un avenir
proche des pratiques professionnelles innovantes pour les professionnels en devenir.
L’acquisition d’une pratique réflexive aiderait ainsi les étudiants(tes) à développer leurs
capacités de transfert dans des gammes variées de situation, mais également d’apprendre
des autres et aux autres.
Les formateurs disposent-ils pour cela de suffisamment d’outils professionnels pour
développer cette pédagogie différenciée favorable au développement cognitif des étudiants ?
Sont-ils prêts par ailleurs à accorder davantage de place aux étudiants dans la construction
de leurs apprentissages ?
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BO Santé – Protection sociale – Solidarités n° 2009 /7 du 15 août 2009, Page 390
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