Disciples de Christ au vingt-et-unième siècle
« Simon Pierre, avec un autre disciple, suivait Jésus. Ce disciple était connu du
souverain sacrificateur, et il entra avec Jésus dans la cour du souverain sacrificateur;
mais Pierre resta dehors près de la porte. L'autre disciple, qui était connu du souverain
sacrificateur, sortit, parla à la portière, et fit entrer Pierre. Alors la servante, la portière,
dit à Pierre : Toi aussi, n'es-tu pas des disciples de cet homme ? Il dit : Je n'en suis point.
Les serviteurs et les huissiers, qui étaient là, avaient allumé un brasier, car il faisait froid,
et ils se chauffaient. Pierre se tenait avec eux, et se chauffait aussi. Le souverain
sacrificateur interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine. Jésus lui répondit : J'ai
parlé ouvertement au monde; j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple,
les Juifs s'assemblent, et je n'ai rien dit en secret. Pourquoi m'interroges-tu ?
Interroge sur ce que je leur ai dit ceux qui m'ont entendu ; voici, ceux-là savent ce que
j'ai dit [...] Anne l'envoya lié à Caïphe, le souverain sacrificateur. Simon Pierre était là,
et se chauffait. On lui dit : Toi aussi, n'es-tu pas de ses disciples ? Il le nia et dit : Je n'en
suis point. Un des serviteurs du souverain sacrificateur, parent de celui à qui Pierre avait
coupé l'oreille, dit : Ne t'ai-je pas vu avec lui dans le jardin ? Pierre le nia de nouveau.
Et aussitôt le coq chanta. » (Jean 18 :15-21, 24-27).
Que pensez-vous, cher lecteur, de Pierre ? Est-ce que vous le blâmez, ou bien, est-
ce que vous en auriez fait autant dans de pareilles circonstances, même dans des
circonstances moins dangereuses ? Voilà une question à laquelle nous devons tous
essayer de répondre sincèrement. Mais laissons-la de côté à présent, pour diriger notre
attention sur quelque chose de tout à fait certain, d'incontestable. C'est ceci : beaucoup de
gens, même aujourd'hui, se croient chrétiens, mais pas un sur mille ne se dirait disciple de
Christ. Pourquoi ?
Pierre, lui, était un disciple, sans contredit, le chef des douze par sa foi, son
enthousiasme, sa protestation de loyauté, son indignation devant les souffrances de son
Maître ; c'est pourquoi ses fautes, sa faiblesse nous frappent la vue. D'ordinaire, il se
proclamait disciple d'une voix qui ne permettait pas de réplique :
« A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jean 6: 68).
« Nous avons tout quitté, et nous t'avons suivi » (Matthieu 19: 27).
Mais ici, dans la cour du souverain sacrificateur, ainsi que sur la mer, devant un grand
danger physique (et en proie à une lutte intérieure), il eut peur et renia son Maître.
Quant à ceux qui se disent de nos jours chrétiens, quelques-uns sont de vrais
disciples et auraient agi comme Pierre ; beaucoup d'entre eux l'auraient fait à moins forte
raison, de peur de se compromettre, de perdre leur réputation, ou d'encourir le mépris de
leurs semblables ; tandis que la plupart ne sont point disciples et leur peur de prétendre au
titre est en réalité un indice de leur franchise. Ils se rendent compte que le mot « disciple
» comporte l'idée d'une parenté beaucoup plus intime et beaucoup plus forte que celle
dont ils jouissent même ils ne la désirent pas. Tout en traitant donc de respect, voire
d'admiration, ceux qui s'appellent disciples de Sartre, par exemple, ou de n'importe quel
autre philosophe, ils ne veulent point qu'on parle devant eux de disciples de Christ : cela
les gêne.
Chrétiens ou disciples ?
Leur franchise est digne de louange : ce qui ne l'est pas, c'est la manière obstinée
dont ils persistent à s'appeler chrétiens. Qu'est-ce qui explique cette ténacité?
Il y en a quelques-uns qui croient que seuls les douze s'appelaient disciples, tous
les autres étant tout simplement chrétiens. Ce n'est pas vrai. C'est le mot « disciple » qui
est commun dans le Nouveau Testament, étant employé 269 fois : il y avait des
multitudes de disciples, hommes et femmes, peu après l'ascension de Christ (Actes 4 :32).
Par contre, on ne rencontre le mot « chrétien » que trois fois et chaque fois il est employé
d'une façon qui donne à penser.
l. « Ceux qui avaient été dispersés par la persécution survenue à l'occasion
d'Étienne allèrent jusqu'en Phénicie, dans l'île de Chypre, et à Antioche [...] Ce fut
à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens ».
(Actes 11: l9, 26)
Ce sont leurs ennemis, paraît-il, qui leur ont donné ce sobriquet pour qualifier,
sans doute, des gens qui parlaient toujours de Christ. Alors, quand nous aimons, nous
autres, à nous entendre appeler chrétiens, est-ce parce que nous appartenons à un groupe
peu populaire, ou parce que nous parlons très souvent de Christ ? Est-ce que nous
envisageons la possibilité d'être persécutés comme chrétiens si la tolérance religieuse
venait à diminuer ?
2. « Et Agrippa dit à Paul : Tu vas bientôt me persuader de devenir chrétien !
» (Actes 26: 28)
Paul est en train de se défendre devant Agrippa et Festus, quand on l'interrompt
avec cette remarque, prononcée, peut-être, sur un ton ironique. Mais nous autres,
chrétiens du monde moderne, est-ce que nous nous sommes jamais défendus en tant que
chrétiens devant les autorités de l'état ? Si nous avions à expliquer notre espérance
chrétienne, le ferions-nous en citant l'Ancien Testament ? Est-ce que nous comprenons
même autant qu'Agrippa la véritable signification d'être chrétien, qu'il ne suffit pas d'être
né dans un pays soi-disant chrétien mais qu'il faut être pleinement persuadé.
3. «. . . Si quelqu'un souffre comme chrétien, qu'il n'en ait point honte, et que plutôt
il glorifie Dieu à cause de ce nom. » (1 Pierre 4: 16)
Quel verbe est-ce que Pierre emploie ? Qu'est-ce que le chrétien doit faire ? Il doit
souffrir. Il parle d'une épreuve dure que les chrétiens devront traverser. Et nous, en nous
appelant chrétiens, est-ce que nous pensons à la possibilité d'une telle épreuve ? Malgré
la tolérance moderne, on peut aisément imaginer des développements politiques qui la
rendraient non seulement possible, mais certaine, pour les véritables chrétiens. D'ailleurs,
on pourrait dire que l'on ne saurait être chrétien, quelles que soient les circonstances, sans
souffrance – souffrance personnelle, individuelle, intérieure, sans doute, mais souffrance,
quand même.
Il est clair que pas un de ces trois passages ne nous encourage à employer
nonchalamment le mot « chrétien ».
D'autres encore pensent, peut-être, qu'en se disant chrétien on se perd dans la
foule. C'est dommage, parce que c'est justement la différence entre la foule et les
disciples chrétiens qui ressort de presque toutes les pages du Nouveau Testament. On s'en
aperçoit dans les expressions mêmes qui décrivent, dans les Évangiles, les rapports entre
Christ et les siens :
« Jésus se retira vers la mer avec ses disciples » (Marc 3 :7)
« Jésus leur dit : Venez à l'écart dans un lieu désert » (Marc 6: 31. Voir Matt. 14 :
13 ; 17 :1 ; 20 :17) ;
« Les disciples vinrent en particulier lui faire cette question » (Matthieu 24 :3).
D'autres voulaient bien admettre :
« Jamais homme n'a parlé comme cet homme » (Jean 7 :46),
« ... car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes » (Marc
l :22)
mais la foule l'abandonnait quand il venait de leur dire des choses dures à supporter.
D'autre part, il disait aux disciples : « Heureux sont vos yeux, parce qu'ils voient et vos
oreilles, parce qu'elles entendent » (Matt. 13: 16).
Dans le sermon sur la montagne cette distinction est essentielle. Les disciples sont, ou
devraient être, « le sel de la terre », « la lumière du monde » ; leur justice doit surpasser
celle des scribes et des pharisiens ; ils doivent faire plus que les autres ; en faisant
l'aumône, en jeûnant, en priant, ils ne doivent pas imiter les hypocrites ; en cherchant
d'abord le royaume de Dieu, ils ne doivent pas ressembler aux païens (Matthieu 5 :13, 14,
20 ; 6: 1-9, 16-18, 33). Et ce contraste se révèle distinctement dans la prière que Jésus a
prononcée la veille de sa crucifixion :
« C'est pour eux [ses disciples] que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais
pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils sont à toi [...] Je leur ai donné ta
parole : et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi je ne
suis pas du monde » (Jean 17 :9, 14).
Donc, si l'on veut se mêler à la foule en se croyant chrétien, il est à craindre qu'on ne le
soit pas du tout.
Chez d'autres encore c'est la peur de sembler pharisaïque. « Un disciple, disent-ils, est un
ange. Or, je ne suis pas un ange, moi, et même si je l'étais, je ne le dirais à personne. »
C'est un raisonnement très souvent assez sincère, on ne voudrait pas le nier, mais tout à
fait sans fondement réel.
Ce n'étaient pas des anges que les douze ; loin de là. Jacques et Jean étaient
ambitieux. Tous se querellaient dans la présence de leur Maître pour savoir qui était le
plus grand (comme s'ils n'étaient pas tous des nains en comparaison de ce géant spirituel).
Judas l'a trahi. Ils l'ont tous abandonné et se sont enfuis. Pierre l'a renié par trois fois.
Thomas a douté de sa résurrection. En outre, les deux qui marchaient sur la route
d'Emmaüs étaient tristes, et leur compagnon a leur reprocher leur manque de foi.
Joseph d'Arimathée était disciple, mais en secret, de peur des Juifs. Nicodème n'est venu
à Christ que de nuit. Il n'y a rien d'angélique. Non : en s'appelant « disciple » qu'est-ce
qu'on fait ? On annonce tout simplement qu'on est en train d'apprendre quelque chose ;
voilà tout.
Et cette signification du mot « disciple » suggère plusieurs questions simples mais
importantes qui nous aideront à préciser notre conception de la vie chrétienne.
Qui est le Maître ?
Cette première question a l'air d'être superflue : un petit enfant pourrait y
répondre : c'est Christ, naturellement. Mais qu'avons-nous dit en répondant si facilement
à cette question-là ? Non seulement c'est un maître que beaucoup de gens reconnaissent
pour le plus grand maître qui ait jamais vécu, mais aussi c'est celui qui se dit fils de
Dieu ; qui nous apprend la vérité ; encore plus, qui prétend être lui-même la vérité ; qui
est bien content que nous l'appelions « Maître et Seigneur », et qui veut que nous soyons
comme lui :
« Vous m'appelez Maître et Seigneur. Et vous dites bien, car je le suis. Si donc
je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver
les pieds les uns aux autres ; car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez
comme je vous ai fait » (Jean 13 :13-15).
Le disciple chrétien jouit du privilège ineffable d'avoir pour maître un homme sans pareil,
« puissant en œuvres et en paroles » (Luc 24 :19).
Qu'est-ce qu'il enseigne ?
C'est la vérité, la justice, la bonté, cette grâce et cette vérité qui « sont venues par
lui ». C'est la révélation parfaite de son Père. Lui, la Parole de Dieu faite chair, nous
montre le Père. Et tout cela, il l'enseigne en paroles qui ne sont pas de son propre cru
mais qui viennent de Celui qui l'a envoyé :
« Je dis ce que j'ai vu chez mon Père » (Jean 8 :38)
« La parole que vous entendez n'est pas de moi » (Jean 14 :24).
C'est l'exhortation de ses disciples à imiter son Père :
« Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5 :48).
Il nous montre la voie qui mène à la vie éternelle. C'est l'évangile du royaume de Dieu. Il
annonce le jour à venir la terre sera remplie de la gloire de Dieu, Sa volonté sera
faite par tout l'univers, où les fidèles jouiront du salut et de l'immortalité sur la terre. Voilà
ce qu'il enseigne.
Qui peut assister à son cours ?
Tout le monde sans exception : n'importe qui ; « qui que ce soit » ; tous ceux qui
veulent, peuvent boire « l'eau de la vie ». Il n'y a pas d'argent à payer : « vous avez reçu
gratuitement, donnez gratuitement » (Matthieu 10 :8). Personne n'est exclu pour des
raisons de race, de classe, ou de sexe :
« Il n'y a ici ni Grec, ni Juif, ni circoncis, ni incirconcis, ni barbare, ni Scythe, ni
esclave, ni libre ; mais Christ est tout et en tous » (Colossiens 3 :11).
Quant à l'âge, on n'est jamais trop vieux pour commencer mais on peut être trop jeune
pour être disciple en vérité. En s'enrôlant, on accepte une invitation, ce qui suppose qu'on
est capable de penser sérieusement :
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos.
Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de
cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes » (Matthieu 11 :28, 29).
Les petits enfants ne sont ni fatigués ni chargés. Tout enfant, on ne peut pas prendre son
parti, quoiqu'on puisse commencer à s'y préparer.
Encore plus frappantes sont les paroles de Jésus qui suivent:
« Si quelqu'un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme, à
ses enfants, à ses frères et à ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon
disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon
disciple. Car lequel de vous, s'il veut bâtir une tour, ne s'assied d'abord pour
calculer la dépense et voir s'il a de quoi la terminer, de peur qu'après avoir posé les
fondements, il ne puisse l'achever, et que tous ceux qui le verront ne se mettent à le
railler, en disant : Cet homme à commencé à bâtir, et il n'a pu achever ? Ou quel
roi, s'il va faire la guerre à un autre roi, ne s'assied d'abord pour examiner s'il peut,
avec dix mille hommes, marcher à la rencontre de celui qui vient l'attaquer avec
vingt mille ? S'il ne le peut, tandis que cet autre roi est encore loin, il lui envoie une
ambassade pour demander la paix. Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce
pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple. » (Luc 14 :26-33)
Cela nous choque, cela nous donne à penser jusqu'à la fin de notre vie de disciple. Nous
aurons quelque chose à dire là-dessus plus tard ; pour le moment tout ce que nous
voulons prouver par ces paroles, c'est qu'il faut penser profondément et sobrement avant
de bâtir notre maison sur le rocher de la foi en Jésus-Christ et avant de faire la guerre
contre le péché en nous-mêmes, ce qu'un petit enfant ne peut pas faire.
Quelles qualités faut-il avoir pour être admis au cours ?
Il n'est point nécessaire d'être savant. En effet, si l'intelligence se joint à l'orgueil,
il est impossible de devenir disciple. Judas a été peut-être le plus habile des douze.
« Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n'y a ni beaucoup de
sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a
choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les
choses faibles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi les choses viles
du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant
celles qui sont, afin que personne ne se glorifie devant Dieu. » (1 Corinthiens 1 :
26-29)
La plupart des douze étaient pêcheurs ; un d'entre eux était publicain. Non, pour
apprendre, il faut – et cela va sans dire – être docile :
« Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume
des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. » (Matthieu 19 :14)
« Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez pas
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