FATIGUE ET SURENTRAINEMENT
Par Cyril Fourier
Préparateur Physique Equipe de France de Voile
Evaluation de la fatigue et prévention
Ces quelques lignes reprennent certaines des interventions effectuées lors d’un
séminaire du GIPSEPO (juin 2004), concernant les données physiologiques de terrain
pour l’aide à l’entraînement.
J’ai retenu les informations transférables et pertinentes en voile.
1/ Dépistage de la fatigue chez l’athlète de haut niveau
Jean Claude Chatard – Laboratoire de physiologie de Saint Etienne
Pour constater une fatigue effective, voire faire un diagnostic de surentraînement,
il faut :
- objectiver la fatigue,
- recueillir des symptômes,
- avoir des éléments biologiques,
Ces trois éléments doivent être présents pour diagnostiquer un surentraînement.
La baisse de la performance doit nécessairement être recueillie :
- Soit à l’entraînement, ou lors de compétitions (définir un protocole fiable),
- Par un questionnaire de fatigue,
- Par des données biologiques (Fc, lactates, hormones),
Il est intéressant de mettre en parallèle la performance et la charge de travail
(tableau synthétique) :
- Evolution de l’un / l’autre,
- Réactions en plus ou en moins.
Normaliser la performance n’est pas toujours évident (Cf. voile) : Peut être faut il
définir des échelles de satisfaction (entraîneurs et coureurs).
Ce point doit être développé concernant la voile où il parait souvent difficile de
quantifier la tâche en dehors du seul résultat sur régate.
Des échelles simples, plus ou moins subjectives, pourraient être mises en place en
plus des enregistrements de FC par exemple.
Le tout devra être reporté sur un chiffrage simple, quantifiable et évaluable en terme
de pourcentages.
Le fait de normaliser la performance et d’avoir une vision mensuelle, voire annuelle,
permet de définir des périodicités de la performance, et par ce fait, d’anticiper à
terme les régulations nécessaires.
Ce qui est certain : un entraînement qui augmente entraîne une performance qui
augmente. Mais passé un certain seuil, la performance stagne, voir baisse.
Un entraînement qui augmente très fortement entraîne toujours dans un deuxième
temps une baisse de la performance.
Ainsi, un entraînement de haute intensité est toujours payé, il doit l’être.
Influence de données extérieures/ performance ou / état de fatigue :
- Impact des voyages en général (récupération environ 1 semaine),
- Echauffement (différence de performance de + ou - 4 % avec ou sans
échauffement de 20 à 40 min).
2/ Le questionnaire de fatigue
Un questionnaire simple de 8 questions nous est proposé par Chatard et ‘’ All
sciences et sport 2003’’.
Une échelle de 1 à 7 par question. Le total = score de fatigue.
Les questions :
1- l’entraînement à t il été difficile ?
2- Est-ce que j’ai plus dormi ?
3- Mes jambes étaient lourdes ?
4- J’ai attrapé froid ?
5- Ma concentration est elle plus difficile ?
6- J’ai travaillé moins efficacement ?
7- Je me suis senti plus irritable ?
8- Est-ce que j’ai été stressé ?
Pour chaque question, un graduation de 1 à 7 avec pas du tout pour 1,
Moyennement pour 3 à 4, et beaucoup pour 7.
Ce questionnaire simple doit être repassé régulièrement afin d’avoir un comparatif
plus fiable, et pour le corréler avec d’autres indicateurs (la performance, la
Fréquence Cardiaque, lors d’exercices de référence ainsi que la Fc de repos, un
comportement anormal…).
Le questionnaire de fatigue renvoie néanmoins à des variables subjectives fortes. Il
est donc important d’avoir des réponses sincères sans mentir sur ces sensations.
En conclusion, pour être certain que l’athlète est en période de fatigue importante
voire de surentraînement ( qui correspond à une fatigue persistante suite à - et -
malgré une période de repos de une à trois semaines), il est nécessaire de croiser :
- les informations fournies par le niveau de performance,
- le questionnaire de fatigue et les indication fournies,
. soit par la Fc, mais en fonction du type de fatigue, la Fc évolue
différemment (fatigue parasympathique, la Fc baisse le matin, alors qu’elle
augmente si fatigue sympathique),
. la lactatémie, mais grande variabilité en fonction du matériel de mesure
(si un athlète perf à 16 mmol/l et lactatémie n’augmente pas voir baisse, alors
fatigue possible)
. ou encore le système hormonal (s’il est haut, c’est qu’il fonctionne, et donc
peu de chance de fatigue. Mais grande variabilité d’une personne à l’autre,
donc nécessité de comparer / habitudes)
Une certitude cependant : le repos est la meilleure façon de se préserver des
périodes de grande fatigue. Il faut savoir se stopper pour rebondir. On ne peut pas
être toujours à 110 %.
Pour suivre au mieux l’état de nos athlètes, une méthode nouvelle s‘offre à nous à
travers la variabilité de la fréquence cardiaque, ou encore nommée intervalle RR.
C’est ce point qui nous a été présenté par Martin Garet, du laboratoire de Physiologie
de la Faculté de médecine de Saint Etienne.
3/ Prévention du surentraînement par mesure de la variabilité de la
fréquence cardiaque (Fc) – Martin Garet du laboratoire de Physiologie de
la Faculté de médecine de Saint Etienne.
Un peu de physiologie pour bien comprendre le sujet de cette partie.
La variabilité de la fréquence cardiaque (Vfc) est le témoin de l’activité du système
nerveux autonome (Sna).
Le Sna est complexe, il se divise en deux parties : le système sympathique (élévateur
d’activité) et le système parasympathique (modérateur d’activité).
Si le Sna fonctionne correctement, son activité est importante et surtout équilibrée.
Il permet de maintenir l’équilibre des grandes fonctions de l’organisme.
Le Sna est corrélé directement à la performance. Il existe une relation directe entre
l’activité autonome et la performance. En effet, l’activité autonome va réguler la Fc
par son bras sympathique à long terme (adrénaline) et par son bras
parasympathique à court terme (acétylcholine). Cette régulation de la Fc (variabilité
de Fc) à court et long terme témoigne de l’activité sympathique et parasympathique
et d’une régulation globale du système nerveux autonome.
La Vfc est donc un outil à notre disposition.
Comment l’utiliser ?
Nous trouvons désormais dans le commerce des outils nouveaux permettant de
dégager en plus de la Fc, la variabilité de cette Fc.
Deux matériels : soit une montre polar (Ref. S810) soit un ECG ambulatoire plus
encombrant.
Quelle est donc la procédure ?
On va enregistrer la Vfc de nuit pendant le sommeil de l’athlète, donc sans contrainte
puis on procède au dépouillement de la montre à l’instar de n’importe quel
cardiofréqencemètre.
Dans le cas qui nous a été présenté, un logiciel analyse automatiquement le signal
transféré, nettoie le signal et procède aux interprétations. A ce jour, il n’existe pas
encore de logiciel grand publique utilisable. Plusieurs expériences existent néanmoins
comme celle qui nous a été présentée ou encore celle développée dans le Jura au
centre national de ski de fond. Ces logiciels pourraient donc rapidement être intégrés
et utilisés en particulier par les spécialistes en voile.
Une fois le signal transféré, on extrait l’intervalle de temps entre chaque battement
que l’on reporte graphiquement (Le logiciel polar permet cette extraction). Cette liste
d’intervalles de temps est nommée liste RR.
Plusieurs analyses peuvent alors être effectués :
- Une analyse de visu qui nous permet de voir une variabilité plus ou moins
importante. Une grande variabilité témoignant d’une activité autonome importante.
- Une analyse mathématique (via le logiciel - ici celui de Saint Etienne) à plusieurs
niveaux :
- en partant de la liste RR, on calcule la dispersion de la durée des intervalles
consécutifs. On pourra alors réaliser une analyse statistique qui en
comparaison à des outils prédéfinis témoignera d’une activité sympathique ou
parasympathique.
- Toujours en partant de la liste RR, on peut réaliser une analyse fréquentielle
(transformée de Fourier). Les hautes fréquences relatant une activité
parasympathique et inversement, les basses, une activité sympathique.
- Enfin la puissance totale du spectre, c'est-à-dire l’intégrale de l’aire sous la
courbe, nous révélera l’activité globale du Sna.
Notons à nouveau que tous ces calculs sont automatisés, et que seule la déduction
devra être réalisée par le œil extérieur.
Quelles en sont les applications ?
Il faut d’abord noter que la Vfc est plus précise, plus sensible que la seule Fc.
En effet, les variations de la Vfc sont de l’ordre de 46 % alors qu’elles ne sont que de
11% pour la Fc classique. D’où un intérêt non négligeable afin d’affiner le suivi de
l’athlète.
Partons d’un exemple afin de bien comprendre le fonctionnement et l’intérêt de la
Vfc.
Avant un exercice intense, on enregistre la Vfc et on note une forte activité
autonome (courbe globale), ainsi q’un pic important de haute fréquence (analyse
fréquentielle), témoin d’une forte activité parasympathique.
L’athlète réalise l’exercice.
L’enregistrement, suite à l’exercice, fait apparaître un écrasement de la courbe et
plus de pic. 24 heures après la séance, le pic réapparaît et la Vfc est plus importante.
48 h après, la Vfc est plus importante que le premier enregistrement ainsi que le pic
de haute fréquence.
Ce qui signifie qu’il y a un rebond suite à la séance. On va pouvoir ainsi gérer au
mieux la programmation de l’athlète et surtout sa réponse à l’entraînement. Donc
éviter relativement facilement un fort état de fatigue consécutif à une période trop
chargée.
On pourra ainsi individualiser au mieux les phases de repos et optimiser les charges
d’entraînement. Ce point est essentiel dans notre activité où il est souvent difficile
d’évaluer précisément l’impact de l’entraînement spécifique additionné à la fois aux
contraintes extérieures parfois stressantes et à l’entraînement à sec (préparation
physique). Enfin, un outil semble très intéressant pour optimiser les périodes
d’affûtages qui ont un double objectif, récupérer et maintenir les acquis de
l’entraînement.
Une analyse plus fine et surtout une utilisation expérimentée devraient également
nous permettre de réguler l’entraînement en fonction du type de fatigue, c'est-à-dire
sympathique ou parasympathique qui induit des effets souvent contraires. Ce dernier
point reste sujet à controverse, mais il ne peut être négligé notamment pour nos
supports les plus physiques et en premier lieu la planche à voile.
4/ En conclusion
Une évaluation pertinente de l’impact de l’entraînement permettant d’anticiper les
fatigues profondes voir le surentraînement s’appuiera sur un croisement de
méthodes et outils :
- Suivi des performances au quotidien, tant en entraînement qu’en régate en
s’appuyant sur une grille d’évaluation objective et comparable (afin de dire par
exemple: ce jour je suis à 80 % de performance),
- Suivi de variables plus subjectives (telle que l’humeur), en utilisant le
questionnaire de fatigue régulièrement,
- Observation de données biologiques, et particulièrement utilisation de la
variabilité de la fréquence cardiaque,
- Dispositif complété si nécessaire par un bilan biologique complet obligatoire
une fois par an (Cf. JO N°33 du 8 février 2004 – Décret du 6 février 2004
relatif aux examens médicaux obligatoires pour le haut niveau et Arrêté du 11
février 2004 fixant la nature et la période des examens)
Pour être fiable et reproductible, ce suivi devra être mené sur le long terme.
Les informations récoltées, et les profils des athlètes qui en seront dégagés, nous
permettront à terme d’optimiser la phase d’affûtage, dernière ligne droite avant toute
épreuve d’importance majeure. Par ailleurs, le suivi de l’athlète en période de régate
et plus particulièrement lors de l’objectif final pourra s’appuyer sur les éléments
recueillis précédemment. Le suivi de la fatigue mentale et physique sera d’autant
plus facilité. Ces quelques lignes devront être complétées à terme par un point plus
précis concernant le suivi de la fatigue mentale, et par le travail approprié en la
matière.
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