Étude sur les processus d’exclusion et d’insertion en milieu rural
Focus n° 1 - juillet 2009
La notion de réclusion pour comprendre l’exclusion en milieu rural
La double problématique de l’isolement et de la stigmatisation se traduit de manière di érente
selon les populations concernées. L’IRTESS propose de nommer réclusion ce processus qui
conduit des personnes ou des familles à se sentir comme assignées à résidence sur un territoire.
La réclusion amène à croiser des phénomènes connus dans les processus de précarité comme
le cumul de di cultés, la fragilisation, la marginalisation avec des phénomènes propres au
territoire dans lequel ils se développent. Dans le cadre de la ruralité ces phénomènes sont
«l’isolement et la mise à distance» liés à la rareté des ressources institutionnelles et publiques
aidantes et à une forte visibilité sociale, source de stigmatisation. Cette double dimension
anxiogène qui s’ajoute à des parcours di ciles se traduit par «un processus d’internalisation
de leur exclusion qui les conduit à se refermer sur eux-mêmes, ajoutant à cette réclusion
externe une réclusion interne».
Les approches monographiques des
territoires étudiées nous présentent un
spectre large des processus d’exclusion
à l’œuvre dans le secteur rural : pauvreté
fi nancière, des situations sanitaires
inquiétantes, insalubrité des logements,
routard, emploi…Nous avons à faire à une
pauvreté «traditionnelle», «historique», à une
«habitude de vivre» qui est intégrée dans les
territoires mais aussi à des phénomènes de
disqualifi cation sociale et de stigmatisation
touchant les populations qui s’installent.
Même si elle existe, la solidarité du milieu
rural comme protection rapprochée en cas de
diffi culté ou d’accident de la vie est à relativiser.
Le rural ne protège pas de l’isolement.
L’ensemble des acteurs s’accorde pour
mettre en avant «une invisibilité de la
pauvreté dans l’espace public rural qui la
rendrait plus anonyme et moins ostentatoire
qu’en ville». Nous pouvons voir là une
situation paradoxale. Il est souvent diffi cile
d’être anonyme en milieu rural mais en
même temps il semblerait qu’un anonymat
des situations sociales existe.
Il en découle un phénomène de suradapta-
tion, une résistance à la misère, de maintien
d’une certaine indépendance notamment par
une économie de subsistance alliant culture
de jardins, petits boulots et aide ponctuelle.
Cette débrouille permet de ne pas rentrer
dans une logique d’assistanat mais enferme
dans une pauvreté silencieuse, une absence
de lien social.
Malgré la rareté des acteurs, les territoires
ruraux sont occupés par les travailleurs
sociaux, les bénévoles avec le soutien des
collectivités locales. Les risques de précarité
et de désaffi liation sont contenus même
si certains territoires peuvent ne pas être
couverts. Toutefois les acteurs soulignent la
diffi culté à combattre la pauvreté.
Face à des situations de plus en plus in-
gérables, les intervenants sociaux dévelop-
pent selon leur territoire des modes de faire
se situant sur un spectre de l’intervention
sociale. Plus les acteurs agissent seuls
plus ils désespèrent et vont aller vers des
modes classiques d’intervention centrés sur
l’accompagnement individuel. Souvent dans
ce cadre, l’assistance domine. Il s’agit d’éviter
la chute. Même si elle est nécessaire, cette
démarche d’assistance ne suffi t pas à lutter
contre l’exclusion et la pauvreté. Au contraire,
cette logique contribue à la stigmatisation no-
tamment en milieu rural. Ainsi ces logiques
de prise en charge conduisent les personnes
sur certains territoires à «intérioriser les stig-
mates de la pauvreté».
Les dynamiques d’exclusion
Les formes de l’intervention sociale
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