DOSSIER FMC SPORTS DE LANCER OU DE SERVICE Sus-scapulaire malmené logiques. Elle survient volontiers à la suite d’une intensification brutale de l’entraînement ou de la compétition, ou à la suite d’un geste violent. C’est la répétition de gestes sportifs effectués dans des amplitudes extrêmes (adduction horizontale associée à une antépulsion) qui semble être en cause. Il s’agit en particulier de la fin du mouvement de service (ou de smash), du coup droit ou du revers à une main. !L’épaule neurologique microtraumatique correspond à la lésion des nerfs circonflexe, grand dentelé et susscapulaire. Mais les sports de lancer (javelot, disque) ou de service (tennis, volleyball ou handball) favorisent plutôt l’atteinte microtraumatique du nerf sus-scapulaire. Si donc votre patient discobole — ou tennisman — souffre de l’épaule, pensez-y systématiquement ! Douleur nocturne et baisse de l’efficience sportive L’anamnèse retrouve la présence de douleurs de type neurologique, c’est-à-dire sourdes, permanentes, préférentiellement nocturnes, localisées à la face postérieure de l’épaule ou à l’omoplate. Ces douleurs cèdent progressivement à l’arrêt de l’effort, mais, du moins dans la description classique des symptômes, de moins en moins facilement, en même temps que l’efficience sportive diminue (imprécision gestuelle, fatigabilité). Ce qui amène souvent le patient à consulter. D.R. PAR LE DR GILLES MONDOLONI* ÉPAULE est un complexe arti- L’ culaire composé de trois articulations et de deux espaces de glissement qui permettent des mouvements amples et rapides. Des sollicitations sportives intenses, rapides, répétées et effectuées suivant une amplitude importante peuvent créer des lésions microtraumatiques. Aucune structure anatomique n’est épargnée, qu’elle soit osseuse, capsulaire, tendineuse, musculaire ou nerveuse. L’atteinte microtraumatique du nerf sus-scapulaire affecte surtout de jeunes sportifs (moins de 25 à 30 ans), essentiellement masculins et de bon niveau, pratiquant des sports de lancer ou de service. Elle concerne le bras dominant et peut s’associer à d’autres lésions neuro- Parfois pauvre en symptômes A l’examen clinique, la mobilité de l’épaule, active et passive, est généralement normale. Cependant, certains signes cliniques évoquent fortement le diagnostic : — la pression directe en regard de l’échancrure coracoïdienne (à L’ATTEINTE MICROTRAUMATIQUE SURVIENT VOLONTIERS À LA SUITE D’UNE INTENSIFICATION BRUTALE DE L’ENTRAÎNEMENT N° 2169 - MARDI 22 JANVIER 2002 1 DOSSIER FMC l’évolution clinique (douleur nocturne minime, déficit très discret de la force de la rotation externe), ce pourquoi la recherche de cette atteinte microtraumatique doit être systématique. Confirmation par électromyogramme Les examens complémentaires sont dominés par l’électromyogramme qui permet très souvent : — de confirmer le diagnostic (atteinte tronculaire) ; — de localiser l’atteinte avec précision (échancrure coracoïdienne ou défilé spino-glénoïdien) ; — d’évaluer la gravité de l’atteinte (réinnervation) ; J.C. RIPA UN AUTHENTIQUE SYNDROME CANALAIRE Le nerf sus-scapulaire est un nerf mixte sensitivo-moteur, qui innerve les muscles sus-épineux et sous-épineux et qui a pour origine le plexus brachial (C5-C6). Il gagne ensuite le creux sus-claviculaire, puis franchit deux défilés (zone anatomique d’espace restreint) responsables de sa pathologie : — l’échancrure coracoïdienne, fermée par le ligament coracoïdien ; — le défilé spino-glénoïdien, sur le bord externe de l’épine de l’omoplate, qui est limité par le ligament du même nom. L’atteinte du nerf sus-scapulaire dans l’échancrure coracoïdienne est la plus fréquente (75 % des cas) et retentit alors volontiers sur les muscles sous-épineux et sus-épineux, alors qu’une atteinte du nerf dans le défilé spino-glénoïdien ne touche habituellement que le muscle sous-épineux. Les trois ancrages fixes du nerf sus-scapulaire (plexus brachial, échancrure coracoïdienne, défilé spino-glénoïdien) permettent d’expliquer la physiopathologie. En effet, dans les mécanismes d’adduction horizontale et antépulsion extrême, le nerf se trouve étiré, voire comprimé contre des reliefs osseux parfois « agressifs », ce qui crée un authentique syndrome canalaire. J.C. RIPA mi-distance entre l’angle supérointerne de l’omoplate et de l’acromion) est très douloureuse [voir schéma] ; — les tests isométriques contre résistance mettent en évidence un déficit souvent important de la force de la rotation externe et plus modéré de la force de l’abduction ; — la mise en adduction horizontale et antépulsion passive réveille des douleurs (mais il faut avoir éliminé une pathologie acromio-claviculaire) ; — l’amyotrophie de la fosse sous-épineuse (surtout) et de la fosse sus-épineuse (parfois), bien que souvent tardive, a une valeur diagnostique primordiale. Il est important de noter que le tableau est parfois paucisymptomatique, notamment au début de — d’écarter enfin une association lésionnelle possible avec le nerf grand dentelé ou le nerf circonflexe. Les radiographies standard d’épaule de face (trois rotations) et de coiffe (de profil) permettent d’éliminer une tendinopathie calcifiante et une rupture de coiffe. La RMN ou l’arthroscanner complètent idéalement ce bilan et recherchent en particulier un kyste paraglénoïdien susceptible de comprimer le nerf dans le défilé spino-glénoïdien. La prise en charge thérapeutique, essentiellement médicale, est surtout rééducationnelle. Elle débute par une éviction sportive obligatoire de durée variable (en fonction des données cliniques et paracliniques), mais bien souvent supérieure à trois mois. Elle comporte surtout des infiltrations de corticoïdes dans l’échancrure coracoïdienne ou dans le défilé spino- glénoïdien. Elle peut associer des anti-inflammatoires non stéroïdiens, voire l’apport de vitamine B. Priorité à la rééducation La rééducation tient une place privilégiée. Elle comporte la physiothérapie, le renforcement musculaire analytique des muscles de la coiffe, différentes techniques de massage, et vise surtout à corriger le geste sportif en cause. • La physiothérapie consiste préférentiellement en une stimulation électrique transcutanée (TENS) à l’aide d’électrodes cutanées produisant des courants de basse fréquence. Elle agit sur le circuit de la douleur (gate control system) et permet d’obtenir une réinnervation musculaire (recrutement spatio-temporel d’unités motrices). • La rééducation à proprement parler comporte des massages, des "MESSAGES CLÉS L’atteinte du nerf sus-scapulaire est fréquente, notamment dans les sports de lancer ou de service. Elle touche préférentiellement de jeunes sportifs de bon niveau et doit donc faire l’objet d’une recherche systématique. Le diagnostic, essentiellement clinique, complété éventuellement par des examens complémentaires (électromyogramme), doit être le plus précoce possible. Le traitement est global et apporte environ 60 % de bons résultats. Il comporte avant tout une éviction sportive d’au moins trois mois, le recours à des thérapeutiques anti-inflammatoires et une longue rééducation de l’épaule. On ne recourt à la chirurgie qu’après l’échec de ce protocole thérapeutique. La compréhension et la correction du geste sportif en cause sont les conditions indispensables à la guérison de cette pathologie et à la prévention de la récidive. La correction de la « technopathie gestuelle » est primordiale et permet d’éviter la récidive dans un souci d’épanouissement de nos sportifs. N° 2169 - MARDI 22 JANVIER 2002 2 DOSSIER FMC "BIBLIOGRAPHIE J.-M. Coudreuse, J.-N. Argenson, A. Delarque, C. Brunet, « Lésions du nerf suprascapularis : traitement médical (pathologie traumatique du membre supérieur chez le sportif) », Quinzième Journée de traumatologie du sport (J. Rodineau, G. Saillant), Masson, 1997. T.-H. Bouchet, G. Daubinet, « Lésions du nerf suprascapularis : traitement chirurgical (pathologie traumatique du membre supérieur chez le sportif) », Quinzième journée de traumatologie du sport (J. Rodineau, G. Saillant), Masson, 1997. J.-C. Chanussot, R.G. Danowski, Rééducation en traumatologie du sport (membre supérieur) ; pp. 132-41, Masson, 1997. J.-C. Chanussot, R.-G. Danowski, Traumatologie du sport, p. 459, cinquième édition, Masson. J. Rodineau, « Cinquante sites douloureux en traumatologie du sport : leur signification pathologique », Journal de traumatologie du sport, 1999, Masson. mobilisations passives de l’épaule afin d’éviter l’apparition de rétractions musculaires ou d’une capsulite. • Le renforcement musculaire analytique, essentiellement des rotateurs externes, se fait de manière isométrique, puis dyna- mique, dans différents plans de l’espace et optimise les suppléances apportées par d’autres muscles de l’épaule (petit rond, notamment). • La correction de la « technopathie gestuelle » est comme toujours essentielle. Elle repose sur la limitation de l’adduction horizontale extrême en fin de service au tennis ou au volley-ball et en la pratique du revers à deux mains. Elle nécessite une participation active du sportif, une collaboration étroite avec l’entraîneur, voire le changement de matériel. Elle vise à optimiser l’action d’autres groupes articulaires (jambes, rachis), afin de permettre une moindre sollicitation du complexe articulaire de l’épaule dans les mouvements de grande amplitude (antéflexion, rotation du rachis, meilleur déplacement des membres inférieurs…). La reprise du sport se fait très progressive- ment et inclut une phase longue de réadaptation à l’effort. Libération chirurgicale parfois nécessaire Le traitement médical et rééducatif est efficace dans environ 60 % des cas, tous stades confondus, mais les résultats sont meilleurs quand le diagnostic est précoce et quand le déficit moteur est peu important. Dans le cas contraire, et après une prise en charge médicale et rééducative inefficace menée pendant au moins trois mois, une cure chirurgicale peut être envisagée. Elle consiste à libérer le nerf sus-scapulaire en conflit dans l’échancrure coracoïdienne ou le défilé spino-glénoïdien par section du ligament correspondant. ■ * Médecine et traumatologie du sport, ostéopathie, Sartrouville [78] ; service de médecine physique, Hôtel-Dieu, Paris. N° 2169 - MARDI 22 JANVIER 2002 3