pouvait avoir lieu que par la violence et la force, le point de vue de Jacques II était, semble-t-il,
différent : « En mettant les « papistes » sur un pied d’égalité avec les protestants en matière de liberté
de culte et de possibilité d’accès aux offices publics, il offre la possibilité du salut à ses sujets car la
conversion deviendra possible et naturelle à tous, comme elle a été une évidence pour lui » (p. 171).
En juin 1688, la naissance d’un héritier catholique inquiéta les opposants au roi – on alla jusqu’à
mettre en doute la légitimité du prince de Galles – et ce fut ainsi que le propre gendre du roi,
Guillaume d’Orange, débarqua en Angleterre. Jacques II prit le chemin de la France où Louis XIV
l’accueillit au château de Saint-Germain-en-Laye, et pendant ce temps la couronne d’Angleterre passa
à Guillaume d’Orange et à sa fille Marie.
Il ne restait plus à Jacques II qu’à reconnaître dans ses échecs « la marque de la bonté de la
Providence à son égard » (p. 233). L’heure était à l’expiation de ses péchés – n’avait-il pas la
réputation, selon le mot du comte de Grammont, de « lorgneur le moins circonspect de son temps » ?
– par des mortifications, des jeûnes et des séjours à la Trappe. Il mourut le 16 septembre 1701…en
odeur de « sainteté », et bientôt courut le bruit de miracles réalisés par son intercession. Il n’en fallut
pas plus pour engager un procès en canonisation, mais la démarche n’aboutit pas. Le destin de Jacques
II, qui « a refusé de se plier aux exigences de la conformité identitaire nationale, et a ainsi perdu sa
légitimité», conduit Nathalie Genet-Rouffiac à se demander quelle serait la réaction de la société
française contemporaine – la laïcité tenant lieu de fondement identitaire – « si le président de la
République annonçait sa conversion à une autre religion du livre, à un courant spirituel oriental, voire
à une secte ? » (p. 272).
Comme son cousin, Louis XIV était « travaillé par la question religieuse et animé d’une
inquiétude salutaire » (p. 23), mais il avait sur Jacques II l’avantage que « la règle de catholicité
figurait parmi les lois fondamentales du royaume » (p. 22). C’est qu’en vertu de son sacre, comme le
rappelle Alexandre Maral, Louis XIV a été appelé à exercer une fonction sacerdotale « et ce rang
d’évêque du dehors […] impliquait, outre des liens étroits avec son clergé, une responsabilité
religieuse à l’égard de l’ensemble de ses sujets » (p. 56) dont il se devait d’être le garant de
l’orthodoxie. Le livre d’Alexandre Maral est la première étude qui traite des rapports de Louis XIV
avec Dieu. L’historien, auteur de travaux sur la chapelle royale de Versailles et d’un…Louis XIV pour
les nuls, explore un champ « dont les enjeux sont fondamentaux, non seulement dans le domaine
strictement moral et religieux, mais dans celui de la politique » (p. 22). La vie publique de Louis XIV
n’était pas ponctuée que de fêtes, mais aussi de messes, de vêpres et de saluts. Sait-on qu’à Noël il
assistait en deux jours à pas moins de six messes sans parler des offices de matines, de laudes et de
vêpres ? Alexandre Maral a dénombré que chaque année, de l’Avent au Carême, il entendait au moins
vingt-six sermons ! Bossuet, Fléchier, Bourdaloue et bien d’autres prédicateurs ont ainsi contribué à
ce que « de tous les fidèles français, il fut sans doute celui dont la culture religieuse fut la plus variée,
sinon la plus complète » (p. 81). De plus, Louis XIV n’hésitait pas « à multiplier […] des actes de
piété reflétant, à l’écart de toute routine, la sincérité de sa religion » (p. 81). Ce point méritait d’être
souligné. Quant aux faiblesses de la chair – nous pensons notamment à Mlle de La Vallière et à Mme
de Montespan – si « la volonté d’y mettre fin fut l’objet d’une véritable stratégie » dans l’entourage
de Louis XIV (Bossuet, Mme de Maintenon), « seul le concours actif du roi lui-même à sa propre
conversion permet d’expliquer le retour à l’ordre des années 1680 » (p. 223). Cette conversion
s’accompagna d’une mise au pas de la cour, comme en témoigne le marquis de Dangeau, rapportant
qu’à Valenciennes, le 21 mai 1684, « le roi fit le matin une réprimande dans l’église au marquis de
Gesvres sur ce qu’il entendoit la messe irréligieusement » (Journal, cité p. 272). Grâce à l’excellent
travail d’Alexandre Maral, nous pouvons nous faire une idée plus juste de la religion de Louis XIV
qui fut « non seulement un souverain religieux dans l’exercice de sa fonction, mais encore un prince
dévot dans l’accomplissement des obligations religieuses qu’elle comportait et à travers des actes dont
il ne lui était pas nécessaire de s’acquitter » (p. 84). Et sa dévotion pour les saintes reliques fait même
surgir « le portrait inattendu d’un roi très chrétien qui, en tout état de cause, ne peut se laisser résumer
aux manifestations visibles de la piété » (p. 85).
Dominique Hoizey