Les cultures végétales disposent, par elles-
mêmes, d’un premier atout pour rééquilibrer
leur « bilan CO2» grâce à la photosynthèse
chlorophyllienne, qui est un allié redoutable-
ment efficace pour capter et stocker du gaz car-
bonique. Cet avantage se traduit à deux
niveaux. D’une part, les surfaces cultivées
contribuent activement à la réduction globale
des gaz à effet de serre. D’autre part, les
ressources végétales utilisées à des fins non
alimentaires (biocarburants, chimie verte…)
n’augmentent pas, à la fin de leur cycle d’usage,
la quantité de GES émis dans l’atmosphère, à
la différence des ressources extraites du sol.
En France, au-delà de ces acquis, les agri -
culteurs se sont mobilisés de longue date pour
mettre en place des techniques et des pra-
tiques ayant un impact positif au plan environ-
nemental, et plus spécifiquement au niveau
des émissions de N2O. Au cours des quinze
dernières années, les apports d’azote minéral
ont été réduits de 30% sur l’ensemble des
grandes cultures et, pour la betterave sucrière,
la baisse atteint 44% sur quarante ans3. La
quantité annuelle de N2O émise par l'agricul-
ture française est ainsi en baisse de 17 % par
rapport à 1990, et celle de CH4a diminué de
2%
4. D'autre part, la progression des rende-
ments en betteraves (+ 1,1 t par hectare et par
an au cours des trente dernières années) se
traduit par une augmentation des quantités de
CO2stockées par hectare, et donc par une par-
ticipation accrue à la réduction des émissions
globales de CO2.
Une agriculture de pointe
Afin de rendre les apports d’azote plus efficients,
autrement dit afin d’apporter moins d’azote à
productivité égale, de nouveaux protocoles sont
mis en place, comme les cultures intermédiaires
(couverts végétaux provisoires qui fixent l’azote
sur le sol entre deux cultures), le pilotage de pré-
cision (qui adapte les interventions et les
apports au juste besoin), ou encore l’enfouisse-
ment localisé (l’engrais n’est pas épandu mais
déposé au niveau de la graine). Les bénéfices en-
vironnementaux de ces pratiques culturales ont
été formellement identifiés : diminution des
pertes d’azote par volatilisation dans l’air, baisse
des rejets de microparticules, réduction du
phénomène de lessivage des nitrates vers les
nappes phréatiques...
Parallèlement, ces techniques diminuent le nom-
bre de passages sur les parcelles, ce qui engendre
une moindre consommation de gazole et donc
moins de rejets de CO2… Et les résultats sont là.
En France, les émissions de GES d’origine agricole
ont chuté de 10 % entre 1990 et 20155. Enfin,
plus en aval, les différents acteurs de la filière su-
crière investissent et se mobilisent eux aussi, au
niveau des activités industrielles et logistiques,
pour abaisser le bilan carbone du sucre qui arrive
sur la table des consommateurs (voir Grain de
sucre n°35). À l’heure où le monde entier s’apprête
à converger vers la France pour débattre du
réchauffement climatique, la culture betteravière
française s’inscrit résolument à la pointe d’une
course de vitesse à laquelle le monde agricole en-
tend apporter toute sa contribution.
1
Avec des rendements de l’ordre de 13 tonnes de sucre par hectare,
la France se situe dans ce domaine au premier rang européen.
2
Source : FAO
3
Source : Colloque Syndicat des Énergies Renouvelables-France
Biomasse Énergie, 30 juin 2015
4
Source : Rapport CGAAER, octobre 2014
5
Source : Inventaire France, périmètre Kyoto, CITEPA/MEDDE, avril
2014
Canne à sucre et autosuffisance énergétique
Sous d’autres latitudes, la canne à sucre participe elle aussi à la lutte contre le réchauffement climatique. Sur l’île de La
Réunion, les acteurs de la filière canne-sucre ont choisi de faire porter leurs efforts sur l’optimisation énergétique. Depuis
plus de 25 ans la bagasse (résidus de la canne après extraction du sucre) est utilisée comme combustible pour produire de
l’énergie électrique et de la vapeur.
Non seulement ces énergies renouvelables couvrent la totalité des besoins des deux sucreries de l’île mais en plus le
dispositif, excédentaire, permet d’alimenter le réseau local d’électricité pendant la campagne sucrière. Sachant qu’une tonne
de bagasse équivaut à 260 kg de charbon ou 180 l de fioul, la bagasse se substitue ainsi aux combustibles d’origine fossile
pour délivrer, au final, un bilan CO2neutre.
Côté pratiques culturales, tout comme pour la culture betteravière, les techniques mises en œuvre pour la production de
canne à sucre évoluent elles aussi. Par exemple, en gérant au mieux le paillis laissé au champ, il est possible de limiter
l’enherbement tout en fournissant du fourrage aux filières locales d’élevage. Les co-produits des sucreries (écumes, cendres
de bagasse) sont utilisés pour réduire la fertilisation minérale. D’autres projets sont à l’étude comme des méthodes
alternatives de lutte contre les mauvaises herbes avec l’utilisation de plantes de « services » ou encore l’application des
techniques culturales simplifiées pour
réduire le nombre de passages des
tracteurs.
Enfin, côté prévention des impacts
climatiques, la filière canne-sucre
réunionnaise bénéficie avec eRcane d’une
structure de recherche dont les travaux
d’amélioration variétale permettent de
mettre à la disposition des planteurs des
variétés de cannes à sucre capables de
s’adapter aux évolutions du climat et aux
conditions de culture à échelle locale.
7
OCTOBRE 2015
Mesure de la teneur en sucre des
betteraves dans une sucrerie.
Si l’augmentation des températures
favorise, jusqu’à un certain niveau,
la concentration en sucre,
elle peut également nuire au
developpement de la plante.