Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 25/05/2017
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Le projet trouve sa constitution au Conservatoire Royal de Bruxelles, dont ses cinq artisans sont issus, mais
son origine remonte aux humanités artistiques d'Antoine Motte dit Falisse à l'Athénée Royal de Fragnée, où
il se découvre un coup de cœur pour ce texte tout juste édité. Il s'est entouré de Laura Dussard et de Valéry
Stasser, diplômés comme lui en théâtre et art de la parole, ainsi que de Chloé Burlet qui, elle, a effectué son
cursus en violon et d'Eve Louisa Oppo qui est chargée de l'assistanat à la mise en scène. Portée par cette
équipe, leur version de la pièce est concrétisée une première fois en 2010 à l'occasion du festival Courants
d'Airs, avant de l'être à nouveau actuellement - cette fois dans un cadre professionnel - grâce à l'accueil
du Centre Culturel Bruegel qui la coproduit. Il est à noter que cette œuvre, qui vient d'être libérée d'une
exclusivité sur ses droits de représentation, jouit d'une certaine popularité puisqu'elle a déjà été produite à
Bruxelles au mois d'octobre, dans une mise en scène toute différente de Jack Levi.
Histoire à deux échelles, la pièce présente imbriqués l'un dans l'autre le drame personnel d'une fille
de vingt ans et - plus implicite - le traumatisme universel de la Shoah.
Le Vieux Juif blonde, c'est l'histoire de Sophie : une jeune fille de première apparence ordinaire. Mais
c'est aussi celle de Joseph Rosenblath, né à Vienne en 1931, qui partage son corps. Joseph est juif ;
vieux aujourd'hui, il a survécu à Auschwitz. Le Vieux Juif blonde, c'est donc aussi l'histoire d'une maladie
appelée trouble schizoïde et de l'incongrue cohabitation qu'elle suscite. Elle emprunte des aspects du
récit de mémoire, bien sûr (la Shoah est un thème cher à Amanda Sthers, qui créa pour la Télévision
française juive l'émission « Histoires d'en parler » visant à recueillir des témoignages de rescapés des
camps de concentration), mais se constitue avant tout comme un drame intime, qui met en scène tour à
tour la détresse du vieil homme et les blessures de la jeune fille ; l'impatience de la mère et le désarroi du
père. C'est une histoire de blessure, au fond, car cette étrange situation n'est pas dépourvue d'une cause
enfouie...
La salle est petite, d'une capacité de quelque quarante spectateurs. Les gradins resteront inoccupés car l'on
est invité à prendre place en rond sur des chaises. Au centre, les acteurs sont déjà présents, immobiles.
Pas de scène surélevée ici ; chacun est au premier rang et voit évoluer les comédiens à trois pas de lui,
souvent plus près encore. Cette disposition inhabituelle et intimiste convient particulièrement à une pièce
dont l'identité personnelle est le fil rouge ; selon l'expression de Valéry Stasser : ce cercle, c'est un crâne.
L'obscurité règne d'abord, puis l'on visse une ampoule à un socquet qui pend du plafond. Elle clignote
d'abord, chancèle un peu au bout de son fil puis se stabilise et enveloppe le plateau d'une lumière diffuse.
Ce sont les trois coups de brigadier de cette mise en scène moderne : le conte commence. Les comédiens
s'animent, le parquet craque.
Le spectateur étant au plus prêt de l'action, la mise en scène rejoint l'absence de pudeur du texte.
Écartelé entre plusieurs interprètes, Le Vieux Juif blonde n'en reste pas moins du théâtre de
l'intériorité, qui présente une véritable plongée dans l'intimité de son protagoniste.
C'en est vraiment un, de conte, car c'est au public que les comédiens s'adressent, l'interpelant souvent,
cherchant ses regards. Le monologue est assumé par Laura Dussard et Valéry Stasser dont les prises de
paroles s'alternent, parfois se superposent. Il n'y a pas de coulisses, dans ce théâtre ; mêmes muettes, les
deux identités de Sophie - en scène déjà avant l'entrée du public - n'iront nulle part avant le dénouement
final. Une audace de la mise en scène se trouve dans le partage du texte : contrairement à ce qu'on
aurait pu attendre, c'est Laura qui prend en charge les passages où transparait la personnalité de Joseph