40
ENTRETIEN AVEC TEATER NO99
Vous avez créé votre compagnie en 2004. Quel âge aviez-vous à ce moment ?
Tiit Ojasoo : Vingt-six ans.
Ene-Liis Semper : Trente-quatre. J’étais déjà connue en tant qu’artiste, Tiit émergeait. J’avais fait beaucoup
d’expositions internationales et beaucoup voyagé. Mon expérience dépassait le monde du théâtre mais la vision qu’en
avait Tiit correspondait à la mienne. Nous avons senti dans notre collaboration la possibilité d’explorer plus avant l’art
soir.
T.O. : L’expérience d’Ene-Liis dans le domaine de la vidéo et dans les galeries d’art nous ont amenés à créer NO99.
Vous êtes les premiers artistes estoniens à être invités au Festival d’Avignon. Que représente pour vous le fait
d’être estoniens et de jouer pour le public d’Avignon ?
E.-L.S. : La question de l’identité est intéressante, tout comme celle de la représentation et de la présentation.
L’Estonie est un petit pays d’1,2 million d’habitants, situé en Europe du Nord, non loin de la Finlande. L’estonien ne
de communiquer au-delà de la langue : nous avons beaucoup voyagé avec notre troupe et, dans tous les festivals,
l’accueil a été très enthousiaste.
T.O. : En fait, être estonien peut se résumer à deux aspects : notre langue si particulière et la nature omniprésente.
On peut marcher durant des heures sans rencontrer personne. D’un autre côté, l’Estonie se place au cinquième rang
mondial pour la création de start-up. Il y a quelques temps déjà, une équipe estonienne créait Skype, et aujourd’hui,
grâce à la diffusion rapide des applications concrètes d’Internet, l’Estonie a dépassé de nombreux pays dans ce
domaine : le vote électronique et la création d’entreprise en ligne sont la réalité de l’Estonie d’aujourd’hui. La dernière
innovation marquante est la e-résidence, qui permet à n’importe quel citoyen étranger d’évoluer dans le milieu
entrepreneurial électronique et de réaliser un grand nombre d’opérations depuis n’importe quel coin du monde.
Qui intègre la vidéo et l’installation dans vos spectacles et quel est votre rapport à la langue estonienne ? Vos
E.-L.S. : Au contraire, l’aspect communicatif de nos mises en scène a toujours été très important pour nous, y compris
en dehors de notre propre espace linguistique. Dans le processus d’élaboration de nos spectacles, nous utilisons
beaucoup l’improvisation corporelle, la musique et des éléments visuels puissants. Le mouvement occupe une place
importante. Assez souvent, la composition de nos mises en scène repose sur des bases bien plus abstraites que celles
du théâtre classique. Lorsque nous devons traduire des dialogues traditionnels, nous utilisons des surtitres pour faciliter
la compréhension.
T.O. : Le fait que les acteurs s’expriment en estonien n’est pas un obstacle pour le public, et les spectacles qui ont le
plus de succès à l’étranger sont souvent des textes originaux que nous élaborons au cours des répétitions.
Vous dites que le nom du théâtre, NO99, peut se comprendre comme un « compte à rebours », qu’il contient
l’idée de série. Peut-on dire que vous créez un répertoire plus que vous ne l’adaptez, tout en travaillant parfois
sur des textes existants, comme ceux de Shakespeare ou de Molière ?
T.O.
le soleil s’éteindra un jour et qu’aucun groupe artistique ne dure éternellement. La solution que nous avons choisie
nous permet de valoriser le travail en cours, de nous consacrer au maximum à l’instant présent. Nous décomptons un
nous nous disperserons et nous nous consacrerons à d’autres projets.
E.-L.S.. : À la lumière de ce qui vient d’être dit, on voit que le théâtre NO99 est davantage un projet d’art conceptuel
que du théâtre classique de répertoire, même si notre format est celui du théâtre de répertoire. Nous avons pris le
parti de ne pas nous limiter dans nos créations. Le principe est de rendre possible la production de toutes les formes
des shows politiques avec un public immense, joué des spectacles réalisés uniquement à partir de poèmes… Tout
Nous sommes en train de mettre en scène le spectacle NO44 et cela fait dix ans que le théâtre NO99 existe... Nous
ne pensions pas que ce projet nous mènerait aussi loin. Nous voulions que chaque spectacle soit spécial, pour ne pas
T.O. : Par essence, NO99 est un théâtre d’ensemble, puisque nous travaillons avec la même troupe professionnelle de
spectacle en spectacle. L’État nous impose de programmer quinze à seize représentations par mois, mais ce que nous
présentons dépend uniquement de ce qui nous intéresse, nous et notre public.