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notre connaissance des propriétés des membranes fut maigre, il était difficile d’imaginer
comment des protéines pouvaient traverser librement les barrières membranaires intracellulaires
omniprésentes qui délimitent les compartiments subcellulaires. Depuis cette époque, beaucoup
de travaux dans un grand nombre de laboratoires de par le monde, y compris le mien, ont été
consacrés à des questions de ce type et, à partir d’un intérêt initial pour la biogenèse des
membranes et des organites, un nouveau domaine, celui du trafic des protéines, a prospéré. A
l’heure actuelle, grâce aux avancées spectaculaires des technologies d’imageries, nous sommes
capables de visualiser directement les voies de transport intracellulaires en suivant à l’intérieur
d’une cellule le voyage de protéines qui ont été rendues lumineuses par le chercheur.
Le vingtième siècle, à la suite de la redécouverte des lois de Mendel et de leurs
explications en termes de comportement des chromosomes, a été le témoin du développement
explosif de la génétique qui a mené à la révolution de l’ADN. Cela a débuté par l’identification
de l’ADN comme dépôt de l’information génétique et, alimenté par l’éclaircissement de la
structure de la molécule d’ADN, a mené au développement phénoménal de la biologie
moléculaire, une discipline qui était à l’origine presque exclusivement concernée par la
replication et l’expression de l’information génétique.
Cela nous amène à l’ère des technologies de recombinaison de l’ADN au début des
années 1970 qui ont pourvu le fondement technique des avancés rapides dans les sciences
biologiques dont nous sommes actuellement les témoins. Ici, les avancées technologiques qui
nous permettent d’isoler, de muter et d’exprimer des gènes à volonté dans des cellules en
culture et dans des animaux transgéniques ont conduit à la phase la plus nouvelle de la biologie
cellulaire, celle de la biologie cellulaire et moléculaire. L’étude de la biosynthèse et de la fonction
de n’importe quel constituant cellulaire fait autant partie de cette nouvelle discipline que l’étude
des mécanismes qui contrôlent l’expression d’un gène.
Le mélange des techniques et d’approches de biologie cellulaire, biochimie et génétique
qui doivent être utilisées à l’heure actuelle dans l’étude de presque n’importe quel problème de
biologie a effacé les limites, qui pendant toutes les années passées, ont définies les différentes
disciplines traditionnelles.
Alors que pour la plus grande partie du siècle passé notre domaine de recherche a fait
de grandes enjambées avec l’approche analytique consistant à déconstruire la cellule en ses
constituants, ce qui est essentiellement la méthode réductionniste qui a dominé les sciences
biologiques depuis la chute du vitalisme, une nouvelle étape de la biologie cellulaire que
j’appellerais la phase synthétique a déjà commencé. Cela consiste à reproduire dans le tube à
essai les interactions qui ont lieu entre les organites durant leur fonction et leur biogenèse. Le
progrès dans ce domaine est en train de devenir tellement rapide tant les méthodes de biologie
moléculaire et génétique permettent l’identification et la modification des protéines qui jouent
des rôles clés dans ce processus, que nous allons peut-être à notre guise vers la reconstitution
d’une cellule vivante à partir de ses constituants dispersés semi-synthétiques. Ce jour-là
marquera la naissance du Génie Cellulaire.