Sommaire FranceST n°28 - 1/09/2003 Dossiers - aéronautique/Aérodynamique/Robotique Microdrones : les recherches s'intensifient - Espace/Astrophysique Corot, le satellite d'observation stellaire - Instrumentation/Electromagnétisme EMIR : une méthode aux multiples applications - Matériaux Une médaille d'argent pour un chercheur du CRISMAT Sommaire Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 aéronautique/Aérodynamique/Robotique Microdrones : les recherches s'intensifient Ingénieur de recherche au sein de l’Unité Micro machines thermiques MEMS du Département Energétique Fondamentale et Appliquée (DEFA) de l'Onéra, Jacques Fort s'intéresse aux microdrones et à leur faisabilité depuis déjà plusieurs années. Au centre de Palaiseau, il participe au développement de recherches concernant les sources d’énergie pouvant être utilisées notamment par des drones miniatures. Dans le cadre de travaux exploratoires sur la faisabilité de ces engins, il a réalisé en particulier une étude bibliographique sur les oiseaux et les insectes. Environ 1,5 million d’espèces animales ont été répertoriées sur Terre par les scientifiques, parmi lesquelles on dénombre 1 million d’insectes, dont la majorité est dotée d’ailes, et 9 000 espèces d’oiseaux. Jacques Fort s’émerveille devant les performances des oiseaux. “Apparemment simple, le vol d’un oiseau est extrêmement compliqué. Il faut en effet qu’il contrôle en permanence tout un ensemble de paramètres comme son état de surface, son profil, sa cambrure et son angle d’attaque afin d’empêcher le décrochement de se produire”, explique-t-il. Aussi petits que de grosses abeilles, certains colibris surpassent en aisance les hélicoptères les plus sophistiqués et sont capables de voler en stationnaire tout comme la libellule qui pèse environ 0,2 gramme. "Notre objectif est de pouvoir embarquer à terme une centaine de grammes. C’est là que réside toute la difficulté de développer des microdrones”, constate l’ingénieur de Palaiseau selon lequel il s’agit de s’inspirer des insectes et des oiseaux plutôt que de les copier. Plusieurs programmes en cours dans le monde Pour autant, verra-t-on dans le futur un “porte-microdrones” acheminer une multitude de drones miniatures, de la taille d’un insecte, dont la mission consistera à neutraliser un ennemi potentiel ? Jacques Fort, même s’il reconnaît que les appareils nécessaires à la réalisation d’une telle mission font encore partie de la science-fiction, estime néanmoins que ces fabuleux engins pourraient devenir une réalité au cours des prochaines décennies. Des microdrones à l’image de celui que Franck Herbert mettait en scène dès 1965 dans son roman intitulé “Dune”, une sorte de “minuscule tueur-chercheur” ne mesurant pas plus de cinq centimètres. Dès à présent, aux Etats-Unis, notamment au Masschussets Intitute of Technology (MIT) et au California Institute of Technology (Caltech), des équipes relativement importantes travaillent sur le sujet tout comme au Japon. “Une équipe de Caltech a déjà réalisé un petit avion, dont les ailes souples dotées d’un bord d’attaque rigide battent. Equipé d’une batterie au lithium, d’une boîte de vitesse et d’un moteur électrique, cet appareil dont la masse est d’environ dix grammes a effectué des vols d’une durée de dix à vingt secondes”, souligne ce chercheur qui précise que de son côté, Israël développe actuellement un mini-drone d’observation militaire pesant une centaine de grammes qui dispose d’une autonomie de vingt minutes et dont les ailes ont la taille de celles d’une libellule. Problèmes aérodynamiques et sources d’énergie Au sein de l’Onéra s’est mis en place un groupe de travail qui rassemble cinq personnes, issues des différents centres, afin de réaliser au cours de l'année 2003 un gros effort de réflexion sur le sujet, la conception d’un microdrone n’étant pas une mince affaire. En effet, les ingénieurs vont être confrontés à de nombreux problèmes d’aérodynamiques mais aussi de choix de sources d’énergie. Ainsi la dimension de ces drones miniatures et les vitesses envisagées conduisent à des nombres de Reynolds très faibles et à de faibles allongements, alors que le domaine le mieux connu des aérodynamiciens est celui des ailes à grand allongement dans un écoulement à grands Reynolds. “La première étape menant à la réalisation d’un démonstrateur passera par la conception d’une petite maquette qui fera l’objet d’essais dans une soufflerie afin de visualiser certains paramètres à l’aide de diagnostics optiques dont nous disposons en interne”, indique Jacques Fort. Parallèlement, la réalisation d’une petite balance permettra de mesurer la portance de cet engin. “Nous souhaitons disposer d’un maximum de portance. Quand celle-ci sera suffisante, nous en déduirons, en fonction des technologies disponibles, le poids de l’appareil”, précise-t-il. La source d’énergie représente un problème très important dans le développement de ces microdrones. Les premiers calculs réalisés par l’équipe de l’Onéra montrent que les batteries lithium-ion disponibles aujourd’hui disposent d’assez d’énergie pour permettre le fonctionnement du microdrone et de l’instrumentation embarquée à son bord. Au sein de l’Onéra, des travaux ont néanmoins été lancés afin de trouver de nouvelles sources d’énergie, en particulier à partir de la combustion d’hydrocarbures mais également d’autres solutions comme la thermoélectricité. Selon les spécialistes de l’Onéra, une première maquette rustique d’un microdrone devrait voir le jour dans les deux à trois ans qui viennent. Du fait du domaine de vol particulier de ces engins et de leur forte sensibilité aux fluctuations du vent en raison de leur petite taille, l’aspect commande et dynamique du vol nécessitera aussi de nombreux développements tout comme les microsystèmes embarqués à leur bord. p. 2 Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 Surveiller les grandes surfaces ou les couloirs du métro Parlant des insectes, Jacques Fort avoue être admiratif quand il observe leurs mouvements. “Nous devrons utiliser des matériaux qui soient à la fois suffisamment légers et puissent résister aux contraintes. Peut être parviendra-t-on un jour à faire vibrer des ailes, mais je pense qu’il sera plus facile dans une première étape de concevoir un microdrone qui s’inspire des oiseaux plutôt que des insectes”, estime-t-il. Selon cet ingénieur, ces drones miniatures devraient connaître un développement important au cours des prochaines décennies à travers de multiples applications militaires et civiles. Certains envisagent notamment de leur faire surveiller les grandes surfaces ou encore les couloirs du métro. Contacts : ONERA : Pierre Brégon - Tél. +33 (0)1.46.73.40.13. - Fax. +33 (0)1.46.73.41.59. - Courriel : [email protected] p. 3 Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 Espace/Astrophysique Corot, le satellite d'observation stellaire Alcatel Space et le CNES viennent de signer un contrat de 15 millions d'euros correspondant à la troisième et dernière tranche du programme Corot. Véritable première mondiale, cette mission scientifique retenue par le CNES a deux objectifs scientifiques : l'étude la structure et de la dynamique interne des étoiles par observation des modes propres d'oscillation d'une part, la recherche d'exoplanètes d'autre part. Proposée dès 1993 par Annie Baglin de l'Observatoire de Meudon et Claude Catala, aujourd'hui à l'Observatoire de Midi-Pyrénées, Corot est un projet conduit en coopération avec de nombreux partenaires européens, tant sur le plan technique que scientifique. Cette mission, dont les premières études ont démarré au début 1994, a deux objectifs complémentaires. Domaine particulièrement prometteur de l'astronomie spatiale, l'astérosismologie représente le premier d'entre eux. Il s'agit de détecter et de mesurer les caractéristiques des modes propres d'oscillation des étoiles. Ces oscillations sont en fait des ondes acoustiques ou de gravité qui se propagent à travers chaque étoile. Mais l'absence de résolution spatiale sur le disque stellaire limite le nombre de modes observables et seuls les modes de plus bas degré sont alors détectables. Si au cours d'expériences récentes comme IPHIR sur le satellite PHOBOS, ou VIRGO à bord de SOHO, jusqu'à 30 modes ont pu être distingués, Corot pour sa part devrait obtenir des résultats comparables pour des étoiles à fortes variations. En revanche, les modes observés seront moins nombreux pour des étoiles de type solaire qui présentent des amplitudes faibles. Cependant, en réalisant une observation continue et stable durant 150 jours, il sera possible d'atteindre une résolution de 0,1 microhertz, une performance impossible à réaliser avec ces observations terrestres à moins de disposer d'une réseau de 8 télescopes de 8 mètres de diamètre également répartis sur la surface terrestre, en supposant résolus les problèmes de raccordement de données. Un programme d'astérosismologie divisé en deux parties Les résultats que cette mission permettra d'obtenir devraient contribuer à l'élaboration de modèles hydrodynamiques stellaires. Pour y parvenir, ce programme d'astérosismologie sera divisé en deux parties, avec d'un côté un programme exploratoire visant à découvrir les propriétés sismologiques d'étoiles de différents types, de l'autre un programme central afin d'étudier en détail des objets sélectionnés. Pour le premier de ces programmes, il s'agira d'explorer différents types d'étoiles, depuis les plus massives (type spectral O et B), jusqu'au moins massives (type spectral G et K). Précisons qu'à ce jour, il n'existe aucune autre prédiction quant aux modes internes de ces étoiles différentes du Soleil. Aussi des observations d'une durée d'environ 10 à 20 jours, conduisant à des résolutions en fréquence de 0,6 microhertz, devraient-elles permettre d'évaluer la taille des coeurs convectifs des étoiles plus massives que le Soleil. Quant au programme central, sa mission sera d'observer un petit nombre d'étoiles déjà bien connues, afin d'obtenir des mesures très fines des fréquences de leurs modes d'oscillation et de l'ensemble des grandeurs qui les caractérisent. A cette occasion seront collectées des informations sur les principaux processus dynamiques (structure des coeurs convectifs, taille et composition de la zone convective extérieure, profil de rotation, mécanismes d'excitation et d'amortissement). La partie la plus fascinante de la mission Les astrophysiciens estiment aujourd'hui qu'au moins 5% des étoiles seraient accompagnées de planètes. La plupart de celles qui ont été découvertes jusqu'à présent sont beaucoup plus massives que la Terre et sont situées sur des orbites très proches de leurs étoiles respectives., d'où leur appellation de "Jupiters chauds". Par conséquent, le deuxième objectif de Corot, sans conteste la partie la plus fascinante de la mission, sera de découvrir des planètes du même type que la Terre, éventuellement propices à l'apparition de la Vie. Pour ce faire, il s'agira d'observer les occultations de l'étoile provoquées par les transits des éventuelles planètes. Précisons que le nombre de transits attendus au cours de la durée de ce programme, soit environ deux ans et demi, est évalué entre 20 et 50. Au moins 30 000 étoiles de la séquence principale devront être observées. Parallèlement, des variations de flux relatives entre 7.10-4 et 5.10-3 pour des magnitudes comprises entre 15;5 et 11 seront mesurées. Première mission spatiale de sismologie stellaire et de recherche de planètes telluriques, Corot devrait permettre ainsi la découverte de plusieurs dizaines de planètes, incluant des objets de type terrestre. Du moins, tels sont les espoirs des nombreux chercheurs qui participent à cette mission dont le lancement est prévu courant 2006. p. 4 Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 Une première mondiale Corot est le troisième satellite à bénéficier de la plate-forme baptisée PROTEUS (Plate-forme Reconfigurable pour l'Observation, les Télécommunications et les Usages Scientifiques), un concept récent destiné à des satellites situés dans une gamme de masse de l'ordre de 500 kg. Corot sera mis en orbite polaire à une altitude voisine de 850 km. Précisons que l'attitude du satellite sera inertielle, la ligne de visée gardant la même direction sur une période d'observation de 5 mois. La mission complète comprendra au moins 5 périodes d'observation sur une durée totale de deux ans et demi. Par ailleurs, le télescope afocal Corotel fourni par Alcatel Space bénéficie de l'héritage du programme d'observation Hélios, notamment concernant les contraintes de stabilité du télescope exigées pour cette mission. "Corot est une mission scientifique fondamentale pour l'astronomie européenne", a déclaré Yannick d'Escatha, Président du Cnes. "Dans ce défi majeur de l'exploration de l'Univers, le Cnes est particulièrement heureux d'offrir à la communauté des chercheurs un satellite dont les instruments permettront à la science d'accomplir d'immenses progrès dans cette formidable avanture que constituent la quête d'exoplanètes et l'étude des étoiles. La France et l'Europe se devaient d'être présentes dans cette course à la découverte de l'Univers et de ses mécanismes fondamentaux par cette expérience qui est une première mondiale". Contacts : - Cnes : Eliane Moreaux - Tél. +33 (0)5.61.27.33.44. - Courriel : [email protected] - Alcatel Space : Laurent Zimmermann - Tél. +33 (0)1.46.52.64.68. p. 5 Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 Instrumentation/Electromagnétisme EMIR : une méthode aux multiples applications Ingénieur de recherche au sein du Département Mécanique du Solide et de l'Endommagement (DMSE) de l'Onéra, Patrick Levesque participe actuellement à l'implantation de la méthode EMIR (ElectroMagnetique InfraRouge) au Centre d'Etudes de Gramat (CEG) dans le cadre d'un programme de la Délégation Générale pour l'Armement (DGA) Depuis une dizaine d'années, le CEG mène des études sur la vulnérabilité du matériel militaire face à la menace que représentent en particulier les armes micro-ondes de forte puissance, actuellement en développement, notamment aux Etats-Unis. Rappelons que celles-ci sont capables de fournir des impulsions électromagnétiques très courtes mais de puissances excessivement fortes dont les effets sont dévastateurs. Pour développer ces travaux, le CEG dispose de différents équipements exceptionnels dont certains comme Hypérion n'ont d'équivalents qu'aux Etats-Unis. Or dans le cadre de ces recherches, la méthode EMIR, qui permet de visualiser dans l'espace l'intensité d'un champ électrique haute fréquence, apparaît désormais comme un outil indispensable. "Pendant très longtemps, la visualisation des ondes électromagnétiques est restée très qualitative. Toutes les méthodes existantes, si elles aboutissaient à une répartition plus ou moins correcte de ces ondes, ne permettaient pas de les quantifier, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui avec EMIR", résume Patrick Levesque qui travaille au développement de cette méthode depuis 1988, en collaboration avec Daniel Balageas. Quinze années d'études et de recherches au sein de l'Onéra, jalonnées d'une quarantaine de publications scientifiques sur le sujet, vont conduire ainsi à l'émergence d'une méthode de mesure des champs électromagnétiques à l'aide de la thermographie infrarouge qui a atteint une telle maturité qu'elle peut être proposée désormais aux établissements de recherche et aux industriels. De nouveaux films en cours de développement Résumé brièvement, le principe d'EMIR apparaît comme relativement simple. Le dispositif utilisé par cette méthode comporte en effet un capteur constitué d'un film extrêmement mince, d'une épaisseur d'environ 25 microns et dont la surface est recouverte d'un dépôt légèrement absorbant, et d'un récepteur, en l'occurrence une caméra infrarouge. Ainsi quand une onde électromagnétique se propage et vient traverser le film, celui-ci absorbe une faible quantité de l'énergie électrique, absorption qui entraîne aussitôt l'échauffement du matériau, détecté à l'aide de la caméra infrarouge. "L'analyse de la distribution spatiale et de l'évolution temporelle de la température conduit à connaître le champ électromagnétique local", précise l'ingénieur du centre Onéra de Chatillon. Patrick Levesque se rappelle que jusqu'en 1992-93, l'Onéra concevait ses films en réalisant ses propres dépôts de graphite. Par la suite, décision a été prise de les sous-traiter en passant par CS Développement, une petite entreprise française installée à Sceaux, dans la région parisienne, à laquelle l'Onéra a accordé une licence depuis maintenant trois ans. Au cours de ces dernières années, ces films ont fait l'objet de nombreux développements. "Une définition complète des champs électromagnétiques nécessite la connaissance de leurs diverses composantes. Dite vectorielle, cette caractérisation est très difficile à obtenir. Aussi a-t-elle nécessité le développement de films dits "photothermiques hautement anisotropes", explique-t-il. D'où la mise au point de nouveaux films dont l'une des faces comporte un réseau périodique de bandes parallèles, ce qui rend ce capteur anisotrope afin qu'il ne soit sensible qu'à une composante du champ incident parallèle aux bandes. Ces développements se sont traduits par le dépôt d'un brevet en 1999. Actuellement, l'Onéra poursuit l'optimisation de ces films. "Ces films émettent davantage entre 8 et 12 microns qu'entre 3 et 5 microns. Or le prix des caméras infrarouge permettant des mesures entre 8 et 12 microns est beaucoup plus élevé que les autres. Aussi cherchons-nous des solutions afin d'améliorer la qualité d'émission de nos films entre 3 et 5 microns", précise-t-il. De multiples applications pour EMIR Quant aux applications potentielles d'EMIR, elles sont extrêmement vastes. Cette méthode est en effet utilisable chaque fois que nous avons à mesurer, en ne créant que très peu de perturbations, un champ électrique dans un plan, en temps réel, et dans une large bande de fréquences (de 500 MHz à plus de 20 GHz). Ainsi avec EMIR, il est possible de visualiser un champ électrique dans des chambres réverbérantes à brassage de modes. Rappelons que ces dernières, désormais utilisées couramment par les industriels, sont des enceintes "faradisées" excitées par des champs électromagnétiques que l'on "brasse" pour créer des conditions de champs forts à polarisation quelconques sur les équipements. EMIR permet également de contrôler des champs incidents à l'intérieur d'une chambre anéchoïque, mais aussi de visualiser des modes de propagation, ou encore des champs électriques locaux pour détecter des fuites par des ouvertures p. 6 Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 "Cette méthode peu perturbante (pour le champ à mesurer) permet en particulier d'effectuer des mesures à l'intérieur de toutes sortes de cavités, ce qui était très difficile à réaliser auparavant. Ainsi on peut mesurer le champ électrique dans un réservoir ou une soute d'avion. EMIR intéresse également tout le domaine de l'avionique mais aussi du contrôle non destructif comme celui du contrôle de radômes. Par ailleurs, les militaires qui se servent quotidiennement d'antennes souhaitent par exemple savoir quelle est la répartition du champ électrique dans l'espace. Une autre application récente de cette méthode est la détection des mines anti-personnelles qui représentent l'une des plaies du monde moderne", énumère rapidement Patrick Levesque. C'est donc à un brillant avenir que semble promise cette méthode, d'autant plus qu'elle ne compte quasiment pas de concurrent à ce jour. "Des chercheurs américains de l'Université de Colorado Springs ont travaillé dès 1987-88 sur des solutions parfois proches des nôtres. Nous n'avons jamais pu collaborer de façon constructive", constate-t-il avant d'ajouter : "c'est une réelle satisfaction pour nous de voir cette méthode implantée aujourd'hui dans les différents établissements de la DGA. En effet, l'Onéra n'a pas vocation à laisser les résultats de ses travaux au fond de ses tiroirs mais à les transférer aux militaires et aux industriels". Contacts : Onera : Pierre Brégon - Tél. +33 (0)1.46.73.40.13. - Fax. +33 (0)1.46.73.41.59. - Courriel : [email protected] p. 7 Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 Matériaux Une médaille d'argent pour un chercheur du CRISMAT Directeur de recherche au CNRS au sein du Laboratoire de CRIStallographie et sciences des MATériaux (CRISMAT), une Unité mixte de recherche CNRS/ENSICAEN, Antoine Maignan poursuit des recherches sur les nouveaux oxydes à propriétés physiques particulières comme la supraconductivité, la magnétorésistance colossale et la thermoélectricité. Le CNRS lui a décerné une médaille d'argent qui représente "une récompense pour l'ensemble des équipes du CRISMAT et une reconnaissance de la qualité de la science qui est menée à Caen", tient-il à souligner. S'il est originaire d'Alençon (Orne), ville dans laquelle il a effectué ses études secondaires, Antoine Maignan a rejoint Caen au début des années 1980 pour y intégrer l'ENSICAEN. Diplôme d'ingénieur en poche, il entame alors une thèse à l'Université de Caen, en collaboration avec Thomson Sintra, sur les matériaux magnétiques nécessaires à la réalisation de capteurs. "C'est à cette époque que s'est développée cette véritable euphorie autour de la recherche de nouveaux supraconducteurs à haute température critique, des matériaux issus à l'origine du CRISMAT. C'est la raison pour laquelle, en parallèle de ma thèse, j'ai commencé à m'intéresser aux oxydes de cuivre supraconducteurs. Il a fallu beaucoup s'investir", reconnaît le chercheur caennais qui se rappelle que de nouvelles phases supraconductrices étaient alors découvertes quotidiennement, dont il fallait aussitôt caractériser les propriétés. Dans ce contexte, ce chimiste de formation a du se mettre très rapidement à la physique. Résultat, une double culture qui va le servir pour la suite de sa carrière. Après un an de service sous les drapeaux, Antoine Maignan entre au CNRS, en tant que chargé de recherche, où, au sein du CRISMAT, il poursuit ses travaux sur les supraconducteurs. Mais au fil des années, ses recherches vont évoluer progressivement vers d'autres matériaux, mais toujours avec un même but qui est de trouver de nouveaux oxydes présentant des propriétés remarquables. Il s'intéresse notamment à des propriétés de magnéto-transport dans des oxydes de manganèse et réalise de nombreux travaux afin d'optimiser la magnéto-résistance dite "colossale" dans ce type de matériaux. "Nos recherches ont également porté sur d'autres oxydes magnétiques, en particulier des oxydes de cobalt qui présentent aussi des propriétés de magnétisme et transport couplées et nous permettent de tester des modèles. C'est une approche assez fondamentale", souligne-t-il. A cette occasion, les chercheurs du CRISMAT observe que le pouvoir thermoélectrique de ces matériaux métalliques est très élevé, alors qu'en général il est très faible dans ce type de matériaux. La magnétorésitance colossale, un sujet phare du CRISMAT Aujourd'hui, au sein du CRISMAT, constitué de différents groupes thématiques qui s'interpénètrent, Antoine Maignan fait partie à la fois du groupe des nouveaux matériaux et du groupe propriétés et mesures physiques. Encadrant de jeunes chercheurs et des post-doctorants, il a également sous sa responsabilité deux ou trois thésards. Depuis 1995, Antoine Maignan consacre une part importante de son activité aux oxydes magnétiques et conducteurs. "La magnétoristance colossale est directement liée à l'état ferromagnétique métallique. Ainsi quand on fait varier la température d'un composé, on passe d'un état paramagnétique isolant à un état ferromagnétique métallique. Or à la transition - à la frontière - de ces deux états, il suffit d'appliquer un champ magnétique pour voir la résistance du matériau s'effondrer et induire le phénomène de magnétorésistance colossale", explique le chercheur du CRISMAT dont les travaux actuels visent à optimiser ce phénomène autour de la température ambiante. "Un saut technologique doit être réalisé au cours des cinq prochaines années", déclare-t-il. A plus long terme : thermoélectricité et spintronique Autre sujet phare, la thermoélectricité qui émerge depuis environ deux ans et sur lequel travaillent de nombreuses équipes dans le monde, principalement au Japon, où les constructeurs automobiles essayent d'abaisser la consommation des véhicules automobiles, d'où l'intérêt des matériaux thermoélectriques qui permettraient de produire de l'électricité à partir de la chaleur dégagée par le pot d'échappement des voitures. "Les chercheurs du groupe céramiques du laboratoire en particulier, essayent de préparer de plus grosses quantités de ces oxydes thermoélectriques afin de savoir si ceux-ci conservent leurs performances dans des mises en formes optimisées", indique-t-il ajoutant que le constructeur Toyota est en train de réaliser des efforts importants dans ce domaine clé pour les prochaines décennies. p. 8 Dossiers FranceST n°28 - 1/09/2003 Reste la spintronique, considérée comme l'électronique du futur, une thématique située à la frontière de toutes les autres. La charge se déplaçant avec son spin, c'est-à-dire son moment magnétique, elle va être plus ou moins sensible à l'état magnétique, c'est-à-dire l'aimantation, de la matrice dans laquelle elle se déplace. "Là encore, nous sommes dans le très fondamental. Nous cherchons d'une part à découvrir de nouveaux matériaux magnétiques qui transportent le courant, mais montrent un effet sous un champ magnétique, d'autre part à savoir s'il est possible d'utiliser la polarisation des spins dans des dispositifs électroniques du futur. Ce serait en effet un moyen d'augmenter les densités par cm2 de circuits intégrés en travaillant avec des nanoparticules magnétiques par exemple. Reste à trouver le bon matériau", conclut Antoine Maignan en esquissant un large sourire. Décidément, cette science des matériaux n'a pas fini de nous étonner. Contacts : CRISMAT : Antoine Maignan - Tél. 02.31.45.26.34. - Fax. 02.31.95.16.00. - Courriel : [email protected] - Site Internet : http.ismra.fr/crismat/crismat.html p. 9