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FranceST n°28 - 1/09/2003
Microdrones : les recherches s'intensifient
Ingénieur de recherche au sein de l’Unité Micro machines thermiques MEMS du Département
Energétique Fondamentale et Appliquée (DEFA) de l'Onéra, Jacques Fort s'intéresse aux
microdrones et à leur faisabilité depuis déjà plusieurs années. Au centre de Palaiseau, il participe au
développement de recherches concernant les sources d’énergie pouvant être utilisées notamment par
des drones miniatures. Dans le cadre de travaux exploratoires sur la faisabilité de ces engins, il a
réalisé en particulier une étude bibliographique sur les oiseaux et les insectes.
Environ 1,5 million d’espèces animales ont été répertoriées sur Terre par les scientifiques, parmi
lesquelles on dénombre 1 million d’insectes, dont la majorité est dotée d’ailes, et 9 000 espèces
d’oiseaux. Jacques Fort s’émerveille devant les performances des oiseaux. “Apparemment simple, le vol
d’un oiseau est extrêmement compliqué. Il faut en effet qu’il contrôle en permanence tout un ensemble
de paramètres comme son état de surface, son profil, sa cambrure et son angle d’attaque afin d’empêcher
le décrochement de se produire”, explique-t-il. Aussi petits que de grosses abeilles, certains colibris
surpassent en aisance les hélicoptères les plus sophistiqués et sont capables de voler en stationnaire
tout comme la libellule qui pèse environ 0,2 gramme. "Notre objectif est de pouvoir embarquer à terme
une centaine de grammes. C’est là que réside toute la difficulté de développer des microdrones”,
constate l’ingénieur de Palaiseau selon lequel il s’agit de s’inspirer des insectes et des oiseaux plutôt
que de les copier.
Plusieurs programmes en cours dans le monde
Pour autant, verra-t-on dans le futur un “porte-microdrones” acheminer une multitude de drones
miniatures, de la taille d’un insecte, dont la mission consistera à neutraliser un ennemi potentiel ?
Jacques Fort, même s’il reconnaît que les appareils nécessaires à la réalisation d’une telle mission font
encore partie de la science-fiction, estime néanmoins que ces fabuleux engins pourraient devenir une
réalité au cours des prochaines décennies. Des microdrones à l’image de celui que Franck Herbert mettait
en scène dès 1965 dans son roman intitulé “Dune”, une sorte de “minuscule tueur-chercheur” ne
mesurant pas plus de cinq centimètres.
Dès à présent, aux Etats-Unis, notamment au Masschussets Intitute of Technology (MIT) et au California
Institute of Technology (Caltech), des équipes relativement importantes travaillent sur le sujet tout
comme au Japon. “Une équipe de Caltech a déjà réalisé un petit avion, dont les ailes souples dotées d’un
bord d’attaque rigide battent. Equipé d’une batterie au lithium, d’une boîte de vitesse et d’un moteur
électrique, cet appareil dont la masse est d’environ dix grammes a effectué des vols d’une durée de dix à
vingt secondes”, souligne ce chercheur qui précise que de son côté, Israël développe actuellement un
mini-drone d’observation militaire pesant une centaine de grammes qui dispose d’une autonomie de
vingt minutes et dont les ailes ont la taille de celles d’une libellule.
Problèmes aérodynamiques et sources d’énergie
Au sein de l’Onéra s’est mis en place un groupe de travail qui rassemble cinq personnes, issues des
différents centres, afin de réaliser au cours de l'année 2003 un gros effort de réflexion sur le sujet, la
conception d’un microdrone n’étant pas une mince affaire. En effet, les ingénieurs vont être confrontés à
de nombreux problèmes d’aérodynamiques mais aussi de choix de sources d’énergie. Ainsi la
dimension de ces drones miniatures et les vitesses envisagées conduisent à des nombres de Reynolds
très faibles et à de faibles allongements, alors que le domaine le mieux connu des aérodynamiciens est
celui des ailes à grand allongement dans un écoulement à grands Reynolds. “La première étape menant à
la réalisation d’un démonstrateur passera par la conception d’une petite maquette qui fera l’objet
d’essais dans une soufflerie afin de visualiser certains paramètres à l’aide de diagnostics optiques dont
nous disposons en interne”, indique Jacques Fort. Parallèlement, la réalisation d’une petite balance
permettra de mesurer la portance de cet engin. “Nous souhaitons disposer d’un maximum de portance.
Quand celle-ci sera suffisante, nous en déduirons, en fonction des technologies disponibles, le poids de
l’appareil”, précise-t-il.
La source d’énergie représente un problème très important dans le développement de ces microdrones.
Les premiers calculs réalisés par l’équipe de l’Onéra montrent que les batteries lithium-ion disponibles
aujourd’hui disposent d’assez d’énergie pour permettre le fonctionnement du microdrone et de
l’instrumentation embarquée à son bord. Au sein de l’Onéra, des travaux ont néanmoins été lancés afin
de trouver de nouvelles sources d’énergie, en particulier à partir de la combustion d’hydrocarbures mais
également d’autres solutions comme la thermoélectricité. Selon les spécialistes de l’Onéra, une première
maquette rustique d’un microdrone devrait voir le jour dans les deux à trois ans qui viennent. Du fait du
domaine de vol particulier de ces engins et de leur forte sensibilité aux fluctuations du vent en raison
de leur petite taille, l’aspect commande et dynamique du vol nécessitera aussi de nombreux
développements tout comme les microsystèmes embarqués à leur bord.
aéronautique/Aérodynamique/Robotique
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