OCTOBRE 205
Cet article a d’abord été publié dans le numéro
d’avril 2015 du journal The Hearing Review
(www.hearingreview.com) et apparait ici avec autori-
sation. Référence d’origine : Lesimple, C., Kuriger, M., &
Hockley, N. S. Evaluation of a hearing aid algorithm to
reduce the negative effects of reverberation.
Hearing Review. 2015; 22(4) 18–22.
Les résultats de cette étude proposent un nouvel algorithme
réduisant les effets négatifs perçus de la réverbération tout
en évitant la présence d’artéfacts indésirables dans le signal
de la parole. En effet, le fait d’augmenter l’intensité de
l’algorithme entraîne une amélioration du jugement du
caractère naturel de la parole. Néanmoins, il faut faire
attention à ne pas trop augmenter l’effet de l’algorithme.
ÉVALUATION DUN
ALGORITHME
D’AIDE AUDITIVE
VISANT À RÉDUIRE
LES EFFETS
NÉGATIFS DE LA
RÉVERBÉRATION
CHRISTOPHE LESIMPLE,
AUDIOLOGISTE CLINIQUE
MARTIN KURIGER, INGÉNIEUR
DE TRAITEMENT DE
SIGNAUX NUMÉRIQUES
NEIL S. HOCKLEY,
AUDIOLOGISTE SPÉCIALISÉ
DANS LEVELOPPEMENT
2 | ÉVALUATION D’UN ALGORITHME D’AIDE AUDITIVE
2 | VISANT À RÉDUIRE LES EFFETS NÉGATIFS DE LA RÉVERBÉRATION
Que nous soyons conscients ou non de notre environnement, ses propriétés
acoustiques affectent notre perception des sons autour de nous. Dans un
environnement fermé, tel qu’une salle de classe ou une salle de concert,
l’acoustique de la pièce a une grande inuence sur la transmission du son
entre la source et l’auditeur.
Le son perçu par l’auditeur se compose d’une partie directe et réverbérante
du signal. La nature exacte de la manière dont ces deux sources se
mélangent dépend des caractéristiques de la pièce, ainsi que de la position
de l’auditeur par rapport au son émis par la source. Boothroyd1 a identié
quatre facteurs clés qui affectent le signal acoustique perçu dans une pièce :
· la distance;
· la réverbération initiale;
· la réverbération retardée;
· le bruit.
La distance entre la source et l’auditeur inuence le signal perçu. Plus la
source est éloignée de l’auditeur, plus le signal réverbérant aura une
inuence. On appelle distance critique (DC) le stade où l’énergie du son
direct est égale à l’énergie du signal réverbérant. Lorsqu’un auditeur se
rapproche de la source – dans la DC – le signal direct reprend le dessus et
l’effet de réverbération devient alors marginal. Cependant, au-delà de la DC,
la partie réverbérante du signal reprend le dessus sur le signal direct2. Dans
ce contexte, l’auditeur perçoit principalement la partie réverbérante du signal
dans un champ sonore diffus, tel qu’un grand amphithéâtre.
Selon les propriétés acoustiques de la pièce et la position de lauditeur dans
la salle, le son rééchi se divise en réexions et réverbérations initiales et
retardées. Les réexions initiales, celles arrivant dans les 50ms après le son
direct, peuvent améliorer l’intelligibilité de la parole pour les auditeurs
entendants et malentendants. Bradley et al3 ont proposé dutiliser l’avantage
de réexion initiale (ARI) pour quantier le rapport entre les réexions
initiales (au cours des premières 50ms) et le son direct (au cours de pre-
mières 10ms). Les réexions retardées, arrivant après 50ms, sont
considérées comme ayant un effet néfaste pour les malentendants et
peuvent donc être perçues comme un bruit ou un son indésirable4.
Les caractéristiques des conditions de réverbération peuvent être quanti-
ées à l’aide de la DC, du rapport entre le son utile et néfaste (U50) et du
rapport entre le son utile et retardé (C50). Ces indicateurs décrivent l’effet de
la réverbération dans une pièce donnée et à une distance précise de la
source. Ce sujet est extrêmement complexe et son explication complète
sortirait du cadre et de l’objectif de cet article (voir Bistafa et Bradley5 pour
plus de détails). Cela dit, le rapport U50 traite la partie néfaste du signal
comme la somme du bruit et des réexions retardées, et il existe une
corrélation inverse entre le rapport U50 et l’intelligibilité de la parole6. À en
croire ces observations, il apparaît que leffet perçu de réverbération dépend
d’un grand nombre de paramètres et que la réverbération ne peut pas
toujours être considérée comme un problème pour l’auditeur.
Lacoustique de la
pièce a une
grande influence
sur la
transmission du
son entre la
source et
l’auditeur.
3 | ÉVALUATION D’UN ALGORITHME D’AIDE AUDITIVE
3 | VISANT À RÉDUIRE LES EFFETS NÉGATIFS DE LA RÉVERBÉRATION
Par exemple, les
réverbérations
dans une salle de
concert sont
habituellement
appréciées ; elles
contribuent à
l’expérience
acoustique.
Il est important de prendre en compte la fonction de la pièce avant de
déterminer l’effet négatif potentiel des réverbérations. Par exemple, les
réverbérations dans une salle de concert sont habituellement appréciées ;
elles contribuent à l’expérience acoustique. Toutefois, dans une classe ou
un amphithéâtre, la quantité de réverbérations doit être réduite pour
améliorer la capacité de compréhension. Dans ce cas, un excès de réver-
rations est gênant et peut même réduire la capacité à comprendre la parole.
INTELLIGIBILITÉ DE LA PAROLE ET RÉVERBÉRATIONS
Les effets négatifs des réverbérations sur l’intelligibilité de la parole ont été
observés sur des individus malentendants dans des conditions de test non
appareillées7,8 et appareillées9,10. On suppose que dans un champ sonore
réverbérant (diffus) en dehors de la DC, les réexions arrivent dans tous les
sens. Étant donné que les signaux utiles et néfastes ne sont pas séparés
dans l’espace, l’avantage apporté par les microphones directionnels peut
être non apprécié4.
Walden et al11 ont rassemblé des préférences de conguration de micro-
phones dans une variété de situations d’écoute. En labsence de bruit de
fond mais dans des conditions à haute réverbération, la distance de la
source sonore apparaît être le facteur principal affectant la préférence de
mode de microphone. Lorsque la source sonore est éloignée de l’auditeur,
le mode omnidirectionnel devient la préférence de choix – une préférence
qui n’est pas observée lorsque le signal se rapproche de l’auditeur.
Ricketts et Hornsby2 ont mesuré l’avantage de la directionnalité pour les
tests de reconnaissance de parole dans un environnement à haute et faible
réverbération. Lavantage directionnel est considérablement plus faible dans
un environnement moyennement réverbérant lorsque la distance entre le
signal et l’auditeur est supérieure à la DC estimée.
Lorsque l’acoustique de la pièce affecte l’intelligibilité de la parole, il devient
évident qu’une autre approche est nécessaire pour permettre au porteur
d’aide auditive d’entendre dans des environnements réverbérants.
4 | ÉVALUATION D’UN ALGORITHME D’AIDE AUDITIVE
4 | VISANT À RÉDUIRE LES EFFETS NÉGATIFS DE LA RÉVERBÉRATION
SOLUTIONS POUR LES AIDES AUDITIVES DANS DES ENVIRONNE-
MENTS RÉVERBÉRANTS
Des accessoires d’aide à l’écoute ont été développés pour assister les
porteurs d’aide auditive dans des environnements réverbérants et bruyants
lorsque les technologies traditionnelles, telles que les microphones
directionnels, ne fournissent pas assez d’avantage. Les récepteurs FM ou
les boucles à induction avec des aides auditives peuvent améliorer
considérablement la réception de la parole dans les salles de classe12.
Cela dit, leur utilisation dépend des locaux et de la technologie présente
dans laide auditive du porteur. Il n’est pas garanti que tous les environne-
ments réverbérants potentiels disposent d’équipements FM ou de boucles
à induction. On ne peut pas non plus présumer que la personne appareillée
connecte (ou déconnecte) sans arrêt son appareil aux différents équipe-
ments en se déplaçant d’une salle à l’autre. Ces observations suggèrent que
l’algorithme conçu pour réduire les réverbérations peut aider les porteurs
d’aide auditive dans des environnements réverbérants négatifs.
Un algorithme particulier a été élaboré an de détecter et réduire la quantité
de réverbérations perçues par la personne appareillée daide auditive.
Le principal dé lors de l’élaboration de cet algorithme était de réduire les
réverbérations uniquement lorsqu’elles sont présentes sans réduire la
portion informative du signal.
Au cours de cette investigation, les questions suivantes ont été posées :
1) L’algorithme de réduction de réverbération réduit-il la quantité de
réverbérations perçues ?
2) Lalgorithme de réduction de réverbération produit-il des artéfacts
indésirables dans le signal de la parole ?
Pour cette expérience, des individus normo-entendants ont été testés pour
évaluer les différences de perception des différentes congurations de
l’algorithme. La méthode de hiérarchie multicritère (MHM)13 a été utilisée
an de déterminer la meilleure conguration pour l’environnement
réverbérant.
Le principal défi lors
de l’élaboration de
cet algorithme était
de réduire les
réverbérations
uniquement
lorsqu’elles sont
présentes sans
réduire la portion
informative du signal.
5 | ÉVALUATION D’UN ALGORITHME D’AIDE AUDITIVE
5 | VISANT À RÉDUIRE LES EFFETS NÉGATIFS DE LA RÉVERBÉRATION
THODES
Participants. Des individus normo-entendants ont été sélectionnés pour
évaluer l’effet de perception de lalgorithme de réduction de réverbération,
étant donné qu’ils forment un groupe relativement homogène et qu’aucune
compensation de perte auditive n’était nécessaire. Le fait de faire appel à
des participants normo-entendants réduit les sources de variabilité pouvant
provenir de différences individuelles, telles que des décits supraliminaires
comprenant une résolution temporelle et une fréquence réduites ainsi
qu’une détection de modulation comme suggéré par Brons et al.14
Figure 1. Seuils d’écoute (dB HL) pour les 11 participants au test. Les barres
représentent une déviation standard.
Au total 11 participants entendants ont participé à cette étude
(10 hommes et 1 femme). Les seuils audiométriques moyens pour la
conduction aérienne (oreille droite et gauche) sont illustrés sur la Figure 1.
Les données audiométriques ont été recueillies avant le test à l’aide d’un
audiomètre GSI 61 et d’écouteurs intégrés E-A-R TONE 3A dans une salle
atténuée avec des murs simples.
Lalgorithme de réduction de réverbération. Lalgorithme de réduction
de réverbération a été testé sur une aide auditive disponible sur le marché,
avec écouteur déporté (RITE). Quatre congurations (RevRed1, RevRed2,
RevRed3 et RevRed4) dotées d’intensités d’atténuation croissantes ont été
utilisées pour cette étude.
thode de hiérarchie multicritère (MHM). Les comparaisons de paire
sont habituellement utilisées lors des tests de perception an d’évaluer les
différences entre les algorithmes, tels que ceux que l’on retrouve dans les
traitements de signaux d’aides auditives15. Il est donc important de dénir
un ou plusieurs critères pour la comparaison lors de la phase de conception
de test. Ces critères doivent être sélectionnés en fonction de l’appareil ou
de l’algorithme testé et des échantillons utilisés pour la comparaison.
Les directives de l’Union Internationale des Communications (UIT P.835,
2003)16 recommandent l’utilisation de trois critères : signal de la parole, bruit
de fond et effet global pour les tests dalgorithme de suppression de bruit.
Le critère de bruit de fond a été remplacé par la quantité de réverbération
pour cette étude. Plusieurs classements différents étaient attendus par
Oreille droite Oreille gauche
Hearing Threshold (in dB HL)
Fréquence (kHz)
1 / 12 100%