Progrès en Urologie (1996), 6, 226-235
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Etude PROGENE, projet français d’analyse génétique
du cancer de la prostate familial : recrutement et analyse
Antoine VALERI (1), Philippe BERTHON (1), Georges FOURNIER (2), Jean-Claude BUZZI (4),
Laurent BRIOLLAIS (4), Paul MERIA (1), Hélène BLANCHE (3), Christine BELLANNE-CHANTELOT(3),
Pierre TEILLAC (1), Florence DEMENAIS (4), Philippe MANGIN (5), Nadine COHEN (3),
Alain LE DUC (1), Olivier CUSSENOT (1)
(1) Département d’Urologie, Hôpital Saint-Louis, Paris, (2) Service d’Urologie, CHRU Brest,
(3) Fondation Jean Dausset-CEPH, Paris, (4) Unité 358 INSERM, Hôpital Saint-Louis, Paris,
(5) Service d’Urologie, CHRU Nancy,Vandoeuvre
RESUME
Buts : Initier une étude de liaison génétique afin de
localiser un (plusieurs) gène (s) de prédisposition au
cancer de la prostate (CaP) héréditaire. En effet,
différentes études épidémiologiques ont mis en évi-
dence une possible agrégation familiale dans envi-
ron 25% des cas. Une étude de ségrégation familia-
le [14] a par ailleurs montré qu’une prédisposition
génétique, à transmission autosomique dominante
et à pénétrance élevée (88% à 85 ans) pourrait être
à l'origine de 9% de l’ensemble des CaP.
Méthodes : Une collecte nationale de familles avec
au moins 2 CaP a permis, 1) d’identifier les familles
à forme héréditaire, 2) de constituer une banque
d’ADN constitutionnel après prélèvement sanguin
de sujets appartenant à ces familles, et 3) d’effectuer
une étude de simulation d’analyse de liaison géné-
tique, en préalable au génotypage microsatellite.
Résultats : De juillet 1994 à septembre 1995, nous
avons inclus 67 familles (180 CaP). Actuellement, 45
autres familles sont en cours d’inclusion. Parmi ces
67 familles, 24 (89 CaP, 54 vivants) répondaient à au
moins un des critères de l’étude de CARTER [14]
pour les formes héréditaires de CaP familial. Deux
familles ont été également retenues car les 3 por-
teurs de CaP sont des parents du second degré. Au
total 26 familles sont porteuses d’une forme hérédi-
taire, dont 18 (73 CaP, 46 vivants) sont considérées
informatives pour une étude de liaison génétique
(lod score = 4 pour θ= 0,01 avec un marqueur à 8
allèles). L’ADN constitutionnel de 271 individus de
ces familles informatives a été extrait à partir de cel-
lules circulantes obtenues de prélèvements sanguins,
les lymphocytes immortalisés, et le génotypage initié
pour 216 marqueurs microsatellites répartis sur
tout le génome, en moyenne tous les 20 cM.
Conclusion : Alors que le recrutement nous a permis
d’identifier de nombreuses familles informatives
pour un risque hérité de CaP, l’étude prédictive sug-
gère une forte probabilité de localiser un gène de
prédisposition par analyse de liaison génétique. Il
deviendra alors possible d’identifier au sein des
familles concernées les sujets porteurs de l’anomalie
génétique, et donc à haut risque de CaP.Enfin, la
mise en évidence d’un locus permettra d’envisager
le clonage et l’identification du (des) gène (s) impli-
qué (s).
Mots clés : Cancer de la prostate, génétique, transmission héré -
ditaire, conseil génétique.
Progrès en Urologie (1996), 6, 226-235.
Le cancer de la prostate (CaP) est le plus fréquent des
cancers de l’homme de plus de cinquante ans, et sa fré-
quence augmente avec l’âge. C’est la deuxième cause
de mortalité par cancer dans les pays industrialisés
[14]. L’incidence standardisée est estimée en France à
30 pour 100 000 habitants, mais les chiffres varient de
2 en Chine à 80 pour les mélanodermes aux USA [26,
43]. Des facteurs génétiques et épigénétiques* ont été
évoqués pour expliquer ces différentes incidences,
cependant aucun facteur mésologique* (consommation
de vitamine A, de lipides, obésité, vasectomie, fréquen-
ce des rapports sexuels) ne présente de corrélation
significative [39, 42]. Plus de 20% des cas de CaP cor-
respondraient à des formes familiales, mais seulement
5 à 10% de l’ensemble des cancers de prostate seraient
secondaires à une prédisposition génétique [14, 15, 47].
Comme l’ont montré FEARON et VOGELSTEIN [21],
après la modélisation proposée par ASHLEY [4], une
somme d’altérations génétiques successives et spéci-
fiques serait nécessaire pour l’initiation et la progres-
sion tumorales. A l’inverse d’une tumorogénèse soma-
tique stricte pour laquelle l’acquisition et l’accumula-
Manuscrit reçu le 15 octobre 1995, accepté : janvier 1996.
Adresse pour correspondance : Dr. A. Valeri, Département d’Urologie, Hôpital
Saint-Louis, 75475 Paris Cedex 10.
*Pour les lecteurs pour lesquels la terminologie génétique n’est pas
familière, un glossaire a été inclus en annexe. Les termes explicités dans
ce glossaire sont indiqués dans le texte par un astérisque (*).
227
tion d’altérations moléculaires au hasard (acquises)
conditionnent l’apparition d’une tumeur, un cancer
héréditaire peut généralement apparaître dans le cadre
de deux hypothèses. L’hypothèse de KNUDSON selon
laquelle une première altération génétique germinale
(héritée) sur un gène suppresseur* de tumeur est réces-
sive*, et nécessite un second évènement (mutation*,
délétion*) somatique* (acquis) sur le second allèle*
pour être exprimée [29]. Une seconde hypothèse pré-
suppose l’existence d’une altération moléculaire héri-
tée, rendant la cellule susceptible à des évènements
oncogéniques successifs : nous parlerons de «phénoty-
pe* mutateur» [35].
En ce qui concerne le CaP, aucune altération cytogéné-
tique, aucun oncogène*, ni gène de prédisposition*
spécifique n’a encore été identifié avec certitude [22].
Afin de déterminer la présence d’une altération géné-
tique statistiquement représentée lors de la progression
du CaP, deux stratégies sont actuellement employées et
se complètent : 1) l’étude des mutations de gènes can-
didats* et 2) l’analyse de perte alléliques (L.O.H. ou
pertes dhérozygotie*), évoquant la présence de
gènes suppresseurs* sur les bras chromosomiques inté-
ressés. Ces études s’intéressent actuellement au CaP
dont l’origine est décrite comme sporadique. Ont ainsi
été identifiées avec une relative fréquence dans les CaP,
une perte des régions chromosomiques 7q, 8p, 10q,
16q, 17p, et 18q [5, 8, 10, 13, 18, 23, 33, 34, 44, 48].
Certaines de ces délétions ont pu être associées à des
pertes de gènes codant pour APC (5q21), l’E-cadhéri-
ne (16q22), P53 (17p13), BRCA1 (17q21), DCC
(18q21), c-met (7q31) [10, 24, 33, 34]. Egalement des
mutations dans l’ADN tumoral ont été observées pour
les gènes suppresseurs RB1 et P53, pour certains onco-
gènes ras,myc, ainsi que pour le gène MX1 (10q24)
dont le produit régule négativement l’activité de myc
[2, 7, 16, 20, 41].Par ailleurs des altérations concer-
nant le gène KAI-1 (11p11) suppresseur de métastase,
dans la prostate de rat, pourraient également être impli-
quées pour certains CaP avancés [19].
Différentes études épidémiologiques (cas-témoins) ont
montré une agrégation familiale* possible de CaP
éventuellement associée au cancer du sein [1, 11, 37,
38, 45, 46, 49, 51]. Récemment, STEINBERG et al. [47],
dans une étude portant sur 691 patients, ont mis en évi-
dence un risque relatif de 2, 5 ou 11 pour respective-
ment 1, 2 ou 3 parents du premier degré atteints de CaP.
Dans une étude de ségrégation familiale* portant sur
les généalogies de cette même population, CARTER et
al. ont observé 26% de formes familiales, et l’existen-
ce d’une prédisposition génétique dans 5% des cas.
Celle-ci se transmet selon un mode autosomique*
dominant*, à pénétrance* élevée (88% à 85 ans) et
pourrait expliquer 9% des cas de cancer de prostate
[14].A partir de cette étude, et en l’absence de critère
génétique disponible, ces auteurs ont établi une classi-
fication clinique des formes héréditaires [15] (Figure
1). Deux études de localisation du (des) gène (s) de
prédisposition ont également été réalisées à ce jour
mais n’ont pu déterminer de «liaison génétique*».
L’équipe de SKOLNICK [12] a testé 31 marqueurs sur 11
bras chromosomiques (3p, 7q, 8p, 9q, 10p, 10q, 11p,
13q, 16q, 17p, 18q) dans 7 familles dont l’informativi-
té* n’est pas précisée. De même, JOHNSON et al. [27]
n’ont pu localiser un gène de prédisposition dans une
étude de «liaison» comportant 3 familles sur des mar-
queurs du chromosome 8p.
Grâce à l’implication de la communauté urologique
française, nous avons pu engager une collecte nationa-
le de familles avec au moins 2 cas de CaP.Pour les
familles informatives (formes héréditaires, grandes fra-
tries) une banque d’ADN constitutionnel a été consti-
tuée afin de permettre la démarche de localisation d’un
(des) gène (s) de prédisposition par une étude de liaison
génétique «au hasard*».
MATERIEL ET METHODES
Collecte des familles
L’information des urologues et des oncologues a été
effectuée par l’intermédiaire : 1) d’une lettre diffusée
par l’Association Française d’Urologie, 2) d’une distri-
bution de plaquettes informatives lors de différents
congrès, et 3) par contacts directs avec les collègues
des urologues membres de la coordination de l’étude.
Un numéro vert a été mis à disposition pour permettre
aux urologues ou à leurs patients de prendre contact
avec le centre d’étude (05.22.22.20).
Seules ont été incluses les familles dont au moins 2
membres (quel que soit le degré de parenté) sont ou
étaient atteints d’un cancer prostatique pour lesquels
une analyse histologique mettant en évidence un adé-
nocarcinome est disponible.Aucun critère restrictif
concernant l’âge ou le stade de la maladie n’a été impo-
sé.
Une première saisie des données familiales en utilisant
le logiciel «Ped Draw» a permis d’établir les arbres
généalogiques à partir d’un questionnaire adressé aux
patients.La représentation obtenue a rendu possible
une première analyse de l’informativité des familles*
retenues, également de la structure et de la taille des
généalogies. Ont é considérées informatives les
familles : 1) répondant aux critères de CARTER et al.
[15] qui caractérisent les formes héréditaires de CaP
(Figure 1) dont l’ADN constitutionnel d’au moins 2
sujets atteints était disponible. Cette première enquête
a été préliminaire au recrutement. Elle a également per-
mis de déterminer la présence d’autres formes de can-
cers dans les familles étudiées.
Les membres des familles retenues ont été contactés
individuellement. En préalable à l’inclusion, la signatu-
re d’un consentement éclairé est exigée. Parallèlement,
un questionnaire médical adressé à l’urologue a permis
le recueil des données cliniques et biologiques. Dans le
cadre du respect des règles déontologiques et de bioé-
thique, une demande d'agrément a été déposée et obte-
nue auprès du C.C.P.P.R.B. de l’hôpital Saint-Louis
(agrément n° 95.52). Les données nominatives concer-
nant les sujets ont été gérées dans le respect des règles
d’anonymat définies par la CNIL (Commission
Nationale d’Informatique et Liberté).
Analyse de «liaison» : simulation
L’ensemble des données pour chaque famille a été saisi
selon le format «EXCEL».Les informations retenues
ont été : le numéro de la famille, de l’individu, de son
père, de sa mère, le sexe, la présence et le type de can-
cer, l’âge actuel, l’âge au diagnostic (en cas de cancer),
le sujet a-t-il été prélevé? Toutes ces informations ont
été précisées pour chaque sujet atteint, ainsi que pour
l’épouse et les parents du 1er degré.La codification et
le format de ce fichier ont permis son utilisation par les
programmes «SLINK» pour l’analyse de simulation et
«LINKAGE» pour l’analyse de liaison génétique* [30,
31]. Ces programmes permettent le calcul des «lod
score» sur lequel repose l’analyse de liaison génétique.
Celle-ci a pour but de chercher un marqueur chromoso-
mique* (de siège connu) dont un même allèle* est
constamment cohérité avec le CaP.Le gène de prédis-
position et le marqueur étant liés, puisque cohérités, ils
ne donnent pas de recombinaison lors de la méïose*.
L’analyse de liaison apprécie la vraisemblance d’une
liaison génétique pour diverses valeurs de recombinai-
son (θ) voisines de zéro et pour un marqueur donné
[28].Le «lod score» est le logarithme décimal du rap-
port L(θ)/L(θ0,5) ou L(θ) et L (θ0,5) sont respective-
ment les probabilités de liaison et d’indépendance pour
le marqueur considéré. Un «lod score» maximum supé-
rieur ou égal à 3 permet de conclure à l'existence d’une
liaison génétique significative et indique que la valeur
de θest fiable à 1000 contre 1 (log 1000 = 3).
L’informativité des familles a été testée par une «étude
de simulation» d’analyse de liaison génétique.Nous
avons donc simulé en utilisant le programme «SLINK»
[40, 50] la distribution d’un marqueur génétique très
polymorphe* lié à la maladie. Ce programme calcule la
probabilité des génotypes* au locus* marqueur (G) en
fonction de la distribution des cancers (X) dans une
famille selon la formule :
p(G/X) = P(g1/X) . P(g2/g1, X)... PgN/g1, g2, ..........,
gN-1, X).
«SLINK» calcule toutes les combinaisons possibles de
probabilités conditionnelles des génotypes* P(g1/X),
puis P(g2/g1, X) et ainsi de suite pour N individus d’une
famille. Le modèle de transmission utilisé pour cette
simulation est celui établi par CARTER et al. : gène auto-
somique dominant rare, fréquence égale à 0,003, péné-
trance élevée 88% à 85 ans [14].
Banque d’ADN constitutionnel
Pour chaque individu dont le prélèvement était oppor-
tun pour l’étude, 14 ml de sang ont été prélevés sur
EDTA (133mM) pour extraction de l’ADN, 7 ml sur
héparine pour immortalisation des lymphocytes en
lignées lymphoblastoïdes et 5 ml sur tube sec pour la
constitution d’une sérothèque conservée à - 80°C.
L’ADN génomique a été extrait directement à partir des
leucocytes circulants. Après séparation de la phase cel-
lulaire sur gradient de Ficoll et par centrifugation, les
globules rouges ont été lysés par choc hypotonique
(Tris 10mM pH 7,6; MgCl
2
5mM; NaCI 10mM). Les
leucocytes, isolés par centrifugation, ont été lysés (Tris
pH 7,6 10mM; NaCI 50mM; SDS 0,2%; protéinase K
0,02%) par incubation 16 heures à 42°C. L’ADN a été
purif par extraction au phénol/chloroforme/alcool
isoamylique (18v/5v/1v), puis précipité (isopropanol,
NaCI 60mM). Après mesure de la concentration et
contrôle de pureté de l’ADN par densité optique, la qua-
lité de l’ADN a été contrôlée sur gel d’agarose à 0,7%.
L’ADN a été aliquoté dans du Tris 10mM/EDTA 1mM
à la concentration de 200 ng/µl puis conservé à -80°C.
Parallèlement des liges de lymphocytes ont été
immortalisées par le virus d’Epstein Barr, afin de pou-
voir toujours disposer de cellules pour extraction ulté-
rieure d’ADN constitutionnel.
RESULTATS
De juillet 1994 à septembre 1995, nous avons inclus 67
familles (180 CaP); 65 autres familles sont en cours
d’inclusion. Le nombre de cas par famille variait de 2 à
6 (Figure 2). La répartition des sujets atteints par géné-
ration dans chaque famille est donnée par le Tableau 1:
24/67 familles (89 CaP dont 54 vivants) répondaient à
au moins un des critères de l’étude de Carter et al. [14]
pour les formes héréditaires.Dans 21/24 familles, les
patients (CaP+) étaient au moins 3 parents du 1er
degré, alors que dans 3/24 familles il s’agissait de 3
sujets atteints sur 3 générations dans la branche pater-
nelle (2 fois) ou maternelle (1 fois). Par ailleurs, 6/24
familles répondaient à plusieurs critères de CARTER
(Tableau 2). Enfin, dans 2 familles sur 67, les 3 por-
teurs de CaP étaient parents du 2ème degré : proposant
père et oncle, ou encore proposant oncle et cousin. Au
total, 26 familles sont porteuses d’une forme a priori
héréditaire de CaP.
Dix-huit de ces 24 familles (73CaP dont 46 vivants) ont
été considérées informatives pour l’étude de «liaison
228
g é n é t i q u e » . Linformativité a é établie en fonction des
crires de C
A RT E R
(vide supra), mais également de la
taille de la fratrie et du nombre de prévements sanguins
potentiellement disponibles (cès, refus de participa-
t i o n ) . Ces 18 familles représentaient des prévements
sanguins potentiels (pour étude de lADN constitution-
nel) pour environ 300 sujets dont 46 atteints de CaP.
Deux sujets atteints et 27 sujets sains n’ont pas souhai
participer à létude. Les 6 autres familles à forme rédi-
taire de CaP ont é considérées non informatives en rai-
son d’un nombre important de sujets atteints décés, du
refus dun malade de participer à l’étude ou encore du fait
de la survenue d’un troisième cas de CaP dans une famil-
le après le début du notypage.
Par ailleurs, 16/67 (23%) des familles avaient un de
leurs membres atteint d’un cancer du sein (mère, soeur
ou fille du proposant dans 13 familles). Dans 5 de ces
16 familles, il existait à la fois une forme familiale de
cancer de la prostate et de cancer du sein. Dans une de
ces 3 familles, outre l’existence de 2 CaP, on observe
un cancer du sein chez 5 femmes et 2 hommes (dont un
était également porteur de CaP).
Les résultats de «l’étude de simulation» pour un mar-
queur très lié au locus de la maladie (
θ= 0,01) et très
polymorphe* (> 4 allèles) ont montré qu’une liaison
génétique significative (lod score > 3) pourrait être
détectée avec l’échantillon des 16 premières familles
considérées informatives (familles F59 et F61 non
incluses) (Tableau 3).
Au total, des prélèvements sanguins ont été effectués
pour 271 des 300 individus sélectionnés dans les 18
familles informatives.
Ont été également prélevés 35
sujets des 6 autres familles. Pour ces familles, l’infor-
mativité ne pourra être acquise qu’après l’étude de
l’ADN constitutionnel des sujets décédés. Cette analy-
se est conditionnée par l’obtention de lames histolo-
giques archivées à partir desquelles l’ADN constitu-
tionnel peut être extrait par technique de microdissec-
tion [6].
Les lymphocytes de tous les (sauf un) individus préle-
vés ont é immortalisés et conges. Le seul cas
d’échec fut pour un patient porteur de CaP en échappe-
ment hormonal sous chimiothérapie (Estramustine).
229
Tableau 1. Répartition des malades dans les familles
3 parents 3 générations 3 parents Grand-père Uniquement Uniquement Uniquement
du 1° (même famille) du 2° + petit-enfant oncle + neveu père + fils 2 frères
Nombre de 21* 3* 2* 3 2 17 19
familles
* Formes héréditaires
Tableau 2. Familles répondant à plusieurs critères de Carter.
Identification Nombre de 3 parents du 3 cas sur 3 2 cas précoces
de la famille critères de Carter 1er degré générations avant 55 ans
F3 2 + - +
F5 2 + - +
F6 2 + + -
F25 2 + + -
F35 2 + - +
F59 2 + + -
Tableau 3. Valeur des Lod-score moyens selon la fréquence d’hétérozygotie du marqueur.
Taux de recombinaison -
θ= 0,01 θ= 0,05 θ= 0,10
Nombre d’allèles du marqueur
(fréquence d’hétérozygotie)
8 (0,88) 4,01 2,85 1,73
6 (0,83) 3,73 2,51 1,50
4 (0,75) 2,88 2,05 1,19
DISCUSSION
Le recrutement des familles a été réalisé à l’échelon
national. L’importance du nombre de familles colligées
(132 familles dont 67 dé incluses) en 14 mois
témoigne de la relative fréquence du cancer de la pros-
tate familial. Egalement, l’efficacité et la rapidité avec
lesquelles ces familles ont été identifiées et prélevées
ne fut possible que grâce à la mobilisation des uro-
logues. Les critères de sélection des familles ont, dès le
départ, été définis de manière à inclure à la fois des
petites fratries présentant des sujets atteints sur plu-
sieurs générations mais aussi les formes de survenue
précoce (au moins 2 cas de CaP avant 55 ans).
Cependant, pour la forme précoce exclusive (2 cas de
CaP avant 55 ans sans autre critère de CARTER associé),
aucune famille n’a à ce jour pu être identifiée.La pre-
mière étape, la collecte des informations grâce à un
questionnaire rempli par l’urologue ayant identifié une
forme familiale, a permis de fournir rapidement des
données pour identifier et établir les formes a priori
héréditaires respectant les critères de CARTER.Lors de
ce processus, la confirmation histologique du diagnos-
tic revêt un caracre particulrement important,
notamment pour les cas de sujets décédés il y a de
nombreuses années pour lesquels les informations
obtenues directement auprès de la famille peuvent être
erronées.De même l’importance de données généalo-
giques telles l’âge au diagnostic pour les atteints, l’âge
actuel ou du décès (et la cause) pour les sujets sains a
nécessité une stragie d’enquête rigoureuse. L e s
appels téléphoniques du proposant aux diff é r e n t s
membres de sa famille expliquant l’intérêt et les moda-
lités de l’étude ont certainement facilité l’acceptation
des sujets contactés pour collaborer à l’étude. Le plus
souvent, nous avons rencontré une adhésion immédia-
te à l’étude car elle répondait à l’inquiétude et à la
demande de conseil génétique* (dépistage à terme des
sujets à risque). Cette approche impose cependant une
certaine prudence afin de ne pas générer l’angoisse du
résultat chez les sujets contactés. Finalement, une très
faible proportion des sujets contactés a refusé l’étude.
Un sujet a accepté de participer mais ne tient pas à
connaître son risque propre. Enfin, certains sur les
conseils de la famille nont pas é contacs.
L’organisation des prises de sang (contacts télépho-
niques avec la personne à prélever et le laboratoire
local, voire le déplacement d’une infirmière, l’achemi-
nement par «portage spécial») a facilité la collecte des
échantillons en particulier pour les personnes âgées.
L’analyse des familles révèle 26 formes très probable-
ment à caractère héréditaire. En effet 24/67 répondent
à au moins un des critères de CARTER qui ont été établis
à partir des caractéristiques généalogiques des familles
pour lesquelles existait une prédisposition génétique
[14].Le critère le plus fréquemment observé fut l’exis-
tence de 3 parents atteints du premier degré (Tableau
1). Si certaines familles ne respectent pas ce critère (ex
: F41 et F44, Figure 3), cela résulte probablement du
fait que les fratries dans ces familles sont de petite
taille, ce qui rend peu probable la survenue du CaP
chez 3 frères ou un père et 2 fils.Six des 24 familles
répondent à plusieurs critères de CARTER (Tableau 2),
ce qui conforte l’hypothèse de prédisposition génétique
dans ces familles. Dans l’hypothèse où 26 familles cor-
respondent effectivement à des formes héréditaires de
CaP, il est intéressant de noter que dans 2 familles la
prédisposition a été transmise par la mère (2 femmes
dans la famille F1 et une femme de la famille F44,
Figure 3). Par ailleurs, la prédisposition a été transmise
2 fois par le père sain d’un malade, ce qui peut s’expli-
quer par la valeur de la pénétrance (88% à 85 ans) qui
bien qu’élevée n’est pas complète [14]. En effet dans la
famille 6 (Figure 3), l’anomalie génétique a vraisem-
blablement été transmise par le père du proposant
(décédé d’un lymphome à 81 ans sans CaP connu),
alors que son père et 4 de ses enfants ont été atteints.
De même, dans la famille 41, une prédisposition pour-
rait avoir été transmise au proposant par son père qui,
à 83 ans, n’a pas de CaP connu.
230
Figure 1. Critères de Carter pour les formes héréditaires.
homme sain, CaP,femme. a, b : 3 cas chez des parents
du 1er degré. c : 3 cas sur 3 générations dans la même
branche familiale (ici du côté maternel). d : 2 cas avant 55
ans.
Figure 2. Nombre de CaP par famille.
1 / 10 100%