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tion d’altérations moléculaires au hasard (acquises)
conditionnent l’apparition d’une tumeur, un cancer
héréditaire peut généralement apparaître dans le cadre
de deux hypothèses. L’hypothèse de KNUDSON selon
laquelle une première altération génétique germinale
(héritée) sur un gène suppresseur* de tumeur est réces-
sive*, et nécessite un second évènement (mutation*,
délétion*) somatique* (acquis) sur le second allèle*
pour être exprimée [29]. Une seconde hypothèse pré-
suppose l’existence d’une altération moléculaire héri-
tée, rendant la cellule susceptible à des évènements
oncogéniques successifs : nous parlerons de «phénoty-
pe* mutateur» [35].
En ce qui concerne le CaP, aucune altération cytogéné-
tique, aucun oncogène*, ni gène de prédisposition*
spécifique n’a encore été identifié avec certitude [22].
Afin de déterminer la présence d’une altération géné-
tique statistiquement représentée lors de la progression
du CaP, deux stratégies sont actuellement employées et
se complètent : 1) l’étude des mutations de gènes can-
didats* et 2) l’analyse de perte alléliques (L.O.H. ou
pertes d’hétérozygotie*), évoquant la présence de
gènes suppresseurs* sur les bras chromosomiques inté-
ressés. Ces études s’intéressent actuellement au CaP
dont l’origine est décrite comme sporadique. Ont ainsi
été identifiées avec une relative fréquence dans les CaP,
une perte des régions chromosomiques 7q, 8p, 10q,
16q, 17p, et 18q [5, 8, 10, 13, 18, 23, 33, 34, 44, 48].
Certaines de ces délétions ont pu être associées à des
pertes de gènes codant pour APC (5q21), l’E-cadhéri-
ne (16q22), P53 (17p13), BRCA1 (17q21), DCC
(18q21), c-met (7q31) [10, 24, 33, 34]. Egalement des
mutations dans l’ADN tumoral ont été observées pour
les gènes suppresseurs RB1 et P53, pour certains onco-
gènes ras,myc, ainsi que pour le gène MX1 (10q24)
dont le produit régule négativement l’activité de myc
[2, 7, 16, 20, 41].Par ailleurs des altérations concer-
nant le gène KAI-1 (11p11) suppresseur de métastase,
dans la prostate de rat, pourraient également être impli-
quées pour certains CaP avancés [19].
Différentes études épidémiologiques (cas-témoins) ont
montré une agrégation familiale* possible de CaP
éventuellement associée au cancer du sein [1, 11, 37,
38, 45, 46, 49, 51]. Récemment, STEINBERG et al. [47],
dans une étude portant sur 691 patients, ont mis en évi-
dence un risque relatif de 2, 5 ou 11 pour respective-
ment 1, 2 ou 3 parents du premier degré atteints de CaP.
Dans une étude de ségrégation familiale* portant sur
les généalogies de cette même population, CARTER et
al. ont observé 26% de formes familiales, et l’existen-
ce d’une prédisposition génétique dans 5% des cas.
Celle-ci se transmet selon un mode autosomique*
dominant*, à pénétrance* élevée (88% à 85 ans) et
pourrait expliquer 9% des cas de cancer de prostate
[14].A partir de cette étude, et en l’absence de critère
génétique disponible, ces auteurs ont établi une classi-
fication clinique des formes héréditaires [15] (Figure
1). Deux études de localisation du (des) gène (s) de
prédisposition ont également été réalisées à ce jour
mais n’ont pu déterminer de «liaison génétique*».
L’équipe de SKOLNICK [12] a testé 31 marqueurs sur 11
bras chromosomiques (3p, 7q, 8p, 9q, 10p, 10q, 11p,
13q, 16q, 17p, 18q) dans 7 familles dont l’informativi-
té* n’est pas précisée. De même, JOHNSON et al. [27]
n’ont pu localiser un gène de prédisposition dans une
étude de «liaison» comportant 3 familles sur des mar-
queurs du chromosome 8p.
Grâce à l’implication de la communauté urologique
française, nous avons pu engager une collecte nationa-
le de familles avec au moins 2 cas de CaP.Pour les
familles informatives (formes héréditaires, grandes fra-
tries) une banque d’ADN constitutionnel a été consti-
tuée afin de permettre la démarche de localisation d’un
(des) gène (s) de prédisposition par une étude de liaison
génétique «au hasard*».
MATERIEL ET METHODES
Collecte des familles
L’information des urologues et des oncologues a été
effectuée par l’intermédiaire : 1) d’une lettre diffusée
par l’Association Française d’Urologie, 2) d’une distri-
bution de plaquettes informatives lors de différents
congrès, et 3) par contacts directs avec les collègues
des urologues membres de la coordination de l’étude.
Un numéro vert a été mis à disposition pour permettre
aux urologues ou à leurs patients de prendre contact
avec le centre d’étude (05.22.22.20).
Seules ont été incluses les familles dont au moins 2
membres (quel que soit le degré de parenté) sont ou
étaient atteints d’un cancer prostatique pour lesquels
une analyse histologique mettant en évidence un adé-
nocarcinome est disponible.Aucun critère restrictif
concernant l’âge ou le stade de la maladie n’a été impo-
sé.
Une première saisie des données familiales en utilisant
le logiciel «Ped Draw» a permis d’établir les arbres
généalogiques à partir d’un questionnaire adressé aux
patients.La représentation obtenue a rendu possible
une première analyse de l’informativité des familles*
retenues, également de la structure et de la taille des
généalogies. Ont été considérées informatives les
familles : 1) répondant aux critères de CARTER et al.
[15] qui caractérisent les formes héréditaires de CaP
(Figure 1) dont l’ADN constitutionnel d’au moins 2
sujets atteints était disponible. Cette première enquête
a été préliminaire au recrutement. Elle a également per-
mis de déterminer la présence d’autres formes de can-
cers dans les familles étudiées.