Collections sans frontières : Pérenniser les contenus numériques

Réseau canadien d'information sur le patrimoine
Collections sans frontières : Pérenniser les contenus numériques dans les établissements culturels
Étude de cas du Musée d'anthropologie de l'Université de la Colombie-Britannique
Sarah Pickle et Nancy L. Maron, Ithaka S+R
Alors que les établissements culturels continuent à créer une variété de contenus et de produits numériques, ils procèdent souvent sans suffisamment tenir compte des efforts et des
ressources nécessaires à la pérennisation de ces derniers. La présente étude de cas examine donc comment le Musée d'anthropologie de l'Université de la Colombie-Britannique a réussi à
élaborer et à mettre en œuvre une stratégie visant à numériser ses collections permanentes et à créer une base de données durable. Elle propose un certain nombre de leçons aux autres
établissements qui cherchent à développer leurs propres capacités et infrastructures, même si ce travail se veut plus modeste ou est réalisé progressivement. Cette étude de cas présente en
outre un outil intitulé Health Check Tool For Digital Content Creators in Cultural Heritage Institutions (outil de bilan de santé à l'intention des créateurs de contenus numériques dans les
établissements du patrimoine culturel), qui a été créé en collaboration avec le Joint Information Systems Committee (JISC Royaume-Uni) et l'organisme américain Ithaka S+R.
Table des matières
Introduction
Méthodologie de l’étude de cas sur la stratégie numérique du Musée d'anthropologie (MOA)
La pérennisation des sources de financement des collections numériques au Canada
Le Musée d'anthropologie (MOA) fait figure de proue en matière de stratégie numérique
Le processus et les outils de numérisation permettront de renforcer votre stratégie
MOA CAT et Collection Online
Interface Reciprocal Research Network
Projets numériques en matière de conservation
Cataloguer, documenter et protéger le contenu numérique du musée pour une utilisation future
Analyse du contenu numérique et connaissance des utilisateurs en ligne
Défis communs des musées quant à la pérennisation des actifs numériques
Suivre le rythme d'une collection qui s'enrichit
Une vaste expertise, sans plan de relève
Intégrer des actifs précieux au-delà de la collection principale
Financement continu
La pérennisation des actifs numériques en 9 étapes au Musée d'anthropologie (MOA)
Une infrastructure centrale pour les actifs numériques
Un processus élaboré pour élargir la collection numérique
Élaborer une stratégie numérique de manière inclusive
Des expériences axées sur l'utilisateur
Un processus de développement souple
Évaluer de manière réaliste, au départ, les besoins futurs liés aux actifs numériques
Se projeter au-delà du catalogue
Centralisation et répartition des responsabilités : trouver un équilibre
Repérer les partenaires afin de créer un vaste réseau de soutien
Personnes interrogées dans le cadre de l'étude de cas sur la stratégie numérique du Musée d'anthropologie
Musée d'anthropologie, Université de la Colombie-Britannique
Personnes consultées
Guide d'entrevue pour l'étude de cas sur la stratégie numérique du Musée d'anthropologie (MOA)
Informations générales sur la personne interrogée
Stratégie numérique
Processus
Impact
Viabilité financière
Contexte global
Outil professionnel visant à aider les créateurs de contenus numériques à aborder les questions de pérennité
Guide d'introduction à l'outil de bilan de santé à l'intention des créateurs de contenus numériques dans les établissements du patrimoine culturel
Évaluer les ressources numériques
Collections numériques
Expositions en ligne
Ressources éducatives
Projets logiciels
Outil de bilan de santé à l'intention des créateurs de contenus numériques dans les établissements du patrimoine culturel
Description du projet
Soutien continu
Liste de contrôle pour les normes de préservation
Public, utilisation et impact
Évaluer les risques
Prochaines étapes et calendrier
Bibliographie de l'étude de cas sur la pérennisation des contenus numériques des musées
Introduction
Pendant près de vingt ans, des bailleurs de fonds privés et publics ont contribué à la création de très nombreuses ressources numériques dans les établissements du patrimoine culturel du
monde entier. Ces projets et initiatives, qu'il s'agisse de numérisation, de contenus d'origine numérique ou d'outils d'apprentissage ou de recherche, sont souvent complexes et nécessitent
donc les compétences et le temps de nombreuses personnes. Une fois créées, et bien après que les fonds initiaux ont été dépensés, ces ressources nécessitent une gestion régulière, un
développement technologique, des améliorations rédactionnelles ainsi qu'un travail de préservation si on souhaite les pérenniser. Pourtant, il peut être difficile pour les musées et d'autres
types d’organisation de créer des modèles de conservation numérique qui soient fiables, surtout pour les projets mis sur pied grâce à des subventions.
La grande promesse de l'environnement numérique, à la fois comme solution de conservation et outil de diffusion, a incité de nombreuses organisations du patrimoine culturel à chercher le
soutien de bailleurs de fonds publics et privés dans le but de pouvoir numériser leurs œuvres physiques. Cela leur a permis de protéger ces œuvres de l'usure causée par la manipulation et
donc de les préserver pour une utilisation future. 1 La numérisation offre un autre avantage, car la diffusion en ligne des collections rares et uniques de ces établissements permet d'aller
bien au-delà des bâtiments physiques pour cibler un public plus large et, potentiellement, toute personne possédant une connexion Internet. Aujourd'hui, de nombreux musées utilisent donc
leurs sites Web non seulement pour informer le public sur leurs heures d'ouverture et les expositions en cours, mais également pour diffuser une partie très importante de leurs collections,
parfois plus importante que ce qu'il est possible de voir à l'intérieur même de ces musées. 2
Les musées explorent de plus divers types de projets numériques pour aller au-delà de la simple création de substituts numériques des objets de leurs collections. Par exemple, les détectives
amateurs peuvent résoudre des énigmes médico-légales grâce au jeu « Autopsie d'un meurtre » du Centre des sciences de Montréal, et les historiens de l'art peuvent étiqueter des œuvres
de la collection numérique de la BBC intitulée Your Paintings. 3 Les conservateurs peuvent créer leurs propres collections sur le site Web Rijksstudio du Rijksmuseum, et les producteurs de
films peuvent acheter des vidéos pour les réutiliser sur des caissons lumineux qu'ils assemblent sur la page Web des Imperial War Museums.
4
Le Vieux-Port de Montréal a également lancé
en 2013 une application mobile appelée « Hivernage ». L'ancienne conservatrice en chef du patrimoine, Carol Pauzé, espère que cette application permettra d'influencer la manière dont le
public voit ce lieu patrimonial. Étant donné que le Vieux-Port est un parc public qui ne possède aucun bâtiment, l'application tente de démontrer la cohérence de l’établissement en guidant
les utilisateurs et en racontant son histoire. 5
Les musées ont pris conscience à quel point les plateformes numériques peuvent être importantes, à la fois pour préserver et diffuser leurs collections ainsi que pour créer des liens avec les
visiteurs de manières multiples et nouvelles. Selon Bill Greenlaw, directeur général du service des archives, des musées et des bibliothèques du ministère des Collectivités, de la Culture et du
Patrimoine de la Nouvelle-Écosse, les musées qui dépendent du ministère « sont considérés comme des biens publics dans [la province] », mais leur rôle au sein de la société évolue avec le
temps : leur travail « doit avoir une pertinence sociale », et, la plupart du temps, cette pertinence dépend avant tout de leur présence en ligne.
Le Canada compte plus de 2 500 musées qui attirent chaque année plus de 59 millions de visiteurs. Pour les établissements canadiens qui souhaitent créer des projets numériques et des
logiciels, mais qui nécessitent un financement extérieur, les seuls bailleurs de fonds importants sont les gouvernements provinciaux et fédéral. Contrairement aux États-Unis et à l'Europe, où,
en plus des organismes publics, les fondations privées et les donateurs représentent d’importantes sources d'aide financière, il existe peu de fonds privés pour la création de contenus
numériques au Canada.
Cette situation rend la question de la viabilité d'autant plus urgente : comment les responsables des contenus numériques peuvent-ils en effet pleinement tirer parti des ressources dont ils
disposent? Puisque les fonds sont rares pour les nouvelles initiatives numériques, que peuvent faire les musées pour gérer les contenus qui existent déjà et veiller à ce qu'ils aient l'effet
souhaité par leurs créateurs?
Avec le soutien du Réseau canadien d'information sur le patrimoine (RCIP), organisme de service spécial du ministère fédéral du Patrimoine canadien, Ithaka S+R a entrepris une étude
visant à examiner les systèmes et les pratiques qui existent pour faciliter la création ainsi que la gestion permanente des contenus numériques dans les musées au Canada. Plutôt que de
procéder à une évaluation générale du paysage complexe des établissements du patrimoine culturel canadien et des nombreux défis à relever, ce projet a été conçu comme une étude de cas
portant sur un de ces établissements, le Musée d'anthropologie de l'Université de la Colombie-Britannique, afin de comprendre en détail comment ce musée procède à l'élaboration d'une
stratégie visant à la fois les possibilités et les défis que comportent les médias numériques. 6
Alors que, par définition, ce type d’étude cible des cas très précis d'un phénomène particulier, la possibilité d’examiner des stratégies apparemment efficaces de création et de pérennisation
numériques peut offrir des modèles utiles à d'autres établissements qui se trouvent confrontés à des défis similaires. Bien que le Musée d'anthropologie soit l'une des rares organisations
canadiennes ayant entrepris la numérisation généralisée de sa collection permanente, il est loin d'être le seul aux prises avec ce qu'il faut faire pour pérenniser ses actifs numériques, compte
tenu de la conjoncture. Nous espérons que cette étude sera utile pour les autres établissements du patrimoine culturel qui procèdent actuellement à la création de ressources numériques et
envisagent l'élaboration de stratégies permettant une gestion optimale de ce type de contenu.
Méthodologie de l’étude de cas sur la stratégie numérique du Musée d'anthropologie (MOA)
La présente étude s'appuie sur le rapport de Ithaka S+R, intitulé Sustaining Our Digital Future: Institutional Strategies for Digital Content, publié en janvier 2013 et financé par la Strategic
Content Alliance menée par Jisc. Ce rapport examine le rôle que jouent les établissements hôtes pour favoriser la création et la gestion permanente de contenus numériques créés par des
chefs de projet dans des universités, des bibliothèques et des musées du Royaume-Uni. 7 Même si ce rapport cible principalement les contenus créés par des universitaires et comprend une
étude de cas détaillée sur la University College London, il porte également sur le secteur culturel en examinant comment deux grands établissements, la National Library of Wales et les
Imperial War Museums, abordent des questions similaires : comment les ressources numériques sont-elles créées, et pourquoi décide-t-on de procéder à un travail de numérisation? Quelles
structures techniques met-on en place pour ces activités, et à quelles ressources humaines fait-on appel? Étant donné que les musées et les bibliothèques contrairement aux
universités – ont tendance à débuter leur projet en se donnant pour mission de recueillir et de préserver, en quoi leurs politiques et leur plan de travail en matière de gestion des contenus
numériques diffèrent-ils de ceux des établissements d'enseignement supérieur? Compte tenu de la multiplication des possibilités quant à l'utilisation du contenu qu'offre Internet, que font les
établissements culturels pour mieux comprendre les internautes ainsi qu’augmenter leur nombre?
Au début de l’année 2012, le RCIP a pris contact avec Ithaka S+R pour explorer la possibilité d'entreprendre une étude de cas supplémentaire sur le domaine du patrimoine culturel canadien,
en vue de mieux comprendre les stratégies que les musées ont mises en œuvre. L'équipe de recherche de Ithaka S+R et le personnel du RCIP ont, ensemble, déterminé qu'il serait
particulièrement utile d'étudier un établissement ayant déjà entrepris des activités numériques importantes et mis en œuvre une stratégie correspondante, comme pour les deux études de
cas portant sur des établissements culturels situés au Royaume-Uni. Bien que ces deux études aient permis de tirer de nombreux et riches enseignements, les Imperial War Museums et la
National Library of Wales sont des établissements de grande envergure. Le site recommandé par le RCIP, c'est-à-dire le Musée d'anthropologie de l'Université de la Colombie-Britannique, qui
dispose d'un budget de fonctionnement de 4 millions de dollars (CAN) et possède environ 38 000 objets ethnographiques, n'est pas de taille trop grande et donc probablement utile et
accessible, à titre de modèle, pour un plus large éventail d'établissements. Ce musée offre en outre l'avantage de faire partie d'une université l'on fait de la recherche, pouvant ainsi
rendre cette étude de cas plus intéressante pour des établissements similaires également situés au sein d'universités ou mettant l'accent sur la recherche. Le RCIP voulait enfin trouver un
établissement qui entretient un riche réseau de relations avec les différentes parties concernées, ce qui est le cas du Musée d'anthropologie et son travail de collaboration avec des Premières
Nations et des organisations du patrimoine culturel. Une première discussion avec la responsable de l'information du musée, Ann Stevenson, a permis de dégager plusieurs aspects
intéressants à explorer, dont le passage à une base de données commune pour la totalité des actifs numériques ainsi que les utilisations multiples qui sont faites de cette base de données.
Pendant quatre mois, l'équipe de Ithaka S+R a mené des recherches documentaires afin de mieux comprendre les structures de financement liées au patrimoine culturel canadien, les types
de stratégies numériques en place dans d'autres établissements culturels, ainsi que l'éventail des activités numériques menées par des conservateurs, des coordonnateurs de la
communication et d'autres membres du personnel de ces établissements. Afin d'approfondir ses connaissances sur des établissements comparables, l'équipe a travaillé avec le personnel du
RCIP pour identifier les responsables de six organismes culturels canadiens, puis mener des entrevues afin de mieux comprendre l'étendue de leur travail de création et de gestion
permanente de projets et d'initiatives numériques, la valeur que ces musées attribuent à leurs investissements, ainsi que la manière dont ils mesurent leur succès. 8 Nous nous sommes de
plus adressés au personnel du RCIP pour en savoir plus sur le soutien qu'offre ce réseau quant aux projets numériques. Les entrevues ont été menées conformément au guide créé par
Ithaka S+R avec la participation du personnel du RCIP. 9 La plupart des conversations ont eu lieu par téléphone et ont duré environ 60 minutes; un des répondants a cependant choisi de
procéder par courriel.
Afin de bien comprendre les politiques et les pratiques du Musée d'anthropologie, l'équipe de recherche de Ithaka S+R a passé deux jours sur place, en compagnie d'Ann Stevenson et de ses
collègues, à Vancouver, afin de mener des entrevues individuelles et de groupe. Cette équipe a rencontré dix-sept membres du personnel du musée, dont le directeur, les cadres supérieurs
et les gestionnaires, les conservateurs, les développeurs Web et un concepteur d'exposition. La plupart des réunions ont duré environ 60 minutes, certaines étant plus longues, selon les
besoins. Les entrevues ont été enregistrées, avec la permission des personnes interrogées, afin de pouvoir recueillir le plus de détails possible. Tout le personnel du Musée d'anthropologie a
été convié à un dîner table ronde pour discuter de questions liées à la pérennité des actifs numériques, en apprendre plus sur le travail de recherche de Ithaka S+R ainsi que poser des
questions sur le projet.
Au cours des entrevues, on a demandé à plusieurs membres du personnel du musée chargés de gérer des projets ou des initiatives numériques, de donner leur avis sur un outil de
vérification mis au point dans le cadre de l'étude Jisc, avec l'aide de Lorna Hughes et de ses collègues de la National Library of Wales. Les commentaires d'Ann Stevenson et de ses collègues
nous ont aidés à modifier l'outil en question pour l'adapter aux besoins du musée et mieux refléter le soutien permanent nécessaire aux différents types d’actifs numériques : collection
numérisée, expositions en ligne, ressources éducatives et logiciels connexes. Les avis exprimés par ce groupe ont été essentiels pour mettre au point l'outil de vérification, qui se trouve dans
la section « Outil de bilan de santé à l'intention des créateurs de contenus numériques dans les établissements du patrimoine culturel » du présent rapport et en ligne, et qui
s'accompagne d'un guide destiné aux créateurs de contenus numériques dans les établissements du patrimoine culturel. 10
Nous tenons à vivement remercier les nombreuses personnes qui ont contribué à cette étude de cas, rendue possible par le soutien du Réseau canadien d'information sur le patrimoine. Nous
remercions tout particulièrement Paul Lima et Sheila Carey, du RCIP, pour leurs conseils, leur aide et leurs encouragements pendant toute la durée du projet.
Plusieurs membres de la communauté muséale canadienne nous ont généreusement fait part d'informations détaillées sur le fonctionnement interne de leur établissement, ce qui nous a
permis de mieux comprendre les activités de nature numérique entreprises dans le domaine au Canada. Nous remercions en particulier Janet Carding et Mark Engstrom du Musée royal de
l'Ontario, Bill Greenlaw du ministère des Collectivités, de la Culture et du Patrimoine de la Nouvelle-Écosse, Carol Pauzé du Centre des sciences de Montréal, Stéphanie Poisson du Musée
McCord, ainsi que Caroline Riedel du Maltwood Art Museum and Gallery. Deanna Marcum, de Ithaka S+R, ainsi que plusieurs membres du personnel du RCIP et du Musée d'anthropologie ont
fourni de précieux commentaires sur les premières ébauches du document de l'étude.
Ann Stevenson (Musée d'anthropologie) a été la principale personne-ressource du musée tout au long du projet. Celle-ci a en effet coordonné la visite du musée, organisé les entrevues et
nous a de plus permis, peu à peu, de mieux comprendre l'histoire et la structure actuelle de l'établissement; nous lui sommes donc très reconnaissants. Mme Stevenson et ses collègues,
dont le directeur du musée, Anthony Shelton, nous ont chaleureusement accueillis et patiemment expliqué en détail les transformations en cours depuis 2001, en prenant le temps à la fois
de revenir sur le passé et d'envisager l'avenir. Bien que de nombreuses personnes aient consacré une partie de leur temps à notre travail, les auteurs du présent rapport sont entièrement
responsables de son contenu.
La pérennisation des sources de financement des collections numériques au Canada
Au Canada, pour une grande partie des acteurs du domaine du patrimoine culturel, les préoccupations relatives à la pérennisation des ressources numériques concernent souvent, en premier
lieu, l'obtention de fonds. Pratiquement toute l'aide financière se rapportant à la création de ressources numériques vient d'organismes gouvernementaux, ce qui n'est pas le cas en Europe et
aux États-Unis, où le financement provient de bailleurs de fonds à la fois publics et privés. En Europe, le Comité des Sages –groupe d'experts réunis au nom de l'Union européenne pour faire
des recommandations sur les orientations futures de la politique de numérisation dans l'UE a encouragé la participation de partenaires du secteur privé, comme Arcadia au Royaume-Uni,
au travail de numérisation des œuvres du domaine public pour le portail Europeana, qui est financé par les gouvernements. 11 Aux États-Unis, des organismes fédéraux, comme le Institute
for Museum and Library Services et le National Endowment for the Humanities, fournissent des fonds pour la production de contenus numériques dans les musées, les bibliothèques et les
archives, tout comme le font des philanthropes et des organisations, comme The Andrew W. Mellon Foundation et la Gladys Krieble Delmas Foundation.
Le premier investissement d'envergure du gouvernement canadien en matière de patrimoine culturel numérique date de 1997, avec la création du Fonds d'investissement en multimédia,
distribué par le ministère du Patrimoine canadien. 12 Au cours de la décennie suivante, le gouvernement fédéral a mis en place d'autres structures de soutien à l'intention des musées, des
bibliothèques et des archives par l’entremise de plusieurs directions générales et programmes de ce ministère, comme la Stratégie sur la culture canadienne en ligne et Bibliothèque et
Archives Canada (BAC). En ce qui concerne Bibliothèque et Archives Canada, qui a pour mission d'acquérir et de conserver le patrimoine documentaire du pays, cette tâche s'accompagne
d'un travail supplémentaire : numériser la propre collection de BAC. Outre le ministère du Patrimoine canadien, des gouvernements provinciaux, principalement ceux de la Colombie-
Britannique, de l'Ontario et du Québec, ont contribué à favoriser l'enrichissement des contenus numériques dans leurs universités, bibliothèques et archives. Des organismes liés au
gouvernement qui font de la recherche, comme la Fondation canadienne pour l'innovation et le Conseil de recherches en sciences humaines, ont également contribué à des projets
numériques dans des établissements du patrimoine culturel qui réalisent eux aussi des recherches. 13
En général, alors que le soutien accordé aux bibliothèques et aux archives ciblait des projets de numérisation de grande envergure, les bailleurs de fonds des initiatives de numérisation des
musées ont adopté une approche plus réfléchie quant au travail de conservation de ces établissements, afin de favoriser la création de ressources d'interprétation, contextuelles et parfois
même numériques interactives. 14 Le RCIP, par exemple, a cherché à « [permettre] aux musées canadiens d’éveiller l'intérêt du public en exploitant des technologies innovatrices » grâce au
Programme d'investissement pour des expositions virtuelles (investissements allant jusqu'à 250 000 dollars, pour une dizaine de productions par an) et le Programme Histoires de chez nous
(financement à hauteur de 5 000 $, environ 40 productions par an venant d'établissements dont le personnel équivaut au plus à cinq équivalents temps plein). 15 Entre 2001 et 2012, près
de 23,6 M$ ont été octroyés pour la création d'expositions en ligne, de ressources interactives et éducatives et de visites virtuelles. 16
Alors qu'en Europe et aux États-Unis, les bibliothèques, les archives et les musées peuvent continuer à présenter des demandes de fonds auprès de la Commission européenne et des
différents États pour financer des projets de numérisation de grande envergure, au Canada, les organisations du patrimoine culturel désireuses de faire un tel travail doivent principalement
se tourner vers leurs propres ressources. Des modèles de financement novateurs liés aux projets de numérisation ont donc commencé à voir le jour, comme le développement de partenariats
pouvant réduire le fardeau financier de chaque organisation en répartissant les coûts nécessaires entre plusieurs établissements. 17
Confrontés à ce contexte de financement, mais tenant aux grands espoirs exprimés en matière de ressources numériques il y a tout juste une dizaine d'années, de nombreux professionnels
des musées, des bibliothèques et des archives, ainsi que les gens qui les appuient, se préoccupent de l'avenir du patrimoine documentaire et culturel du Canada. Même les responsables du
Musée d'anthropologie de Vancouver établissement possédant le personnel nécessaire ainsi qu'une infrastructure technologique solide, le tout reposant sur une stratégie numérique
soigneusement pensée reconnaissent qu'ils auront des défis à relever à l'avenir lorsque les importants moyens de financement qui leur ont permis de créer leur collection numérique
viendront à s'épuiser.
Le Musée d'anthropologie (MOA) fait figure de proue en matière de stratégie numérique
Niché derrière des plantes et des graminées indigènes avec vue sur le détroit de Georgia, le Musée d'anthropologie se trouve sur le territoire des Premières Nations de Musqueam, sur le
campus de l'Université de la Colombie-Britannique, à Vancouver. Le but de ce musée rappelle son emplacement physique : solidement ancré au plan local tout en étant tourné vers le monde
extérieur. Sa mission, qui est « de favoriser la compréhension et le respect des arts et des cultures du monde », lui a permis d'accueillir la transition vers le numérique qui a lieu dans le
monde du patrimoine culturel, considérant celle-ci comme l'occasion d'étendre son influence et d'atteindre ses objectifs de recherche et d'enseignement. 18 Pour reprendre les propos du
directeur du musée, Anthony Shelton, l'environnement numérique permet de « donner corps à [ses] valeurs d'accessibilité et de démocratisation », à la fois en diffusant et en obtenant des
connaissances grâce au Web.
À cette fin, le musée a élaboré une stratégie de numérisation qui s'appuie fortement sur l'infrastructure technologique qu'il a créée pour les trois plateformes en ligne qui lui permettent de
diffuser sa collection numérisée au public. En créant des bases de données centrales et dorsales pour abriter l'ensemble de ses fichiers maîtres ainsi que des métadonnées détaillées et
uniformes, le Musée d'anthropologie a jeté des bases solides lui permettant de présenter ses contenus, aussi bien sur place qu'en dehors de ses murs, à des publics divers (étudiants,
enseignants, universitaires) et de multiples manières.
Le processus et les outils de numérisation permettront de renforcer votre stratégie
Le Musée d'anthropologie est presque unique parmi les musées canadiens, car il a numérisé 90 % de sa collection ethnographique, qui comprend plus de 40 000 objets dont des textiles, des
céramiques, des outils et des jouets de tous les continents, sauf l'Antarctique. 19 Cette réalisation est due en grande partie à son statut d'organisme de recherche intégré à l'Université de la
Colombie-Britannique, ainsi qu'à des encouragements faits en temps opportun par un membre du conseil d'administration de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), organisme
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