3
grecs. L’égyptologie est une science récente, née en 1822 avec le déchiffrement
de l’écriture hiéroglyphique par Champollion. Même dans des endroits très
peuplés, très connus, dans le Delta, en Moyenne-Egypte, on sait que des sites
existent mais qu’on n’a jamais fouillés (fouiller trois millénaires de civilisation
pour une science qui n’a même pas deux siècles...).
Exemple : on a fini de réunir la documentation complète sur Ramsès II dans le
milieu des années 80. C’est relativement récent. Et les synthèses historiques que
l’on peut faire maintenant sont, pour la préhistoire, totalement différentes de ce
qu’elles étaient il y a 10 / 15 ans, tant nos connaissances ont changé. Il y a 30 ans,
on avait une description de la préhistoire égyptienne qui était dans un modèle très
conforme à une origine sémitique, mésopotamienne, etc. On a totalement revu les
relations avec l’Afrique en particulier. On a également totalement revu la durée :
c’est-à-dire qu’aujourd’hui on est capable, non pas de dire que l’histoire
commence vers 3 200 avant notre ère, on la fait commencer presque un millénaire
plus tôt. On peut la décrire, on connaît mieux les acteurs, on connaît mieux les
intervenants. Tout ça parce que, grâce à la climatologie, grâce à beaucoup de
données nouvelles, on peut mieux rendre compte du devenir de l’environnement,
et donc aussi par les fouilles – des fouilles ont apporté des choses nouvelles –
donc, on décrit beaucoup mieux et ça a beaucoup changé (cf. Aux origines de
l'Egypte. Du Néolithique à l'émergence de l'Etat, Béatrix Midant-Reynes, Fayard,
2003). Les trous à combler concernent paradoxalement, les époques les mieux
connues. Le premier millénaire, par exemple, est une époque pour laquelle on a
une documentation tellement foisonnante que la description qu’on en fait est
difficile à faire parce qu’il faut débroussailler toute cette documentation. De
même, on connaît bien la religion, mais, par exemple, on ne connaît pas très bien
la liturgie d’un grand temple comme celui de Karnak.
Exemple : polémique autour de la « chambre de Kheops » fin 2004 entre ceux qui
soutiennent la thèse architecturale de Gilles Dormion (dont Nicolas Grimal,
chaire d’égyptologie du Collège de France depuis 1997) et ceux qui prennent
leurs distances avec l'affaire (comme Jean Yoyotte, son prédécesseur) ; cf
L'Histoire, 05/2005, n°298, Entretien.
Les écritures : elles avaient pour première fonction de garder traces des échanges
et du commerce : comptabiliser les biens, ou encore conserver des informations,
et constituer les premières « archives » de l’Humanité. On ne peut parler
véritablement d'écriture que lorsque celle-ci est organisée en un système cohérent
de signes qui permettent aux hommes d'exprimer leurs pensées. Les premières
tablettes découvertes dans le pays de Sumer, dites « tablettes d'Uruk » se
présentent comme une sorte de liste comptable de sacs de grains et de têtes de
bétail. L'écriture ne constituait donc au départ qu'une sorte d'aide-mémoire utile à
l'homme. Un pictogramme différent représentait chaque objet, chaque personne,
chaque animal. Puis sont apparus les signes cunéiformes et les hiéroglyphes en
Egypte. Les signes commencent à former des sons et à tirer leur sens du contexte.
L'écriture, par sa complexité, reste le privilège d'une élite. Mais c'est l'invention
de l'alphabet par les Phéniciens vers 1 200 av. J.-C. qui révolutionne l'écriture :
une trentaine de signes suffisent pour tout écrire. L'écriture peut se démocratiser.
Les scribes conservent les premières connaissances administratives, mais aussi
les récits de faits guerriers, de victoires, d’annales royales ou encore des poèmes,
des textes religieux ou des rituels. L’invention de l’écriture permet de mieux
comprendre une civilisation à la fois dans son organisation économique
(documents de comptabilité), dans son organisation politique (décret, loi…) et
dans son organisation culturelle (littérature profane et sacrée). Elle vient donc
compléter et éclairer les découvertes archéologiques. L’égyptien hiéroglyphique
est apparu vers 3100 av. JC. Les égyptologues distinguent traditionnellement
dans l’écriture hiéroglyphique trois catégories de signes : les logogrammes, qui
représentent un objet (pictogramme) ou un concept (idéogramme) ; les
phonogrammes, qui correspondent à une consonne isolée ou à une série de
consonnes ; les déterminatifs, signes « muets » qui indiquent le champ lexical
auquel appartient le mot. Un hiéroglyphe peut exprimer un son, un mot, une
action, une idée. Par exemple, le dessin d'une bouche peut aussi signifier le son r
ou l'action de parler. Parmi les phonogrammes, 24 signes consonnes auraient pu
constituer un alphabet mais les Égyptiens se souciaient peu de réduire le nombre
de signes. Ils voulaient au contraire garder les signes représentant des êtres
animés car ils croyaient à leur efficacité magique. Évoquer une personne
permettait de la conduire à l'immortalité. Cependant ce système complexe était
réservé à une élite restreinte. On estime que moins de 1 % de la population
un pouvoir, des croyances) et de faire
apprendre les mots qui disent la vie des
hommes, leurs croyances, leur organisation
politique et sociale. » L'étude de l'Egypte
antique est aussi un prétexte à l'étude d'un État,
puissant, organisé. Comment concilier
l'apprentissage de l'analyse d'une civilisation
aussi complexe en si peu de temps avec des
élèves de 11 à 12 ans ? La compréhension
qu'une civilisation s'appuie sur un espace et
s'inscrit dans le temps est fondamentale.
Certains éléments des croyances des Égyptiens
sont, eux aussi, majeurs dans le cadre de
l'étude de l'évolution spirituelle des sociétés de
l'Antiquité : l'idée de jugement dernier, de vie
après la mort par exemple. Enfin les
monuments encore présents aujourd'hui
attestent de l'extraordinaire vitalité de cette
civilisation, leur étude pose les bases de
l'analyse historique de l'architecture et amène
les élèves à décrypter les symboles afin de
donner du sens à leurs observations. Le fil
conducteur suggéré par les documents
patrimoniaux est le fait religieux qui fait
l’unité de cette civilisation millénaire : le
mythe d’Osiris, le temple, la pyramide. Il ne
s’agit pas d’évacuer la dimension politique et
sociale, mais, dans l’esprit du programme, de
partir de ces documents pour découvrir la forte
trame religieuse qui structure tous les aspects
de cette civilisation de l’Égypte antique.
Au contraire, le futur programme se centre sur
les hiéroglyphes ; l’Egypte est vue comme une
des « premières civilisations » et le programme
lie premières écritures et premiers Etats pour
faire saisir aux élèves comment l’humanité est
entrée dans l’histoire en élaborant des
organisations sociales différenciées et une
meilleure communication. Le rôle du pharaon
et celui de son administration peuvent y être
présentés dans le cadre de la gestion de
l’économie et de la société, selon des
structures étatisées et centralisatrices. Toutes
les productions, mêmes celles liées à
l’architecture et à l’art, sont étroitement liées à
des fonctions indispensables à l’État. Les
aspects de la religion quotidienne et funéraire
peuvent être abordés à travers un petit nombre
de documents significatifs.
Dans les nouveaux programmes (« premier
contact avec une civilisation de l’Orient »), on
n’étudie plus les 2
e
et 1
er
millénaires (d’où pb
car parmi les sites et monuments, les temples
de l’ancienne Thèbes datent du Moyen Empire
pour Karnak et au Nouvel Empire au XV-
XIIIe s on trouve les temple de Louxor et
d'Abou Simbel,le tribunal d’Osiris dans le
Livre des Morts, Toutânkhamon et Ramsès II ;
sans parler du temple d’Edfou du IIIe siècle av
JC) : volonté d’en « finir avec l’Egypte » pour
se recentrer sur les fondements anciens de la
culture européenne ?