Fiches réalisées par Arnaud LEONARD (Lycée français de Varsovie, Pologne) à partir de sources diverses, notamment des excellents « livres du professeur » des éditions Nathan (dir. Guillaume LE QUINTREC) 1 HA – L’Egypte Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Deux cents ans après l'Expédition d'Égypte menée par Bonaparte, comment arriver à rendre compte d'une histoire moderne de l'Égypte ancienne, de ses empires, de ses trente dynasties, de ses règnes innombrables ? Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Le chapitre consacré à l'Egypte antique est fondamental car c'est la première fois, pour les élèves de Sixième, que l'on aborde l'élude d'une civilisation. C'est aussi l'occasion de mettre en place quelques notions fondamentales (monarchie absolue, polythéisme, salut et jugement, notions d’architecture sacrée) très utiles pour la suite du programme. Par ailleurs, cette partie, selon les textes, ne peut dépasser cinq heures. Nous sommes obliges de faire des choix drastiques et d'insister sur certains aspects ou savoir-faire. Ce chapitre s'appuie donc sur un nombre important de documents iconographiques que les élèves peuvent confronter à quelques textes emblématiques. Sources et muséographie : Les recherches actuelles largement basées sur les analyses des fouilles archéologiques s'intéressent de plus en plus à la vie quotidienne. Cet aspect relativement nouveau doit donc s'intégrer dans un ensemble déjà vaste. Exposition "Pharaons", 2004-2005 (IMA) / Bonaparte et l’Egypte, 2008-2009 (IMA) Ouvrages généraux : Voir les ouvrages des professeurs au Collège de France dans la chaire d'égyptologie : Georges Posener (1906-1988) de 1961 à 1978, Jean Yoyotte de 1991 a 1997 et Nicolas Grimal depuis 1997. Posener G., Dictionnaire de la civilisation égyptienne, Hazan, 1998. Fondamental, d'une richesse exceptionnelle. Dictionnaire des pharaons / Pascal Vernus et Jean Yoyotte, Éd. Agnès Viénot, Paris, 1996. Ce guide de référence permet de découvrir de façon concrète et précise la vie et la personnalité des reines et des rois d'Egypte. Histoire de l'Egypte ancienne / Nicolas Grimal, Fayard, Paris, 1988 Voir les ouvrages des égyptologues de l'Institut Français d'Archéologie Orientale (ou IFAO) : Claire Lalouette, Guillemette Andreu-Lanoë (chef du département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre depuis mai 2007), Jean Vercoutter, Jean-Pierre Corteggiani Les Grandes Pyramides, Chronique d'un mythe / Jean-Pierre Corteggiani, Découvertes Gallimard, Paris, 2006 Dictionnaire de la religion égyptienne / Jean-Pierre Corteggiani, Fayard, Paris, 2007 Histoire de la civilisation pharaonique / Claire Lalouette, Fayard, Paris, 1985-1991, Réédition Flammarion 1995 L'Égypte et la vallée du Nil, Tome 1 : Des origines à la fin de l'Ancien Empire (12000-2000 avant J.C.) / Jean Vercoutter, Nouvelle Clio, PUF, Paris, 1992 L'Egypte et la vallée du Nil, tome 2 : De la fin de l'Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire / Claude Vandersleyen, Nouvelle Clio, PUF, Paris, 1995 Andreu G., Les Égyptiens au temps des pharaons, Hachette Pluriel, 1997. Une bonne mise au point (vie quotidienne). L'Egypte ancienne / Desplancques Sophie, Que sais-je ?, PUF, Paris, 2005 Atlas historique de l'Egypte ancienne / Bill Manley, 1998, Autrement La Civilisation de l'Egypte pharaonique / François Daumas, Les grandes civilisations, Arthaud, Paris, 1993 (1967) Dieux et hommes en Égypte - 3000 av. J.-C.-395 apr. J.-C. / Françoise Dunand et Christiane Zivie-Coche, U, Armand Colin, Paris, 2001 (1991) Documentation Photographique et diapos : Villes et campagnes de l'Égypte ancienne - n°6080 (1985) / Danièle Valbelle L’Egypte antique : le pays, les dieux et les hommes. Diapofilm, 1974. 12 diapo. + 1 livret L’Egypte antique : le temple et la liturgie. Diapofilm, 1977. 12 diapo. + 1 livret Revues : Les dieux de l’Égypte, TDC N° 950, du 15 au 29 février 2008 La campagne d'Égypte, TDC N° 865 du 1er au 15 décembre 2003 L'Histoire, numéro spécial n° 190, « Les mystères de l'Egypte », juillet/août 1995. Des Hiéroglyphes au numérique : L'écriture depuis 5000 ans / Collectif, in LES COLLECTIONS DE L'HISTOIRE, Supplément trimestriel de "L'Histoire", N° 29, Octobre 2005 Carte murale : La vallée du Nil Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des Enjeux didactiques (repères, notions et savoirs, concepts, problématique) : méthodes) : BO actuel : « L’essentiel (« le pharaon, les L’égyptologie : "Don du Nil" et mère de toutes les sagesses, l'Égypte est dans l'imaginaire hébreu le creuset où prit forme le peuple élu. Isis fascina les Romains dieux et les hommes ») est de faire découvrir, et son culte dépassa largement les frontières de l’Égypte. La chrétienté aussi y sans s’attarder sur une approche cherchera ses racines les plus profondes. Mais, pendant des siècles, l'Europe n'a chronologique, les permanences d’une perçu cette mère nourricière qu'à travers le miroir déformant des anciens auteurs civilisation (un territoire, une société agraire, 2 grecs. L’égyptologie est une science récente, née en 1822 avec le déchiffrement de l’écriture hiéroglyphique par Champollion. Même dans des endroits très peuplés, très connus, dans le Delta, en Moyenne-Egypte, on sait que des sites existent mais qu’on n’a jamais fouillés (fouiller trois millénaires de civilisation pour une science qui n’a même pas deux siècles...). Exemple : on a fini de réunir la documentation complète sur Ramsès II dans le milieu des années 80. C’est relativement récent. Et les synthèses historiques que l’on peut faire maintenant sont, pour la préhistoire, totalement différentes de ce qu’elles étaient il y a 10 / 15 ans, tant nos connaissances ont changé. Il y a 30 ans, on avait une description de la préhistoire égyptienne qui était dans un modèle très conforme à une origine sémitique, mésopotamienne, etc. On a totalement revu les relations avec l’Afrique en particulier. On a également totalement revu la durée : c’est-à-dire qu’aujourd’hui on est capable, non pas de dire que l’histoire commence vers 3 200 avant notre ère, on la fait commencer presque un millénaire plus tôt. On peut la décrire, on connaît mieux les acteurs, on connaît mieux les intervenants. Tout ça parce que, grâce à la climatologie, grâce à beaucoup de données nouvelles, on peut mieux rendre compte du devenir de l’environnement, et donc aussi par les fouilles – des fouilles ont apporté des choses nouvelles – donc, on décrit beaucoup mieux et ça a beaucoup changé (cf. Aux origines de l'Egypte. Du Néolithique à l'émergence de l'Etat, Béatrix Midant-Reynes, Fayard, 2003). Les trous à combler concernent paradoxalement, les époques les mieux connues. Le premier millénaire, par exemple, est une époque pour laquelle on a une documentation tellement foisonnante que la description qu’on en fait est difficile à faire parce qu’il faut débroussailler toute cette documentation. De même, on connaît bien la religion, mais, par exemple, on ne connaît pas très bien la liturgie d’un grand temple comme celui de Karnak. Exemple : polémique autour de la « chambre de Kheops » fin 2004 entre ceux qui soutiennent la thèse architecturale de Gilles Dormion (dont Nicolas Grimal, chaire d’égyptologie du Collège de France depuis 1997) et ceux qui prennent leurs distances avec l'affaire (comme Jean Yoyotte, son prédécesseur) ; cf L'Histoire, 05/2005, n°298, Entretien. Les écritures : elles avaient pour première fonction de garder traces des échanges et du commerce : comptabiliser les biens, ou encore conserver des informations, et constituer les premières « archives » de l’Humanité. On ne peut parler véritablement d'écriture que lorsque celle-ci est organisée en un système cohérent de signes qui permettent aux hommes d'exprimer leurs pensées. Les premières tablettes découvertes dans le pays de Sumer, dites « tablettes d'Uruk » se présentent comme une sorte de liste comptable de sacs de grains et de têtes de bétail. L'écriture ne constituait donc au départ qu'une sorte d'aide-mémoire utile à l'homme. Un pictogramme différent représentait chaque objet, chaque personne, chaque animal. Puis sont apparus les signes cunéiformes et les hiéroglyphes en Egypte. Les signes commencent à former des sons et à tirer leur sens du contexte. L'écriture, par sa complexité, reste le privilège d'une élite. Mais c'est l'invention de l'alphabet par les Phéniciens vers 1 200 av. J.-C. qui révolutionne l'écriture : une trentaine de signes suffisent pour tout écrire. L'écriture peut se démocratiser. Les scribes conservent les premières connaissances administratives, mais aussi les récits de faits guerriers, de victoires, d’annales royales ou encore des poèmes, des textes religieux ou des rituels. L’invention de l’écriture permet de mieux comprendre une civilisation à la fois dans son organisation économique (documents de comptabilité), dans son organisation politique (décret, loi…) et dans son organisation culturelle (littérature profane et sacrée). Elle vient donc compléter et éclairer les découvertes archéologiques. L’égyptien hiéroglyphique est apparu vers 3100 av. JC. Les égyptologues distinguent traditionnellement dans l’écriture hiéroglyphique trois catégories de signes : les logogrammes, qui représentent un objet (pictogramme) ou un concept (idéogramme) ; les phonogrammes, qui correspondent à une consonne isolée ou à une série de consonnes ; les déterminatifs, signes « muets » qui indiquent le champ lexical auquel appartient le mot. Un hiéroglyphe peut exprimer un son, un mot, une action, une idée. Par exemple, le dessin d'une bouche peut aussi signifier le son r ou l'action de parler. Parmi les phonogrammes, 24 signes consonnes auraient pu constituer un alphabet mais les Égyptiens se souciaient peu de réduire le nombre de signes. Ils voulaient au contraire garder les signes représentant des êtres animés car ils croyaient à leur efficacité magique. Évoquer une personne permettait de la conduire à l'immortalité. Cependant ce système complexe était réservé à une élite restreinte. On estime que moins de 1 % de la population un pouvoir, des croyances) et de faire apprendre les mots qui disent la vie des hommes, leurs croyances, leur organisation politique et sociale. » L'étude de l'Egypte antique est aussi un prétexte à l'étude d'un État, puissant, organisé. Comment concilier l'apprentissage de l'analyse d'une civilisation aussi complexe en si peu de temps avec des élèves de 11 à 12 ans ? La compréhension qu'une civilisation s'appuie sur un espace et s'inscrit dans le temps est fondamentale. Certains éléments des croyances des Égyptiens sont, eux aussi, majeurs dans le cadre de l'étude de l'évolution spirituelle des sociétés de l'Antiquité : l'idée de jugement dernier, de vie après la mort par exemple. Enfin les monuments encore présents aujourd'hui attestent de l'extraordinaire vitalité de cette civilisation, leur étude pose les bases de l'analyse historique de l'architecture et amène les élèves à décrypter les symboles afin de donner du sens à leurs observations. Le fil conducteur suggéré par les documents patrimoniaux est le fait religieux qui fait l’unité de cette civilisation millénaire : le mythe d’Osiris, le temple, la pyramide. Il ne s’agit pas d’évacuer la dimension politique et sociale, mais, dans l’esprit du programme, de partir de ces documents pour découvrir la forte trame religieuse qui structure tous les aspects de cette civilisation de l’Égypte antique. Au contraire, le futur programme se centre sur les hiéroglyphes ; l’Egypte est vue comme une des « premières civilisations » et le programme lie premières écritures et premiers Etats pour faire saisir aux élèves comment l’humanité est entrée dans l’histoire en élaborant des organisations sociales différenciées et une meilleure communication. Le rôle du pharaon et celui de son administration peuvent y être présentés dans le cadre de la gestion de l’économie et de la société, selon des structures étatisées et centralisatrices. Toutes les productions, mêmes celles liées à l’architecture et à l’art, sont étroitement liées à des fonctions indispensables à l’État. Les aspects de la religion quotidienne et funéraire peuvent être abordés à travers un petit nombre de documents significatifs. Dans les nouveaux programmes (« premier contact avec une civilisation de l’Orient »), on n’étudie plus les 2e et 1er millénaires (d’où pb car parmi les sites et monuments, les temples de l’ancienne Thèbes datent du Moyen Empire pour Karnak et au Nouvel Empire au XVXIIIe s on trouve les temple de Louxor et d'Abou Simbel,le tribunal d’Osiris dans le Livre des Morts, Toutânkhamon et Ramsès II ; sans parler du temple d’Edfou du IIIe siècle av JC) : volonté d’en « finir avec l’Egypte » pour se recentrer sur les fondements anciens de la culture européenne ? 3 égyptienne était « alphabétisée ». Au départ, les hiéroglyphes (« gravures sacrées ») étalent inscrits sur la pierre. L'écriture évolua ensuite vers des formes plus cursives. Les signes, simplifiés et non figuratifs, permettent une copie à la fols plus rapide et mieux adaptée aux matières plus fragiles comme le papyrus. Ils sont inscrits à l'encre noire ou rouge. Cette forme d'écriture devient celle des textes administratifs, des transactions commerciales, des textes scientifiques et littéraires. Ce sont les signes représentant humains et animaux qui indiquent le sens de la lecture. Le mot papyrus est polysémique. C'est une plante (cypéracée), c'est un papier (papyros en grec) et c'est un manuscrit. L'invention du papier, support de l'écriture, est un moyen de transmission des traditions ou des décisions de l'État particulièrement efficace (mais cher). Archéologues et historiens fournissent aujourd'hui une vision rénovée des rapports entre la société de l'Egypte ancienne et le Nil. L'Egypte ancienne n'était pas une civilisation hydraulique. La crue annuelle qui recouvrait la plaine et surtout le delta du Nil n'eut pas l'importance qu'on lui a prêté naguère. La monarchie n'avait d'ailleurs pas un rôle très important dans le contrôle ou l'organisation de l'irrigation. La vallée du Nil est le lieu d'émergence de cette civilisation. On peut évidemment citer Hérodote présentant l'Egypte comme « un don du Nil ». Mais aujourd'hui on sait que sans le travail des hommes dans le cadre d'une société organisée, l'Egypte serait restée un marécage perdu dans le désert et la crue - cet aléa naturel - serait restée une catastrophe. Le rôle de l'État et de son représentant, le pharaon, assure la permanence d'une civilisation trimillénaire. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : I. L'Egypte émerge de deux civilisations préhistoriques de la vallée du Nil : la Haute et la Basse-Egypte. Le roi Narmer unifie ces deux territoires vers 3100 avant J.-C. Memphis devient la première capitale en même temps se met en place une solide administration. Une période de grande richesse s’ensuit. L'Ancien Empire couvre une période de cinq siècles (d'environ -2700 à -2200) et se compose de quatre dynasties (IIIe- VIe dynastie). Le pays enfin unifié, cohérent, sous l'emprise d'une administration forte réalise d'immenses ouvrages, que ce soit dans l'architecture ou la sculpture. Saqqarah et Gizeh abritent les cimetières de Memphis, la capitale (avant Thèbes). À cette époque de grande stabilité politique, sont construites les premières pyramides et tout d'abord la pyramide à degrés de Saqqarah, par Imhotep sous le règne du roi Djéser. Auguste Mariette avait toujours pensé que, à l'instar des pyramides de Gizeh, les pyramides étaient vierges de toute inscription. À l'inverse Gaston Maspero était convaincu de leur présence et, en 1881, il découvrit des textes dans la pyramide du roi Ounas (vers 2350) à Saqqarah qui lui donnèrent raison. Les Textes des pyramides sont les écrits religieux les plus anciens au monde. Ces textes sont gravés en colonnes sur les murs du corridor, de l'antichambre, du passage allant de cette dernière à la chambre funéraire de la pyramide. Les trois pyramides monumentales du plateau de Gizeh (celles de Khéops, Khéphren et Mykérinos). La construction de la grande pyramide de Gizeh prit vingt années, nécessitant 20 000 ouvriers. De récentes découvertes y ont révélé une ville des artisans et ouvriers. Il apparaît que ceux-ci étaient bien nourris, soignés. À ces artisans et ouvriers spécialisés venaient se joindre une main-d'œuvre venue des villages de toute l'Égypte, sans doute de façon non permanente (paysans durant les crues du Nil), et les villages contribuaient également à ce grand projet religieux en envoyant des vivres. C'est sous le règne fastueux de Khéops (ou Khoufou) vers 2500 que les mastabas se développent de manière significative autour du complexe funéraire royal, ce qui montrerait que la constitution de l'Etat est achevée et touche presque déjà à son apogée. Le privilège de pouvoir se faire inhumer aux côtés de son maître représenta alors la meilleure manière d'afficher sa réussite. L'origine du tombeau pyramidal remonte au tertre de sable qui recouvrait la sépulture. Ce tertre est sûrement une évocation de la colline primordiale qui émergea lors de la naissance de la terre. Le mastaba qui entoure le tertre est la maison du mort. Pour les rois, la symbolique de la pyramide émane aussi d'une conception nouvelle liée au culte solaire dont le centre est à Héliopolis. Le roi est aussi un dieu et donc une fois mort, il vit avec les dieux, il se confond même avec le dieu-soleil. Il fallait donc évoquer cette ascension. On peut penser que la pyramide de Djeser représente des escaliers vers le ciel. Imhotep, l'architecte de cette pyramide, est un prêtre d'Héliopolis. La pyramide à degrés marque une évolution majeure : elle permet aussi une distinction nouvelle entre les tombes des rois et celles des autres Activités, consignes et productions des élèves : Raconter le mythe d’Osiris est plus important qu’énumérer les dieux de l’Egypte. Le scribe accroupi (IVe ou Ve dynastie, 26002350 avant JC, musée du Louvre) : cf Analyse multimedia sur le site du Louvre. Il fut découvert à Saqqarah en 1850 par Auguste Mariette alors engagé par le musée du Louvre. Il représente probablement un très haut dignitaire sans doute de l’époque des grandes pyramides. La statue était placée dans la chapelle funéraire d’une tombe et recevait les offrandes pour le défunt, en particulier les aliments dont se nourrissait le mort. Sa posture est un peu hiératique, son attitude est raide. Les détails sont très développés au niveau du visage ; mais il n’est pas idéalisé, vu son surpoids ce qui est assez rare à cette époque. Il s'agit d'un véritable portrait, plein de finesse. Son seul vêtement, le pagne, sert de support au rouleau de papyrus, en partie déroulé, qu’il tient de la main gauche. De la main droite, il serrait un instrument d’écriture, sans doute un roseau. Sur un papyrus, les hiéroglyphes sont écrits de droite à gauche. Les signes sont en lignes ou en colonnes. Au fur et à mesure que l’on écrit, on déroule une zone vierge à gauche. Les yeux rendent les caractéristiques anatomiques réelles de l’œil humain, grâce à un procédé technique d’une ingéniosité exceptionnelle découvert par l’accélérateur de particules AGLAE en 1996 : yeux composés d’un bloc de magnésite blanche veinée de rouge, dans lequel est enchâssé un disque de cristal de roche dont la partie avant est soigneusement polie et la face postérieure est dépolie et couverte d’une couche de matière organique, donnant à l’iris sa couleur et servant probablement d’adhésif. Une perforation de quelques millimètres de profondeur et légèrement décentrée est pratiquée dans la face postérieure du disque : 4 dignitaires de l'État qui, eux, conservent le mastaba. On pense que la pyramide pure, aux faces lisses, représente des rayons du soleil descendant vers la terre. Le roi mort pouvait ainsi monter et descendre entre ciel et terre. L'étude des pyramides permet une étude à la fois architecturale et « idéologique ». L'administration est omniprésente dans l'Egypte pharaonique. Elle contrôle les activités des sujets, règle la vie du palais, organise l'économie. Elle est au service exclusif du pharaon. Cette administration est divisée en services très hiérarchisés qui quadrillent tout le pays : de l'attribution des champs à la construction des monuments, de la guerre à la justice. Au sommet se trouve la Résidence royale qui est représentée dans chaque région administrative (nomes). C'est une véritable bureaucratie, lourde et complexe, qui régit le pays et ses habitants. A sa tête se trouve un tjaty (appelé aussi vizir) auquel le pharaon délègue le pouvoir d'administrer le pays. L'invention de cette administration fut un facteur essentiel qui explique que l'Egypte a connu une civilisation évoluée et prospère. Une période de troubles met fin à l'Ancien Empire, le pouvoir central disparaît. Vers 2000 avant J.-C, les princes de Thèbes réunifient le pays, cette ville ainsi que son dieu Amon sont au centre de cette reconstruction étatique (Moyen Empire). Les croyances des Égyptiens sont le résultat de plusieurs couches de croyances qui, à l'origine, n'avaient pas de lien commun. On assiste donc à une superposition de mythes régionaux qui vont constituer une doctrine hybride. Les historiens sont, en fait, obligés de décrypter leur progressive complexification. La religion égyptienne est polythéiste et s'appuie sur le culte des dieux. Les dieux sont désignés par un nom, ils ont des apparences humaines et animales et disposent d'un domaine d'action propre. Ce qui explique pourquoi la religion pénètre chacune des activités humaines. Hérodote n'affirme-t-il pas que les Égyptiens sont les plus religieux des hommes. Le culte des morts est fondamental. Les pyramides en sont un exemple exceptionnel. Les pratiques de l'embaumement, les funérailles spectaculaires, les « pique-niques » que les vivants vont faire chez les morts sont des aspects majeurs de cette religion. Beaucoup d'aspects de la vie spirituelle de la masse égyptienne (religion intime) ne sont encore que très imparfaitement connus. Les prêtres de l'Egypte pharaonique sont des serviteurs du dieu et non des guides spirituels. Ils ne prêchent pas, ne cherchent pas à endoctriner. Il s'agit d'un personnel en fonction dans un sanctuaire. Le dieu est représenté par sa statue et les prêtres doivent entretenir cette statue, la protéger de toute atteinte extérieure. Le mythe d'Osiris est très célèbre car il est emblématique des croyances des Égyptiens. Ce mythe est sans doute l'une des bases de la notion de résurrection qui influencera de nombreuses religions plus tard. Il met en place l'idée de jugement après la mort, son râle social en devient évident car les hommes doivent, de leur vivant, rechercher leur salut. Par ailleurs, ce mythe justifie l'existence et le caractère divin du pharaon. Ainsi Osiris, d'abord pharaon aimé de son peuple, a une double image : l'une, très humaine, montrant un être bienfaisant qui triomphe de l'épreuve de la mort, l'autre qui remonte beaucoup plus loin et qui incarne le renouvellement annuel de la nature. Aucun récit égyptien ne nous raconte le mythe en entier. Maïs il existe suffisamment d'éléments épars qui permettent de valider les textes grecs qui seuls sont complets, comme celui de Plutarque. La prière négative (ne pas tuer, ne pas voler, ne pas gaspiller l'eau…) est particulièrement intéressante car elle indique bien le minimum de règles sociales que doit suivre un Égyptien et permet de faire le lien avec les dix commandements des Hébreux. L'Egypte antique est la seule civilisation à avoir pratiqué la momification à grande échelle. La momification est un acte religieux, première étape vers l'éternité. Pour les Égyptiens, la mort sépare le « ba » (l'âme) du « ka » (l'énergie vitale). Pour permettre au mort d'avoir une nouvelle vie, le corps doit les rassembler, d'où la nécessité de la momification. II. Le mythe et l’égyptologie : Avant l'expédition napoléonienne, personne n’avait encore entrepris des recherches. On savait que la civilisation pharaonique existait : on la voyait et on ne la comprenait pas parce qu’on ne savait pas lire les textes. Ça a amené une vision totalement différente, c’est-à-dire : à partir de l’Edit de Théodose, donc au moment où le christianisme devient la religion d’Etat à Rome, Rome – qui domine l’Egypte, qui en est le maître – décide de fermer les temples païens : il n’y a plus que la chrétienté. Cela se passe dans un bain de sang épouvantable. Or, les temples étaient en même temps les universités, c’étaient les conservatoires du elle note la pupille ; c’est ce décentrement qui confère au regard une apparente mobilité. Chaque œil est maintenu entre deux larges griffes de cuivre ; leur rebord aplati cerne le contour de l’œil (voir video D'Art D'Art !). La satire des métiers est un texte qui date vraisemblablement du début du Moyen Empire (vers 2000 av. JC) et qui est connu, surtout, par de multiples copies datant de la XIXe dynastie (vers 1300-1200). Sous la forme classique de l'enseignement d'un père à son fils ce texte est, en réalité, une satire des métiers autres que celui scribe, et une apologie de cette profession. Il présente une véritable caricature des difficultés que rencontraient les travailleurs manuels de l' Egypte ancienne, difficultés présentées avec humour et sensibilité ; en opposition, l'importance et la richesse du scribe son magnifiées. On y apprend que le fellah travaille une terre qui ne lui appartient pas le plus souvent et fait vivre une société qui, en retour, lui permet tout juste de subsister. Le scribe, représentant de l'État, vient collecter la taxe sur la moisson avec des gardes armés de gourdins. On aborde par ailleurs les calamités naturelles (vers, hippopotames, souris, sauterelles, moineaux) ou sociales (voleurs) dont peut être victime le paysan. Ce tableau pessimiste doit être nuancé car les scribes méprisent les paysans et veulent que leurs élèves n'abandonnent pas leurs études pour la vie rurale. Un temple égyptien ne peut être comparé à une église ou à une mosquée. Les fidèles ne peuvent y pénétrer. C'est un espace sacré et secret qui abrite les relations entre le roi et les dieux. C'est dans le temple que réside le dieu, tous les rituels (en particulier celui de l'ouverture de la bouche) doivent être protégés de présences impures. C'est pourquoi le temple ressemble à une forteresse. Les murs épais, en pierre, les successions de pièces de plus en plus petites et sombres sont les conditions requises pour la manipulation du divin. Les temples sont de véritables exploitations agricoles employant du personnel. Ils produisent tout ce qui est nécessaire au culte du dieu. Des artisans sont directement rattachés aux temples. Tout ceci est régi par une administration hiérarchisée. En fonction de l'importance du temple il y a entre quarante et plusieurs centaines de prêtres. Au sommet de ce clergé se trouve « les serviteurs du dieu » ou « prophètes », les seuls à pouvoir, comme le pharaon, rendre le culte au dieu. 5 savoir. Du jour où on a fermé les temples, on n’a plus su lire les hiéroglyphes, on n’a plus connu la langue et l’écriture. Donc, un grand voile de silence s’est abattu. En plus, la chrétienté n’a pas été très tolérante, elle a détruit les images, etc., et un grand voile de sable a tout recouvert. Mais le souvenir est resté de cette civilisation millénaire, magique, merveilleuse qu’on ne comprenait plus ; et toute une interprétation s’est faite, en Europe en particulier. Rome a commencé à déménager les grands monuments, les obélisques : l’obélisque de Saint-Jean-deLatran, par exemple, il y a le grand obélisque unique de Karnak. Donc, les empereurs, puis les grands rois jusqu’à la Renaissance, ont déplacé les monuments, ont construit à l’égyptienne : les jardins de la Renaissance sont peuplés de sphinx, de faux obélisques… toute cette tradition qui a débouché sur l’ésotérisme (et les rituels maçonniques) – qui culmine avec Mozart, « La flûte enchantée » – avec toute cette tradition de la sagesse immémoriale de l’Egypte magique, etc. qu’on ne comprend pas très bien, sa symbolique. C’est sur ce terreau-là, sur cette égyptomanie-là que tout d’un coup Champollion lève le voile et comprend les textes. Champollion (1790-1832), né à Figeac dans le Lot. A son entrée au lycée de Grenoble, en 1804, il s'intéresse déjà aux hiéroglyphes. Son frère, qui a participé à l'expédition d'Egypte, lui met entre les mains une copie du texte de la pierre de Rosette (pierre de Rachid, prise par les Anglais). Il se lance dans l'étude des langues orientales à Paris. Grâce à l'obélisque découvert à Philae en 1821, il découvre que cette écriture est à la fois phonétique et idéographique. Il déchiffre la pierre de Rosette (découverte en 1799 par un officier de l'armée d'Egypte près d'Alexandrie, décret du roi Ptolémée V du IIe siècle av. J.-C. écrit en hiéroglyphes, démotique et grec) et annonce sa découverte. En lisant le grec, Champollion s’est aperçu que les noms des rois, Ptolémée, étaient faciles à distinguer dans l’inscription hiéroglyphique parce qu’ils étaient dans des grands cartouches, c’est-à-dire dans des grands cercles. Il s’est dit que comme c’étaient des étrangers, on devait noter en hiéroglyphe leurs noms avec des signes qui représentaient les lettres. Alors il s’est dit : « Ptolémée ? Ptolémée, je sais le lire en grec, comment est-ce que je vais le lire ? » et il s’est aperçu que face au Pi grec, il y avait un signe qui était effectivement un P, qui se lisait un P, un T, un L, etc. Ayant découvert ça, il a commencé à jouer avec les inscriptions et il a trouvé la clef, criant, dit la légende, « Ça y est, je tiens l’affaire ! ». De 1828 à 1830, il part enfin pour l'Egypte. Il publie à son retour les quatre volumes des Monuments de l'Egypte et de la Nubie. Il meurt en 1832, laissant inachevés une grammaire et un dictionnaire. La description de l’Egypte est parue plus de 20 ans après l'expédition napoléonienne: 20 volumes de textes, de très nombreux volumes de planches. L’Etat français du 19e siècle décide d’investir. Au 19e siècle, Champollion se voit attribuer une reconnaissance extraordinaire puisque l’on créé pour lui au futur Collège de France (Collège royal) une chaire pour cette science nouvelle. Cette reconnaissance très officielle, très institutionnelle est suivie par les pouvoirs publics, et surtout par le Second Empire, pour des raisons aussi politiques – la mémoire du grand précurseur, la mémoire napoléonienne – donc on poursuit les oeuvres napoléoniennes, aussi parce que la France et l’Egypte sont très proches à cette époque-là. C’est l’époque de Mehemet Ali, c’est l’époque de l’industrialisation, de l’européanisation, le Canal de Suez, etc. A la mort de Champollion, il va falloir une petite vingtaine d’années pour que l’égyptologie s’installe avec un autre personnage extraordinaire qui est Auguste Mariette, qui est un peu le contraire de Champollion. C’est un homme d’action, de terrain. Il est envoyé par le Cabinet royal pour acheter des manuscrits coptes en Egypte et il découvre l’archéologie, il découvre Saqqarah, il commence des fouilles, il découvre le Sérapeum. Il va fonder, avec l’aide du Khédive, le Service d’Antiquités de l’Egypte. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 6 HA – Les Hébreux Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Une histoire qui se construit. On identifiera des débats historiographiques sur l’histoire biblique et on fera enfin comprendre que les spécialistes (religieux, historiens, archéologues, exégètes...) ne sont pas d’accord sur tout, que l’archéologie ne peut pas tout expliquer. Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Sources et muséographie : Dans le BO : « L’étude des Hébreux est abordée à partir de la Bible, document historique majeur et livre fondateur de la première religion monothéiste de l’Antiquité, et des sources archéologiques ». La Bible est un recueil de traditions orales mises par écrit, de textes et de livres de nature fort diverse, rédigés et rassemblés au long d’une histoire millénaire. Ouvrages généraux : Israël Finkelstein est un archéologue israëlien, directeur de l'Institut d'Archéologie de l'Université de Tel-Aviv et co-responsable des fouilles de Megiddo (25 strates archéologiques, 7000 ans d'histoire). Finkelstein Israël et Silberman Neil Asher, La Bible dévoilée, Les révélations de l’archéologie, 2001 pour l'ed. originale, éditions Bayard (2002), Gallimard, coll. « Folio », 2004. Décapant et passionnant. Cf documentaire, « La Bible dévoilée », adapté du livre, en 2005 en 4 parties : Les Patriarches, L’Exode, Les Rois et Le Livre. Voir aussi Les rois sacrés de la Bible. À la recherche de David et Salomon, Bayard, 2006 (original 2001). Les autres auteurs sont soit des théologiens et biblistes (Pierre Gibert, André Paul, Pierre Bordreuil de l'Institut d'études sémitiques du Collège de France, Alberto Soggin), soit des professeurs d'histoire grecque (Marie-Françoise Baslez) soit des égyptologues (Richard Lebeau), soit des épigraphistes (André Lemaire). Bordreuil Pierre et Briquel-Chatonnet Françoise, le Temps de la Bible, Fayard, 2000 (Folio Histoire 2003). Se lit comme une enquête policière. Lebeau R., Atlas des Hébreux, Autrement, 2003. Indispensable pour mieux comprendre la « géographie de la Bible » Baslez Marie-Françoise, Bible et Histoire, Folio Histoire, 1998 (2003). Un classique incontournable. GIBERT Pierre, La Bible. Le Livre, les livres, Paris, Découvertes Gallimard, 2000. PAUL André, La Bible, histoire, textes et interprétations, Paris, Nathan, 1995. SOGGIN A., Histoire d'Israël et de Juda, Bruxelles, Editions Lessius, 2004. Documentation Photographique et diapos : « Histoire du judaïsme », Sonia Fellous, n°8065 sept-oct 2008 ; une analyse les évolutions du judaïsme dans le temps et l’espace « Les Hébreux », André Lemaire, n° 7033, février 1996. Revues : Vérité et légendes : La Bible / Collectif, in LES COLLECTIONS DE L'HISTOIRE, Hors-Série N° 13, Octobre 2001 BOULADE Gabriel, KOHLER Jeanine, MONSARRAT Violaine, Pour lire les textes bibliques, CRDP de Créteil, coll. «Argos Démarches », 2002. Carte murale : le Croissant fertile Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : savoirs, concepts, problématique) : Il s’agit de présenter la première religion L'histoire des Hébreux est essentiellement connue par la Bible. Ce livre monothéiste de l’Antiquité. Comme le soulignent exceptionnel est le résultat d'une tradition littéraire couvrant plus d'un les documents d’accompagnement des millénaire sur un espace allant de la Mésopotamie à l'Egypte. La Bible est programmes, c’est le fait religieux qui est ici une compilation d'oraux, mis par écrits, d'écrits (dès le début) transformés central, étudié à travers une démarche d’historien, une multitude de fois et dont la dernière mouture est considérée comme respectueuse de la laïcité et des convictions définitive. Au lieu de « Bible », préférer le terme « corpus biblique ». Il est diverses des élèves. Les Hébreux inventent le nécessaire de confronter ce texte avec les données de la recherche historique. monothéisme et un rapport nouveau avec le divin. C'est à la lumière des connaissances apportées par l'étude faite sur le terrain Le contrat ancien que les peuples polythéistes par les archéologues et les historiens que la lecture de la Bible peut être passaient avec leurs dieux, chacun ayant un rôle renouvelée. Ainsi on peut mieux comprendre la vie matérielle et spirituelle déterminé, s'efface. Le divin devient encore plus des peuples de cette région dans leur contexte historique et géographique. Les abstrait et en même temps universel. Les hommes Hébreux étalent des nomades parmi d'autres nomades ou semi-nomades. doivent une soumission totale à un Dieu unique qui Pourtant ce petit peuple va changer la face du monde en adoptant le devient l'essence de toute chose. On voit donc que monothéisme. La Bible raconte ce cheminement et cette exigence nouvelle la Bible est aussi une rupture culturelle dans qu'est la soumission à un seul Dieu. Les recherches récentes montrent aussi l'histoire des hommes. que la Bible est un ensemble de textes compilés dans un but politique et Les élèves doivent comprendre que l'histoire ne culturel : affirmer l'existence d'un « peuple élu » et l'existence d'une nation. peut se contenter de récits légendaires mais qu'auLes caractères essentiels de la religion des Hébreux sont à souligner : le lien delà du scepticisme scientifique, il faut prendre en entre l’histoire concrète d’un peuple et la transcendance se manifeste dans compte l'apport culturel majeur de la Bible. Cela l’épisode de la sortie d’Égypte ; le Décalogue, en relation avec le permet de montrer aux élèves les interrogations des monothéisme, place au centre de la loi l’appel à la conscience morale, historiens, qu'il faut bien différencier des constitutif de la religion ; plus tard le prophétisme, dans un autre style, fait certitudes, très respectables, des croyants. À l'issue écho à cet appel. de l’étude de la religion juive, les élèves, quelle 7 On a longtemps considéré le Proche-Orient ancien comme le "monde de la Bible". Aujourd'hui, on adopte plutôt la démarche inverse, celle de relire le texte sacré à la lumière des connaissances apportées par l'étude de l'ensemble de la région, une région alors dominée par deux grandes puissances, l'Égypte et la Mésopotamie, et au sein de laquelle Canaan n'est qu'une terre parmi d'autres. C’est ainsi que les interprétations sur l’histoire des Hébreux mettent en avant les enjeux de la question de l’histoire biblique ; les écoles archéologiques et historiques ont des supposés idéologiques et méthodologiques dont il faut tenir compte avant de les prendre au pied de la lettre. Ainsi, aux 19ème et 20ème siècles, l’école archéologique allemande prit le parti de suivre le texte biblique à la lettre et tente de découvrir le véritable itinéraire de Moïse, explique la traversée de la mer Rouge par des phénomènes naturels, etc. De nos jours, des chercheurs de l’Institut archéologique de l’université de Tel Aviv dont le représentant le plus illustre est le professeur Israel Finkelstein qui associé au journaliste Neil Asher Silberman, a écrit «La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de l’archéologie», publié en 2001 se basent sur les découvertes archéologiques pour réfuter l’historicité des récits relatés dans la Bible qu’ils datent alors de la constitution de l’état de Juda au 7ème siècle avant notre ère : ainsi, les récits bibliques auraient-ils pour fonction de créer un sentiment national dans le cadre d’un mouvement religieux centré sur le culte de Yahvé à Jérusalem. Dans les deux cas, il y a une volonté que l’on peut qualifier d’idéologique : pour la première école, c’est affirmer que la Bible dit vrai alors que pour la deuxième c’est dire que la Bible dit faux. Si dans un premier cas, la lecture naïve des textes bibliques aboutit à une distorsion évidente entre textes bibliques et archéologie, dans le deuxième cas, il en est de même. Les preuves archéologiques avancées par les auteurs de «la Bible dévoilée» comme irréfutables sont ainsi contestées par d’autres spécialistes : il ne s’agit pas ici de les référencer dans le détail mais on pourra se reporter aux travaux de Vincent Michel, Darrell Lance, Thomas Lévy ou Mohammad Najjar (pour ces deux derniers, la datation du royaume d’Edom serait antérieure au 11ème siècle ce que réfute Finkelstein, chacun avançant des preuves archéologiques en soutien de leur thèse). Ecoles archéologiques et historiques peuvent être contextualisées pour en décrypter un tant soit peu le sens de leur recherche. Plusieurs écoles s'affrontent : - Les fondamentalistes : tout ce qui est narré dans la Bible est exact. - Les conservateurs : un peu plus critiques, tout en reconnaissant un grand fond de vérité dans l'histoire biblique. Attention au fait politique : le sionisme cherche une légitimité historique (ex. : pour la possession de Jérusalem) dans l'histoire biblique. - Les minimalistes (depuis 20 ans) : pour eux, la Bible raconte une histoire fictive. Il n'y a pas d'identité ethnique ancienne (les Hébreux n'existent pas en tant que tels). Ce serait un mythe national créé au Vème siècle av. J.-C. par les élites revenant d'exil et par un ou des auteurs inconnus. Nouvelle méthode qui privilégie les découvertes archéologiques et les sources primaires (Babylone, Egypte...) aux textes bibliques. La majorité des chercheurs sont aujourd’hui sur une position médiane, celle d’un dialogue entre la Bible, l’archéologie et les autres sciences de l’histoire pour restituer ce que fut l’antique Israël : l’étude philologique et textuelle de la Bible, l’archéologie, l’épigraphie, l’ethnographie, la linguistique… Une partie des conclusions fait à l’heure actuelle l’unanimité dans le monde scientifique. D’autres points font débat, de manière plus ou moins acharnée dans le contexte géopolitique tendu où se trouve la région. Concernant le rapport entre la Bible et l'histoire, on distingue trois âges de la recherche. Le premier se fonde sur l’approche archéologique : vérifier la Bible. À partir XIXème siècle, c’est le développement de l’archéologie biblique et des études sémitiques. Vers 1850, on assiste à la première remise en cause de l'idée du Déluge par Boucher de Perthes, ce qui fonde la préhistoire. La Bible n'est plus regardée comme une source primaire et cela marque le début de l'archéologie biblique. Mais les recherches archéologiques n’ont pas donné grand-chose. Sur Abraham : rien (Finkelstein rejette le personnage historique, cf l'exemple des chameaux). Sur l’exode de Moïse : pas de textes, ni de mosaïques. En réalité, les preuves archéologiques que soit leur croyance propre, doivent percevoir que le judaïsme est fondateur du monothéisme et de certaines pratiques communes à d'autres monothéismes. Cette religion puise elle-même sa dimension spirituelle dans les croyances ou légendes des peuples du Croissant fertile. Ceci montre l'impact culturel de la Bible sur l’histoire des hommes. Insister sur la dimension historique de la religion juive ; glissement dans les futurs programmes qui ne parlent plus du « peuple de la Bible » mais des débuts du judaïsme, à traiter avec les débuts du christianisme et après Rome. Glissement aussi dans les repères : on passe du « temps de la Bible (2e – 1er millénaire av. J.-C.) » au « VIIIe siècle av. J.-C. début de l'écriture de la Bible » puis à « 70 Destruction du second Temple ». L’émergence du judaïsme est à situer dans son contexte historique : les principaux éléments de croyance et les textes fondateurs sont mis en perspective avec le cadre politique et culturel qui fut celui de leur élaboration. Cette leçon est relativement difficile car elle s'appuie sur beaucoup de documents et d'événements. Elle peut être considérée comme réussie si l'on a pu montrer l'évolution spirituelle d'un peuple. Évolution singulière mais aussi largement influencée par les conditions politiques et religieuses de cette région. Les élèves doivent faire la part entre légende et histoire. Les documents d’accompagnement précisent : « il est indispensable de présenter un certain nombre d’épisodes et de personnages (Abraham, Moïse et David par exemple) dont la valeur patrimoniale dans la culture occidentale est évidente ». BO futur programme : « Menacés dans leur existence par de puissants empires aux VIIIe et VIe siècles av. J.-C., les Hébreux du royaume de Juda mettent par écrit leurs traditions (premiers livres de la Bible). L’étude commence par la contextualisation de l’écriture de la Bible, (l’impérialisme des empires mésopotamiens, le roi Josias, l’exil à Babylone). Quelques uns des grands récits de la Bible sont étudiés comme fondements du judaïsme (extraits de la Bible au choix : le récit de la création, Abraham et sa descendance, Moïse, le royaume unifié de David et Salomon… La destruction du second Temple par les Romains (70) précipite la diaspora et entraîne l’organisation du judaïsme rabbinique. L’étude débouche sur une carte de la diaspora. » Quelques problématiques pour la leçon sur les Hébreux ? Les leçons précédentes ont porté sur la justification idéologique d’une organisation sociale et économique. Il s’agit avec la leçon sur les Hébreux de voir comment une société crée un outil culturel, la Bible, et un dogme, l’hénothéisme puis le monothéisme, qui sont utiles pour cette société à ce moment-là. Ceci passe forcément par un tableau de cette société au moment où est rédigé (ou compilé) ce livre, et à partir de quels matériaux ce livre est créé. 8 sont contraires au récit de l’exode car la Bible raconte que cet exode permet au peuple de Moïse de fuir la soumission à l’Egypte pour la Palestine mais, historiquement, à l’époque présupposée de l’exode, la Palestine était sous contrôle égyptien donc l’exode n’a plus aucun sens (donc, il y a eu un détournement des documents). La stèle du pharaon Merneptah en Egypte (1233) présente Israël comme un peuple localisé en Palestine, soumis et occupé par les Egyptiens. Finkelstein et Silberman présupposent que l’Exode fait référence à un réel déplacement et exode des Hébreux, mais pas forcément d’Égypte. Ils abordent alors l’histoire des royaumes d’Israël au nord (10 tribus) et de Juda au sud (tenu par les davidiens avec juste deux tribus) confrontés à deux puissances locales, l’Égypte et l’Assyrie, et évoquent ensuite la notion d’État, et la volonté d’un roi, Josias, d’utiliser l’épisode de l’exode comme message d’espoir politique, et l’alliance entre Yahvé et Moïse comme élément d’unification des Hébreux. A l’époque où la Bible est écrite, profitant de l’affaiblissement des Assyriens, l’Égypte reprend une politique impérialiste. Le roi Josias, sera d’ailleurs tué par les Égyptiens. Il était idéologiquement utile de descendre de gens qui avaient été des héros face aux pharaons. Puis lors du retour de l’exil, ces histoires et la promesse divine qui les accompagnent trouvent un écho très fort pour ceux qui revenaient de Mésopotamie. Dans la Bible, les épisodes du passé mythique répondent aux épisodes contemporains. L’Exode nous raconte aussi le retour de Babylone après quarante-neuf ans d’exil. La figure de Joseph, patriarche en exil et serviteur de Pharaon, est en revanche le prototype du juif de diaspora. Sur les conquêtes à Canaan : rien (pas de traces d’incendies...). Sur la Jérusalem de David : rien mais les archéologues ont trouvé le temple d’Hérode et des traces de la Jérusalem romaine. Réalité supposée : il y a eu sûrement un peuple hébreu mais pas suffisamment nombreux pour laisser une trace historique (pas d’origine « spectaculaire »). Les années 1970 ont vu un tournant dans l’archéologie « biblique » . Tout d’abord après 1967, les archéologues israéliens ont eu accès à la Cisjordanie, c’est-à-dire les hautes terres, celles des premiers Israélites où, de manière systématique, ont été menées des prospections de surface ou des fouilles. L’occupation du Sinaï a aussi permis de nombreuses fouilles. D’autre part, on y a désormais appliqué les méthodes de l’anthropologie pour chercher la réalité humaine et non illustrer la Bible. Celle-ci a été analysée comme un artefact au même titre que tous les objets sortis des fouilles. Notons que l’archéologie peut encore changer notre vision des choses car au départ, on recherchait les vestiges archéologiques de ce que racontait la Bible, maintenant, on est dans une autre optique. Le second moment concerne l’entrée d’Israël dans l’histoire : l’historicité des livres bibliques. Il y a un débat actuel sur la datation des livres fondateurs (Pentateuque). Il faut partir des textes pour les rétablir dans un contexte historique mais là aussi une certaine déception… Le Pentateuque montre une unité littéraire ce qui suppose un travail d’unification, de lissage, soit un travail de réécriture ou un travail d’écriture à partir de bribes de la Bible. Estce que les Hébreux du XIIIème siècle ont produit des sources historiques ? Par contre, on peut dire que les Hébreux rentrent dans l’histoire au IX-VIIIè siècle avant JC avec des preuves historiques (sans oublier qu’en histoire les choses peuvent changer) : au IXe s, la stèle de Tel Dan du roi araméen Hazaël, mise à jour en 1993, parle de la dynastie davidique (maison de David) donc David est pour la première fois considéré comme le roi fondateur d’Israël. Aux IX et VIIIe s les ostraca montrent que l’écriture est répandue à cette époque mais pas avant donc il existe un décalage chronologique important entre les faits évoqués et le texte. Cela tendrait à confirmer que les livres prophétiques seraient anciens. C’est à partir du VIe s (période perse, hellénistique et romaine) que l’on peut parler de la Bible en tant que source historique. Donc, il n’existe pas de chronologie à faire sur l’histoire des Hébreux car on ne sait pas. La troisième approche est historiographique : la construction de l’identité d’un peuple et d’une tradition religieuse. La Bible est la construction de l’identité d’un peuple et de sa religion. A travers cela, il faut en faire une lecture symbolique. Exemple : représenter le temple de Salomon alors qu’on ne connaît rien dessus pose problème. Il n’existe qu’un récit et aucun vestige archéologique. Ce récit représente une recherche identitaire symbolique dans le sens : que doit être le temple de Salomon pour Israël ? La Bible est une La Bible a été rédigée et compilée d’abord à la fin du VIIe siècle pour servir les desseins politiques et religieux de la monarchie puis pour souder une communauté qui avait perdu son indépendance politique. Les textes qu’on y trouve sont une justification a posteriori avec des résonances fortes pour ceux qui les rédigent. Il est intéressant aussi de voir comment ce peuple se construit une identité face aux autres en affirmant qu’il n’y a qu’un seul Dieu : cela se passe après l’exil, lorsqu’il rencontre une civilisation qui se veut intégratrice, l’hellénisme. Il y a alors à la fois rejet nationaliste et intégration malgré tout des valeurs de l’hellénisme. C’est pourquoi j’étudie avec les élèves un extrait du texte des Maccabées, avec pour but de leur faire sentir les subtilités d’un discours contradictoire, et que j’évoque ensuite la création du judaïsme rabbinique après 70. Dans cette perspective, les périodes étudiées ne sont plus du tout les mêmes que dans l’approche classique – mais fausse historiquement — de l’histoire de ce peuple : les manuels s’attardent sur les périodes entre les patriarches et la fin de la monarchie unifiée, il s’agit pour nous d’étudier le royaume de Juda, sa chute, l’exil, le second Temple et la Diaspora. Dans les manuels, la Bible est la source d’un récit mythique lu comme un récit historique ; dans cette nouvelle approche, la Bible devient le centre de l’étude, y compris les conditions historiques de sa rédaction. Cette approche permet de pleinement respecter la lettre et l’esprit du programme de 6e, l’approche « patrimoniale », ici la Bible. Le temple de Salomon pose un problème historique car seule la Bible en parle et aucune pierre n'a été dégagée prouvant son existence. Le Livre des Rois donne une description détaillée. Le nom de Jérusalem vient de « fondation du dieu Shalim ». C'est sans doute sous le règne de David que le culte de Yahvé fut introduit et finit par s'y substituer. Ce temple est symboliquement très important car il participe de la construction du monothéisme des Hébreux. En effet pour eux, leur religion passe par l'adoration d'un Dieu unique en un lieu unique. Le temple était donc un centre cultuel dans la ville de Jérusalem mais aussi le centre national hébreu. C'est dans le temple que se trouvait l'Arche d'Alliance contenant le Décalogue. Ce temple aurait été complètement détruit par Nabuchodonosor en 587 avant JC. La reconstruction du temple a lieu sous Hérode vers 20 avant J.-C., mais il est détruit par les Romains en 70 par les légionnaires de Titus. Le Mur des Lamentations (le plus important des lieux saints juifs) est en fait un soubassement d'un mur du temple d'Hérode. La fresque du tombeau égyptien de Béni Hassan (vers 1800 av JC) est mise en avant par plusieurs manuels, avec un commentaire qui commence par affirmer qu’il s’agit d’un peuple sémite qui arrive en Égypte, puis qu’il s’agit sans doute des Hébreux, avant de conclure malgré tout « qui sont 9 construction théologique et symbolique. Pour cela, la Bible doit être travaillée comme la mémoire d’un peuple. La Bible construit une identité collective mais avec une mémoire fragmentaire car ce n’est pas une histoire unie au niveau géographique et chronologique. Elle est construite sur l’intertextualité (car elle fait référence à des textes plus anciens) d’où la sélection des textes afin de construire une tradition. L’identité collective se bâtit sur des signes identitaires qui s’élaborent progressivement (comme le sabbat, la circoncision ou les interdits alimentaires). Au final, i1 y a beaucoup d'incertitudes concernant Abraham. Les historiens ne sont pas d'accord : certains le font vivre vers 2200 ou vers 1850 avant JC., d'autres au VIe siècle avant JC. Abraham serait soit d'origine amorrite, tribu nomade pauvre cherchant des oasis dans le Croissant fertile, soit d'origine (h)abirou (hebreu ?), autre peuple migrant (le premier document historique mentionnant les Hébreux date du XIVe s ; ce sont des lettres des rois des cités cananéenne). Le nom Abraham signifierait « ceux qui traversent et parcourent ». Au départ, Abraham et le clan dont il est le patriarche, seraient monolâtres ; ils admettent donc l'existence d'autres dieux, même s'ils n'en vénèrent qu'un seul. L'origine de Moïse pose, elle aussi, un problème. On sait que des tribus sémites se sont installées en Egypte, souvent dans le delta du Nil. Les Hébreux faisaient sans doute partie des ouvriers de différents chantiers pharaoniques (comme la construction de Pi-Ramsès). Les textes qui évoquent Moïse sont tardifs. La légende de l'enfant sauvé des eaux, les récits des miracles, la compétition avec les magiciens de la cour du pharaon font partie de récits légendaires d'origine mésopotamienne. Le nom même de Moïse serait égyptien. Il est possible qu'un groupe se soit sauvé d'Egypte à la suite de rixes courantes à cette époque. L'exode fuite correspond au trajet de Moïse selon la Bible, ce trajet passe d'ailleurs par des sites de mines exploitées par les Égyptiens. L'exode expulsion correspond au refoulement des Hyksos vers 1580 avant J.-C. Sédentarisés, les Hébreux forment une confédération qui doit affronter les peuples indo-européens venus d'Asie Mineure ou de la mer. Les sources égyptiennes ne font pas mention de cet exode et le nom du pharaon englouti par les eaux au cours de la poursuite des Hébreux reste inconnu y compris dans les textes bibliques. Les Philistins s'opposent aux Hébreux pour le contrôle de la région. Ceci entraîne la fusion des tribus qui se donnent un seul chef : Saül. La monarchie s'impose avec deux grands rois : David puis Salomon. Le règne de Salomon correspond classiquement à l'apogée du royaume, période où aurait été construit le temple. Mais cette grandeur n'est pas confirmée par les traces archéologiques. Au temps des ces grands rois, Jérusalem n'était sans doute qu'un village banal. Toujours est-il que la division des Hébreux après la mort de Salomon aboutit à la création de deux royaumes : le royaume d'Israël au Nord et de Juda au Sud. Israël tombe en 722 avant J.-C. sous les coups des Assyriens, Juda disparaît avec l'invasion des Babyloniens conduits par Nabuchodonosor II qui détruit le temple en 587 avant J.-C. et provoque le premier exil. C'est durant l'exil que les Hébreux vont réfléchir aux causes du désastre politique et vont s'organiser pour maintenir leurs traditions culturelles. La crise politique, l'exil, la confrontation avec les autres dieux des vainqueurs conduisent à l'affirmation définitive d'un monothéisme universel. C'est en Babylonie que sont mis par écrit les croyances et les rites, la tradition sacerdotale. En 538 avant J.-C. les populations déportées peuvent revenir à Jérusalem, elles reconstruisent le temple en même temps que sont posées définitivement les bases du judaïsme par la rédaction du Pentateuque. Des oppositions naissent entre les Hébreux pour des raisons politiques, sociales et religieuses. Rome intervient en 66 avant J.-C. sous le prétexte de mettre fin à des conflits internes entre les tribus hébreux. Ils en profitent pour asseoir leur domination sur cette région. L'hostilité entre certaines sectes issues du judaïsme et Rome aboutit à la destruction du second temple et à la dispersion des Hébreux. Parmi les approches de l’histoire des Hébreux par la Bible, certains insistent sur le sens symbolique et non géographique ou historique. L’exode (le franchissement de la mer et le franchissement du désert c'est-à-dire un double franchissement) peut se lire ainsi. Dans les peuples sémitiques, la mer représente l’élément hostile donc un passage libératoire et le désert le lieu de l’épreuve et le lieu où se trouve dieu. Ce petit peuple ne s’impose pas par le côté militaire mais par le côté religieux et identitaire, par un territoire, par un donc bien allés en Égypte comme l’indique la Bible ». La lecture bibliocentrée de cette fresque est depuis largement remise en question. Il s’agirait plutôt de bédouins venant livrer leurs récoltes de galène. Le programme privilégiant l’étude des Hébreux conduisait inévitablement à négliger le judaïsme en tant que tel ; et de fait, les élèves n’étudient pas ce qu’est le judaïsme rabbinique puisque rien n’est rappelé de cette évolution au-delà de la destruction du Temple. Ils ne voient pas davantage comment le monothéisme se construit peu à peu chez les Hébreux en sortant d’une sorte de monolâtrie nationale au moment de l’exil à Babylone. Un même livre peut intégrer des traditions d'origines diverses. L’exemple du mythe de la création de l’homme en est une illustration parmi d’autres. Ce mythe apparaît à deux reprises à quelques versets d’intervalle et avec quelques variantes dans le livre de la Genèse : en Gn 1, 2631, l’homme et la femme sont créés en même temps après la création des animaux et Gn 2, 4-25, l’homme est créé, puis les animaux et enfin la femme. L’analyse philologique permet de dater Gn 2 (création en 2 temps) sans doute du IXème s av. J. C. et Gn 1 (création de l’homme et de la femme simultanément) du retour de l’exil à Babylone c’est-à-dire à partir du VIème siècle av.J.C. L’ordre de présentation de la Genèse est donc chronologiquement inverse de celui de la rédaction. Ce mythe reprend une tradition plus ancienne. Des récits de création de l’homme existent dès l’époque sumérienne au ProcheOrient. Leurs versions babyloniennes sont cependant les plus connues. L’Inuma ilû awîlum appelé également Poème d’Atra-Hasîs, a été mis par écrit au XVIIème siècle av.J.C. L’homme y est créé par le dieu de la sagesse pour éviter aux dieux de travailler. Ce thème est repris dans L’Enuma elish mis par écrit à la fin du XIIème siècle av.J.C. où le rôle tenu précédemment par le dieu de la sagesse est remplacé par Marduk, dieu tutélaire de la ville de Babylone alors prépondérante. Dans tous les cas, poèmes mésopotamiens ou Bible, l’homme est formé d’argile ; la parole recèle en elle un pouvoir fondateur. C’est pourquoi dans ces civilisations, le nom de la divinité est rarement prononcé. Celle-ci est désignée par des épithètes comme « Bêl » chez les Babyloniens ou « Adonaï » dans la Bible qui signifient « Seigneur » ; ce que l’on retrouve plus tard chez les chrétiens. La Bible est donc une composition dont la structure a été pensée et mise en forme a posteriori. Les faits ne sont pas présentés tels qu'ils se sont déroulés mais plutôt en ce qu'ils signifient pour l'histoire du peuple d'Israël. Avant le Ier millénaire av.J.C., l’histoire des Juifs est très difficile à replacer dans l’histoire générale du Proche-Orient. Il s’agit de migrations, or les nomades laissent peu de traces. Les personnages, Abraham, Moïse, etc. ne sont mentionnés que dans 10 centre « Jérusalem ». Le monothéisme biblique serait une appropriation et une réponse aux bouleversements égyptiens avec l’émergence du monothéisme d’Akhenaton et Moïse serait l’expression d’une élite hébreu qui développerait son propre monothéisme. D'autres se penchent sur l’individualisation de la religion d’Israël : les apports du comparatisme. Des éléments en commun entre la Bible et la mythologie babylonienne (mythes du déluge, de Gilgamesh) puis avec les tablettes d’Ugarit datant du XIII-XIIe S avant JC. Le monothéisme biblique est une « construction » : l'orientation du temple de Jérusalem (Est/ouest) correspond à l’orientation d’un temple d’un peuple solaire ; le trône vide de ce temple correspond à la tradition syrienne ou phénicienne du culte solaire. Ce serait un culte solaire qui aurait évolué vers Yahvé. La notion de temple unique à Jérusalem est une imposition car il y a eu plusieurs temples. Dans le désert du Néguev, 2 autels ont été trouvés avec Yahvé mais aussi une divinité proche-orientale. La différence entre le polythéisme préexistant et le monothéisme biblique est la suivante : le polythéisme prend en compte les dieux des autres peuples mais le monothéisme lui, déclare que le dieu unique est le vrai dieu. C’est l’émergence d’un peuple et d’une religion dans sa différence. La Bible est le résultat de la fusion de traditions orales et écrites. C'est un ensemble de textes dont la rédaction s'étale sur plusieurs siècles, entre VIIIe et IIIe siècles av. J.-C. Écrite en hébreu et en araméen, traduite en grec à Alexandrie, elle va conquérir le monde, portée par l'essor du christianisme. Une extraordinaire diffusion que n'ont pas interrompue les questions posées, à partir du XVIIe siècle, sur la réalité historique et scientifique des faits rapportés dans la Bible. Les spécialistes ont coutume de dégager 5 sources différentes dans la rédaction de la Bible. La source « J » dite yahviste (Jahviste en allemand) correspond à la série de récits employant le tétragramme (YHWH) et semblant concerner davantage le sort de la tribu et du pays de Juda (on la datait auparavant du Xè s. mais on pense aujourd’hui qu’elle est contemporaine de l’Exil entre 587 et 538 mais en incorporant des matériaux plus anciens). La source « E » dite « elohiste » : série où dieu est dénommé Elohime ou El et qui se consacre à l’histoire des territoires et tribus nordistes (Ephraïm, Manassé, Benjamin). La source « D » pour deutéronome au style et au message très particuliers et apparaissant donc comme un document indépendant. La source « P » pour « prêtre » ou source sacerdotale correspondant à certaines sections du Pentateuque ne pouvant être attribuées à aucune des précédentes sources et concernant des passages traitant surtout du rituel, du culte et des lois du sacrifice (datée de l’Exil). Enfin la source « R » pour « rédacteurs » correspondant aux passages ou phrases rajoutés pour relier et compiler, faire les transitions entre les quatre sources principales. On sait ainsi que les légendes patriarcales, les récits sur la sortie d’Egypte, l’installation en Canaan sont des ensembles de traditions primitivement indépendants les uns des autres. Leur fusion en une seule séquence narrative est le fait d’une construction élaborée aux alentours de l’exil. L’état actuel de la recherche tend donc à abaisser les dates de composition dans une fourchette allant du VIIIème au IVème avec une période d’intense activité rédactionnelle et éditoriale à la fin de la monarchie judéenne et pendant l’exil babylonien. Au total, 24 livres forment la TaNaK : mot construit à partir de Torah (cinq livres), Nebiim (les Prophètes) et Ketûbim (les Écrits). On y trouve presque toutes les formes littéraires de l'époque (mythes, épopées, code de lois, hymnes, oracles, etc.). Chronologie de la fermeture des principaux Livres de la Bible : la Torah (ou Pentateuque) : élément le plus ancien, vers – 500 ; Livre des Prophètes : la fermeture semble se produire vers – 400 ; les Ecrits : eux ne se ferment que vers le Ier siècle ap. J.-C. ; la Bible grecque (Septante) vers + 100... En fait, la Bible est un projet, ses rédacteurs tenaient à témoigner de leur foi en un dieu unique. Les manuscrits de la mer Morte (Ier siècle avant J-C) furent découverts dans des grottes près des ruines de Khirbet Qûmran en 1947. Ils émanent d'une communauté essénienne. Ces manuscrits sont des textes bibliques et des commentaires de la Bible. Leur comparaison avec des copies plus récentes de livres bibliques ne montre pas de différence fondamentale, ce qui prouve la transcription scrupuleuse de l'Écriture à travers les âges. On trouve aussi dans les célèbres manuscrits de Qûmran, deux versions différentes de l'Exode, ce qui laisse penser que l'homme de l'Antiquité n'est pas choqué d'avoir plusieurs versions la Bible. La recherche actuelle doute même de leur existence. Au contraire, au Ier millénaire av.J.C., les sources se diversifient et se multiplient. Les tablettes assyriennes et babyloniennes font référence aux royaumes d'Israël et de Juda avec parfois le nom de leurs rois. De même, des rois néo-assyriens (Sennacherib, Assarhadon) et néobabyloniens (Nabuchodonosor) sont mentionnés dans la Bible. En revanche, une chose est étonnante le nom des pharaons n’y apparaît que rarement. Aux VII-VIèmes siècles av.J.C. apparaît dans ce que les historiens n’appellent plus le Croissant fertile une critique des panthéons, à Babylone, par le roi Nabonide qui affirme la supériorité du dieu Sîn sur tous les autres y compris Marduk, le dieu de la ville. En Perse se développe le mazdéisme, religion dualiste dans laquelle Ahura Mazda, détenteur des forces du bien, triomphe du mal. A l’origine de cette religion, pratiquée aujourd'hui encore en Iran et en Inde, se trouve un homme, Zoroastre, qui aurait vécu vers 1000 av. J.C. Elle repose sur un texte sacré, l'Avesta, le « Fondement ». Le monde des morts n'y est plus la contrée désolée, souterraine et obscure que l’on trouve dans les textes babyloniens ou dans l’Odyssée; au contraire, l'âme des hommes pieux, immortelle, monte au ciel et trouve le repos auprès de la divinité. En Grèce même, la critique vient des philosophes présocratiques. Or, à la suite de l’édit de Cyrus, en 538 av. J.C., puis des conquêtes d’Alexandre le Grand, la diaspora s'accentue. Les anciens déportés du royaume de Juda ne rentrent pas tous ; certains restent en Babylonie. Par ailleurs, sous les rois hellénistiques, des habitants de Judée migrent vers l'Égypte, l’Asie mineure et le monde grec. La deuxième grande communauté juive après celle de Judée est celle d’Alexandrie. C’est là qu’au IIIème siècle av.J.C., la langue hébraïque étant de moins en moins utilisée au sein même de la communauté, la Bible est traduite pour la première fois en langue étrangère, en grec, par des savants juifs : c’est la « Septante ». A l'intérieur même du judaïsme, de nombreux courants apparaissent. Au IIème siècle av.J.C, une révolte dirigée par Juda Macchabée éclate en Judée. Celle-ci a longtemps été présentée comme une réponse à l’hellénisation forcée menée par le roi séleucide Antiochos IV. En fait il semblerait que l'origine de ces troubles se trouve dans une lutte interne à la communauté juive, entre traditionalistes et partisans d'un judaïsme hellénisé. Antiochos IV décide de stopper le conflit en supprimant son objet : il interdit alors toutes les pratiques religieuses juives ; mais loin de calmer l'agitation, cette mesure renforce la vigueur du judaïsme traditionnel. Les juifs d’aujourd’hui ne sont pas les Hébreux et les Juifs de l’Antiquité. Le judaïsme est une religion et une culture qui se sont construites dans la Diaspora après la destruction du second Temple. 11 d'un événement. A Qûmram, les manuscrits proposaient trois versions de la Bible : celle qui deviendra au VIe siècle la Bible massorétique, la version hébraïque, celle qui a inspiré la traduction grecque de la Septante à Alexandrie, et une version du Pentateuque samaritain pour les fidèles du temple du mont Gazirim. Le canon le plus étroit est celui de la Bible hébraïque, le plus large celui de la Septante. Les plus anciens manuscrits connus jusque-là dataient du Moyen Âge. On a retrouvé la bibliothèque des Esséniens dans onze grottes qui contenaient un millier de rouleaux. Ils contiennent des fragments de tous les livres de la Bible juive à l’exception du livre d’Esther. Ces textes ont été copiés du milieu du IIIe siècle av. J.-C. à l’an 68 ap. J.-C. Finkelstein et Silberman soutiennent avec des preuves ou des arguments plutôt convaincants que pour l’essentiel, le Pentateuque fut une création de la monarchie tardive, destinée à propager l’idéologie et les besoins du royaume de Juda, et qu’il est, de ce fait, étroitement lié à l’histoire deutéronomiste (de Canaan à l’exil). La Bible serait de la main d’Hébreux du royaume de Juda, plus fragile que le royaume d’Israël, quand celui-ci a été conquis par les Assyriens. Le roi Ezéchias (-727 à -698) contribue à l'essor de Juda, après la chute du royaume d'Israël : volonté de construire un « Grand Juda », lance le ferment d'une réforme religieuse tendant vers un « monothéisme ». Son arrière petit-fils Josias (-639 à -609) rompt avec les pratiques passées : intolérance avec rejet des dieux phéniciens, mésopotamiens... présents dans le Temple de Jérusalem, centralisation du culte au Temple de Jérusalem : les prêtres exerçant ailleurs sont rappelés et ramenés à un rang inférieur de ceux de Jérusalem. Le clergé juif du Nord (ex-Israël) est considéré comme ennemi (les Samaritains, considérés comme des moins que rien, toujours au temps de Jésus). Juda s’est ainsi attribué symboliquement la puissance d’Israël afin de faire de Jérusalem une grande capitale qu’elle ne fut jamais ailleurs que dans le récit du règne de Salomon. Cette histoire a sans aucun doute été compilée sous le règne de Josias (soit entre 639 et 609) afin de servir de fondement idéologique à des ambitions politiques et à des réformes religieuses particulières. Après Josias, c'est l'Exil pour les élites (façon pour les vainqueurs de gérer les populations vaincues). Les Juifs se demandent pourquoi Yahvé les a abandonné et si les dieux babyloniens ne sont pas plus forts. D'où une réécriture de l'histoire dans un sens religieux : c'est la faute au fils d'Ezéchias qui a commis toutes les horreurs possibles selon le corpus biblique. Le groupe des exilés ne va pas se noyer dans la religion babylonienne : il transforme sa vision pour résister à l'adversité et conserver son unité autour de l'idée que Yahvé est le plus puissant des dieux. C'est le début du monothéisme. Puis a lieu la réforme religieuse en Judée avec le retour de ces élites grâce aux Perses. Les exilés s'installent au pouvoir avec Esdras comme prêtre et Néhémie comme gouverneur de -450 à – 400. Le prêtre Esdras est envoyé pour désigner les magistrats destinés à faire respecter la loi de Yahwé et la loi du Roi, notamment l’interdiction du mariage mixte. Actuellement c’est en lui que la recherche historique reconnaît le personnage de Moïse. Ils fondent un monothéisme absolu. Le seul Temple est à Jérusalem (il y avait avant d'autres sanctuaires : ex : celui de l'île Eléphantine en Egypte). Mais toujours une concurrence avec l'ex-Israël (ou Samarie). Attention, à cette période, volonté d'un monothéisme absolu mais dans les faits, hénotéisme (étape entre polythéisme et monothéisme : un dieu principal, et des dieux secondaires). Politiquement il y a la fois autonomie interne et sujétion au pouvoir royal perse avec paiement de tribut; réciproquement le roi Perse est à la fois le protecteur et le garant de la loi locale avec une reconnaissance officielle de cette religion. Ainsi, le plus gros de ce que l’on tient généralement pour authentique – les histoires des patriarches, l’Exode, la conquête de Canaan, la saga de la glorieuse monarchie unifiée de David et Salomon – sont, en réalité, l’expression de l’élan créatif d’un puissant mouvement de réformes religieuses durant l’âge du Fer récent (900-586) s’appuyant sur des éléments de mémoire collective plus ou moins avérés. Les auteurs appuient cette thèse sur la fait que la rédaction sophistiquée du récit biblique nécessitait une conscience nationale collective, un stade avancé de l’Etat (conservation d’archives, correspondance administrative, composition de chroniques royales…), une certaine alphabétisation. Tout cela ne semble vraiment acquis Au point de vue religieux, la fin du culte sacrificiel a radicalement changé la manière de rendre hommage à la divinité. Or les manuels scolaires mélangent tout, premier, second Temple et judaïsme moderne. De plus la culture juive est très diverse : cultures ashkénaze, séfarade, judéo-arabe pour les principales… falacha pour les plus exotiques, les langues, yiddish, ladino, arabe, l’hébreu n’étant qu’une langue liturgique avant sa renaissance moderne en Israël. Il est hors de question de faire des juifs les descendants des Hébreux, tout au plus en sont-ils des héritiers qui plus que d’autres brouillent le message. Ce pays, quel est son nom et sous quel nom le désigner ? Canaan, c’est le nom de la Genèse et de la conquête dans le livre de Josué, Israël, c’est le nom du peuple mené par Moïse, celui d’un des royaumes des Hébreux et le nom moderne d’un pays. Royaume d’Israël ? Royaume de Juda ? La Judée ? La Palestine est le nom grec et romain mais Palestinien désigne aujourd’hui un peuple. C’est étymologiquement la terre des Philistins, ce qui donne de drôles de résonances aux conflits contemporains. La Terre Promise ? La Terre Sainte ? Ce sont des points de vue religieux qu’on ne peut utiliser à l’école laïque. J’utilise plutôt en classe le mot Canaan car il n’a aucune résonance dans le présent, ou le nom des deux royaumes, royaume d’Israël et royaume de Juda. Mais il n’est pas valable sur la période du second Temple où j’utilise le mot Judée. Ce peuple, quel est son nom, comment le désigner ? Dans la Torah, il s’appelle Israël, les descendants de Jacob-Israël et de ses douze fils, les douze tribus d’Israël, mais ce nom sème la confusion avec les autres sens du mot Israël. Ce peuple est aussi appelé les Hébreux et plus tard les Israélites. Les archéologues appellent Israélites les habitants des hautes terres de Canaan. J’utilise les mots habitants du royaume de Juda, ou Judéens et habitants du royaume d’Israël ou Israélites lorsque cela est nécessaire. J’utilise aussi le mot Hébreux avant l’exil, car il a le mérite de la simplicité et qu’il renvoie à la lettre des programmes (donc des titres des leçons du livre !), le mot Juifs après l’exil et le mot juifs après la destruction du second Temple dans le cadre de la Diaspora . 12 qu’au VIIème et non à l’époque de David et Salomon (comme la recherche traditionnelle l’affirme). L’exclusivisme yahviste doit donc apparaître comme la nécessité de maintenir une identité nationale face aux risques de dissolution et de dilution face à la superpuissance assyrienne qui imposait ses dieux en même temps que sont tribut. En outre, on constate à cette époque une évolution vers un aniconisme radical (stèles bannies des sanctuaires israélites à cette époque). L’archéologie donne deux origines aux Israélites. Deux grandes modèles s’opposent : celui de l’infiltration pacifique et celui de la révolte paysanne. Tous deux donnent aux Israélites une origine autochtone due aux bouleversements des XIIIe et XIIe siècles av. J.-C. Le premier modèle est celui de l’infiltration pacifique des nomades : il a été développé dans les années 1920-30 par Albrecht Alt et Martin Noth. Ce modèle, basé sur l’archéologie et des études ethnographiques modernes, est celui que défend Israël Finkelstein (archéologue, directeur de l’institut d’archéologie de Tel-Aviv). Des peuples autochtones semi-nomades vivaient depuis longtemps en bordure du désert. Ils avaient des troupeaux. Vers le XIIIe siècle, ils migrent massivement vers les hautes terres de Judée et de Samarie. Sans doute à cause de la destruction des cités de Canaan par les Peuples de la Mer. Le système d’échange entre éleveurs et cultivateurs n’existe plus et oblige les anciens nomades à occuper de nouvelles terres et à devenir cultivateurs. Ces villages de montagne (on en a retrouvé beaucoup) sont peu peuplés et la population des collines est évaluée à quarante-cinq mille habitants vers le Xe siècle. L’autre modèle est celui de la révolte paysanne ou du retrait : il a été développé dans les années 1960 par George Mendenhall de l’université du Michigan et les années 1980 par Norman Gottwald de l’université de Berkeley. Il est aujourd’hui défendu par William G. Denver de l’université d’Arizona. Ce modèle s’appuie sur l’archéologie en Israël et en Égypte, entre autres les tablettes et Tell Armana et la stèle de Méneptah. Des populations rurales se seraient retirées sur les hautes terres au XIIIe siècle pour échapper au contrôle des cités-états de la côte. Elle auraient organisé un mode de vie relativement communautaire avant de s’organiser en états plus structurés et moins égalitaires. Quoi qu’il en soit, ces deux thèses montrent que les premiers Israélites n’étaient pas différents des Cananéens qu’il sont pourtant, selon la Bible, censés avoir âprement combattus. Les Israélites ont un Dieu (Yahvé) qui cohabite avec toutes les divinités de la région (ce que la bible reconnaît). Les fouilles des ossements de ces premiers villages Israélites ont révélé une particularité qui les distingue des peuples voisins : ils ne mangent pas de porc. D’après la Bible, l’empire de Salomon éclate à sa mort en deux royaumes : Israël au nord (capitale Samarie) et Juda au sud (capitale Jérusalem). En fait, il semble bien que les deux royaumes n’ont jamais été unis mais tous les deux avaient beaucoup de points communs : ils vénéraient Yahvé — entre autres divinités — avaient un fond commun de contes et des héros, des langues proches, un même alphabet. Leurs réalités géographiques sont très différentes. Israël a de nombreuses terres fertiles et se spécialise dans l’olivier et la vigne. Le pays est traversé par la grande route commerciale qui relie l’Égypte à la Mésopotamie. Il compte trente-cinq mille habitants avant sa défaite face aux Assyriens. Juda est un territoire inhospitalier entre Jérusalem, Hébron et Beersheba, un pays rocailleux, escarpé et isolé. Dans le royaume d’Israël, les Israélites se sont mélangés à d’autres populations autochtones. On y célébrait tous les dieux. Ce royaume est au IXe siècle une puissance régionale d’importance. Les fouilles des années 1980-90 ont définitivement attribué à la dynastie omride les constructions autrefois attribuées à Salomon comme les écuries de Meggido construites pendant l’époque royale (fouillées en 1998-2000). Alors que ce pays a connu une authentique prospérité, en particulier au VIIIe siècle mais aussi de graves inégalités sociales dénoncées par les premiers prophètes, il est décrit dans la Bible comme corrompu et impie ; ses rois vénèrent d’autres dieux, se marient à des princesses étrangères (le modèle est Jézabel la fille du roi des Sidoniens, la femme d’Achab, fils d’Omri dans le premier Livre des Rois), et donc rompent l’Alliance avec Yahvé. Les rédacteurs de la Bible rejettent le modèle de ce pays cosmopolite ouvert à toutes les influences étrangères, aux 13 cultes polythéistes mais aussi aux élites arrogantes stigmatisées par les prophètes. Le royaume d’Israël fait au VIIIe siècle des conquêtes au-delà du Jourdain avant de se heurter à la puissance de l’Assyrie ; cet empire ne se contente plus d’avoir des vassaux qui peuvent se révolter. En dix ans, entre 730 et 720 av. J.-C., le royaume d’Israël est détruit, sa capitale Samarie est brûlée et les élites du pays sont déportées en Assyrie. Une partie de la population reste dans le pays et certains se réfugient dans le royaume frère voisin, le royaume de Juda qui a conservé son indépendance , tandis que des Assyriens sont installés en Samarie. Après la disparition du royaume du nord, le royaume du sud connaît une évolution accélérée. Pendant deux siècles, ce royaume marginal avec une population dispersée (pas plus de quarante mille habitants au milieu du VIIIe siècle av. J.-C.) double le nombre de ses habitants. Jérusalem devient une véritable ville de quinze mille habitants environ avec un grand temple. L’écriture et l’alphabétisation se développent. Comme son voisin du nord, il compte de nombreux cultes, à Jérusalem et dans les campagnes, à Yahvé, à Ashérah sa déesse associée et d’autres divinités. La chute du royaume d’Israël, l’arrivée massive de réfugiés parmi lesquels des élites intellectuelles, change les structures démographiques et économiques du pays. Le royaume de Juda connaît une forte croissance économique (production d’huile) avec un renforcement des inégalités sociales. Ces transformations permettent de soutenir le développement d’un état de sa bureaucratie. Deux attitudes s’offrent à ce royaume : la soumission aux puissants voisins (Assyrie puis Égypte) ou l’affirmation d’une identité nationale et d’une indépendance sourcilleuse. Dans la première attitude, tous les dieux seraient célébrés : Yahvé mais aussi Baal et bien d’autres. Dans la seconde, Yahvé devient l’unique Dieu et le peuple qui le vénère le peuple élu. C’est cette tendance qui triomphe définitivement avec le roi Josias (639-609 av. J.-C.) dans une perspective hénothéiste. Les autres cultes doivent être éradiquées. Josias fait rénover le Temple de Jérusalem et y “découvre” le livre de la loi censé être le code légal que Dieu avait remis à Moïse. Durant cette fin de VIIe siècle, la loi et l’écriture de la Bible, ou plutôt sa première compilation sont l’œuvre des scribes et des prêtres du Temple de Jérusalem. Leur but est de légitimer le royaume de Juda, de lui donner des origines nobles, une histoire édifiante, de disqualifier tous les ennemis, d’identifier la survie du royaume à l’affirmation d’une religion unique et particulière et d’expliquer que tous ceux qui se sont écartés de cette voie ont été punis par Dieu. L’archéologie cependant ne valide pas la destruction par Josias des autres cultes, temples et autels que celui de Yahvé à Jérusalem, mais le Deutéronome et toute la littérature deutéronomiste portent traces des réformes engagées sous le règne de ce nouveau David, renouvelant l’Alliance avec le Dieu unique. Profitant de la chute de l’Assyrie, le royaume de Juda tente de s’étendre et d’essayer de reconquérir une partie de l’ancien royaume d’Israël. Il est défait par les Égyptiens, puissance montante de cette fin de VIIe siècle. Les Babyloniens qui ont détruit l’empire assyrien donnent le coup final au royaume de Juda, en 586 av. J.-C., le Temple est détruit. L’exil à Babylone concerne une partie de la population seulement : la famille royale, les élites et les artisans spécialisés sont déportés. À partir de 539 av. J.-C (Édit de Cyrus) et tout au long du Ve et du IVe siècles av. J.-C., les Juifs (on appelle dès lors ce peuple descendant du royaume de Juda, Yehouda, les Yehoudim, leur terre est Yehoud, la Judée, les noms viennent de l’araméen) rentrent d’exil et refondent le Temple (livres d’Esdras et de Néhémie). Ce retour ne se fait pas sans conflits avec les voisins. La reconstitution de la communauté se fait autour du Temple restauré et du Grand Prêtre. Pourtant une grande partie des Juifs ne rentre pas et reste en Diaspora. Ce poids de ces groupes d’expatriés restés dans les capitales est essentiel dans la rédaction des livres bibliques et cette dimension de la Diaspora est à prendre pour tout le reste de l’Histoire juive. Si une partie du texte biblique a été écrit sous Josias, beaucoup de passages ont été écrits ou réécrits à Babylone pendant l’exil, puis en Judée au retour d’exil. La rédaction finale et la mise en forme de la Bible hébraïque date des deux siècles de la domination achéménide, et l’idéologie qu’elle véhicule reflète cette époque ; la réflexion se porte sur la punition divine qui a entraîné la destruction du Temple et la fin de la monarchie. Yahvé remplace les rois 14 déficients comme souverain de son peuple, et l’existence du peuple juif s’affirme avec un Dieu unique et un Temple central à Jérusalem. La fixation des grandes fêtes juives et du sabbat date de cette époque et a pour but de souder la communauté. Dans l’exil, la religion s’est transformée car elle n’avait plus d’Etat : multiplication des aspects rituels et des signes distinctifs pour ne pas se fondre dans la société des non-Juifs, respect rigoureux de la Torah. De peuple polythéiste avant Josias, les Hébreux sont devenus hénothéistes, puis monothéistes lors du second Temple. Leur Dieu n’est plus seulement Dieu unique d’un peuple, mais Dieu universel, seul vrai Dieu devant lequel toutes les nations doivent s’incliner. Durant l’exil puis le second Temple, la Bible écrite sous le roi Josias est alors retravaillée, pour donner définitivement à ce peuple désormais sans roi une identité par sa religion, un peuple à présent dirigé par son clergé. Les causes de l’exil sont mises en évidence. Ce sont les infidélités récurrentes du peuple et de ses rois qui ont entraîné la sanction divine, la servitude et l’exil : alliance divine, infidélité et châtiment, puis miséricorde et salut, tel est le schéma qui traverse toute la Bible. La refondation du Temple par Esdras doit mettre fin à cet enchaînement. L’image du prophète telle qu’elle se dégage de la Bible actuelle se fixe aussi à cette époque avec cette relecture providentielle de l’histoire du peuple élu. La prophétie disparaît avec la fin de l’espoir de la restauration de la monarchie davidique mais l’image du prophète joue désormais un rôle dans la formation de la conscience nationale et l’espérance du salut : successeurs des patriarches et des juges— le premier d’entre eux est le prêtre Samuel — porteurs de la parole de Dieu à son peuple, les prophètes se sont plus les messagers envoyés vers le roi mais les hérauts de la royauté de Yahvé. Plus que les rois qui ont failli, les prophètes deviennent centraux dans l’économie du salut d’Israël. La perspective de restauration monarchique enterrée est relayée par l’espérance messianique : messie signifie en hébreu l'oint, l’onction divine passe des rois à une espérance de salut. Les Juifs et l’hellénisme : les dominations grecques et romaines Cette période nous est beaucoup mieux connue grâce à la multiplicité des sources écrites, en particulier grecques ou latines, et juives hors de la Bible (Philon d’Alexandrie, Flavius Josèphe…) et les sources archéologiques. Les récits de la Bible concernant cette période ne sont pas reçus comme canoniques dans toutes les traditions : il faut dire que les livres de Judith ou des Maccabées, tout nationalistes qu’ils soient, ont été rédigés en grec et donc rejetés ultérieurement dans la tradition juive. Il est vrai que cette période se caractérise par l’ouverture de la tradition biblique et par sa traduction, à commencer par la Bible d’Alexandrie (les Septante) et le rajout d’une cinquantaine d’autres écrits, dont certains sont reçus comme canoniques par les traditions chrétiennes et d’autres non ; ce sont les livres deutérocanoniques ou apocryphes. Par exemple, les Maccabées n’existent pas dans la Bible juive, il y a deux livres dans la Bible catholique et dans la Bible protestante (mais rangés au nombre des livres apocryphes), et quatre livres dans la Bible orthodoxe. C’est que la Bible, ta bibla en grec, n’est pas un livre, c’est une bibliothèque dont la pluralité est inscrite jusque dans le pluriel de son signifiant. Comme toutes les civilisations à la période hellénistique, le judaïsme rencontre les autres civilisations, à commencer par l’hellénisme après la conquête d’Alexandre (333 av. J.-C.), puis la domination romaine (63 av. J.C. prise du Temple par Pompée). Si cette rencontre ne se fait pas sans heurts, elle est également une période de rencontres, de mélanges à commencer par la traduction dans le cadre de la Diaspora à Alexandrie. C’est aussi la naissance d’une littérature de combat, les apocalypses, depuis le livre de Daniel jusqu’aux apocalypses rédigées au Ie siècle, qui marquent une ambiance de crise morale et religieuse et au point de vue du dogme l’invention de la notion du Salut. Sans entrer dans les détails, on constate à la fois une lutte contre l’hellénisme (par exemple contre les réformes du grand prêtre Jason sous la domination Séleucide) et une forte influence de celui-ci. Les dynasties hasmonéennes et iduméennes, autonomes mais dépendantes des rois hellénistiques puis de Rome, ont joué plusieurs cartes dont celles-là, sans compter celle du nationalisme. Il faudrait aussi revenir sur les tensions sociales fortes qui expliquent également la révolte de 70, et sur le rôle des sectes juives durant 15 ce premier siècle qui est aussi celui de Jésus-Christ. C’est au cours de cette période qu’est embelli le Temple par Hérode, un roi, juif de fraîche date et fortement hellénisé, temple dont le Mur des Lamentations est le mur occidental. La révolte juive de 70 (La Guerre des Juifs selon Flavius Josèphe) conclut cette période. Cette révolte à la fois sociale et nationale commence en 66 et se termine par le siège de Jérusalem et la destruction du Temple, la fin du culte sacrificiel. La Judée perd son indépendance et le vainqueur soumet les Juifs à des mesures vexatoires. En 132-135, la révolte de Bar Kokhba échoue, dorénavant Jérusalem, devenue Aelia Capitolina, est interdite aux Juifs, et l’emplacement du Temple accueille des sanctuaires païens ; de nombreux villages de Judée et Samarie sont alors abandonnés, la province s’appelant dorénavant Syrie-Palestine. Après 70 : la naissance du judaïsme rabbinique. Après 70 et surtout après 135, les Juifs sont devenus minoritaires en Palestine, et même si la Terre promise reste un idéal, elle est peuplée de goyim et les frontières de cet Eretz Israel sont de plus en plus floues. Aux nombre des juifs « de souche » peuplant le monde on ajoutera les prosélytes , nombreux durant cette période autour du bassin méditerranéen et jusqu’en Mésopotamie . L’avenir des juifs se joue en Palestine paganisée et dans la Diaspora. La question du culte sans le Temple s’était déjà posée lors de la période exilique (après 586 av. J.-C.) et dans la Diaspora. La chute du Temple est une rupture, mais avant cette chute des solutions de continuité du culte avaient déjà été élaborées autour de la Torah, des synagogues et des rabbis. Le sacrifice sanglant et l’institution du Temple avaient déjà été remis en cause avant 70, par exemple par une secte comme les Esséniens. Les solutions se sont élaborées sur une interprétation plus spirituelle du texte et de ses obligations. Commence alors un travail de transmission, de commentaires et d’exégèses qui engage le judaïsme dans une voie nouvelle. Ce travail est compilé dans la Mishna, et les Talmud (Jérusalem et Babylone), il est composé de commentaires de nature juridique, la Halakha, et d’autres de nature historico-doctrinale, la Haggada. L’importance de cette œuvre peut faire apparaître le judaïsme comme ritualiste et juridique, commentant la Loi à l’infini. Mais de nombreuses sentences de rabbis rappellent que la morale et la spiritualité sont supérieures. Et les juifs vivent désormais au milieu des païens et doivent s’adapter au monde, vivre pieusement sans se couper du reste de la société ; c’est à ces très nombreuses questions que doivent répondre les rabbis de manière pragmatique. Cette adaptation conduit parfois jusqu’à un certain syncrétisme, comme on peut le voir sur le programme pictural de la synagogue de DouraEuropos en Mésopotamie. Le judaïsme doit dorénavant s’adapter sans se renier. Les juifs doivent s’adapter au monde tout en gardant leur spécificité. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : La Bible serait donc une œuvre nationaliste et panisraëlite : le récit patriarcal permet de donner une ascendance commune à des tribus et traditions éparses. C’est une préhistoire pieuse d’Israël qui décrit les prémisses de la nation, définit ses frontières, embrasse les traditions du Nord-Israël- (/ Jacob) et du Sud-Juda- (/Abraham) tout en voulant signifier que ce peuple vient d’ailleurs. Il s’agit en outre, et malgré tout, d’insister sur la supériorité de Juda. D’où l’ancrage géographique donné à Abraham, la place donnée aux cités d’Hébron, Shalem et surtout Jérusalem. La peinture des patriarches sous les traits de pâtres nomades était sans doute destinée à conférer une atmosphère de très haute antiquité à la description de ce stade de formation d’une société qui n’avait que récemment développé une conscience nationale clairement définie. Pour résumer : la source J, décrit la protohistoire d’une nation, tandis que l’histoire deutéronomiste se penche, elle, sur des événements plus récents et insiste surtout sur l’idée panisraélite, sur la protection divine dont bénéficie la lignée de David et sur la centralisation du culte au Temple de Jérusalem. Tout l’art du récit biblique est de nous présenter les fils d’Abraham, d’Isaac et Jacob, comme les membres d’une seule et même famille. Le pouvoir d’évocation de la légende les a donc réunis pour l’éternité de façon plus profonde et efficace que le récit d’aventures éphémères de quelques individus historiques, simples nomades des hautes terres de Canaan. Activités, consignes et productions des élèves : . extraits de la Bible. . Temple de Jérusalem Il s'agit de montrer aux élèves l'existence de légendes mésopotamiennes qui ont influencé les rédacteurs de la Bible (par exemple L'Épopée de Gilgamesh ou le Poème du Supersage où le déluge dure sept jours, est représenté par un orage qui devient un ouragan et perçu comme une punition divine. La purification par l'eau est fortement symbolique dans de nombreuses religions). Selon une hypothèse récente, le Déluge biblique correspondrait à la création soudaine de la mer Noire, suite à l'ouverture du détroit du Bosphore, survenue il y a 8 000 ans environ. La montée du niveau de la Méditerranée, suite à la fonte des glaciers, a provoqué la rupture de la chaîne montagneuse et le déversement de millions de km3 d'eau, qui a inondé toute une région, noyant des milliers de personnes. Comme pour la "création du monde" et le problème du "mal", les Hébreux ont recueilli l'extraordinaire héritage culturel de Sumer 16 Cette religion se caractérise dès Moïse par la reconnaissance d'une seule divinité : le tétragramme « YHWH » prononcé Yahvé (« celui dont le nom est celui qui n’a pas de nom »). Cette religion s'appuie sur une loi fondamentale symbolisée par le Décalogue (VIe ou Ve siècle avant J.-C. mais qui a subi des modifications dans le temps) qui régit les relations entre les hommes et Dieu, et entre les hommes eux-mêmes. Le yahvisme impose un engagement de choisir Yahvé comme seul Dieu et donc de rejeter les autres divinités. Dieu lui-même protégeant le peuple qu'il a élu : c'est la condition de l'Alliance. Durant l'exil, cette religion devient un monothéisme total niant le caractère divin des autres dieux qui ne sont plus que des idoles, interdisant toute représentation de Dieu. C'est la traduction, à Alexandrie, de la Bible en grec entre le IIIe et le Ier siècle avant notre ère qui permit l'extraordinaire essor du livre le plus traduit au monde. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : L’idée que les Juifs modernes forment un peuple descendant des anciens Hébreux est remise en cause par des historiens comme Shlomo Sand. Selon lui, la diaspora juive ne naquit pas de l’expulsion des Hébreux de Palestine, mais serait issue de conversions successives en Afrique du Nord, en Europe du Sud et dans le Caucase. Et, comble de l’ironie, les descendants les plus directs des anciens Juifs seraient les actuels Palestiniens. D’autres historiens ont déjà conclu à des conversions massives au judaïsme pour expliquer l’importance de certaines communautés juives. Depuis deux ou trois décennies, nombre de travaux ont déconstruit l’histoire traditionnelle des nations, dont celle d’Israël. S’appuyant sur toutes ces recherches, S. Sand peut montrer comment le « roman national » juif s’est mis en place et continue à se perpétuer : de même que chaque nation européenne a, au XIXe siècle, identifié son histoire à celle d’un peuple ayant des origines lointaines, les Juifs se seraient inventé une histoire qui les rattache à des « grands ancêtres » avec lesquels ils n’avaient en commun que la religion. et de Babylone. L'étude du temple permet de faire des rapprochements avec les temples égyptiens. Elle permet aussi de montrer les rituels religieux des Hébreux. Par ailleurs, les élèves peuvent s'interroger sur la différence entre croyance et scepticisme historique. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 17 HA – Les cités grecques et la colonisation Approche scientifique Approche didactique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude Insertion dans les programmes (avant, spatiale) : après) : L'histoire grecque donne une impression un peu décousue, voire parfois confuse, c'est pourquoi plutôt que de tracer un déroulement chronologique, les historiens préfèrent diviser le temps selon des périodes qui correspondent aux grandes tendances politiques et artistiques (époque mycénienne, époque homérique, époque archaïque et époque classique). Il est important d'insister sur le fait que, dans l'Antiquité, la Grèce, au sens strict n'existe pas, et que ce terme se révèle inadéquat pour évoquer le pays des Hellènes. La Grèce a connu trois phases principales d'expansion : la première durant les âges obscurs (XIe-IXe siècles), qui a vu des Grecs s'établir sur les côtes de l'Asie Mineure, la deuxième du VIIIe au VIe siècle, et la troisième qui correspond à la période des conquêtes d'Alexandre le Grand (336-323), lequel porte l'hellénisme jusqu'aux rives de l'Indus. Seule la deuxième phase est ici présentée, dans la mesure où c'est la seule période durant laquelle des Grecs s'établissent sur toutes les rives de la Méditerranée, de Marseille au Caucase, de Thasos à Cyrène. La colonisation met en scène une ville-mère (métropole) qui envoie des colons fonder une nouvelle cité (la colonie), pour des raisons commerciales (faire du commerce), agraires (trouver de nouvelles terres pour accueillir un excédent de population) ou politiques. Les deux cités restent liées par des liens surtout religieux. On distingue deux grandes périodes de colonisation : lors de la première (775-680av. J.-C.), la colonisation touche le sud de la péninsule italienne et la Sicile ; elle est effectuée surtout par des Eubéens. Lors de la seconde vague (VIIe et VIe s. av J.-C.), les colons sont aussi des Grecs des îles et d'Asie Mineure, ainsi que des Grecs des colonies fondées lors de la période précédente. C’est alors que les colonies sont fondées beaucoup plus loin (Méditerranée occidentale, Cyrénaïque, Pont-Euxin et mer d'Azov). Les Grecs se retrouvent ainsi autour de la Méditerranée, comme « des grenouilles autour d’une mare ». Sources et muséographie : Ouvrages généraux : MOSSE (Cl.), La colonisation dans l’Antiquité, Paris, Nathan, 1970. G. VALLET, Le monde grec colonial d‘Italie du Sud et de Sicile, Rome, coll. Ecole Fr. de Rome, n° 218, 1996. CASEVITZ (M.), Le vocabulaire de la colonisation en grec ancien, Paris, 1985. RIDGWAY, Les premiers Grecs d’Occident. L’aube de la Grande Grèce, 1992. Boardman J., Les Grecs d’Outremer. Colonisation et commerce archaïques, Naples 1995 Gras M., La Méditerranée archaïque, Paris 1995 Guzzo Pier Giovanni, Magna Grecia. Les colonies grecques dans l’Italie antique, Paris 1996 Lamboley J.-L., Les Grecs d’Occident. La période archaïque, Paris 1996 Lepore E., La Grande Grèce. Aspects et problèmes d’une colonisation ancienne, Naples 2000 Le Pont Euxin vu par les Grecs. Sources écrites et archéologie, Paris 1990 Documentation Photographique et diapos : La colonisation grecque en Occident, La Documentation Photographique, n° 5300, 1969 Revues : « Comment les grecs ont colonisé La Méditerranée » - Hervé Duchêne, L'Histoire, 07/2004 | n°24 | Le monde d'Ulysse Carte murale : Le monde grec sur une carte du bassin méditerranéen aux VIIIe - VIIe siècle av. J.-C. Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : La Grèce n'a jamais été unifiée politiquement dans l'Antiquité, mais les L’étude porte sur l’organisation politique et établissements hellènes qui jalonnaient la Méditerranée se sentaient liés par une sociale. Volonté dans le socle commun communauté de civilisation foncièrement originale. Le coeur du monde grec est d’insister sur les événements majeurs et les baigné par la mer Égée, de la péninsule balkanique à la côte d'Asie Mineure en grandes figures de l’histoire de la Gaule passant par les îles. Au VIIIe siècle avant J.-C, la vague de colonisation y ajoute (d’où rajout de la fondation de Marseille par des établissements autour de la mer Noire et sur le pourtour de l'Italie du Sud et de les Phocéens). la Sicile, puis les cités essaiment à l'ouest du bassin méditerranéen et sur la côte nord de l'Afrique. Ce phénomène a produit plusieurs conséquences majeures sur le plan politique et social : la mise en place des procédures qui règlent les expéditions coloniales, l’élaboration de nouveaux projets urbains, la création d’un système de relations, violentes ou pacifiques, avec les populations indigènes, l’interaction avec les citésmères. Les conséquences culturelles ont été également très importantes : les milieux coloniaux ont été les foyers importants d’élaboration de la culture figurative et architecturale, de circulation de l’écriture à usage public et privé, de 18 construction des normes juridiques. Ils ont favorisé la diffusion de courants philosophiques et de savoirs spécialisés, telles la médecine et le savoir faire artisanal. Hormis la Grèce propre et le monde insulaire égéen, toutes les « Grèce » sont le résultat d'une colonisation qui date de l'époque archaïque. Au-delà de l'extrême diversité de leur situation et de leur histoire, ceux qui les peuplent ou, au moins, ceux qui les dirigent parlent le grec. S'il n'y a pas de rite de fondation proprement dit, avant le départ, il faut consulter un oracle. Le schéma simplifié de la colonisation est le suivant. Un groupe d'hommes s'embarque sous la houlette d'un chef de l'expédition. Le point d'arrivée détermine l'installation. Les habitants devront de gré ou de force céder la place. Après un certain temps de développement, naît une nouvelle cité ; elle a transplanté la flamme du foyer de sa cité mère, elle en adopte le plus souvent les dieux et les institutions politiques, tandis que sa structure sociale doit s'adapter aux conditions de ce déracinement collectif qui a rejeté l'héritage complexe de traditions ancestrales. Il n'y a de la part de la cité mère aucun contrôle, mais un libre jeu d'influences réciproques, exceptionnellement des tentatives pour utiliser les colonies à des fins impérialistes. Les causes du départ sont variées. Les colonies sont fondées par des cités trop peuplées qui possèdent une organisation politique et économique et qui ont une connaissance de la mer. Les colons vont chercher de bonnes terres cultivables. Ce mouvement créa un sentiment de solidarité panhellénique. Dans ces colonies, la civilisation grecque brille vivement, surtout en Grande Grèce et en Sicile. Chalcis, Mégare et Corinthe en Grèce d'Europe, Phocée, Milet et Rhodes en Grèce d'Asie sont les principales cités à l'origine de la colonisation. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : I. De multiples causes de départ La première question qui se pose, face à ce mouvement de colonisation qui débute dans le courant du VIIIe siècle, c'est naturellement de chercher à comprendre pourquoi des habitants de la Grèce continentale ou insulaire décident de s'expatrier. Les réponses sont multiples mais la cause essentielle tient certainement à un surpeuplement relatif : dans une Grèce au sol ingrat, une augmentation même légère de la population entraîne l'impossibilité de nourrir tous les habitants ; s'y ajoute une répartition inégale de la propriété foncière. C'est donc la soif de terre qui provoque le départ de nombreux Grecs vers des horizons nouveaux. S'y ajoutent les conséquences de luttes politiques dans certaines communautés grecques : le clan, le parti qui a le dessous choisit l'exil pour échapper à un sort peu enviable. Selon Strabon VI, I, 6, des Messéniens participent avec des Chalcidiens à la fondation de Rhégion, après avoir été chassés par leurs compatriotes ; les Chalcidiens, eux, ont fui la disette en Eubée, qui était telle que la cité avait décidé de chasser un dixième des habitants. Tarente est fondée par les Parthéniens qui seraient des enfants nés d'unions illégitimes de femmes spartiates, qui auraient été expatriés par Sparte. Corcyre et Syracuse sont fondées par Archias, un Bacchiade de Corinthe condamné pour meurtre. La conquête de Cyrus a amené les Phocéens en 545 à décider le transfert de leur cité sur la côte orientale de la Corse, à Alalia (Hérodote I, 164). L'esprit d'aventure a pu aussi jouer un rôle, même si l'aventure est plus souvent subie que voulue. Ainsi le Samien Kôlaios, embarqué pour l'Égypte, est, selon Hérodote (IV, 152), entraîné par le vent d'est jusqu'à Tartessos, au-delà du détroit de Gibraltar – les colonnes d'Héraklès –, d'où il revient avec la plus belle cargaison qu'on puisse imaginer. Enfin le désir de faire du commerce animait certains Grecs, désireux de vendre des productions grecques et de rechercher des matières premières rares en Grèce. Cette dernière cause de départ n'est pas, comme on l'a cru longtemps, intervenue seulement dans un deuxième temps, comme s'il y avait eu d'abord une colonisation provoquée uniquement par la quête de terre : le premier établissement grec en Occident fondé dès 770 à Pithécusses, dans l'île d'Ischia, n'est pas une colonie agricole mais un lieu d'échanges entre Orient et Occident, avec la présence de marchands phéniciens au côté des Erétriens venus d'Eubée, comme à Al-Mina, sur la côte syrienne. Les zones de départ sont les régions grecques au sol le plus pauvre, comme l'Achaïe, la Locride, mais aussi les régions d'échanges comme l'isthme de Corinthe, les îles ou les villes d'Asie Mineure, et parfois les villes les plus troublées par des guerres intestines. On aurait tort de se représenter ces mouvements comme des départs massifs. Ce sont, tout au plus, quelques centaines d'hommes jeunes qui se mettent en route pour s'établir sur une terre nouvelle : Étienne de Byzance indique que la colonie d'Apollonia d'Illyrie a été fondée par Gylax accompagné de deux Activités, consignes et productions des élèves : BO futur programme : « Les foyers de la civilisation grecque aux VIIIe - VIIe siècle sont identifiés (cités, colonisation). La carte de la Méditerranée grecque est mise en relation avec des images et monuments significatifs (trières, temples de Sicile…). On présente la cité-État et la colonisation à partir d’un exemple librement choisi. Raconter la fondation d’une cité ». 19 cents Corinthiens, qui se sont ajoutés à d'autres colons, en nombre inconnu, venus de Corcyre voisine. Hérodote (IV, 153) indique que Battos part de Théra avec une expédition de deux pentécontores, soit environ une centaine d'hommes. La colonie ne peut survivre que par les unions matrimoniales avec des femmes indigènes qui assurent le renouvellement des générations et la pérennité de la nouvelle cité. II. Les conditions de la colonisation La fondation d'une colonie est toujours précédée d'une progressive découverte de la région par des marins qui repèrent les sites favorables à l'établissement de colons, susceptibles à la fois de leur fournir la terre dont ils ont besoin, éventuellement un port bien abrité, et de toute façon la sécurité indispensable d'un site facile à défendre ; le milieu indigène n'est, en effet, pas toujours prêt à accueillir avec bienveillance de nouveaux occupants ; dans bien des cas, la rencontre des deux mondes ne se conclut pas comme à Marseille, où Gyptis, la fille du roi des Ségobriges, a choisi comme époux le chef de l'expédition phocéenne, Prôtis. La situation n'est pas la même selon que la fondation se situe dans un pays de vieille civilisation ou dans un pays moins évolué : dans l'Égypte pharaonique, les Grecs sont cantonnés dans le comptoir de Naucratis, sans liberté de circulation à l'intérieur du pays. L'oracle de Delphes a été crédité d'un rôle important dans le choix des implantations grecques autour de la Méditerranée ; Hérodote (IV, 157-158) le montre bien pour l'expédition des gens de Théra vers Cyrène. Dans une société où le sacré est omniprésent, il est normal que les hommes cherchent à mettre leurs décisions en harmonie avec la volonté des dieux, et la Pythie peut les encourager ou les dissuader dans leurs entreprises. De plus, beaucoup d'informations rapportées par les marins, commerçants et soldats grecs circulent à Delphes, mais on aurait tort de se représenter le sanctuaire d'Apollon comme une plaque tournante, un centre d'orientation de tous les futurs colons grecs, selon un programme préétabli. Une fois le site d'implantation choisi, l'expédition s'embarque sous la direction de l'œciste qui a la responsabilité du groupe. De plus, à l'arrivée, c'est lui qui procède au lotissement de la terre attribuée à chacun et qui dirige l'organisation, souvent précaire, de ce nouvel établissement. En quittant la cité-mère, les colons emportent avec eux le feu et les cultes de la mère patrie, ce qui maintient une solidarité, une parenté souvent affirmée plus tard dans des décrets votés dans l'une ou l'autre cité. Souvent les institutions de la colonie reproduisent celles de la métropole ; il faut pourtant observer que le monde colonial est un monde neuf, sans aristocratie ancienne, une société plus égalitaire, au moins au départ. La nouvelle fondation est totalement indépendante de la métropole ; elle constitue une nouvelle cité, et les colons échangent leur citoyenneté d'origine contre celle de la colonie : les Corinthiens partis fonder Syracuse deviennent des citoyens syracusains et cessent d'appartenir au coprs civique de Corinthe. Pourtant Corinthe a l'originalité d'entretenir souvent des liens étroits avec ses fondations, comme on le voit à Potidée, fondée en 600 et qui reçoit toujours un magistrat annuel, l'épidémiourgos, envoyé par la métropole avant 431. C'est aussi Corinthe qui se heurte violemment avec sa colonie de Corcyre dans le premier combat naval connu dans le monde grec, dès 664, ce qui est objet de scandale pour les Grecs. III. Les zones de colonisation Les implantations de colonies se réalisent au cours des trois siècles de l'archaïsme grec (VIIIe-VIe siècles) : dans un premier temps, au VIIIe siècle, elles touchent à la fois l'Orient et l'Occident ; au VIIe siècle, les mouvements s'orientent vers le nord et vers le sud ; le VIe siècle est une période de consolidation, notamment dans le Pont-Euxin. La présentation est plus claire suivant un ordre géographique plutôt que chronologique, en précisant que certaines côtes sont fermées à la colonisation grecque, comme celles d'Afrique du Nord et de la péninsule Ibérique, du fait de la présence phénicienne ou carthaginoise. – La Syrie du Nord, la Phénicie, Chypre : Al-Mina, à l'embouchure de l'Oronte, est le premier emporion fréquenté par les Eubéens, comme par les Chypriotes qui les ont précédés. Ils sont par là en relation avec l'Assyrie et les autres royaumes mésopotamiens. Par la suite, Samiens et Milésiens y prennent leur place et la culture orientale marque les productions grecques. – L'Égypte et la Cyrénaïque : Psammétique Ier (664-610) recrute des mercenaires ioniens et cariens qu'il installe dans le delta. En 591, d'autres mercenaires gravent 20 des inscriptions en grec sur les statues géantes d'Abou-Simbel. Amasis (570-526) concède aux Grecs le comptoir de Naucratis, selon Hérodote (II, 178-179), mais les témoignages archéologiques font penser que la présence grecque à Naucratis est plus ancienne. Ce sont les cités grecques d'Asie Mineure qui sont les plus présentes à Naucratis : Samos, Milet, Chios, Téos, Phocée et Clazomènes pour l'Ionie, Rhodes, Cnide, Halicarnasse et Phasélis pour la Doride, Mytilène de Lesbos pour l'Éolide ; seuls les Éginètes représentent la Grèce d'Europe. Le commerce porte sur le blé d'Égypte en échange d'huile d'olive, de vin et d'argent monnayé. Les Grecs établis à Cyrène sont des agriculteurs venus de Théra dans la seconde moitié du VIIe siècle. – L'Italie, la Sicile et l'Occident : les Eubéens (Erétriens et Chalcidiens) s'installent d'abord à Pithécusses (Ischia) dans la première moitié du VIIIe siècle et à Cumes en Italie centrale, puis à Naxos (en 734), Léontinoi (en 728) et Catane en Sicile, à Zancle, la future Messine, et à Rhégion sur le détroit. Les cités de l'isthme fondent Syracuse (en 734) et Mégara Hyblæa six ans plus tard, les Syracusains essaimant ensuite vers Akrai en 663 et Camarina. Rhodiens et Crétois fondent ensemble Géla. Les Achéens s'établissent à Sybaris vers 720, à Crotone vers 710, Kaulonia, Métaponte à la fin du VIIIe siècle, Poseidonia, la future Pæstum. Sparte crée Tarente dans la dernière décennie du VIIIe siècle ; Colophon, Siris juste avant 650 ; les Locriens, Locres épizéphyrienne en 673 selon Eusèbe. Au VIIe siècle, Mégara Hyblæa fonde Sélinonte en Sicile occidentale, et Zancle Himère dès 549 ; Géla crée Akragas (Agrigente) vers 580 ; enfin, les Phocéens, chassés d'Alalia en Corse orientale par la coalition des Étrusques et des Carthaginois, s'établissent à Élée (Vélia) vers 535. Au-delà, dès 600, d'autres Phocéens avaient fondé Marseille ; Emporion (Ampurias) est de peu postérieure. – Le Nord : si la mer Noire peut être l'objet d'un article plus développé, il reste à relever l'établissement de colonies grecques sur les rives septentrionales de la Méditerranée, d'une part dans l'Adriatique et d'autre part sur la côte septentrionale de la mer Égée. Dans l'Adriatique, les Eubéens ont précédé les Corinthiens à Corcyre et à Orikos. Ces derniers chassent les Érétriens et fondent leur importante colonie de Corcyre dès 733. Après leur conflit illustré par la bataille navale de 664, les deux cités unissent leurs efforts pour la fondation d'Épidamne-Dyrrhachion en 627 et, avant la fin du VIIe siècle, celle d'Apollonia d'Illyrie, tandis que des Cnidiens vont à Korcula (Corcyra Melaina) près de la côte dalmate. À la fin du VIe siècle, Adria et Spina sont des emporia visités par des Grecs, notamment des Athéniens, au contact de l'Étrurie padane. Au nord de la mer Égée, les Eubéens colonisent les péninsules de Chalcidique, et Corinthe fonde en 600 Potidée à la racine de la Pallène. Paros établit une colonie à Thasos vers 680, les gens de Chios s'installent à Maronée, les Éoliens à Ainos et les Clazoméniens à Abdère. Marseille, cité grecque Phocée se trouve en Grèce d'Asie. C'est une cité dont le site se trouve sur la côte d'Asie Mineure. Un groupe de Phocéens ont fondé la colonie de Marseille, près de l'embouchure du Rhône. On peut sans hésitation dire aujourd’hui que Marseille n’est pas cette ville "antique sans antiquités" qu’on décrivait au XIXe. La cité phocéenne a raté de nombreux rendez-vous avec son passé grec. Ne serait-ce que lors de la reconstruction à la Libération d’une zone de 14 hectares du quartier du Panier, détruite par les nazis au début de 1943, qui était cœur de la ville antique. Vers 1860, tout un quartier a été rasé pour relier le Vieux-Port aux nouveaux bassins portuaires de la Joliette. Depuis 1967 et la découverte d’un bout de muraille du IIe av. J.-C., la connaissance de la colonie grecque a beaucoup progressé. En 1992-1993, on a découvert pêlemêle, place Jules-Verne, un quai et des chantiers navals, puis deux embarcations dans un état de conservation exceptionnel. En 1997, les archéologues ont mis à jour un élément de construction du début du VIe avant notre ère, interprété tantôt comme un quai du premier port, tantôt comme l'extrémité maritime de la fortification de l'époque. Et tout récemment, en 2005, une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a commencé à dégager les vestiges de ce qui était apparemment un important complexe civil ou religieux, richement décoré, daté de 550 avant J.-C., donc du premier siècle de l'établissement phocéen Aux dires des spécialistes, elle fut la plus importante cité grecque de l’extrême Occident, où au Ier siècle avant J.C.vivaient entre 10.000 et 20.000 habitants sur une cinquantaine d’hectares. A un moment où Rome, la nouvelle grande puissance méditerranéenne du temps, en comptait 100.000. Massalia était une métropole 21 couverte de grands monuments dont, étonnamment, aucun n’a traversé les siècles. Avant l’arrivée des Grecs, le site de la future Massalia a vraisemblablement été fréquenté par des populations néolithiques puis celto-ligures. Certains spécialistes ont sur la dénomination des populations autochtones qui vivaient sur place avant l'arrivée des Grecs des débats passionnés (Celto-Ligures, Gaulois, Celtes). Mais le site n’a jamais été occupé de manière durable. La ville s’est constituée sur un site vierge, dont seuls les rivages avaient été fréquentés. Les Grecs débarquent vers 600. Les textes antiques attestent très tôt cette présence : le célèbre historien Hérodote la cite dès le Ve. On connaît en tout 25 passages de textes étalés sur 800 ans, "preuve" de la constante considération pour Marseille chez les fondateurs de la civilisation gréco-romaine. Le mythe de la fondation a toujours fait rêver. Que dit exactement la légende rapportée par plusieurs auteurs anciens, à commencer par le philosophe Aristote au IVe siècle, dont le texte initial a cependant été perdu ? L'écrit le plus précis est celui de l’historien latin Justin qui écrit vraisemblablement au IIe après J.-C. mais reprend l’ouvrage d'un autre auteur latin (d'origine gauloise), Trogue Pompée, rédigé un siècle plus tôt. Sous le règne du roi Tarquin, des jeunes gens venus de Phocée en Asie abordèrent à l’embouchure du Tibre et firent alliance avec les Romains. De là, continuant leur navigation, ils allèrent jusqu’aux golfes les plus éloignés de la Gaule. La flotte grecque, conduite par deux chefs, Simos et Protis, arrive dans un golfe à l’embouchure du Rhône. Séduits par l’agrément du lieu, ils retournèrent chez eux, rapportèrent ce qu’ils avaient vu et sollicitèrent des renforts. Simos et Protis rencontrent Nann (ou Nannus), le roi des Ségobriges, peuple celto-ligure qui occupe les lieux. Ils lui demandent son aide pour fonder une ville sur son territoire. Ce jour-là, le roi était occupé à préparer les noces de Gyptis, sa fille, que selon la coutume de son peuple, il se préparait à marier par le choix d’un gendre au cours du festin. Les navigateurs phocéens sont invités au banquet des noces. La jeune fille fut introduite et, comme son père lui avait ordonné de proposer l’eau à celui qu’elle choisirait comme mari, elle délaissa alors tous les autres, se tourna vers les Grecs et proposa l’eau à Protis, qui d’hôte devint gendre et reçut de son beau-père un lieu pour fonder une ville. Le fait qu’une princesse choisisse son époux parmi des prétendants assemblés est un rituel connu qui se retrouve dans quatre des épopées les plus célèbres de la tradition indo-européenne, notamment chez Homère et chez Euripide. De plus, le mythe de la fondation n'est pas propre à Massalia. On le trouve bien sûr, exemple célèbre entre tous, pour Rome (l'histoire de la louve). Mais aussi pour la plupart des colonies grecques d'Occident. Les noms peuvent varier d'un auteur antique à l'autre. La plupart parlent de Protis et Gyptis tandis que plus tôt au IVe siècle, Aristote évoque, dans un texte rapporté par un autre, Euxénos et Petta. Euxénos prit Petta pour femme "après avoir changé son nom en Aristoxéné", nous dit le célèbre philosophe (la malheureuse n'était apparemment déjà plus maîtresse de son destin puisque même son patronyme fut hellénisé dès avant la noce...). Ces patronymes ne doivent rien au hasard: Euxénos signifie "le bon hôte", Aristoxéné "l'excellente hôtesse". Tandis que Protis signifie "le premier", le premier dans la cité, donc le fondateur. Bien plus tard, à partir de 1825-1820, la légende de Gyptis et Protis ne peut qu’interpeller la société romantique du temps. Une société à la fois cultivée et bourgeoise, qui connaissait l’art grec, qui faisait le voyage à Athènes, qui souhaitait également – avec Michelet – se débarrasser de l’histoire dynastique commençant avec Clovis. Tout au long du XIXe, l’on voit fleurir des récits et d es gravures (ciel bleu, mer azur, vaillants guerriers et jolies femmes…) magnifiant cette rencontre entre la Gaule et la Grèce. Une rencontre censée rehausser le prestige de la civilisation française. En octobre 1899, c’est en quelque sorte l’apothéose de cette "Massaliamania" et de sa vision très idéalisée de la réalité, avec la célébration du 2500e anniversaire de la fondation de la cité phocéenne. Bien évidemment, les protagonistes de la légende, quels que soient leurs noms, n'ont très probablement pas existé sous la forme décrite par les auteurs antiques. De plus, la légende a peut-être été réécrite au cours de la longue histoire de la cité phocéenne. Par exemple pour vanter certaines grandes familles. "Il subsiste encore maintenant à Marseille une famille qu'on appelle les Protiades", nous raconte Aristote. La patronyme de Protiades vient bien évidemment de Protis : ladite famille avait sans doute trouvé là ce moyen pour se donner une origine on ne peut plus distinguée... D'une manière générale, le procédé du mythe permet aux Massaliotes de se forger 22 une noble et très ancienne ascendance. Pour autant, ces histoires mythiques ne peuvent durer que si elles ont un fondement solide. En l'occurrence, ce mythe symbolise très certainement une réalité : la rencontre entre des colons grecs et des femmes celto-ligures. Ces colons, que leur cité natale envoyait fonder une autre ville, étaient souvent des jeunes gens en surnombre qui venaient sans femme. De son côté, la légende rapporte que l'équipage phocéen ne comprenait qu'une dame, une prêtresse. Pour se développer, la nouvelle implantation avait donc forcément besoin d'un apport féminin que les Phocéens trouvèrent très probablement parmi la population locale. Les unions mixtes sont donc très certainement à la base du peuplement massaliote. Ces allusions mythiques à ces unions mixtes n’en sont pas moins étonnantes. Car les auteurs gréco-romains qualifiaient sans ambages de "barbares" les populations locales. De plus, l’empreinte des Phocéens sur l’arrière-pays marseillais a été en fin de compte relativement modeste et limitée. La fondation de Massalia se situe dans la période la plus récente du mouvement d’expansion territoriale grecque à travers toute la Méditerranée, auquel les Phocéens s’intègrent assez tard. Un siècle et demi avant eux, d’autres colons grecs avaient pris la mer pour aller s’établir un peu partout en Méditerranée. Les navigateurs-commerçants de Phocée referment ce mouvement de colonisation et doivent se contenter des territoires encore vierges de l’Extrême-Occident d’alors : les côtes de la Gaule et du nord de l’Hispania. Après Massalia, ils iront fonder Emporion (mot grec signifiant comptoir, lieu d’échanges), aujourd’hui Ampurias (Catalogne), Alalia, la future Aléria corse, et Elée (aujourd'hui Vélia en Italie du sud). Ils s'établissent ainsi dans des zones où leurs concurrents carthaginois et étrusques ne sont pas encore trop implantés... Sur la côte méditerranéenne de la Gaule, ils avaient également fondé toute une série de comptoirs, tant à l’ouest qu’à l’est de Marseille : Olbia (Hyères), Tauroeis (Le Brusc), Nikaia (Nice), Monoikos (Monaco), Agathé (Agde)… Autant de relais pour la navigation et le cabotage, relais sur lesquels, à l’exception d’Olbia, on dispose d'assez peu d'informations. Le cas de Théliné (Arles), sur le Rhône, dans l’arrière-pays (à quelque 90 km de Marseille), est plus discuté : la localité, qui avait au Ve avant J.-C. un urbanisme rappelant une ville grecque, était-elle intégrée dans le territoire massaliote ou étaitelle juste "un emporion fluvatile", ne possédant peut-être qu’un quartier de commerçants phocéens qui utilisaient le port. D’une manière plus générale, les Phocéens ont marqué la vallée rhodanienne de leur empreinte. Le fleuve était alors une véritable autoroute commerciale, très probablement vitale pour l'économie massaliote. Pourquoi cette colonisation et pourquoi Marseille ? L’historien romain Justin explique que les Phocéens étaient "contraints par l’exiguïté et l’aridité" du sol de leur mère patrie. Autrement dit, l’installation d’un établissement en Gaule, sur un sol vierge, pouvait être un moyen de survie pour ces Grecs. Lesquels "pratiquaient plus assidûment la mer que les terres, subsistaient de pêche, de commerce et même, le plus souvent, de piraterie, laquelle était en ce temps-là tenue en honneur", poursuit Justin. Le même explique que les marins phocéens "osèrent s’avancer jusqu’au rivage ultime de l’Océan". Autrement dit, au moins jusqu’au détroit de Gibraltar, et peut-être même au-delà. La précision est intéressante. Les navigateurs visaient peut-être ainsi les précieux métaux de l’Extrême Occident, l’argent de Tartessos (l’Andalousie atlantique, autour de Huelva), voire l’étain des bouches de la Loire et de la Grande-Bretagne, ce ‘matériau stratégique’ sans lequel ne pouvait se forger le bronze des armures. Ils visaient sans doute aussi d'autres métaux comme le cuivre et le fer, mais aussi des minéraux comme l'ambre de la Baltique. L’établissement d’un comptoir sur les côtes méridionales de la Gaule constituait ainsi un débouché pour tous ces produits qui voyageaient par voie terrestre (en transitant par la Bourgogne et la vallée du Rhône). Mais aussi un moyen pour pénétrer le marché celte. Massalia est ainsi probablement devenu un jalon dans le réseau commercial phocéen. On ne connaît pas avec exactitude aujourd'hui l'étendue du territoire massaliote Dans le quartier de Saint-Jean du Désert (Marseille XIe), sur le chantier du tramway, des archéologues de l’INRAP ont découvert des traces de vignoble phocéen remontant à l’époque hellénistique (IIe siècle avant J.-C.) ; on peut ainsi déterminer que le vignoble s’étendait à au moins cinq kilomètres de l’est du VieuxPort, la distance du lieu de la fouille au centre de Marseille. Mais les morceaux de céramique retrouvés dans la région laissent penser que les Phocéens, peuple de commerçants et de marins, étaient beaucoup plus implantés sur le littoral que dans l’arrière-pays. La chora de Marseille semble effectivement avoir été relativement 23 limitée. La plupart des oppidums fortifiés mentionnés pour le VIe siècle dans la zone de Massalia semblent disparaître au Ve, signe probable d’une prise de contrôle politique et militaire. Les Gaulois avaient peut-être bâti ces forteresses sur les hauteurs pour se protéger de l’expansionnisme massaliote. Voilà qui tendrait à prouver que la cité s’était constitué un espace par des moyens autres que pacifiques. L’hellénisation des peuples voisins de Marseille apparaît limitée, tardive et ambiguë. Les Marseillais s’assurent ensuite la maîtrise de la mer face à leurs rivaux. Dès le VIe siècle avant J.-C., ils "défirent les Carthaginois dans un combat naval", affirme l’historien grec Thucydide (au IVe). Lequel correspond peut-être à la bataille navale d’Alalalia (Aléria en Corse) qui opposa vers 540 avant J.-C. les Grecs marseillais à une coalition de Carthaginois et d’Etrusques. Dans un premier temps, Massalia semble s’insérer dans un important courant d’échanges avec l’Etrurie, tout en commerçant avec le monde grec (elle importe notamment de luxueux vases). Les archéologues ont ainsi mis à jour nombre d’amphores et de céramiques étrusques. Vers la même époque, les Marseillais entretiennent d’intenses relations commerciales avec la Gaule. Le contrôle de ce que certains historiens appellent la "route de l’étain" (qui va des îles britanniques à la Méditerranée par la Seine ou le Rhin en passant par la Saône et la vallée du Rhône) lui fournit alors une part notable de sa richesse. En fait, si l'étain est un métal stratégique (pour la fabrication des armes et armures), d'autres produits ont certainement transité par cet axe: fer, cuivre, ambre (de la Baltique)... Tout au long dudit axe, on retrouve aujourd’hui des monnaies de bronze massaliotes qui inspirèrent les graveurs de pièces gauloises. Mais la "route de l'étain" était sans doute empruntéee en sens inverse par les produits grecs (mais aussi étrusques), notamment les amphores. On en a découvert de telles amphores jusqu’en Suisse et dans les régions nordiques. Le fameux et immense cratère (vase) de Vix, reconnu comme grec et découvert dans une tombe princière en Côte-d’Or, sur le trajet du précieux minerai, a peut-être un lien avec le commerce marseillais. Les années 530-540 semblent marquer un tournant fondamental pour la jeune cité grecque. La recherche archéologique a montré que les objets de production locale deviennent plus nombreux, tandis qu’un nouveau type d’amphores signale l’émergence d’une production de vin proprement massaliote. La ville frappe ses premières monnaies d’argent. Autant d’éléments qui semblent traduire sa montée en puissance. Dans le même temps, l’économie de Marseille doit s’adapter à de profondes mutations. Les relations avec la Gaule sont interrompues par une période d’instabilité, sans doute due à des migrations. Pour compenser ces pertes de marché, le commerce massaliote se tourne alors vers la Méditerranée pour en conquérir de nouveaux. Autre bouleversement en 545: la conquête de Phocée, la mère patrie, par les Perses. Les historiens hésitent sur les conséquences de l’évènement. Une chose semble assurée : il n’entrave pas le développement de Marseille dont on peut se dire qu’elle dispose désormais d’une autonomie, notamment économique, plus large. Une partie de la population de Phocée se serait réfugiée sur les rivages de la Gaule, avant d’être rejointe par des habitants d’Alalia, menacée par Etrusques et Carthaginois. Autant d’apports de nouveaux citoyens qui ont peut-être renforcé la puissance de Massalia. Dès 540 avant notre ère, la ville bâtit sur le site du temple d’Apollon à Delphes, grand centre religieux de Grèce continentale, un petit temple appelé le "trésor des Marseillais". Les Romains, qui n’en avaient pas, devaient utiliser celui de leur allié massaliote. Ce bâtiment, dont une partie subsiste aujourd’hui, est l’un des plus anciens de Delphes et témoigne de la richesse de la ville d’Extrême Occident. Le port de Marseille, ses monuments sont ceux d’une grande cité qui devient un sujet d’admiration et de réflexion. A tel point que le philosophe grec Aristote (384-322 av. J.-C.) a rédigé une "République des Marseillais". L’ouvrage a disparu. Mais dans La Politique, celui qui fut précepteur d’Alexandre le Grand cite la ville comme exemple de la bonne et mauvaise marche des régimes oligarchiques. "L’oligarchie fera bien d’accorder aux masses la participation au gouvernement (…) comme à Marseille, en opérant une sélection des gens de mérite", écrit Aristote. Deux siècles plus tard, Strabon expliquera que "le gouvernement aristocratique de Marseille est le meilleur du genre : ils ont établi une assemblée de 600 citoyens, appelés ‘timouques’ qui conservent leurs charges leur vie durant". Massalia est prestigieuse aussi grâce à ses navigateurs. Les noms de deux d’entre eux ont traversé les siècles : Euthymène, qui aurait au IVe siècle longé les côtes de l’Afrique, et Pythéas, qui aurait visité des pays nordiques vers la fin du IVe. Ce dernier est mieux connu grâce à des auteurs anciens, notamment 24 Strabon et Pline. Ses voyages l’auraient emmené jusque dans les parages de l’Islande (où il aurait vu la banquise en formation), ainsi qu’en Scandinavie et sur les bords de la Vistule. Des voyages sur l’authenticité desquels la recherche moderne a parfois émis quelques doutes. Quoi qu’il soit, si ces expéditions ont bien eu lieu, elles furent sans doute financées par la ville. But : trouver de nouvelles voies pour l’étain et l’ambre, et ainsi ne plus dépendre de Gaulois jugés peu sûrs… Ces expéditions semblent être restées sans suite : la route maritime de l’étain n’était pas plus sure que la voie terrestre et les terres inconnues explorées n’offraient pas de richesses exploitables. Peu à peu, la cité phocéenne va tomber sous la coupe de Rome, la superpuissance méditerranéenne de l'époque. Au premier siècle avant notre ère, le célèbre orateur romain Cicéron évoque dans l’un de ses discours Massalia, peuplée "d’alliés très braves et très fidèles qui ont compensé pour le peuple romain le péril des guerres gauloises en lui fournissant des troupes et des navires". L’alliance est ancienne. Elle remonte au IIIe siècle, alors que s’affrontent Rome et Carthage, les deux grands de la Méditerranée occidentale. Marseille, qui craint la concurrence punique pour son commerce, choisit le camp italien. Le premier apporte au second, peu à l’aise sur mer, son savoir-faire en matière de navigation. Pour autant, la participation massaliote au conflit a été modeste. Ils ont prêté quelques bateaux. Et quand Hannibal a passé le Rhône, ils ont fourni quelques éclaireurs pour aider leurs alliés. L'archéologie a constaté qu'au tournant du IIIe et du IIe siècle avant notre ère, les amphores marseillaises cèdent le pas aux amphores en provenance d'Italie. Le vin italique s'exporte de plus en plus vers la vallée du Rhône. Dans le même temps, les Massaliotes importent de plus en plus de céramiques campaniennes (venues de la région de Naples). Par la suite, à partir du IIe siècle, Rome aide Massalia qui lutte contre ses voisins celto-ligures. En 125, la cité de la louve intervient contre la confédération sallyenne qui réunit plusieurs communautés gauloises. De 124 à 122, les légions doivent mener de sanglantes campagnes contre les Ligures, Voconces, Salluviens et à nouveau Sallyens. Les Romains vont même fonder une cité, Aquae Sextiae, la future Aix-en-Provence, pour mieux contrôler la région, prétendument dans l’intérêt de leur allié phocéen. Dans le même temps, Massalia reçoit en cadeau des territoires, notamment la basse vallée du Rhône. La cité phocéenne connaît ainsi une expansion tardive. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : En trois siècles, le monde grec s'est considérablement étendu, mais sans jamais chercher à s'assurer un contrôle continu de vastes territoires sur les côtes ou dans l'intérieur. Il s'agit toujours d'une série de comptoirs de superficie très limitée, séparés les uns des autres par de vastes territoires aux mains des populations indigènes. C'est par ces colonies que l'hellénisme pénètre progressivement l'arrièrepays. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 25 HA – Homère Approche scientifique Approche didactique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude Insertion dans les programmes (avant, spatiale) : après) : Vers 1200 avant J.-C, avec la venue des Doriens, toute l'organisation des Achéens Aborder les caractéristiques du monde est anéantie. Alors débute et se poursuit jusqu'en 750 avant J.-C, une période homérique, acteurs et croyances. Le travail obscure, celle présumée d'Homère, dite époque géométrique. sur ces textes patrimoniaux peut, avec Une « biographie » d’Homère : une vraie gageure puisqu’il s’agit d’un auteur dont profit, être mené conjointement avec on ne sait rien, on ignore même si ce nom ne recouvre pas deux auteurs. Nous ne l'enseignant de lettres. savons rien de celui que les Anciens appelaient "le Poète" : Homère n'a rien laissé sur lui, rien dit de lui-même contrairement à Hésiode. A-t-il seulement existé s'eston demandé au XVIIIe siècle ? N'est-ce pas un ensemble de poètes qui, de génération en génération, composèrent les épopées homériques ? Ou bien deux auteurs, celui de l'Iliade et celui de l'Odyssée, tant les poèmes sont différents ? A moins qu'il n'y ait une œuvre de jeunesse et une autre de maturité ? Une thèse récente, formulée par des auteurs anglo-saxons, postule que l'Odyssée aurait été écrite par une femme sicilienne du VIIe siècle (et dont le personnage de Nausicaa serait une sorte d'autoportrait). Ces questions, encore débattues aujourd'hui, ne trouveront jamais de réponse. Reste que les Anciens ne doutaient ni d'Homère ni de la guerre de Troie. Sources et muséographie : Ouvrages généraux : Ils sont issus soit de grands hellénistes (Pierre Vidal-Naquet 1930-2006, Claude Mossé, Moses I. Finley 1912–1986) ou philologues (Jacqueline de Romilly 1913, Monique Trédé-Boulmer), soit de professeurs d'histoire grecque (Pierre Carlier) CARLIER Pierre, Homère, Paris, Fayard, 1999 FINLEY M. I, Le monde d’Ulysse, Paris, Maspéro, (original 1954), 1969, réed « Points-Histoire », 2002 VIDAL-NAQUET P., le monde d’Homère, Perrin, 2000. Jacqueline de Romilly, Homère, PUF (QSJ), 1999 (1985) Cl. Mossé, La Grèce archaïque d’Homère à Eschyle, Le Seuil, Paris, 1984. O. Murray, La Grèce à l’époque archaïque, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1995. Monique Trédé-Boulmer, La Littérature grecque d'Homère à Aristote, PUF, coll. « Que sais-je ? » n° 227, 1992 (2e éd.). Philippe Brunet, La Naissance de la littérature dans la Grèce ancienne, Le Livre de Poche, coll. « Références », Paris, 1997 Documentation Photographique et diapos : TOUCHEFEU-MEYNIER Odette, Homère : un héritage, Documentation photographique n°8013, février 2000 Revues : La Méditerranée d'Homère : de la guerre de Troie au retour d'Ulysse / Collectif in, LES COLLECTIONS DE L'HISTOIRE, HorsSérie, N° 24, Juillet-Septembre 2004 dont l'article de : FARNOUX Alexandre, « Que sait-on vraiment d’Homère ? » Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : Selon la tradition antique, Homère était un aède aveugle qui composa ses poèmes BO : « C’est en lisant Homère que les en Ionie. Les historiens semblent s'accorder pour placer cette composition vers la élèves comprendront les croyances des fin du VIIIe siècle avant J.-C., lors d'une période de transition, au moment du Grecs ». Il est le seul repère de l’histoire passage d'une culture de composition et de transmission orale à une culture de grecque (avec Périclès) à rester dans les l'écrit. Il s'agit de longs chants qui retracent chacun une action simple, mais le futurs programmes : on recentre même sur rythme de l'action n'est pas linéaire. Les poèmes se déroulent comme une suite de le personnage en remplaçant « VIIIe siècle tableaux dont l'agencement subtil établit des correspondances entre les différentes av. J.-C. (poèmes homériques) » par phases de l'action. Cet assemblage est conforme aux études menées sur la poésie « VIIIe siècle av. J.-C. Homère ». orale. Ces poèmes nous font pénétrer dans le monde mythique des Grecs du VIIIe Mais les démarches s’appuient surtout sur siècle, lorsque le long processus de gestation et de composition de l'œuvre arrivait à les deux épopées : dans les futurs son terme. Dés l'Antiquité, ces poèmes connaissent un immense succès, ils servent programmes, « L’Iliade et l’Odyssée de base à l'apprentissage de la lecture pour les enfants et recèlent les modèles témoignent de l’univers mental des Grecs culturels auxquels ils devront se conformer à l'âge adulte. Le tyran Pisistrate, croit- (mythes, héros et dieux). » on, fait rédiger une transcription officielle des poèmes homériques en 550 avant J.C. L'Iliade et l’Odyssée sont longtemps apparus comme support à la recherche archéologique en Grèce, il fallait découvrir la civilisation homérique. Aujourd'hui, de nombreuses interprétations douteuses ont été abandonnées. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports Activités, consignes et productions des documentaires et productions graphiques : élèves : I. La question homérique BO futur programme : « L’étude est II. Homère, historien ? conduite à partir d’extraits de l’Iliade et de III. Homère, éducateur l’Odyssée et de représentations grecques : Les Anciens n’ont jamais remis en question l’existence d’Homère, même si très tôt, céramiques, sculptures... » et aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire littéraire de la Grèce, son 26 œuvre fut violemment contestée. Il est ainsi remarquable que l’une des premières attestations du nom d’Homère se trouve chez Héraclite, au VIe siècle avant J.-C., dans un passage très critique à l’égard des poètes. On désigne sous le titre « Vies d'Homère » un ensemble d’une douzaine de textes grecs, les plus anciens remontant aux environs du IIe siècle après J.-C. et les plus récents au début de l’époque byzantine. Les Vies les plus connues sont la Vie d’Homère du Pseudo-Plutarque, la Vie d’Homère du Pseudo-Hérodote et l’anonyme Dispute d’Homère et d’Hésiode. Ces Vies d’Homère, du fait des éléments extraordinaires qu’elles contiennent, ont de quoi surprendre le lecteur moderne. Le goût antique cependant s’accommodait fort bien de notations étranges voire surnaturelles qui ne conduisaient nullement lecteurs ou auditeurs à mettre en question la véracité d’un récit. Les Vies du Poète ressemblent beaucoup à des Vies de héros et de personnages semi-légendaires comme Thésée : on retrouve les mêmes éléments fixes que sont la naissance, les épreuves, la mort, les infirmités, l’intervention des oracles et parfois la présence d’une énigme associée à la mort. Les biographies antiques d'Homère ne s'accordent ni sur la date, ni sur le lieu de naissance du poète, ni sur ses parents ; en revanche, elles racontent la même anecdote sur sa mort. Sur une plage de l'île d'Ios, un groupe de jeunes pêcheurs posa au poète une énigme : « Ceux que nous avons pris, nous les avons jetés ; ceux que nous n'avons pas pris, nous les emportons ». Homère chercha en vain de quelle pêche il pouvait s'agir. En fait, à cause du mauvais temps, les pêcheurs n'avaient pas pris la mer, et avaient passé la journée à s'épouiller sur le rivage. Les poux qu'ils avaient attrapés, ils les avaient tués et jetés ; les autres, ils les gardaient sur eux. L'aède, n'ayant pas trouvé la réponse, serait mort de désespoir, ou aurait fait une chute mortelle. Le plus grand des poètes, source de toute science, aurait été mis en échec par des enfants… Plus fondamentale peut-être est l’héroïsation d’Homère, avec l’institution progressive de fondations religieuses en son honneur en divers endroits du monde grec. Homère, un poète pourtant et non pas un guerrier, devint progressivement une figure importante de la religion grecque, comme Thésée à Athènes ou d’autres héros dans le reste de l’Hellade. Avec l'institution progressive de temples en son honneur, Homère devient une figure religieuse. Argos lui élève une statue de bronze et lui sacrifie chaque jour. Strabon rapporte qu'à Smyrne "il y a une bibliothèque et l'Homereion, un portique à quatre côtés contenant un sanctuaire d'Homère et sa statue en bois." Le plus célèbre reste celui d'Alexandrie : le sanctuaire d'Homère était placé à l'intérieur du Musée qui abritait la fameuse Bibliothèque. S'y dressait une statue majestueuse, sans doute à l'origine des portraits aux traits communs du Poète. Face au silence d’Homère sur lui-même, on trouve les multiples et sempiternelles revendications des cités qui prétendaient être sa patrie mais il a souvent été remarqué que l’aire géographique définie par les premières cités qui revendiquent Homère, Chios, Smyrne, Colophon et Cumes, correspond aux particularités de la langue homérique, empruntant surtout à deux dialectes parlés principalement en Asie Mineure, l’ionien et l’éolien. La cécité du Poète est le trait caractéristique de sa figure légendaire. On a suggéré que le nom même d'Homère pouvait y faire référence en proposant l'étymologie hó mé hóron, "qui ne voit pas". Dans un très ancien Hymne à Apollon autrefois attribué à Homère, l'auteur dit de lui-même : c'est un aède aveugle venu de Chios. Et dans l'Odyssée, le Poète dit de son double, l'aède Démodocos, que la Muse l'aime et "lui a pris ses yeux mais donné la douceur du chant." Contrepartie du don de poésie, la cécité rend le Poète proche des dieux en lui permettant de voir au-delà des apparences. Ces courts récits biographiques ont fini par susciter la méfiance puis par tomber dans un oubli relatif à partir de la fin du XVIIIe siècle, à mesure que progressait la critique philologique. C’est aux Modernes qu’il revint de nier l’existence d’Homère, lançant ainsi la célèbre "question homérique", qui passionne encore les érudits et les chercheurs. Au XIXe siècle, c'est pour retrouver les sites décrits par l'épopée qu'Heinrich Schliemann lance ses fouilles en Asie Mineure. Quand il met au jour les ruines d'une ville appelée Troie, puis celles de Mycènes, on pense avoir prouvé la véracité des récits homériques. On reconnaît l'existence d'Agamemnon, pensant avoir trouvé un masque à son effigie, le grand bouclier d'Ajax, la coupe de Nestor, etc. On identifie la société décrite par l'aède à la civilisation mycénienne. Rapidement, les découvertes sur cette civilisation (au premier chef, le déchiffrement du linéaire B) remettent en cause cette thèse. Moses Finley, dans Le monde d'Ulysse (1969), affirme que la société décrite, hors quelques anachronismes, a vraiment existé : ce sont les « siècles obscurs », ceux du Xe et IXe siècles av. J.-C., situés entre la 27 civilisation de Mycènes et le début de l'âge des cités (VIIIe siècle av. J.-C.). La position de Finley est aujourd'hui également remise en question, en grande partie à cause d'anachronismes, montrant des traits datant du VIIIe ou du VIIe siècle av. J.C. D'abord, l'Iliade comprend trois descriptions de ce qui ressemble à la phalange. Les chars sont utilisés de manière incohérente : les héros partent sur leur char, en sautent et se battent à pied. Le poète sait que les Mycéniens utilisaient des chars, mais ne connaît pas leur utilisation à l'époque (combat char contre char, utilisation des javelots), et calque l'utilisation des chars sur celle des chevaux à son époque (transport à cheval jusqu'au lieu de la bataille, combat à pied). Le récit se passe en plein âge du bronze et les armes des héros sont effectivement faites de ce métal. Mais Homère donne à ses héros un « cœur de fer », et parle dans l'Odyssée du bruit fait, dans la forge, par une hache de fer que l'on trempe. Ces usages issus d'époques différentes montrent qu'à l'instar de la langue d'Homère, le monde homérique n'a jamais existé en tant que tel. C'est un monde composite et poétique, tout comme la géographie du périple d'Ulysse. En réunissant des chants épiques en un seul et même poème, Homère invente l'épopée, forme la plus aboutie d'une tradition orale déjà vieille de plusieurs siècles. En même temps, le Poète crée une langue unique mêlant divers dialectes, au moment même où apparaît l'alphabet et que s'ébauche une technique littéraire usant de l'écriture. Bien que la fixation du texte n'intervienne que deux siècles après lui, Homère adopte un point de vue déjà littéraire en concentrant son récit autour d'une action dramatique : la colère d'Achille et ses conséquences funestes. Dans Le Banquet de Xénophon, un personnage évoque l'éducation qu'il a reçue : "Mon père, désirant que je devienne un homme accompli, me força à apprendre tout Homère ; aussi, même aujourd'hui, suis-je capable de réciter par cœur l'Iliade et l'Odyssée." (III, 5) Homère reste durant toute l'Antiquité l'"éducateur de la Grèce" selon le mot de Platon. Ses vers, inspirés par la Muse, concentrent toute la connaissance humaine. On apprenait dans l'Iliade l'éthique du modèle héroïque : être le meilleur et voir sa valeur reconnue par tous. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 28 HA – Un sanctuaire panhellénique : Delphes (ou Olympie) au Ve s. av JC Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Sources et muséographie : Ouvrages généraux : F. Lefèvre, L'amphictionie pyléodelphique : histoire et institutions, Paris, 1998. G. Roux, Delphes, son oracle et ses dieux, Belles Lettres, Paris, 1976. J.-Fr. Bommelaer, D. Laroche, Guide de Delphes, École Française d'Athènes, De Boccard, 1991, I. « Le Site », II. « Le Musée ». Bruit Zaidman L. et Schmitt Pantel P., La Religion grecque dans les cités à l'époque classique, Coll. Cursus, Armand Colin, 1991 (2003). Un manuel d'une très grande clarté sur la religion en Grèce ancienne complété par un glossaire et un lexique très pratique. VERNANT J.-P., l’Univers, les dieux, les hommes, Le Seuil, 1999. Documentation Photographique et diapos : Revues : Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : concepts, problématique) : BO futur programme : « Les sanctuaires Si les sanctuaires panhelléniques (Epidaure, Delphes, Délos, Dodone, Olympie) panhelléniques montrent l’unité culturelle sont devenus accessibles à tous les Grecs et se sont vu dotés d'un passé vénérable, du monde grec au Ve s. Décrire le c'est qu'ils furent d'abord longtemps l'objet, de la part de leurs voisins immédiats, sanctuaire de Delphes en expliquant sa d'âpres luttes visant à se les approprier, telles des forteresses stratégiques. À défaut fonction religieuse. » de vainqueurs, ces points de fixation de querelles régionales se sont mués, comme Les documents permettent de visualiser le par médiation, en des sortes de domaines communs où les Grecs, de plus en plus site grandiose de Delphes et d'aborder avec nombreux, ont fini par venir de partout conforter leur conscience identitaire, les élèves le rôle central des Jeux pythiques fondant l'usage d'y honorer des dieux qu'ils partageaient – voire, le cas échéant, et de donner de la chair aux maximes de la consulter l'oracle – mais aussi celui de s'y mesurer les uns aux autres dans des Pythie afin que les élèves perçoivent les compétitions rituelles, encore proches souvent des conditions du combat réel, très préoccupations des consultants. variées, mettant en exergue tant les qualités du corps que celles de l'esprit. Espaces Ex de Phalanthos de Sparte et de Crésus de agonistiques par excellence, ces grands sanctuaires, par les foules qu'ils drainèrent Lydie : « quand il sentirait la pluie sous un bientôt, devinrent aussi, naturellement, des lieux de publicité, de concertation, de ciel clair, alors il prendrait possession d’un négociation où se scellèrent parfois des décisions lourdes de conséquences pour tous les Grecs. Mais, en pratique, on constate que chacun d'eux présentait une forte territoire et d’une ville », « Si tu fais la guerre aux Perses, tu détruiras un grand personnalité et remplissait un rôle propre dans la vie commune des Grecs. Delphes, très tôt honoré, tomba entre les mains d'une ligue amphictyonique, « ceux empire ». L’unité du monde grec se traduit par qui résident autour », groupant douze communautés – pas toujours toutes les l’existence de lieux sacrés où tous les Grecs mêmes – en charge aussi du temple de Déméter à Anthéla près des Thermopyles. se retrouvent lors de grandes fêtes Le processus reste obscur, mais Delphes joua un rôle majeur dans l'expansion religieuses. Il sera bon de raconter la coloniale grecque de l'époque archaïque comme centre d'information, voire légende d’Apollon tuant le serpent Python davantage quand il devint, tous les quatre ans, le cadre de divers concours bien pour bien comprendre les rites s’y fréquentés, les Pythia, et se couvrit d'édifices somptueux qui débordèrent déroulant. Les activités ont pour objectif de d'offrandes dont le musée témoigne de la richesse passée. Sur le terrain, les faire découvrir des pratiques religieuses, premiers temps du sanctuaire sont insaisissables et les récits qui évoquent la « des croyances communes à tous les Grecs ; première guerre sacrée » font l'objet de lectures diverses. La fontaine aux eaux le site est mis en relation avec des purifiantes de Castalie, juste à l'est du sanctuaire, fut peut-être le premier centre du documents annexes qui permettent de relier culte. Une chose est sûre : le site était déjà occupé à l'ère mycénienne (environ un ensemble monumental à ses fonctions, 1600-1200 avant J.-C.) par un établissement de nature controversée mais assez aux rites qu’il reflète. singulier si l'on en juge par certains objets retrouvés. Malheureusement, les Le sanctuaire d’Apollon à Delphes constructions ultérieures, qui ont consacré la gloire du site, ont gommé cette « témoigne à la fois de l’unité culturelle du Delphes mycénienne ». monde grec (qui se réunit aux jeux Delphes est le centre des Jeux pythiques, qui avaient pour originalité par rapport à pythiques, qui consulte l’oracle) et la Olympie, d'organiser à côté des Jeux athlétiques des concours musicaux d'une division politique des cités dont les tradition très ancienne et d'une grande réputation. Apollon est d'ailleurs le dieu de relations se résument souvent à la guerre. la musique et des arts. Le sanctuaire d'Apollon devait à la présence de son oracle Même les jeux pythiques donnent lieu à des une fréquentation permanente. Le recours à la divination orale (la mantique) rivalités entre elles, puisque les acteurs et consiste à recueillir et transmettre la parole du dieu. Il existe des recueils d'oracles sportifs remportent des prix pour leur cité, et des chresmologues, qui interprètent les oracles ; ils ont pu jouer un rôle dans la et que certains vainqueurs de concours se cité. Il existe d'autres sanctuaires où la parole du dieu est transmise par un vantent par leurs offrandes de leur victoire intermédiaire (Dodone, Didymeion), mais Delphes est le plus prestigieux. personnelle (aurige). Théodose mit fin aux Jeux et au culte en 394. L'ultime prophétie de la dernière Pythie est : « Allez dire au roi que le bel édifice gît par terre. Apollon n'a plus de 29 cabane ni de laurier prophétique. La source est tarie et l'eau qui babillait s'est tue. » Les maximes delphiques sont une originalité du sanctuaire. Apollon se fait le propagandiste d'aphorismes moraux concernant tous les hommes connus dans tout le monde méditerranéen et dont l'influence sera perçue jusqu'aux confins de l'Inde. Différents modes de consultation ont sans doute coexisté dans le sanctuaire de Delphes, mais le plus prestigieux était celui de la Pythie. Il s'agissait à l'origine d'une femme du pays, une vierge, qui prophétisait une fois l'an, le 7 du mois de Bysios, jour anniversaire de la naissance d'Apollon. A l'époque classique, les consultations ont lieu une fois par mois, toujours le 7. Il y eut, dit-on, jusqu'à trois Pythies, deux en titres et une suppléante, prophétisant à tour de rôle pour répondre à l'affluence des consultants. Les procédures préliminaires étant accomplies sous la surveillance des prêtres (ablutions, acquittement d'un droit de consultation, sacrifice), le consultant pénétrait dans le temple où avait lieu un second sacrifice, avant d'avoir accès enfin à l’adyton, où se tenait la Pythie. Sur le lieu et le déroulement de la procédure exacte, nous n'avons que des hypothèses. Il posait une question, souvent sous la forme d'une alternative, faut-il mieux agir de telle ou telle manière. La Pythie, inspirée par la pneuma, le souffle divin, est saisie d'enthousiasme (mania) ; alors le dieu s'exprime par sa bouche. Certains oracles ont été contestés. On a reproché à l'oracle d'utiliser son audience pour prendre parti dans des périodes de troubles. Si nous cherchons à comprendre la spiritualité hellénique, nous constatons l'importance extrême de l'oracle delphique, notamment dans le domaine de la législation religieuse. Même constatation pour l'essor d'une morale moins dure et plus humaine, qui connaisse le pardon, ignoré dans les sociétés les plus archaïques, victimes des vendettas en chaîne. Cest aussi toute une morale de modération, de juste mesure qui s'impose, celle qui a produit certaines des plus nobles maximes delphiques : « Rien de trop », expression d'une sagesse qui fuit l'excès orgueilleux et la démesure violente qui font sortir l'homme de sa condition, ou bien le « connais-toi toi-même », nouvelle proclamation des limites de l'homme. Le rôle de la mantique pythique n'est pas moindre dans les affaires d'État. C'est elle qui favorise le mouvement de colonisation, soutenant religieusement les colons dans leur dure condition d'exilés, parfois même les conseillant dans le choix de leur implantation. Quelques-unes des plus grandes fondations de l'Occident grec lui sont dues, telles Syracuse, Géla, Crotone, Tarente. Les monnaies de nombreuses colonies portent le trépied, symbole de leur dévotion envers un Apollon véritablement Archégète, « fondateur ». Considérable est aussi le rôle politique du sanctuaire oraculaire. Le clergé delphique, qui dirigeait en fait la politique de l'oracle bien plus que la parole du dieu qu'on interprétait comme on le voulait, suivait la loi du plus fort et a pu être accusé sans injustice de prendre le parti de Sparte au VIe siècle, celui du roi de Macédoine au IVe siècle. La Pythie a été accusée successivement de « médiser » (prendre le parti des Mèdes, les Perses), « laconiser » (être du côté des Lacédémoniens) et de « philippiser » (se prononcer en faveur de Philippe de Macédoine). La Pythie était de Delphes, cité aristocratique, et durant la guerre du Péloponnèse, elle soutint « naturellement » de préférence Sparte à Athènes qui était démocratique. L'exemple le plus fameux, le plus sinistre, est celui de la réponse qui est donnée aux ambassadeurs athéniens venus consulter après les Thermopyles : « Malheureux, pourquoi vous tenez-vous assis ? Quitte ta demeure et les hauts sommets de ta ville oraculaire. Fuis aux extrémités de la terre. Ni la tête ne reste solide, ni le corps, ni l'extrémité des jambes, ni les mains, ni rien de ce qui est au milieu n'est épargné ; tout est réduit à un état pitoyable, détruit par l'impétueux Arès monté sur son char syrien. » Cet « impétueux Arès » n'étant autre le grand roi perse, dont l'armée approche sans plus rencontrer de résistance… On imagine bien comment cette prophétie devait renforcer le courage des Athéniens ! Dans son soutien intéressé au Perse, l'oracle était allé trop loin et l'Athénien Thémistocle, qui avait des amis dans le clergé delphique, avait obtenu un second oracle, où il était conseillé de se protéger dans un rempart de bois. Sur ses conseils, les Athéniens abandonnèrent donc leur ville, se réfugièrent sur la flotte qui gagna l'incontestable victoire de Salamine en 480. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : I. Le sanctuaire de Delphes est un site grandiose à flanc de montagne sur la pente de Rhodini près de la gorge du Plestos, construit en une succession de terrasses. Le site de Delphes était considéré par les Anciens comme le centre de la terre. Centre religieux du monde grec, l'adyton contenait à côté du trépied l'omphalos, pierre Objectifs : - Connaissances et compétences : . Savoir décrire un sanctuaire panhellénique, connaître la fonction et interpréter la signification symbolique de ses différents éléments : monuments religieux (temples), espaces de loisirs (théâtre, stade), dons dédicatoires (statues ou autres trésors). Développements sur l’histoire de l’art grec classique en relation avec les nouveaux programmes. . Lecture de plans de monuments et mise en relation avec des maquettes et des vestiges antiques. Initiation à l’archéologie et l’utilisation des éléments archéologiques par l’historien : traces des monuments et leur reconstitution en élévation, technique de modélisation (maquettes, images 3D), localisation des trésors trouvés, « mystère » de la faille d’où est censée s’exhaler le souffle d’Apollon pour inspirer la Pythie, et dont les archéologues n’ont retrouvé aucune trace. . Étude de textes grecs, permettant de souligner la diversité des sources de l’histoire ancienne. . Connaissance de la pratique de la divination (oracle) . Utilisation des ordinateurs (classes mobiles) en autonomie, avec liens sur fichiers et liens internet, pour effectuer des recherches guidées. . Travail de groupe et restitution sous forme de courts exposés guidés par les questions, et servant de trame au cours. - Socle commun : étude de cas, ouverture sur une autre civilisation, histoire de l’art. - Préparation du B2I par un apprentissage progressif de l’autonomie : les sites internet sont présélectionnés (ce qui permet de vérifier les informations), les élèves n’ont qu’à cliquer pour les ouvrir, ils doivent, par contre, faire le tri entre les nombreuses informations qu’ils contiennent, rédiger et mettre en forme leur trace écrite sur l’ordinateur. Activités, consignes et productions des élèves : 30 brute où les Grecs voyaient, entre autre chose, l'ombilic du monde, lieu de la parole d'Apollon. Delphes dut peut-être sa longévité et l'ampleur de son prestige au fait même que son pouvoir, immense dans l'ordre moral et religieux, fut limité dans l'ordre politique. En remontant la voie sacrée, le visiteur passait devant les trésors et les ex-voto pour accéder au temple. Tous les quatre ans avaient lieu les Jeux pythiques, au stade (7 000 places) et au théâtre en l'honneur des dieux. Ces vestiges sont parmi les mieux conservés de la Grèce. L’intérieur du temple d’Apollon est tellement abîmé qu’il ne reste rien de ce que fut l’adyton. Le peu qui a survécu, paradoxalement, augmente moins nos connaissances que notre embarras. Avant la fouille du temple, les auteurs anciens (Hérodote, Euripide, Diodore, Strabon, Plutarque, Pausanias) permettaient d’imaginer d’une façon précise le lieu de la mantique apollinienne : c’était dans l’adyton, où seuls la Pythie, le clergé d’Apollon, et les consultants étaient autorisés à rentrer après s’être purifiés. L’adyton, selon Pausanias, se trouvait au plus profond du temple, les consultants descendaient dans le manteion, ce qui laisse imaginer une installation souterraine (comparable à la grotte de la Sibylle de Cumes). Dans le sol de l’antre, entre les pieds du trépied, toujours selon la tradition écrite, s’ouvrait un trou béant d’où s’exhalait le pneuma delphique, souffle du dieu, parfois délicieusement parfumé. Pénétré par cette émanation, la Pythie rentrait alors en transe, elle perdait tout contrôle d’elle-même, possédée qu’elle était par le dieu, et rendait ses obscurs oracles. Le site fut exploré à partir de 1891 par l'École française d'Athènes, après le vote par l'Assemblée nationale d'un budget spécial permettant de déplacer le village de Kastri installé sur ses ruines. Lorsqu’à la fin du XIXe s ont eu lieu les fouilles du temple, les archéologues s’attendaient à trouver au moins dans le sol une faille naturelle. Or le rocher de l’adyton ne présente pas la moindre fissure… Il n’y eut donc aucune construction souterraine. On imagine simplement que l’adyton était séparé du reste du temple par une cloison (légère, dont les matériaux fragiles auraient pu disparaître sans laisser de trace). On peut ici faire une digression sur le travail des archéologues et des historiens de l’Antiquité, et insister sur le fait que l’Histoire notamment de l’Antiquité n’est pas une science exacte ; c’est une « enquête » sur le passé, qui souvent aboutit à émettre des hypothèses davantage que des certitudes. Les trésors des cités au Ve s : - L’Aurige de Delphes (474) : Conducteur de char debout sur son char. La statue fut consacrée par Polyzalos, tyran de Géla (colonie grecque de Sicile), pour célébrer sa victoire à la course de char de 475 lors des jeux pythiques. - Trésor des Athéniens (490-480), virage de la montée vers le temple d’Apollon, 6,5 X 9,5 m², ordre dorique. Frise représente les exploits d’Héraclès et de Thésée (héros athénien, considéré comme le fondateur de la cité), le combat des Grecs contre les Amazones. Placé sous l’égide d’Apollon. Athènes a sauvé le monde de la sauvagerie. Célèbre la victoire de Marathon, les Athéniens l’ont édifié avec le butin de Marathon (Athènes a sauvé le monde des Perses) - Monument de Lysandre ou base des navarques (après 405) : À l’entrée du sanctuaire. Socle sur lequel reposait un ensemble de statues en bronze : à l’arrière les statues des hommes qui avaient contribué à la victoire, et à l’avant un ensemble mythologique : les Dioscures (Castor et Pollux), Zeus, Apollon, Artémis, Poséidon, qui couronne Lysandre, l’amiral de la victoire. Victoire de Sparte contre Athènes à Aigos Potamos en 405 (à la fin de la guerre du Péloponnèse). Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Sous le nom d'Hymnes homériques nous est parvenue une collection de poèmes religieux, dont chacun est consacré à un dieu. Homériques par la langue, le mètre, la technique formulaire, ces poèmes étaient destinés à être récités dans des sanctuaires à l'occasion de fêtes. Ils sont de dates diverses, parmi les plus anciens certains remontent au VIIe siècle avant J.-C. Ils sont d'un grand intérêt par les légendes sacrées qui y sont racontées pour justifier la fondation des sanctuaires ou glorifier une divinité. Apollon, né à Délos, est le fils de Léto et de Zeus et a une sœur jumelle, Artémis. Après avoir tué au bord d'une source un monstre femelle, le redoutable serpent Python, Apollon dit vouloir élever à cet endroit un temple, celui de Delphes. Pour obéir à la loi divine qu'il avait luimême établie et qui frappait d'exil les assassins, il fut envoyé sur terre pendant huit ans au service d'Admète, roi de Phères. Ayant expié son meurtre, il revint à Delphes, pur et lumineux, prendre possession du site oraculaire. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 31 HA – Citoyens et non-citoyens à Athènes au Vè s Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Situer la démocratie dans le temps long de l’histoire politique athénienne : elle apparaît ainsi comme une expérience politique neuve (après la royauté, l’oligarchie et la tyrannie) qui se met en place au Ve siècle (508 av J.-C.), jusqu’à la crise du régime qui fait suite à la guerre du Péloponnèse (431-404). Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : L'étude de la démocratie athénienne permet de présenter une forme d'organisation politique nouvelle dans un programme qui jusqu'alors avait présenté le pouvoir politique aux mains d'un seul dans l'Egypte pharaonique. Elle ne doit pas faire penser aux élèves que notre démocratie en est la descendante directe et c'est la raison pour laquelle il est essentiel d'en présenter les limites, limites institutionnelles par l'exclusion des non-citoyens et limites pratiques par la non-participation d'une grande partie du corps civique. En 2nde, la finalité du chapitre est de donner à l’élève une base culturelle sur le chemin de l’apprentissage de sa propre citoyenneté et des responsabilités qu’elle implique. L’accent est donc mis sur les droits et devoirs du citoyen et sur le fonctionnement concret de la démocratie athénienne, tout en tenant compte de ses spécificités. Il s’agit également de s’intéresser aux exclus de la démocratie et aux conditions de leur exclusion. Sources et muséographie : Sources littéraires Aristophane, Théâtre complet, Garnier-Flammarion, Paris, 1999. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, traduit par J. de Romilly, Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 1992. « Collection des Universités de France » («CUF»), publiée par l’association Guillaume Budé/Les Belles Lettres : Aristote, Le Politique, La Constitution d’Athènes ; Démosthène (discours judiciaires) Contre Timocrate, Contre Aphobos ; Eschyle, Les Perses ; Euripide, Les Suppliantes ; Isocrate, Aréopagitique ; Lysias, Sur le meurtre d’Eratosthène ; Pseudo-Xénophon, Constitution des Athéniens. Sources épigraphiques J.-M. Bertrand, Inscriptions historiques grecques, Les Belles Lettres, Paris, 1992. Institut F. Courby, Nouveau Choix d’inscriptions grecques, Les Belles Lettres, Paris, 1971. J. Pouilloux, Choix d’inscriptions grecques, Les Belles Lettres, Paris, 1960. H. Van Effenterre, F. Ruzé, Nomima. Recueil d’inscriptions politiques et juridiques de l’archaïsme grec, École Française de Rome, 1994-1995. Recueils de sources P. Brûlé, L’Histoire par les sources. La Grèce d’Homère à Alexandre, Hachette supérieur, Paris, 1997. H. Van Effenterre, L’Histoire en Grèce ancienne, Armand Colin, coll. «U2 », Paris, 1967. P.Vidal-Naquet, M. Austin, Économies et sociétés en Grèce ancienne, Armand Colin, coll. «U2 », Paris, 1992. Ne pas oublier la céramique à figures rouges athénienne Ouvrages généraux : Ils sont issus soit de grands hellénistes ( Moses I. Finley 1912–1986, Jean-Pierre Vernant 1914-2007, Édouard Will 1920-1997, Pierre Lévêque 1921, Pierre Vidal-Naquet 1930-2006, Nicole Loraux 1943-2003, Claude Mossé 1924) ou philologues (Jacqueline de Romilly 1913, Monique Trédé-Boulmer), soit de professeurs d'histoire grecque (Pierre Brulé, Raoul Lonis, Yvon Garlan, Marie-Claire Amouretti, Françoise Ruzé, Pauline Schmitt-Pantel, Marie-Françoise Baslez) et/ou des archéologues (Anthony Snodgrass, François Queyrel) Sur la cité en Grèce Pierre Brulé, La Cité grecque à l'époque classique, PU Rennes, 1995. Un ouvrage qui se consacre moins à la politique qu'à la géographie, à l'économie, à la vie sociale et à la religion : une approche originale. R. Lonis, La Cité dans le monde grec. Structures, fonctionnement, contradictions, Nathan-Université, Paris, 1994. Cl. Mossé, Le Citoyen dans la Grèce antique, Nathan-Université, coll. « 128 », Paris, 1993. Id., Les Institutions grecques à l’époque classique, Armand Colin, coll. « Cursus », Paris, 1999. Oswyn Murray, Simon Price, La Cité grecque d’Homère à Alexandre, Maspero, Paris, 1992. A. Vatin, Citoyens et non-citoyens dans le monde grec, SEDES, Paris, 1984. François de Polignac, La Naissance de la cité grecque. Cultes, espaces et société, VIIIe-VIIe siècles av. J.-C., La Découverte, Paris, 1989. Anthony Snodgrass, La Grèce archaïque, Hachette, Collection Pluriel histoire, 2005, 285 pages M.-F. Baslez, Histoire politique du monde grec antique, Armand Colin, coll. « Fac Histoire », 3e éd., Paris, 2004. 32 J.-M. Bertrand, Cités et royaumes du monde grec : espace et politique, Hachette, Paris, 1992. C. Mossé, Les institutions grecques à l’époque classique, Armand Colin, coll. « Cursus Histoire », 6e éd., Paris, 1999. C. Mossé, Histoire d’une démocratie : Athènes, Le Seuil, coll. « Points Histoire », Paris, (1971) 1992. Odile Wattel, La politique dans l’Antiquité grecque, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », Paris, 1999. Sur l’histoire grecque Amouretti M.-C. et Ruzé F.H Le Monde grec antique, Coll. Hachette Supérieur, Hachette, 1990 (2003). Excellente mise au point et abondante bibliographie, présence de textes commentés. Mossé C., Dictionnaire de la civilisation grecque, Complexe, 1992. Idéal pour une recherche rapide de notions particulières. Vernant J.-P, L'Homme grec, Seuil, Points Histoire, 1993. Un plaisir de lecture et une approche problématisée par thèmes très intéressante. Buttin A.-M., La Grèce classique, Coll. Guide Belles Lettres des civilisations. Les Belles Lettres, 2000. Un guide utile pour trouver rapidement des informations précises sur un sujet. E. Lévy, La Grèce au Ve siècle : de Clisthène à Socrate, Le Seuil, coll. « Points Histoire », Paris, 1995. C. Orrieux et P. Schmitt Pantel, Histoire grecque, PUF, coll. « Quadrige », nouv. éd., Paris, 2004. M.-F. Baslez, Histoire politique du monde grec, Nathan, Paris, 1994. F. Chamoux, La Civilisation grecque, Arthaud, Paris, 1983. Cl. Mossé, A. Schnapp-Gourbeillon, Précis d’histoire grecque, Hachette, Paris, 1990. Cl. Mossé, La Fin de la démocratie athénienne, Paris, PUF, 1962. E.Will, Le Monde grec et l’Orient, le Ve siècle, tome I, PUF, Paris, (1972) 1993. Guerre et citoyenneté Pierre Ducrey, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Paris, 1985. Y. Garlan, La Guerre dans l’Antiquité, Nathan-Université, Paris, 1999. Id., Guerre et économie en Grèce ancienne, La Découverte, Paris, 1989. R. Lonis, Guerre et religion à l’époque classique, Les Belles Lettres, Paris, 1979. Cl. Mossé, Guerres et sociétés dans les mondes grecs, de 490 à 322 av. J.-C., Jacques Marseille Éditions, Paris, 1999. J.-P.Vernant, dir., Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, EHESS-Le Seuil, coll. « Points Histoire», Paris, 1985. Culture politique, théâtre M. I. Finley, Démocratie antique et démocratie moderne, Payot, Paris, 1975. Id., L’Invention de la politique, Flammarion, Paris, 1985. N. Loraux, L’Invention d’Athènes, Payot, Paris, 1993. J. de Romilly, La Tragédie grecque, PUF, Paris, 1990. F. Ruzé, Délibération et pouvoir dans la cité grecque, de Nestor à Socrate, publications de la Sorbonne, Paris, 1997. P. Schmitt-Pantel, La Cité au banquet, École française de Rome, 1992. J.-P.Vernant, P.Vidal-Naquet, Mythe et tragédie, La Découverte, Paris, 1986. J.-P. Vernant, Le Chasseur noir, Maspero, Paris, 1981. Id., Mythe et pensée chez les Grecs, Maspero, Paris, 1985. Id., Mythe et société chez les Grecs, Maspero, Paris, 1974. Id., Les Origines de la pensée grecque, PUF, Paris, 1981. INSTRUMENTS DE TRAVAIL ET DICTIONNAIRES Cl. Mossé, Dictionnaire de la civilisation grecque, Complexe, Bruxelles, 1992. A. et F. Queyrel, Lexique d’histoire et de civilisation grecques, Ellipses, Paris, 1996. J. de Romilly, Précis de la littérature grecque, PUF, Paris, 1980. ICONOGRAPHIE J. Charbonneaux, Grèce classique, Gallimard, coll. « Univers des formes », Paris, 1969. P. Demargne, Naissance de l’art grec, Gallimard, coll. «Univers des formes », Paris, 1970. J.-J. Maffre, L’Art grec, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 1986. M.-C. Villanueva-Puig, Images de la vie quotidienne en Grèce dans l’Antiquité, Hachette, Paris, 1992. Documentation Photographique et diapos : Citoyen dans l'Antiquité, La Documentation photographique, n°8001, 1998 / Claude Nicolet, Jean-Marie Bertrand, Daniel Nony La Grèce classique, La Documentation photographique, n° 6092, 1987 / M.C. Amouretti Travail et société dans l’Antiquité (n° 6015), 1975 / M.C. Amouretti Athènes au Ve siècle (n° 226), juin 1962 Revues : Le siècle de Périclès, TDC, n° 916, du 15 au 31 mai 2006 La cité grecque au Vè siècle / Pierre LÉVÊQUE, H&G, 357, avril mai 1997, p. 79-88 Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : concepts, problématique) : Le chapitre consacré à la cité d'Athènes présente un exemple de l'organisation BO 6ème : « C’est en associant étroitement politique d'une cité à son apogée. Dans la partie du programme réservée à la Grèce l’étude du Parthénon, le fonctionnement de antique, cette approche athénocentriste (critiquée par certains historiens) s'explique l’ecclesia et le rayonnement de la cité au par le déséquilibre des sources favorisant Athènes et par la volonté de donner un milieu du Vème s., que les élèves exemple précis et original d'une cité, ce qui ne réduit en rien la diversité du monde percevront l’originalité de la démocratie grec. Présenter Athènes au Ve siècle avant J.-C., c'est tout d'abord insister sur la athénienne. » complémentarité entre la vie urbaine (qui a tendance à occulter le reste) et son Avec l’exemple d’Athènes, on aborde des 33 territoire ; le monde antique est un monde de paysans et l'agriculture y occupe la grande majorité de la population. C'est ensuite s'interroger sur la façon dont cette cité s'est construite en mettant en exergue le lien fondamental entre le politique, le religieux et le culturel, et entre la domination politique et le développement d'un centre intellectuel exceptionnel. Le déséquilibre des sources précédemment évoqué trouve d'ailleurs une part de son explication dans le regard que les Athéniens ont porté et construit sur eux-mêmes, dans l'image qu'ils ont voulu offrir aux cités de l'époque et celle qu'ils désiraient laisser à la postérité. C'est ainsi que tous les aspects de la cité, de l'Ecclésia au Parthénon, du théâtre à la sculpture, de la réflexion philosophique aux fêtes célébrant la cité, permettent de saisir l'originalité et la puissance d'Athènes à son apogée ; mais le « resserrement » chronologique au Ve siècle est discutable puisque les réformes politiques sont en partie antérieures et que le regard philosophique porté sur la cité est lui postérieur : cf les penseurs et hommes politiques du IVe siècle, comme Socrate (470-399 av. J.-C.), Aristophane (450-385 av. J.-C.), Alcibiade (450-404 av. J.-C.), Isocrate (436-338 av. J.-C.), Xénophon (430-355 av. J.-C.), Platon (427-346 av. J.-C.), Démosthène (384-322 av. J.-C.), Aristote (384-322 av. J.-C.). C’est dans la Politique d’Aristote (324-322 av. J.-C.) que, pour la première fois, est posée la question de la définition du citoyen. Il convient de s’interroger sur la pertinence de l’étude du cas athénien. À défaut d’y voir un régime politique « modèle », on peut penser que l’Athènes classique occupe une place de choix dans notre histoire parce que nous disposons pour cette ville d’une très riche documentation (archéologique, littéraire, épigraphique). En outre, l’histoire de la citoyenneté athénienne tend à se confondre avec celle de la démocratie – ce qui explique la forte polarisation dont elle est traditionnellement l’objet. L’avènement de la cité athénienne (VIIIe-VIIe siècle) n’est cependant pas concomitant de la naissance de la démocratie (Ve siècle). Il faut de ce fait se garder de toute confusion en montrant bien que l’histoire politique de l’État athénien est le fruit de crises et de compromis – en particulier au VIe siècle – qui l’ont conduit à adopter le régime démocratique. Dans cette optique nouvelle, la crise sociale et politique du VIe siècle apparaît comme un temps de transition et d’expérimentation. Ainsi, la tyrannie de Pisistrate semble avoir constitué une tentative pour établir un pouvoir soutenu par le demos, sans pour autant instituer de régime démocratique. Comme le suggèrent les instructions officielles, les historiens privilégient aujourd’hui deux axes de recherche pour rendre compte de l’apparition progressive de la démocratie athénienne : – Il s’agit de considérer cette histoire sous l’angle de l’élargissement progressif du corps civique au demos. Dans le cas athénien, cette évolution s’opère en deux temps : les réformes soloniennes (594 av. J.-C.) introduisent de nouveaux critères pour accéder à la communauté civique ; ainsi, le critère de la naissance est remplacé par celui de la fortune. On attribue à Solon la publication de sa législation. Il aurait été le premier à introduire l’usage des axones, panneaux de bois exposés dans l’espace public. Mais la « démocratisation » réelle de la vie politique est amorcée avec Clisthène (508-507 av. J.-C.), qui provoque un nouvel élargissement du corps civique et l’ouverture de la vie politique au demos, dont émane désormais le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif, par le biais des assemblées (Héliée, Boulè, Ecclesia) et des magistratures qui lui sont ouvertes (archontat, stratégie, etc.). C’est la réorganisation de l’espace civique par le redécoupage territorial de l’Attique : les quatre tribus préexistantes sont remplacées par dix tribus, regroupant des circonscriptions (trittyes) non contiguës réparties entre trois régions administratives (côte, ville et intérieur) et subdivisées en dèmes ; ainsi la tribu ne correspond pas à une entité géographique contrôlable par un clan aristocratique et chacune d’entre elles bénéficie d’un territoire semblable, ce qui a permis l’avènement de la démocratie, en unifiant l’Attique « par désir de mélanger (les Athéniens) afin qu’un plus grand nombre jouît des droits civiques » (Constitution d’Athènes). On peut d’ailleurs remarquer que les trittyes de la ville (asty) sont plus restreintes que celles de l’intérieur ou de la côte ; elles sont, en effet, découpées en fonction de la densité de population, la densité urbaine étant plus importante que celle des autres parties. On retrouve donc le souci d’avoir sensiblement le même nombre de citoyens dans chaque tribu. En rendant tous les citoyens égaux devant la loi, une loi qui désormais serait l’expression de la volonté du demos entier, il crée les conditions qui vont permettre à la démocratie de naître. Dans la Constitution d’Athènes, Aristote affirme que Clisthène a « remis l’État à la multitude ». notions fondamentales : celle de politique, de citoyenneté, de différents degrés de participation à la vie publique. Le chapitre s'appuie sur des types de documents très différents (textes, monuments, sculptures, vases, objets, monnaie...) afin de permettre la confrontation de différents langages, dépasser du concret à l'abstrait en identifiant par une démarche historique simple les données qu'offrent les documents, de donner une vue d'ensemble de la civilisation athénienne et, en dernier lieu, de permettre aux élèves de comprendre l'importance du document dans l'écriture de l'histoire. Enfin, ce chapitre, dont la teneur culturelle est forte, autorise la réflexion sur la place qu'occupe l'Athènes antique dans notre propre identité, en nous inscrivant dans le temps long de l'histoire. Le fonctionnement de la démocratie athénienne doit, pour être compris des élèves de Sixième, s'inscrire d'abord dans le concret. C'est pourquoi les documents de la leçon invitent à s'attacher aux lieux, aux objets et aux talents de la démocratie. Il est nécessaire de donner des exemples précis de discussions sur la Pnyx : évoquer l'organisation des fêtes, l'entretien des rues, la construction des temples, le paiement du tribut... avant d'amener les élèves à une réflexion plus abstraite qui peut s'appuyer sur une comparaison avec le régime de l'Egypte. Le fonctionnement de la démocratie est complexe et il n'est pas possible d'entrer dans des détails institutionnels avec des élèves de 6e. Le schéma met donc en évidence quelques notions-clefs permettant de saisir la particularité de ce régime : un corps civique élargi (théoriquement à l'ensemble des citoyens), des responsabilités partagées entre différents groupes et limitées dans le temps, le tirage au sort (qui signifie que tout citoyen en vaut un autre et que le hasard, d'origine divine, a sa place dans la vie politique), enfin des élections pour les magistratures les plus importantes qui exigent des compétences particulières (commandement de l'armée, gestion du trésor public). Cette démocratie directe est limitée dans les faits : les paysans éloignés de la ville ne peuvent participer régulièrement aux séances, les thètes sont exclus des magistratures principales... Dans la pratique d'ailleurs, la colline de la Pnyx ne peut accueillir plus de 6 000 personnes, soit 10 à 15 % des citoyens. L’Assemblée dispose de pouvoirs quasi illimités : elle vote et promulgue les lois, dispose du droit de guerre et de paix, élit aux magistratures militaires et à certaines magistratures financières et contrôle l’action des magistrats. Par un 34 – La démocratie est considérée comme une pratique concrète du pouvoir organisant les relations sociales au sein de la cité selon des modalités nouvelles. La communauté se réalise à travers des cultes communs dotés d’une dimension politique et patriotique : les grandes fêtes de la cité, comme les Panathénées à Athènes, sont interprétées comme des pratiques civiques, mettant symboliquement en scène la définition athénienne de la citoyenneté. De même, l’exercice de la citoyenneté est inscrit dans l’espace urbain : son aménagement, les lieux symboliques de la ville et leurs embellissements revêtent une dimension civique. L’adhésion aux valeurs politiques athéniennes est également en jeu à travers la culture collective : théâtre, rites alimentaires (banquets communs), art de la parole. Ces formes de sociabilité sont fondées sur une éthique du partage et de la participation collective. En ce sens, elles prolongent l’activité politique à proprement parler et sont parties prenantes de l’expérience de la démocratie. Cette histoire culturelle du politique a réhabilité l’étude des autres manifestations de la vie civique (théâtre, fêtes religieuses, débats intellectuels). Dans la mesure où le programme insiste sur la filiation avec le monde contemporain, c’est bien la pratique de la démocratie qui constitue le fil conducteur entre l’Athènes classique et le XXe siècle occidental. Cette filiation s’est opérée par la réflexion des Anciens, qui a alimenté les théoriciens modernes (humanistes, philosophes des Lumières) et contemporains. De fait, l’histoire de la cité athénienne est devenue un « lieu de mémoire» politique et culturel de l’Occident ; les Athéniens ont mis au point le concept de citoyenneté qu’ils ont défini comme une forme de participation directe au pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Ils sont ainsi considérés comme les inventeurs de la démocratie directe et de la notion de souveraineté populaire. Si la dimension patrimoniale du sujet est évidente, elle repose cependant sur une tradition pourvoyeuse de nombreux mythes. On peut en effet s’interroger sur l’existence d’un «modèle de démocratie », alors que le régime athénien n’a fonctionné de façon démocratique que durant une période relativement courte (un siècle) et n’a pas survécu aux crises militaires et politiques de la fin du Ve siècle. Pourtant, le mythe athénien a été entretenu par la philosophie politique des Lumières (Voltaire, Montesquieu ou Rousseau) qui imprègne encore notre culture politique. Suivant cette tradition, Athènes donne une vision exigeante de la citoyenneté, définie comme un ensemble de droits et de devoirs envers l’État et reposant sur l’octroi à tous les citoyens de la faculté de participer à la direction politique de la cité. Dans l’esprit du programme, ce mythe politique doit être confronté à la réalité sociale athénienne. Le demos (« peuple ») est bien au centre du pouvoir politique, mais il s’agit d’une minorité de la population. L’exemple de la citoyenneté athénienne permet donc de montrer le caractère profondément inégalitaire d’un régime dont les institutions sont à la fois démocratiques et censitaires. Ainsi, on pourra réfléchir aux relations entre citoyenneté et démocratie, et distinguer cette démocratie « antique » (directe mais fermée et inégalitaire) d’une pratique contemporaine de la démocratie (représentative et, a priori, plus ouverte et égalitaire). Deux ouvrages de Pierre Vidal-Naquet (se recoupant largement) permettent de comprendre comment la Révolution a compris Athènes : La démocratie grecque vue d’ailleurs, Champs Flammarion, 1996 et Les Grecs, historiens, la démocratie, le grand écart La Découverte 2000. Jusqu'à la Révolution (comprise), la connaissance de l’Antiquité grecque est essentiellement basée sur Plutarque. Au XVème siècle, chez les humanistes florentins, émerge une réflexion politique qui constitue un relais entre l’Antiquité et le Siècle des Lumières Le Siècle des Lumières voit s’animer le débat à propos d’Athènes et de Sparte : Voltaire est partisan d’Athènes et Rousseau de Sparte, mais le débat oppose moins la liberté et l’égalité, voire la démocratie et l’esprit oligarchique que le luxe (Athènes) et la frugalité (Sparte), les valeurs du commerce et celles de la guerre. Rousseau voit dans Sparte la réalisation de l’idéal du citoyen, seul produit de l’histoire pouvant faire face au modèle de l’homme selon la nature. En ce qui concerne Montesquieu, P. Vidal-Naquet parle de choix “ éclectiques ”. Dans les livres III, IV et V de l’Esprit des lois sur la vertu comme principe et comme pratique de la démocratie antique, Athènes est peinte aux couleurs de Lacédémone, celles de la frugalité. La boulè annuelle des 500 devient l’équivalent du Sénat romain ou de la gerousia spartiate. Pendant la période révolutionnaire, l’identification la plus forte entre Révolution et Antiquité grecque se fait pendant l’An II : Sparte, la cité des homoioi forme avec la République égalitaire de l’an II un couple indissociable ; c’est la démocratie simple vote, elle peut frapper d’atimie ou d’ostracisme un citoyen jugé dangereux pour la démocratie. Elle dispose de pouvoirs judiciaires exceptionnels comme la procédure d’eisangelie dans le cas de crimes politiques portant atteinte à la sûreté de la cité… C’est parmi ses membres que sont tirés au sort magistrats, héliastes et bouleutes. Pour les décisions importantes, un quorum de 6 000 votants est exigé. En moyenne, 2 000 à 3 000 personnes y assistent pour un effectif moyen de 40 000 citoyens. Le programme des séances est affiché quatre jours à l’avance. Elles débutent par des prières et un sacrifice, puis les textes mis à l’ordre du jour et préparés par la Boulê sont présentés. N’importe quel citoyen peut prendre la parole et proposer un texte de décret au vote. Le vote se fait à main levée, sauf exception pour le vote d’ostracisme. Ce sont surtout les magistrats en vue et les orateurs qui influencent l’auditoire. Les objets de la démocratie permettent d'inscrire l'acte politique dans une pratique concrète et de relier cette pratique au fondement théorique du régime démocratique. Ainsi la clepsydre, par la mesure du temps de parole, donne son sens à l'isonomie c'est-à-dire au droit égal à gérer les intérêts communs. Un temps de parole égal est le signe qu'au tribunal, l'accusation et la défense sont entendues et que la fortune ou la naissance ne donnent théoriquement pas plus de droit. Les jetons d'héliaste, parce qu'ils permettent un vote secret, sont un garant de la liberté théorique du vote. Le jeton à tige creuse sert à voter pour la condamnation d'une personne, celui à tige pleine pour son acquittement. Enfin, le kleroterion permet un tirage au sort des jurés, ce qui, pour les Athéniens, symbolise pratiquement une désignation protégée par les dieux. Des plaquettes portant chacune le nom d’un juge sont glissées dans les encoches. Des cubes noirs et blancs sont ensuite jetés au hasard dans le conduit vertical situé à gauche. Si un cube blanc apparaît dans le trou situé en bas à gauche, les juges de la première ligne horizontale siégeront, dans le cas d’un cube noir, ils ne le pourront pas ; et ainsi de suite pour les lignes suivantes. Les membres de la Boulè et la plupart des magistrats sont également désignés par tirage au sort. Les Athéniens considèrent cette procédure comme la plus démocratique. Les ostraca permettent de donner un exemple précis de contrôle et de montrer que le régime a réfléchi à la façon de se défendre. Le texte de Plutarque nous rapporte la procédure d’ostracisme dont Aristide « fils de Lysimachos » fait l’objet en 482 avant J.-C. (avant Thémistocle, son rival). La 35 modèle. Robespierre et Saint-Just utilisent Sparte pour voir leur propre société comme transparente, comme idéalement unifiée. En 1793, le thème de la régénération l’emporte et le culte de l’antiquité gréco-romaine en est l’instrument. Pendant la dictature montagnarde, seul Camille Desmoulins ose prendre le parti d’Athènes au nom de la démocratie, de la liberté de la presse et du droit à l’erreur, mais Camille Desmoulins est le seul des révolutionnaires à avoir une culture grecque un peu étoffée. Au XIXème siècle s’impose la lecture libérale : le discours change aussitôt après le 9 Thermidor même si Sparte demeure le modèle dominant sous la Restauration, voire la monarchie de Juillet, dans l’enseignement ; progressivement, le modèle spartiate se place à droite, voire à l’extrême droite. Le mouvement en faveur d’Athènes s’affirme chez les libéraux du début du XIXème siècle ; il est renforcé sous la Troisième République naissante : celle-ci se lit dans Athènes (finesse, culture, liberté d’expression) et voit en Sparte les Allemands (vainqueurs certes, mais autoritaires....). Cette identification s’est d’autant plus aisément prolongée au XXème siècle que les nazis eux-mêmes revendiquent le modèle spartiate (cf H.-I. Marrou Histoire de l’éducation dans l’Antiquité). Par ailleurs, la lecture des sources a imposé des biais. Les sources sur Athènes datent majoritairement du IVème siècle av. J.-C. parce que l’écriture au Vème siècle av. J.-C. demeure une exception. Glotz (en 1936) classait par ex, les sources en deux parties : tout ce qui pouvait renvoyer à un fonctionnement harmonieux des institutions était placé au Vème siècle av. J.-C. ; tout ce qui supposait la discorde et la crise était situé au IVème siècle av. J.-C. Pierre Vidal-Naquet s’interroge sur notre rapport à la Grèce : “ la Grèce n’est pas dans notre histoire et pour comprendre celle-ci nous n’avons nul besoin de savoir comment fonctionnait l’assemblée athénienne, ce qu’était la boulè (le Conseil), et comment était appliqué l’ostracisme. Ce qui est dans notre histoire ou du moins dans une partie de notre histoire et que nous ne pouvons en arracher, parce qu’elle est le passé, c’est le dialogue avec la Grèce et d’abord avec les textes grecs. La réélaboration, tantôt sous la forme mythique ou idéologique, tantôt sous la forme du travail critique et scientifique, de l’héritage grec, est une des données de notre histoire intellectuelle, qui s’exprime dans la création sans cesse renouvelée, de nouveaux concepts, de nouveaux champs épistémologiques. ” Il est toutefois indéniable que l’héritage athénien est à l’origine de notre culture politique. Les Athéniens se sont également interrogés sur la nature du pouvoir et la meilleure constitution politique, réflexion centrale dans l’oeuvre d’Aristote ou de Platon. L’idée que la publicité des lois crée les conditions pratiques de l’exercice d’un pouvoir démocratique constitue une des innovations les plus remarquables de l’histoire politique athénienne. L’égalité des citoyens devant les lois est confondue avec la publication des lois écrites : dans cette optique, faire de la politique signifie aussi avoir la faculté d’en débattre publiquement dans la cité. Les statues des dix héros éponymes (qui ont donné leur nom aux dix tribus d’Athènes), érigées sur l’Agora en face du bouleuterion, surmontent les textes de lois affichés sur le socle du monument : la lecture de ces textes, rendue ainsi plus facile et accessible, doit permettre de rappeler les grandes règles de la démocratie. Enfin, la civilisation athénienne est constitutive de notre culture occidentale. Les oeuvres artistiques et intellectuelles athéniennes ont en effet servi de référence au courant humaniste de la Renaissance, et leur « redécouverte» a permis l’avènement de codes esthétiques nouveaux. La représentation de la nudité par exemple, est devenue un topos de l’art renaissant, malgré les interdits religieux, grâce à la redécouverte de la statuaire antique et des canons gréco-romains. On peut également faire état de la « naissance » de l’histoire comme discipline scientifique constituée, trait caractéristique du Ve siècle athénien. Or la méthode, fondée sur l’esprit critique, préconisée par Thucydide (Histoire de la guerre du Péloponnèse) pour reconstituer le passé, prévaut encore dans notre approche des sources historiques. DÉBATS HISTORIOGRAPHIQUES L’historiographie s’est considérablement développée depuis une vingtaine d’années. La description classique des institutions politiques s’est renouvelée en prenant en compte l’existence de cultures politiques inscrites dans l’espace civique, ainsi que dans les structures de la vie sociale et culturelle des citoyens. L’étude du Ve siècle athénien s’est en outre enrichie des questions posées par la relecture de la période archaïque, caractérisée par la naissance des cités-États dans le cadre desquelles sont tentées de multiples expériences politiques (oligarchie, tyrannie, procédure d’ostracisme est utilisée pour la première fois en 488-487. Une fois par an, l’Ecclésia vote à main levée pour savoir si elle veut procéder à un vote d’ostracisme. Il s’agit ensuite de désigner par un vote secret à l’Assemblée (qui doit pour l’occasion réunir un quorum de 6 000 votants, nombre symbolisant l’ensemble du peuple) le citoyen que l’on veut exiler de la cité pour une période de dix ans sans qu’il perde la jouissance de ses biens. Il faut inscrire le nom de ce dernier sur un bout de céramique (beaucoup ont été retrouvés lors des fouilles de l’Agora). L’Assemblée doit choisir entre deux noms de citoyens ce qui montre l’importance prise par le jugement du demos dans la vie politique. Le but de cette procédure est d’éloigner de la cité toute personne qui, par l’influence qu’elle exerce dans la cité, pourrait y instaurer un régime personnel. L’ostracisme obéit au respect de l’égalité entre les citoyens. (Plutarque en montre les limites, car il y voit davantage l’expression de la jalousie du peuple envers une personne de talent). La privation des droits cesse avec la fin de l'exil. Mais si le nombre de voix n'est pas suffisant, c'est l'accusateur qui risque l'exil. Peu à peu, l'ostracisme est remplacé par d'autres procédures permettant à l'accusé de se défendre devant un tribunal. On peut également perdre la citoyenneté par un acte rituel (ou atimie) à la suite d'accusations bien précises (24 cas, dont la lâcheté au combat, le non respect des lois, les dettes, l'entrave à la justice, l'impiété, le non respect d'une sentence d'ostracisme). C'est aussi l'occasion de provoquer chez les élèves une réflexion sur la maîtrise du langage, aujourd'hui. Isocrate (436-338) a suivi les leçons de Socrate et a été professeur d'éloquence. Son Panégyrique est un de ses célèbres discours. Dans une démocratie directe, il faut savoir convaincre son public et maîtriser « l'art de la parole ». A la tribune de la Pnyx (« Qui demande la parole ? » était la formule traditionnelle), certains orateurs de talent, comme Périclès, ont exercé un réel ascendant sur leurs auditeurs par leur maîtrise de l'argumentation qui inspirera d'ailleurs philosophes et auteurs tragiques. Les techniques de persuasion deviennent au Ve siècle un objet de réflexion et d'enseignement comme le prouve le développement de la sophistique. Les sophistes s'attachent à former, dans des cours privés et payants, des élites de la tribune. 36 etc.) aux origines de la démocratie athénienne. Ces travaux ont d’abord permis de définir la notion de cité, étudiée comme un ensemble complexe de relations : – Les relations qui s’établissent entre les hommes qui composent la cité en font avant tout un groupement humain doté de droits politiques. La cité est ainsi considérée comme une communauté de citoyens ; – La manière dont elle organise l’espace qu’elle occupe offre l’image d’un ensemble solidaire ville-territoire ; – Enfin, les relations qu’elle tisse avec les autres cités ou royaumes font d’elle un État souverain. La cité ainsi définie est à la fois un corps civique doté d’institutions propres et un État indépendant. Cet État exerce sa souveraineté sur un territoire constitué d’un centre politique (en général urbain) et de l’espace (souvent rural) qu’il domine. Ainsi, il convient mieux de parler de cité-État, pour traduire la notion de polis. La question des facteurs de l’émergence de la cité entre le début du VIIIe siècle et le milieu du VIIe siècle a aussi suscité de multiples interprétations : - Parmi les causes avancées avec prudence par les historiens pour expliquer ce cheminement vers la démocratie figure la transformation des techniques militaires qui prive l’aristocratie foncière du monopole de la défense de la cité puisque le combat individuel cède le pas à la phalange hoplitique. C’est ce que démontre notamment la victoire de Marathon contre les Perses en 490 avant J.-C. Les hoplites ont alors vraisemblablement réclamé leur part de pouvoir. La réforme militaire ou « réforme hoplitique », généralisée au VIIe siècle, a renforcé le sentiment d’adhésion des soldats issus du peuple (hoplites) à la cité-État et a entraîné l’élargissement progressif du corps civique, jusque là composé de l’élite aristocratique. - L’historien Francois de Polignac a par exemple mis en avant l’importance du fait religieux : selon lui, l’existence de pratiques cultuelles et funéraires communes détermine les limites du territoire civique. L’apparition du temple, au VIIIe siècle avant J.-C., situé en marge de l’espace contrôlé par la ville (temples périphériques) ou en son centre (sanctuaires urbains) marquerait ainsi l’avènement d’une cité constituée et soucieuse de borner son territoire. La religion ainsi considérée serait un facteur d’accélération de la constitution de la communauté civique. - Les historiens évoquent aussi les transformations économiques qui conduisent au développement des échanges et à l’apparition de la monnaie à partir du VIIe siècle avant J.-C. Ainsi se serait développée une communauté d’hommes dont la richesse n’était plus seulement liée à la possession de la terre. - Enfin, selon A. Snodgrass, l’accroissement démographique avéré par l’archéologie (augmentation du nombre des sites occupés, accroissement des restes funéraires et du matériel céramique), à partir de la seconde moitié du VIIIe siècle, permet de dater les premiers regroupements humains en cités. En Attique, ce renouvellement démographique aurait présidé à la « réunion » (synoecisme) autour d’Athènes de petites communautés comme Brauron, Marathon, etc. Quoi qu’il en soit, la démocratie est le résultat d’une construction lente, liée à la volonté de plusieurs grands noms de l’histoire athénienne de faire la part belle au demos ou de s’appuyer sur lui, faite de réformes successives. Après Solon et Clisthène en effet, la démocratie n’aurait pas eu autant d’éclat au Ve siècle sans les mesures d’Ephialtès et la politique de Périclès. En définitive, ces travaux ont souligné la diversité du monde grec : la formation de la cité obéit ainsi au temps long d’une chronologie fluctuante, tributaire de facteurs religieux, politiques et sociaux, ainsi que des circonstances locales. La recherche a ainsi mis en avant que l’étude du cas athénien ne saurait constituer un modèle d’organisation politique extensible à l’ensemble du monde grec. En ce sens, l’histoire antique actuelle est en rupture avec l’historiographie passée (Gustave Glotz 1862-1935) faisant d’Athènes le modèle d’évolution de la cité en Grèce. Il apparaît aujourd’hui qu’Athènes n’est qu’un exemple parmi d’autres, comme le souligne d’ailleurs l’intitulé du programme de seconde. On peut aussi rappeler qu’il existe, à côté de la polis, un autre modèle d’État : l’ethnos (État tribal). Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Le terme de démocratie apparaît seulement dans le troisième quart du siècle sous la plume d'Hérodote. C'est à l'origine un terme polémique inventé par les ennemis de l'organisation démocratique qui s'insurgent contre la prédominance du démos. Le nouveau régime est au départ qualifié d'isonomie ce qui signifie égale répartition, égale distribution dans le cadre d'une société hiérarchisée. L'isonomie ne concerne qu'une partie de la population, il ne s'agit donc pas d'égalité de tous mais d'un droit Activités, consignes et productions des élèves : BO 2nde : « Athènes devient dès le Ve siècle avant Jésus-Christ une cité gouvernée par l’ensemble de ses citoyens. Il faut donc partir du citoyen, en centrant l’étude sur le fonctionnement concret de la démocratie (cadre géographique de la cité, 37 égal pour une partie de la population à gérer les intérêts communs. Ainsi, la souveraineté est dépersonnalisée, elle devient une chose commune : la conduite des affaires publiques s'élargit à un plus grand nombre et l'autorité ne s'incarne plus dans la personne mais dans la fonction. Les réformes démocratiques qui instituent un corps politique fondé sur l'idée de citoyenneté se font progressivement de Solon à Pisistrate et à Clisthène. L'observation du plan d’Athènes permet en premier lieu de révéler l'omniprésence des monuments religieux. Les deux cœurs de la cité, l'Acropole et l'Agora, ont tous les deux un contenu religieux visible grâce aux monuments, ce qui permet d'insister sur l'imbrication du religieux et du politique. Dans un deuxième temps, on notera que l'Agora concentre l'essentiel des bâtiments politiques. Cette place publique se développe surtout avec le régime démocratique. Elle est le lieu où la communauté se retrouve et aussi le lieu du pouvoir. Ainsi, l'idée abstraite de placer le pouvoir au centre de la communauté (cf. Aristophane dans Les Oiseaux, v. 1004-1009) se retrouve dans l'architecture, la place publique et l'invention du politique sont intimement liées. Les lois sont placardées afin d'être vues de tous ; la publicité des lois est garante de la règle démocratique. Athènes au Ve siècle est une ville fortifiée dont l’enceinte (9 km de long) érigée en 479 par Thémistocle fut complétée par l’édification des Longs Murs (459-446 av. J.-C.) reliant la ville au port du Pirée. Jusqu’à la construction du Pirée, Athènes ne dispose d’aucune véritable installation portuaire : les navires sont amarrés au large de Phalère ou tirés sur la plage. Le site du Pirée est bien choisi : il présente trois baies, formant trois ports naturels. C’est Thémistocle qui, sous son archontat, en 493-492, initie les travaux. Le port principal, Kantharos, au nord-ouest, est un grand port de commerce. Zéa, au centre, est le principal port de guerre, suivi de celui de Mounichie, à l’est. Ils sont dotés de loges pour accueillir les trières. Le chantier est achevé dans les années 450. La ville du Pirée, construite selon un plan en damier conçu par l’architecte Hippodamos de Milet devient, durant le Ve siècle avant J.-C., une grande ville cosmopolite, proche d’Athènes, peuplées de marins, de pêcheurs, de commerçants, d’ouvriers de l’arsenal auxquels se mêlent les étrangers de passage et les esclaves venus de toute la Méditerranée et du PontEuxin. Très dynamique, elle devient le pôle économique de la cité athénienne et fait figure de port de redistribution des denrées de toute la Méditerranée vers les autres États grecs ou au-delà. Dans les années 458-456, Athènes et le Pirée sont reliés par les Longs Murs, de façon à garantir, quoiqu’il arrive, les relations entre la ville et son port. Un troisième mur, appelé Mur de Phalère, à l’est, relie l’enceinte d’Athènes à la côte englobant la rade de Phalère dans la zone protégée des attaques extérieures. C’est dans ces murs que la population de la cité vient se réfugier durant la guerre du Péloponnèse. Grâce à ces travaux, la cité athénienne s’est dotée d’un ensemble portuaire bien équipé et fortifié, à la mesure de sa puissance navale. Le Céramique comprend le quartier des artisans (qui s’étend jusqu’à l’Agora) et le cimetière (situé hors les murs). L’Agora est aménagée en place publique au début du VIe siècle : utilisée comme place de marché, elle devient le centre politique d’Athènes à l’époque des grandes réformes démocratiques (VIe-Ve siècles). On y trouve le Bouleutérion où siège la Boulè ou Conseil des 500 (au premier Bouleutérion, bâtiment de 23,3 x 23,80 m édifié lors de la création du conseil, s’en ajoute un nouveau à l’ouest vers la fin du Ve siècle av. J.-C.), organe capital dans le fonctionnement de la démocratie. Il est créé par Clisthène en 508-507. Les 500 bouleutes sont recrutés pour un an parmi les citoyens de plus de 30 ans, par tirage au sort. Ce nombre important et l’interdiction posée d’être bouleute plus de deux fois dans sa vie donne toutes ses chances au citoyen de l’être au moins une fois. La première fonction du Conseil est de préparer les lois soumises à l’Assemblée. Il surveille ensuite leur application. C’est ainsi un organe à la fois législatif, exécutif et judiciaire (examen et contrôle des magistrats). Enfin, son rôle est aussi administratif (des commissions se répartissent les tâches : gestion des sanctuaires, des fêtes, des édifices publics, des remparts, des finances…). Au sud de la place, la Tholos (un bâtiment circulaire érigé en 470) est le lieu de réunion des prytanes, la commission permanente de la Boulè. L’Agora abrite également le Tribunal populaire, l’Héliée. Il regroupe 6 000 citoyens de plus de 30 ans (héliastes), recrutés par tirage au sort à raison de 600 par tribu parmi des volontaires qui prêtent serment. Les héliastes sont répartis en plusieurs tribunaux ou dikasteria aux compétences diverses, jugeant de très nombreuses affaires. Les procès politiques sont tenus devant l’Héliée qui peut casser une loi votée par l’Ecclésia, à la suite d’une action en illégalité engagée par n’importe quel citoyen ce qui lui confère une fonction non seulement judiciaire mais aussi politique. Les héliastes sont d’ailleurs droits et devoirs du citoyen, exercice des magistratures), puis en l’élargissant aux rapports du civique et du religieux, et aux aspects culturels. Il faut en outre souligner la conception restrictive de la citoyenneté que développe Athènes au Ve siècle, et insister sur les limites de la démocratie athénienne : une citoyenneté fondée sur le droit du sang (mais refusée aux femmes), qui exclut les étrangers et les esclaves et dont le fonctionnement révèle des problèmes. Entrées possibles : les lieux de pouvoir à partir du plan d'Athènes, la religion civique à partir de la frise des Panathénées, etc. » Les Instructions officielles insistent ainsi sur trois axes d’étude. Le citoyen constitue le coeur du sujet. On commencera par définir la citoyenneté athénienne qui repose sur les mêmes éléments que la nôtre : des conditions d’accès, l’attribution de droits, le respect de certains devoirs. À partir de la description des grands organes politiques athéniens (séparation des pouvoirs et contrôle étroit entre ces institutions), on insiste sur les procédures qui visent à établir une véritable égalité politique à Athènes : tirage au sort, ostracisme, collégialité et rotation annuelle des charges publiques. L’accent est mis sur le fonctionnement de cette démocratie moins par la description des institutions que par les procédures qui permettent aux citoyens de participer réellement à la démocratie. Le second axe s’intéresse à la culture politique athénienne. La citoyenneté repose sur des pratiques culturelles qui visent à imposer les valeurs démocratiques et à renforcer l’union de la population. La religion, le théâtre, l’art en constituent les manifestations essentielles. Leur étude permet d’évoquer le prestige de la culture athénienne à travers de grandes réalisations, comme les monuments de l’Acropole. Enfin, la démocratie athénienne est loin d’être un régime politique parfait. Il faut insister sur l’exclusion de la majorité de la population et montrer que cette démocratie est en fait réservée à une élite. Les futurs programmes précisent : « L’unité de la cité des Athéniens a trois dimensions : religieuse, politique et militaire. L’étude est conduite à partir : - de la fête des Panathénées - d’un débat à l’Ecclesia (pendant la guerre du Péloponnèse par exemple…) - de l’engagement militaire d’un citoyen (hoplite à Marathon, marin à Salamine…) » Exemple du texte de Thucydide dans la Guerre du Péloponnèse en 441 : les soldats athéniens présents à Samos décident de s’opposer à la révolution oligarchique qui vient d’éclater à Athènes au nom de la défense de la démocratie. Ils le font en 38 les premiers à bénéficier de la création par Périclès du misthos. Vers le sud-ouest, le Strategion accueille les stratèges, magistrats chargés de commander l’armée et la flotte et de garder le territoire. C’est la principale magistrature, à laquelle on est élu en fonction de son prestige, dont les prérogatives s’étendent peu à peu à la politique extérieure, aux finances. C’est donc elle qui permet de diriger la cité. C’est un bâtiment postérieur au milieu du Ve siècle mais son identification reste sujette à caution. Les archéologues croient avoir identifié l’Héliée, un imposant quadrilatère daté du début du Ve siècle. Sur la colline de la Pnyx un vaste hémicycle a été aménagé pour accueillir l’Ecclesia : l’Assemblée des citoyens commence à s’y réunir à partir de la fin du VIe siècle (réformes de Clisthène). Athènes est l’une des rares cités à y consacrer un espace spécifique, aménagé vers 460 av. J.-C. et prévu pour contenir 6 000 citoyens, à 400 m au sud-ouest de l’Agora. L’Aréopage ou « colline d’Arès » abrite le lieu de réunion de l’ancien conseil aristocratique ; tribunal jugeant les crimes de sang, il est composé d’anciens archontes. L’Acropole est le principal sanctuaire de la ville. Les premiers efforts d’aménagement remontent sans doute à Pisistrate. En 449, Périclès décide de réaliser un programme de grands travaux. Les Propylées (438-432) permettent d’accéder au sanctuaire où le principal bâtiment est le Parthénon (447-442), abritant la gigantesque statue d’Athéna Parthénos (10 m de haut environ). À partir du Ve siècle, les concours de théâtre, directement reliés aux grandes fêtes religieuses (Panathénées ou Dionysies), se déroulent au pied de l’Acropole à côté du sanctuaire dédié à Dionysos, dans le théâtre de Dionysos. Les différentes institutions athéniennes se contrôlent mutuellement. Les magistrats exercent sous le contrôle de l’Assemblée, on a l’exemple d’une amende infligée au stratège Périclès. La boulê – ou Conseil –, issue par tirage au sort de l’ecclésia, contrôle et juge la plupart des fonctionnaires, ainsi que les magistrats, sur accusation de tout particulier. Toutefois, un appel reste possible devant le tribunal. De même, la boulê prépare le travail législatif de l’Assemblée des citoyens qui est d’ailleurs présidée par les prytanes en exercice, ceux-ci décidant de l’ordre du jour des délibérations. La guerre, toile de tond de la vie politique des cités (ceIles-ci sont en guerre en moyenne plus de deux ans sur trois et la paix ne parvient jamais à s'imposer plus de dix ans de suite) traduit une conception particulière de la liberté a la fois liée à l'absence de domination étrangère et a la capacité d'imposer sa propre domination. L'armée en Grèce a toujours été un élément primordial, tant pour des raisons économiques que structurelles. Le principe de la cité qui a pour loi une indépendance absolue l'oblige en effet à se battre contre d'autres cités ou contre des ennemis extérieurs pour garder son autonomie et sa liberté. La guerre et ses principales batailles sont l'occasion d'insister sur l'identité soldat-citoyen. Rendue nécessaire par l’obligation qu’a le citoyen de payer son équipement, la règle de la proportionnalité des charges militaires existe en Grèce dès la période archaïque. C’est à Athènes qu’elle est la mieux connue. Depuis l’époque de Solon existent quatre classes censitaires : pentacosiomédimnes, hippeis, zeugites et thètes. L’achat et l’entretien de chevaux étant coûteux, les cavaliers sont des citoyens riches appartenant soit à la première classe des pentacosiomédimnes (soumis non seulement au service militaire mais aussi à la triérarchie et autres liturgies) soit à la classe des hippeis (cavaliers). Pour le combat, ils sont armés de deux lances et d’une épée ; ils montent sans selle ni étrier ; le cheval est seulement harnaché, sans protection. Les hoplites, citoyens affectés à l’infanterie lourde, peuvent appartenir aux deux premières classes qui n’auraient pas choisi la cavalerie, mais surtout à celle des zeugites. Quant aux thètes, ils ne peuvent servir que comme fantassins légers ou comme rameurs sur une des 300 à 400 trières que compte Athènes à son apogée. Comportant trois rangées de rameurs (comme leur nom l’indique), assis sur des gradins se trouvant à trois niveaux différents, ce navire de guerre en bois, doté d’une quille en chêne est facile à construire et aisément maniable. L’État fournit la coque, le gréement et l’équipage. Les triérarques, ont pour tâche de mettre le navire en état, d’assurer son entretien et celui de l’équipage, de fournir l’armement. En situation critique, la cité recourt à l’emploi de zeugites, de métèques, voire d’esclaves. Les guerres médiques illustrées par les trois batailles principales de Marathon, Salamine et Platées, sont à l'origine de la domination et du rayonnement d'Athènes dans le Bassin méditerranéen. La victoire de Marathon devient dans ce cadre pour les Athéniens un événement fondateur de l'opposition Grecs/barbares, et surtout elle légitime l'organisation militaire, civique et religieuse de la cité. Cependant, si les victoires des guerres médiques fondent la grandeur athénienne, elles portent suivant des procédures démocratiques: ils convoquent une assemblée, ils débattent et ils élisent des magistrats. L’armée apparaît donc ici comme une cité en miniature. Exemple du document, extrait de la Constitution des Athéniens, sur l’inscription des nouveaux citoyens (attribué à Xénophon dans l’Antiquité ; mais écrit en 420 av. J.-C., il est en réalité trop ancien pour avoir été écrit de sa main) : les quatre conditions pour être inscrit au nombre des citoyens sont être né de parents « ayant tous deux le droit de cité », c’est-à-dire d’un père citoyen et d’une mère fille de citoyen ; avoir plus de 18 ans ; être de condition libre ; être de naissance légitime (c’est-à-dire né d’un mariage légitimement contracté). Ce document permet aussi de rappeler le rôle du dème dans l’exercice de la démocratie : l’inscription à l’état civil se fait en début d’année, au cours de l’assemblée générale des citoyens du dème (démotes) où l’on élit le démarque et les autres magistrats de la circonscription. Tous les citoyens ont le droit et le devoir de siéger à l’assemblée populaire où ils votent l’inscription d’un jeune homme sur les registres de l’état civil. La procédure offre également des garanties au « candidat » à la citoyenneté, qui peut contester par une action en justice la décision des démotes. Mais si les juges lui donnent tort, il risque de perdre la liberté et d’être vendu comme esclave. Exemple du serment des héliastes, passage probablement interpolé dans un discours de Démosthène de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. mais il est très vraisemblable que cette transcription soit fidèle au serment du Ve siècle. Ils s’engagent à respecter la déontologie propre à l’exercice de la justice à Athènes, ainsi qu’à assurer la défense de la démocratie. Il s’agit donc d’un document exceptionnel qui permet de restituer les termes de l’engagement solennel pris par les juges et les jurés, au moment de leur entrée en charge (tirage au sort, collégialité, impartialité, égalité, droit de défense, vote secret…). Le texte mentionne l’âge requis pour siéger à l’Héliée: « je n’ai pas moins de trente ans ». Les juges (ou les jurés) sont des citoyens et sont tirés au sort. Ils sont 6 000 au total (600 par tribu), mais ne sont qu’exceptionnellement réunis en séance plénière. Le serment indique également que les héliastes doivent exercer leurs fonctions dans le respect de la constitution et des lois athéniennes (« je voterai conformément aux lois et aux décrets du peuple athénien et de la Boulè des Cinq-Cents »). Ils prêtent aussi serment de lutter contre la mise en place d’une « tyrannie» ou d’une «oligarchie ». Les juges 39 aussi en elles la crise. L'impérialisme athénien provoque divisions et rivalités. L'hoplite existe depuis le VIIe siècle avant J.-C. C'est un citoyen. Il maniait ses armes d'attaque (une lance en bois d'environ 2,50 m pourvue d'une pointe de bronze ou de fer et une épée courte pour le corps à corps) avec son bras droit et était armé d'un bouclier de 0,90 m de diamètre, qui couvre la partie gauche du corps du fantassin, sa partie droite est protégée par la partie gauche du bouclier de son camarade de rang à droite. Cette disposition explique à quel point la sauvegarde de chacun dépend de la vaillance des autres. Au sein de la phalange, chaque hoplite protégeait donc son voisin de gauche, ce qui explique l'obligatoire cohésion du groupe et l'esprit de corps qui en découle. Pendant le service militaire, l'entraînement est quotidien. Les hoplites doivent savoir lancer le javelot avec force et précision pour arrêter les charges de cavalerie ennemies. Le regroupement des combattants en tribus accentue ce sentiment « national ». L'exercice de la force armée est à Athènes intimement lié à la citoyenneté. La victoire à Marathon a pour effet direct de légitimer et de valoriser cette organisation civique et militaire, ainsi que les institutions qui l'assurent. Les grands vainqueurs de Salamine en 480 avant JC sont la trière athénienne et ses rameurs. Dirigé par deux rames à l'arrière, ce vaisseau très fin (36 m de longueur, 5 m de large) est équipé d'un éperon en bronze pour couler les navires adverses. Les 170 rameurs frappent la mer en cadence afin de donner à la trière une vitesse suffisante. L'œil magique peint sur la proue doit favoriser les manœuvres et conjurer le mauvais sort. Les rameurs sont issus de la dernière classe censitaire, les thètes, car ils n'ont pas les moyens de s'acheter l'équipement hoplitique. Ils représentent une bonne moitié du corps civique et deviennent avec la victoire de Salamine le moteur du développement de l'impérialisme maritime athénien. La construction et l'entretien des trières se font dans le cadre de la liturgie instituée pendant cette période. Les cérémonies funèbres pour les morts au combat sont significatives. La cité d’Athènes rend hommage à ses morts en érigeant une stèle sur laquelle sont inscrits les noms des morts soit sur l’agora, soit dans le cimetière. Les morts au combat sont aussi honorés lors de funérailles officielles qui sont l’occasion d’éloges funèbres dans lesquels on célèbre la supériorité de la cité. La défense de la cité est considérée comme un devoir sacré qui va jusqu’au sacrifice de sa propre vie. La cérémonie est publique et se déroule en trois temps : exposition des défunts, auxquels les familles rendent un dernier hommage (offrandes), convoi funèbre qui transporte les dépouilles dans des cercueils communs (un par tribu), inhumation collective des restes (les corps ont été brûlés, on n’ensevelit que les os) dans le cimetière du Céramique, aux portes de la ville, où est érigé un monument public (une stèle). La fonction de ce monument est commémorative : il s’agit d’immortaliser le sacrifice des citoyens morts pour la patrie. Il a aussi une fonction civique et pédagogique : rendre exemplaire la mort patriotique de ces soldats. Ces stèles funéraires font penser aux monuments aux morts érigés en France après la Première ou la Seconde Guerre mondiale. La participation à la vie politique à Athènes est conditionnée par la citoyenneté. L'acquisition de celle-ci a varié selon les périodes. La règle générale est l'hérédité. Pour être citoyen, il faut être fils de citoyen et de mère athénienne, d'où l'importance de la filiation et du mariage. L'époque classique représente un tournant dans la conception de la citoyenneté. Avant les guerres médiques, est citoyen celui qui peut exercer la principale fonction des hommes adultes libres, la guerre, c'est-àdire celui qui a les moyens de s'acheter son équipement. Avec la victoire sur les Perses et la naissance d'une imposante flotte de guerre constituée de rameurs, la citoyenneté s'étend aux indigents, aux thètes. Comprendre l'esprit démocratique à Athènes, c'est d'abord comprendre qui est citoyen et qui ne l'est pas. En l’absence de sources précises, le chiffre exact de la population et le poids respectif de chaque catégorie sont l’objet de controverses entre les historiens. Cependant, quelles que soient les estimations, il est certain que l’écrasante majorité de la population est exclue de la citoyenneté, le nombre des citoyens se limitant à environ 40 000. Les chiffres avancés par V. Ehrenberg proposent une fourchette. Les citoyens représentent de 15 à 21 % de la population totale en 480 av. J.-C. contre 10 à 18 % en 430 av. J.-C (idem vers 400 av. J.-C.). On constate donc que la part des citoyens sur la population totale de la cité diminue, alors que l’ensemble de la population augmente (passant de 120 000-150 000 habitants à 215 000-300 000 habitants) entre le début et la fin du Ve siècle. La croissance de la population est surtout due à l’augmentation du nombre des esclaves (multiplié par deux à trois) et plus encore des métèques (dont le nombre triple, voire quadruple). La communauté s’engagent ainsi à défendre la démocratie. Aristophane (445-385 av. J.-C.) critique la justice athénienne. Une de ses pièces est une satire du système judiciaire athénien dans un contexte où il s’est considérablement démocratisé en permettant aux citoyens les plus pauvres de participer aux tribunaux populaires d’Athènes grâce à l’institution du misthos (une indemnité journalière de 2 puis 3 oboles). Aristophane dénonce la corruption des juges qu’il explique par la pauvreté des juges populaires. Dans cet extrait, Philocléon est en effet plus motivé par l’appât du gain (misthos) et le sentiment de puissance que lui confère sa fonction, que par un idéal de justice. Vers 422 av. J.-C., Euripide (484-406, le plus célèbre poète tragique grec avec Eschyle dont il est l’héritier et Sophocle son contemporain ; on lui doit 92 pièces dont 19 ont été conservées, auxquelles s’ajoutent de nombreux fragments) invente dans Les Suppliantes un dialogue imaginaire entre Thésée, partisan de la démocratie, et un héraut thébain, partisan de la tyrannie. Cette tragédie est écrite en 423 dans le contexte de l’Athènes démocratique en guerre contre Sparte depuis 431. La guerre du Péloponnèse accroît les tensions politiques. La démocratie athénienne est en crise. Certains Athéniens accusent le demos de voter inconsidérément pour ceux qui le flattent, les démagogues, au détriment des intérêts de la cité. Les partisans du demos s’insurgent contre le caractère inégalitaire du régime dont les plus hautes magistratures sont accaparées par les aristocrates. Ce dialogue est en fait un débat politique sur la liberté d’expression, la souveraineté du peuple, la magistrature. La cité de Thèbes, représentée dans le texte par son héraut est alors alliée de Sparte. Le texte s’adresse aux spectateurs : les citoyens mais aussi les métèques, peut-être les femmes et les étrangers de passage. Thésée, héros fondateur de la communauté athénienne (qui aurait délivré la ville du joug de Minos en tuant le Minotaure), est confronté au porte-parole de Thèbes, chacun cherchant à défendre son régime politique. Euripide s’est souvent inspiré de la guerre du Péloponnèse dans ses oeuvres, mêlant ici des réactions à des épisodes du conflit et des éléments mythiques. La cité de Thèbes fonctionne toujours dans les oeuvres de l’époque comme un contremodèle, comme une anti-Athènes où règne la tyrannie (Ainsi dans Antigone, Sophocle – poète tragique grec (495-406 av. J.-C.) – met en scène Créon, roi de Thèbes tenté d’appliquer la raison d’État au détriment de sa propre famille). Exposer les arguments de chacun des 40 politique est donc composée d’une partie de plus en plus restreinte de la population citoyens) au cours du Ve siècle. Les citoyens ont des devoirs : défendre leur cité par la guerre, obéir aux lois et respecter les dieux. À l’âge de 18 ans, le jeune garçon est présenté par son père aux membres du dème. Un double vote a lieu. D’abord pour savoir si le jeune a l’âge requis. Ensuite pour vérifier qu’il est bien de condition libre et le fils légitime d’un citoyen et d’une fille de citoyen. L’inscription dans le dème est préalable à l’inscription dans une trittye et dans une tribu. Le dème est, depuis les réformes de Clisthène, la circonscription territoriale de base. Il y en a une centaine à Athènes. Chaque citoyen fait suivre son nom de celui de son dème (démotique). D’après l’ouvrage d’Aristote, après leur inscription, les jeunes gens doivent suivre pendant deux ans une sorte de service militaire (éphébie). L'éphébie est le moment qui précède pour un jeune Athénien le passage à la condition d'adulte. Son existence remonte au moins au début de l'époque classique. Pendant la première année (de 18 à 19 ans), le jeune Athénien apprend le maniement des armes et effectue une tournée des sanctuaires ; la deuxième année (19 à 20 ans), après avoir reçu le bouclier et la lance, il effectue des marches à travers l'Attique et séjourne dans les fortins frontaliers. À l'occasion de la fête d'Artémis, les éphèbes font le serment de défendre leur patrie, ses dieux et ses institutions, puis à la fin de la deuxième année, ils font, dans le théâtre de Dionysos, une démonstration de ce qu'ils ont appris devant l'assemblée réunie. Le citoyen athénien reste mobilisable jusqu'à 49 ans. Le serment permet d'insister sur le rapport étroit entre citoyenneté, guerre et religion. La démocratie athénienne est fondée sur une double exclusion : exclusion des noncitoyens qui forment pourtant la plus grande partie de la population de la cité ; exclusion relative des pauvres car la vie politique continue à être l’affaire des riches. C’est ensuite un régime qui, à partir de la fin du Ve siècle, connaît une crise liée au déclin de son influence en Grèce. Cette crise extérieure rend manifeste certains dysfonctionnements propres au régime démocratique antique. Les métèques, nombreux dans l'artisanat et le commerce, les femmes en s'occupant des travaux domestiques, des travaux des champs et de petit commerce, les esclaves par leur travail dans les mines, dans les ports et dans les champs, assurent la vie économique de la cité et permettent donc à certains citoyens d'être libres de s'occuper des affaires politiques de la cité. L'esclavage signifie l'exclusion de la vie politique, des droits civils, des fêtes religieuses et de tous les lieux (palestre et gymnase) où les futurs citoyens recevaient leur éducation. L'esclave est le négatif du citoyen qui assure les taches permettant au citoyen de s'occuper des affaires politiques. La condition de l'esclave dépend grandement du maître et des travaux qu'il effectue : services domestiques, chargement et déchargement des navires, travaux dans les mines du Laurion. Dans les représentations iconographiques, l'esclave est toujours figuré en plus petit, pour symboliser son infériorité. L'esclave est vu comme un « instrument » qui permet au citoyen de s'occuper des affaires de la cité. Le texte célèbre d'Aristote a pour but de justifier théoriquement le statut de dépendance des esclaves dans une cité où l'égalité entre les citoyens et la liberté étaient présentées comme des valeurs supérieures et étaient censées définir les rapports humains. La présence d'esclaves risquait d'entraîner une contradiction insoluble. Aristote fait donc appel à la nature qui aurait créé des hommes asservis, sans faculté de délibérer donc assimilables dans le droit à une marchandise, à un « outil parlant ». Les métèques, étrangers résidant à Athènes, sont une richesse pour Athènes car ils subviennent à leurs propres besoins, paient une taxe de résidence et développent l'artisanat et le commerce (cf Les Revenus de l’Attique de Xénophon (430-355 avant J.-C)). Au bout d’un mois de séjour dans la cité, le métèque doit se trouver un patron (prostatès), qui est son représentant dans toute affaire judiciaire. Il doit se faire inscrire sur le registre du dème où il réside comme métèque et s’acquitter d’une taxe (le metoikon : 12 drachmes pour les hommes, 6 pour les femmes). Il s’intègre à la vie de la cité par certains aspects : il est protégé par les lois, astreint aux liturgies, doit servir dans l’armée comme hoplite, participe à certaine fêtes civiques comme les Panathénées ou les Grandes Dionysies mais n’a aucun droit politique. Il n’a pas le droit d’accéder à la propriété foncière mais peut acquérir des richesses mobilières et peut exercer tous les métiers. Malgré la lourdeur de ces devoirs, ils se voient toujours refuser l’accès à la citoyenneté, ce qui explique leur mécontentement. Un texte de Xénophon illustre la timidité des efforts envisagés par les citoyens : l’auteur promeut l’ouverture de plus hautes fonctions aux métèques, mais sans jamais évoquer l’accès à la citoyenneté. Il est très difficile et donc rare de devenir citoyen athénien autrement que par la personnages en faveur et contre les deux régimes politiques. Arguments en faveur de la démocratie (Thésée) : tout citoyen peut participer s’il le souhaite, au gouvernement de la cité. Égalité devant la loi (loi écrite), concept d’isonomie. Possibilité d’intenter une action en justice. Arguments contre la démocratie (héraut thébain) : dénonce la démagogie et souligne le fait que tout le monde n’est pas apte à se mêler de politique. Arguments contre la tyrannie (Thésée) : un seul a la puissance, il n’y a pas d’égalité possible. Expliquer ce que les personnages disent de la démocratie à l’aide de ses connaissances. Expliquer la citation : « le peuple y est roi », rappeler l’étymologie et la définition de la démocratie. Expliquer qu’elle est directe et rappeler le rôle de l’Ecclésia (utiliser aussi la phrase du texte concernant la prise de parole à l’Assemblée). « Chacun reçoit le pouvoir à tour de rôle » : expliquer la pratique du tirage au sort et le système des magistratures. « Elle n’accorde aucun privilège à la fortune, mais le pauvre et le riche y possèdent des droits égaux », « avec les lois écrites, le faible et le riche ont des droits égaux » : exposer la notion d’isonomie. « Il est permis aux plus faibles de répondre à l’homme autorisé de la fortune, quand il les insulte » : faire référence aux droits du citoyen en matière judiciaire (tous les citoyens peuvent intenter une action en justice et sont tous protégés par une même loi). Expliciter quelques limites évoquées par le texte : la question de la démagogie et le fait que dans la réalité, riches et pauvres n’ont pas tout à fait les mêmes droits (accession à certaines magistratures). Aristophane a aussi composé en 405 av. J.C. une comédie satyrique (les Grenouilles) où il ironise sur le sort d’un esclave condamné à la torture pour témoigner à la place de son maître accusé de vol. Dans l’Athènes classique en effet, le témoignage d’un esclave n’est recevable en justice qu’à condition d’être obtenu sous la torture. On estime qu’un esclave ne dira la vérité que si la crainte de la torture l’emporte sur celle de son maître. 41 naissance. Les cas connus d’individus recevant la citoyenneté ne dépassent pas la dizaine pour tout le Ve siècle avant J.-C. Nous sommes assez bien documentés sur la façon dont le droit de cité peut être accordé à un non-citoyen, grâce à des inscriptions. Événor se voit accorder la citoyenneté pour services rendus à la cité : son oeuvre de médecin (« Événor le médecin (…) a mis son art au service des citoyens et des autres habitants de la cité. ») et sa contribution aux finances de la cité (« récemment il a donné au Trésor public un talent d’argent. »). C’est l’Assemblée qui décide et se prononce par un vote secret. La loi prévoit également la possibilité d’attaquer le décret si le bénéficiaire n’est pas jugé digne d’accéder au rang de citoyen. Une autre disposition interdit qu’un nouveau citoyen puisse remplir une haute fonction. C’est seulement à la seconde génération et à condition d’être né d’une Athénienne que le fils d’un nouveau citoyen dispose de la plénitude des droits civiques. Cela montre combien Athènes est jalouse de son droit de cité et ne l’accorde qu’avec parcimonie. Il arrive également que la cité octroie la citoyenneté de façon collective. Le Ve siècle nous en fournit deux exemples célèbres. En 427, les Platéens, alliés d’Athènes, dont la cité est rasée par les Thébains, se réfugient à Athènes et obtiennent le droit de cité. À la fin de la guerre du Péloponnèse, un décret accorde la citoyenneté aux Samiens, fidèles jusqu’au bout à Athènes. Les femmes à Athènes (cf fiche suivante) Le régime politique athénien est l’objet de vives critiques qui se multiplient à partir de la fin du Ve siècle. En insistant sur les innovations intervenues au milieu du Ve siècle, on peut aborder la question de l’évolution de la justice athénienne, entre démocratisation (instauration du misthos indemnisant les citoyens participant à l’Héliée) et corruption des juges-citoyens (selon Aristophane). Cela peut aussi conduire à une réflexion sur les dangers qui menacent notre démocratie contemporaine. Le dernier tiers du Ve siècle est une période de crispation du débat politique sur fond de crises (chute de la démocratie en 404, procès de Socrate en 399 av. J.-C.) et d’échecs militaires (guerre du Péloponnèse de 431 à 404 av. J.-C.). Mais beaucoup de textes datent du IVè s. Le théâtre constitue un lieu d’apprentissage des valeurs de la démocratie. Les acteurs grecs sont tous des hommes, y compris pour les rôles féminins. Ils portent des masques censés correspondre au caractère du personnage. La place de l’acteur dans les pièces s’affirme au Ve siècle. Alors que le choeur joue encore un rôle majeur chez Eschyle, Sophocle puis surtout Euripide développent les dialogues et font intervenir un troisième personnage. Le théâtre de Dionysos est construit au Ve siècle au pied de l’Acropole, à proximité du sanctuaire de Dionysos. L’activité théâtrale est étroitement liée à la pratique religieuse : c’est dans le cadre des fêtes religieuses en l’honneur de Dionysos (Lénéennes ou fête du vin nouveau, grandes Dionysies de printemps) que sont organisés les concours de tragédies. Les gradins où sont assis les spectateurs dominent une grande place, circulaire à l’origine (semi-circulaire aujourd’hui), l’orchestra, au centre de laquelle est situé l’autel de Dionysos. Derrière l’orchestra était située la scène (skénè), construite sur une plate-forme surélevée d’environ deux mètres au-dessus de l’orchestra. Comédies et tragédies sont présentées dans le cadre de concours qui se déroulent lors des grandes fêtes religieuses. C’est la cité qui en contrôle l’organisation. Les chorèges (citoyens riches qui financent les concours dans le cadre des liturgies), les poètes et les pièces jouées sont choisis par la cité. Sur scène, il y a trois acteurs (chacun jouant plusieurs rôles). À cela s’ajoute le choeur (dirigé par le coryphée), personnage collectif traduisant les sentiments et les réactions des spectateurs. Le public (citoyens, étrangers résidents ou de passage, peut-être les femmes) paie deux oboles l’entrée, mais au milieu du IVe siècle avant J.-C. (ou déjà sous Périclès), une caisse est créée qui permet à tout citoyen pauvre de toucher le jeton nécessaire à l’entrée au théâtre. Les représentations théâtrales sont l’occasion pour la cité athénienne de montrer son rayonnement politique. Le théâtre est aussi, à l’image de l’Ecclésia, un lieu de débat des questions qui concernent l’ensemble des citoyens. Le spectateur assiste à une confrontation d’opinions sur des problèmes qui sont ceux de la cité. Ainsi, le théâtre contribue à faire réfléchir le citoyen sur son régime politique, son rôle dans la cité et l’amène à se forger sa propre opinion. Les Athéniens, qui se rendent en masse au théâtre, apprécient particulièrement les pièces d’Euripide, autant pour ses innovations en matière de mise en scène (indépendance des choeurs par rapport à l’action) que pour ses références aux mythes traditionnels. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 42 HA – Les femmes et la citoyenneté à Athènes au Vè s Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Sources et muséographie : Ouvrages généraux : Nicole Loraux (dir.), La Grèce au féminin, Belles Lettres, 2003. Nicole Loraux, Les Enfants d'Athena. Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Seuil, 1990. G. Duby, M. Perrot, dir., Histoire des femmes. L’Antiquité, tome I, dir. Pauline Schmitt Pantel, Plon, Paris, 1991. Pierre Brulé, La Fille d’Athènes, La religion des filles à Athènes à l'époque classique. Mythes, cultes et société. Les Belles Lettres, Paris, 1987. Documentation Photographique et diapos : Revues : Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : C'est surtout à travers le cas de la femme athénienne "citoyenne" du Ve siècle avant J.-C. que l'on a envisagé jusqu'ici la situation des femmes grecques. Les textes littéraires et les documents figurés sur la citoyenne athénienne abondent en effet et ont formé cette image de la femme grecque recluse et mineure. Toutefois, l'analyse d'autres types de documents (les inscriptions sur pierre par exemple), d'autres cités (dans le Péloponnèse, en Grèce centrale, en Asie mineure), d'autres époques (le 4 e siècle et l'époque hellénistique) nuance cette image. En matière de statut des femmes citoyennes, Athènes ne constituait probablement pas un modèle pour les autres régions de la Grèce. En revanche, dans l'ensemble de la Grèce, la documentation n'offre rien ou presque sur les femmes métèques et encore moins sur les femmes esclaves. Activités, consignes et productions des Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports élèves : documentaires et productions graphiques : Auteur de plaidoyers, Lysias (458-380 av. J.-C.) a composé un discours pour la I. Fille, femme et mère de citoyen défense d’un mari accusé du meurtre de L'image traditionnelle de la femme en Grèce est celle d'une recluse dans le l’amant de sa femme. Ce document nous gynécée, vouée aux travaux domestiques, la maîtresse de la maison, (oikos), celle livre de nombreuses descriptions de la vie que l'on représente perpétuellement avec son métier à tisser. Ses attributs sont le panier à laine, la quenouille et le miroir. C'est notamment ainsi que de nombreuses domestique athénienne. Les débuts de la femmes apparaissent sur les vases et les stèles funéraires. Cette vision doit relation matrimoniale entre ce citoyen et sa femme sont caractérisés par une certaine cependant être interprétée avec un certain recul : elle reflète un idéal et pas nécessairement la réalité vécue par les femmes. suspicion : l’épouse est sous la surveillance de son mari, du moins jusqu’à la venue du Certes les femmes restent d'éternelles mineures. Elles sont constamment sous premier enfant, signe que la maternité l'emprise d'un tuteur, le kyrios, qu'il s'agisse de leur père, de leur mari, de leur confère aux femmes athéniennes une oncle, de leur frère ou encore de leur fils. En conséquence leur liberté juridique et administrative est très limitée. Elles étaient exclues officiellement de toute certaine légitimité. Enfin selon cet participation à la vie politique de la cité, du débat public comme de l'exercice de Athénien, l’épouse exemplaire doit prendre en charge les tâches domestiques avec fonctions politiques ou de la défense de la cité. Il faut noter cependant que le mot "citoyen" (politès) existe en grec au féminin (politis), mais il est d'un usage tardif et économie et savoir-faire. Comme l’indique peu fréquent. Leur appartenance, aux côtés des hommes, à la communauté civique, ce texte, la maison athénienne comporte un étage : au rez-de-chaussée demeurent les se traduit de façon différente, puisque les femmes sont exclues des lieux où se hommes, tandis que le premier étage est prennent les décisions. Malgré tout, les femmes trouvaient de nombreuses réservé à l’appartement des femmes, signe occasions de s'intégrer à la vie civique : par leur rôle dans la transmission de la citoyenneté, par leur place dans la vie religieuse, et dès la période hellénistique par de la séparation des sexes dans la société athénienne. le rôle public des reines et des citoyennes les plus aisées. La situation de la femme à Athènes peut s'apprécier d'abord à travers le mariage et par la place qu'elle occupe dans la maison, l'oikos. C'est d'abord à la fille du citoyen que l'on s'intéresse. Dans le gynécée, la mère va éduquer sa fille pour en faire une future bonne épouse. Elle apprend ainsi à filer la laine, à tisser les étoffes, à diriger les serviteurs. Dans les familles aristocratiques, la fille apprend à lire et écrire et reçoit un enseignement plus poussé en musique et poésie ; c'est une éducation liée en partie à son futur rôle religieux. La femme athénienne doit s’occuper des 43 activités et des soins du foyer : s’occuper des enfants, se charger des tâches ménagères comme la préparation des aliments et des vêtements. Leurs activités concernent l'intérieur de la maison mais l'idée d'une séparation totale dans l'espace de la maison avec une partie réservée aux femmes (le gynécée) est aujourd'hui contestée (la majeure partie de la population n'en avait pas les moyens). De la même manière, de nombreuses femmes devaient travailler à l'extérieur, dans l'agriculture ou dans le commerce. Il faut donc bien faire la différence entre « l'idéal » et la pratique. Dans les familles les plus riches, les femmes peuvent avoir un rôle d’intendante plus que d’exécutrice. Les activités d'une épouse et mère de famille varient en fonctions de critères sociaux et économiques. Dans les familles aisées, la maîtresse de maison dirige le foyer et les esclaves domestiques. Elle dispose avec ses filles d'appartements réservés aux femmes et aux enfants en bas-âge, le gynécée. Elle y reçoit ses amies, tisse, fait de la musique. Outre quelques achats et les funérailles d'un membre de la parenté, l'occasion principale de sortie pour les femmes aisées est constituée par les fêtes religieuses et plus particulièrement les Thesmophories, à Athènes. Dans les foyers modestes, il n'y avait probablement pas de gynécée, peu ou pas de domestiques et les femmes pouvaient être appelées à travailler à l'extérieur de leur oikos, comme marchandes ou comme nourrices par exemple. Le contrôle social exercé sur les femmes des milieux modestes était donc moins étroit que celui qui visait les femmes des classes supérieures. Le temps du mariage est un acte fondamental, surtout depuis la loi de Périclès de 451 av. J.-C. qui précise que pour être un citoyen il faut avoir un père et une mère citoyens. En général les filles se marient jeunes, dès la puberté - parfois l'engagement peut être conclu dès l'enfance - avec un homme souvent plus âgé. Dans tous les cas, c'est le père de la jeune fille qui conclut l'engagement du mariage. Celui-ci est le statut normal de la femme et son objectif est clairement énoncé : donner des enfants légitimes. Un mariage n'est légal que s'il unit un citoyen à une fille de citoyen ; la stérilité est un motif de divorce (ou plutôt de répudiation de la femme par le mari). La cérémonie du mariage (gamos) conduit à faire changer la femme de maison : elle passe de celle de son père à celle de son époux, lui apportant une dot (proix). Ce passage est important : la femme devient la maîtresse de la maison du mari, c'est elle qui la gère, aidée de ses servantes sur le travail desquelles elle doit veiller. Quant à la dot, elle ne devient pas la propriété du mari : il n'en a que l'usufruit. En cas de divorce, il doit la restituer. Cela ne fait pourtant pas de la femme un être juridique complet. Elle n'a pas réellement de droit de propriété, mais elle n'en est pas totalement écartée : elle peut être source de propriété et la transmettre, mais elle n'en a ni la disposition ni la gestion. Afin que les biens ne sortent pas du cercle familial, une fille qui n'a ni frère ni descendants directs et qui devrait hériter des biens de son père (fille épiclère) se trouve obligée d'épouser son plus proche parent. La femme grecque apparaît une fois encore comme une sorte de "sous-citoyen", de citoyen frappé d'incapacité. Toutefois, plusieurs exemples sont rapportés par les sources, dès le IVe siècle avant J.-C., de femmes - souvent des veuves - qui géraient et administraient leurs biens, parfois considérables. Un décalage existait certainement entre théorie et pratiques. Lorsque les Grecs présentent des revendications « féministes », c’est sur le mode comique et satirique. Ainsi Aristophane (450-385 avant J.C.) dans L’Assemblée des femmes. Les Athéniennes ont décidé de prendre le pouvoir. Praxagora, leur porte-parole, propose la communauté sexuelle et rétorque aux objections de son époux. II. Les courtisanes et les religieuses Certaines femmes possèdent une place à part dans la société athénienne, les courtisanes. On désigne sous ce terme, hétaïre en grec, non pas les prostituées, mais certaines femmes indépendantes, des compagnes, des concubines (aussi désignées spécifiquement par le terme pallakaï), vivant sous la protection d'Athéniens, parfois riches, et ayant réussi elles-mêmes à rassembler une fortune quelquefois non négligeable. Certaines d'entre elles purent jouer un rôle important à Athènes y compris dans le domaine politique, et l'on pense ici à la plus célèbre et sûrement la plus exceptionnelle, Aspasie, la concubine de Périclès. On peut ranger dans cette catégorie les femmes métèques, venues s'établir à Athènes pour toutes sortes de raisons. Si les plus pauvres sont effectivement des prostituées (pornai), souvent installées au Pirée, la plupart d'entre elles exercent souvent des activités en rapport avec le commerce ; elles peuvent être aussi musiciennes, chanteuses, etc. Elles participent aux banquets, manient l'argent, en bref, femmes libres et indépendantes, elles s'introduisent dans ce « club d'hommes » qu'est la cité et participent pleinement de son évolution. 44 Les prêtresses La vie et les pratiques religieuses donnent à la femme grecque toute sa place au sein de la communauté civique. Mais le rôle de la femme dans la religion apparaît tout autant comme un facteur de son intégration à la cité que comme une manière de marquer son altérité et sa complémentarité vis-à-vis des hommes. Ce rôle se joue tout d'abord au sein de la maison, de l'oikos. La femme, comme maîtresse de la maison, rend un culte quotidien à Hestia, la déesse du foyer ; elle tient aussi une place primordiale dans le culte des ancêtres et dans les cérémonies et pratiques funéraires. Les fonctions religieuses de la femme prennent toute leur ampleur au cœur de la cité. Les femmes peuvent être prêtresses et participer activement aux cérémonies religieuses ; certaines cérémonies leur sont même réservées. Prêtresses C'est une fonction de grande importance, comparable aux magistratures. Les femmes sont principalement attachées à des divinités féminines comme Athéna, Déméter ou Artémis ; mais cette règle n'est pas absolue. Cette fonction est assurée par les femmes dans des conditions similaires à celles des hommes : à Athènes la prêtresse d'Athéna Nikè est désignée pour un an et perçoit un salaire (misthos) de 50 drachmes, et elle bénéficie de distinctions honorifiques comme la place d'honneur au théâtre. Certaines prêtresses étaient désignées à vie, telle la prêtresse d'Athéna Polias à Athènes. Les prêtresses étaient d'ordinaire des citoyennes "normales", épouses et mères de famille. Toutefois, dans certains cas, plutôt rares, la prêtrise est accompagnée de restrictions concernant la vie sexuelle. A Athènes toujours, l'épouse de l'archonte-roi, la reine, était considérée comme une prêtresse et exerçait un rôle religieux important. Dans Lysistrata, Aristophane fait allusion à une sorte de cursus honorum religieux des fillettes et des jeunes filles. Cette participation au culte est à la fois une charge et un honneur, souvent réservé aux plus grandes familles. Exclues de la vie politique, les femmes sont intégrées à la vie religieuse de la cité, si elles ne participent pas aux sacrifices sanglants et au partage de la viande qui suit, elles sont présentes lors des grandes manifestations religieuses telles le cortège des Panathénées, les grandes fêtes de Dionysos. Élues ou tirées au sort comme prêtresses, elles occupent dans certains cas une place de premier plan comme la prêtresse d’Athéna Polias à Athènes. Fêtes, cultes et cérémonies Les femmes prennent part aux grandes fêtes de la cité. Lors des Panathénées, ce sont des jeunes filles qui sont chargées de la confection du péplos de la déesse (les ergastines) et de son transport vers l'Acropole pendant la procession. Au cours de celle-ci, les femmes portent divers objets du culte (eau, corbeilles, offrandes, etc). Certaines fêtes leur étaient exclusivement réservées, comme les Thesmophories, célébrées en l'honneur de Déméter Législatrice. Comme l'indique l'adjectif accompagnant le nom de la déesse, cette fête était celle de "l'ordre social" : les épouses légitimes de citoyens pouvaient seules y participer et la cérémonie était présidée par une femme. La fonction civique de la femme, bonne épouse et de mère de citoyen, était ainsi célébrée. Seule la participation de toutes les citoyennes à cette fête garantissait la fécondité de la communauté et donc sa survie. A l'opposé, lors de certaines fêtes comme les Dionysies ou les Adonies, ce sont plutôt les femmes marginales qui étaient concernées. Les Adonies permettaient aux concubines, courtisanes et femmes métèques de côtoyer les hommes athéniens ou étrangers. Célébrées dans la "chaleur lascive de l'été" (selon les mots de Marcel Detienne), ce sont des fêtes nocturnes propices à des rencontres hors du contrôle familial. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Athènes n’est pas toute la Grèce, il semble que dans d’autres cités, bien que n’ayant pas plus de droits, les femmes aient joui de plus de libertés. Les femmes de Sparte s’entraînent aux exercices physiques afin de mettre au monde de vigoureux soldats, elles participent aux jeux, elles peuvent être propriétaires de leur dot. Enfin les courtisanes souvent riches, cultivées, connaissent une liberté certaine. La belle et intelligente Aspasie jouit d’un grand prestige dans l’entourage limité de son amant Périclès. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 45 HA – Périclès Approche scientifique Approche didactique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude Insertion dans les programmes (avant, spatiale) : après) : Périclès (vers 490-429 av. J.-C.) « fils de Xanthippe, du dème de Cholarkos » est né dans une famille aristocratique (génos des Bourzyges par son père, des Alcméonides par sa mère) et il est le petit-neveu de Clisthène. De 443 à 429 avant J.-C, il a constamment été réélu à la stratégie, marquant ainsi fortement la vie politique athénienne. Son nom reste attaché aux grands travaux de l'Acropole et à la période d'apogée d'Athènes. Sources et muséographie : On ne conserve qu’un seul buste de ce personnage, de Crésilas, sculpteur grec du Ve siècle av. J.-C., contemporain de Phidias. Ce portrait de Périclès dit « olympien » était placé sur l'Acropole ; cette statue en bronze, réalisée après la mort de l'homme d'État, le représentait debout. Ouvrages généraux : Pierre BRULÉ, Périclès, l’apogée d'Athènes, coll. « Découvertes », Gallimard, n° 217, 1994 Claude Mossé, Périclès, l'inventeur de la démocratie, Payot coll. « Biographie », 2005 Documentation Photographique et diapos : Revues : Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : Périclès représente le dirigeant d’Athènes au temps de sa splendeur, le Ve siècle Il est le seul repère de l’histoire grecque étant classiquement surnommé « le siècle de Périclès ». D’après l’historien (avec Homère) à rester dans les futurs Thucydide, son succès s’explique par sa lucidité en temps de paix mais surtout de programmes : « 490 av. J.-C. (Marathon) ; guerre, par son intelligence, son désintéressement et l’honnêteté de sa démarche. milieu du Ve siècle av. J.-C. (apogée Thucydide lui reconnaît une « autorité personnelle » qui lui évite le recours à la d’Athènes, le Parthénon) » sont remplacés démagogie si décriée à Athènes. par « Ve siècle av. J.-C. Périclès » Activités, consignes et productions des Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports élèves : documentaires et productions graphiques : Il existe de nombreuses représentations de Périclès semblables au buste mentionné. Le très célèbre éloge funèbre des soldats morts au début de la guerre du Péloponnèse Le stratège portait toujours un casque, non à cause de ses attributions militaires, rappelle les idées fondatrices de la maïs pour cacher une déformation de son crâne due, d'après ses biographes, à une démocratie athénienne. Pour Périclès, la naissance difficile. C'est pourquoi les poètes satiriques l’appelaient « tête d'oignon démocratie n’est pas forcément le régime ». Principal chef du parti démocratique (bien que d'origine noble), Périclès est politique dans lequel le peuple a l'opposant d'un autre grand homme politique, Cimon, chef du parti aristocratique, directement le pouvoir, mais celui qui qu'il fait exiler par ostracisme en 461 av. J.-C. Il ouvre les fonctions prestigieuses représente le mieux les intérêts de la (l’archontat) aux citoyens les plus pauvres en leur versant une indemnité (le misthos) étendue par la suite à ceux qui sont présents aux réunions de l’Assemblée. majorité des citoyens. Elle repose sur l’égalité, qui permet aux plus pauvres Diplomate et stratège, il est le premier à être élu stratège quatorze fois de suite entre 443 et 429. d’accéder aux magistratures, et sur la liberté. Dans son discours, Périclès exalte Un jugement de l’historien Thucydide (Ve siècle av. J.-C.) a plus que tout autre contribué à fixer pour la postérité l’image de Périclès : « Tout le temps qu’il fut à la le «modèle » athénien, dont la « tête de la cité pendant la paix, il la dirigeait avec modération, et sut veiller sur elle constitution n’a rien à envier à celle de de façon sûre ; aussi est-ce de son temps qu’elle fut la plus grande ; et de même, [ses] voisins ». Il s’agit donc d’un régime original, qui fait la fierté des Athéniens. La lorsqu’il y eut la guerre, il apparaît que là aussi il apprécia d’emblée sa puissance démocratie est définie comme un régime […]. La raison en était la suivante. C’est qu’il avait, lui, de l’autorité grâce à la qui sert « l’intérêt de la masse des citoyens considération dont il jouissait et à ses qualités d’esprit, et que de plus, pour l’argent, il montrait une éclatante intégrité : aussi tenait-il la foule, quoique libre, en et pas seulement d’une minorité ». Périclès oppose donc cette souveraineté «de la main, et, au lieu de se laisser diriger par elle, il la dirigeait ; en effet, comme il ne majorité», composée par le demos, aux devait pas ses moyens à des sources illégitimes, il ne parlait jamais en vue de faire régimes oligarchiques et aristocratiques, plaisir, et il pouvait au contraire mettre à profit l’estime des gens pour s’opposer même à leur colère. En tout cas, chaque fois qu’il les voyait se livrer mal à propos à dans lesquels le pouvoir est entre les mains une insolente confiance, il les frappait par ses paroles en leur inspirant de la crainte d’un petit nombre. Les magistrats exercent ; et s’ils éprouvaient une frayeur déraisonnable, il les ramenait à la confiance. Sous une fonction publique de commandement le nom de démocratie c’était en fait le premier citoyen qui gouvernait » (Thucydide au sein de l’État, à laquelle les citoyens de plus de trente ans sont élus ou tirés au sort II, 45, 5 ; 8-9). pour un an. La magistrature la plus Honni par ses contemporains ? importante est la stratégie (conduite des Cette opinion flatteuse était loin d’être partagée par tous les contemporains du opérations militaires et politiques grand homme. Les poètes comiques en avaient fait la cible de leurs plaisanteries. étrangères de la cité). Selon Périclès, les Son caractère hautain lui valait d’être comparé de façon pas toujours flatteuse à magistrats sont désignés en fonction de leur Zeus. On moquait aussi son physique, ce crâne démesuré que dissimulait mal le mérite. Mais en réalité le seul mérite ne casque du stratège. On se gaussait de ses liens avec Aspasie, cette étrangère qu’on suffisait pas puisque certaines présentait, sinon comme une courtisane, du moins comme une entremetteuse qui 46 procurait des jeunes femmes à son amant et à laquelle on attribuait une influence politique notamment dans la guerre contre Samos, ennemie de Milet dont elle était originaire. On colportait les pires ragots sur les relations entre Périclès et ses fils. Mais, surtout, on accusait le stratège d’avoir déclenché une guerre qui s’était très vite révélée plus difficile que prévu. Dans La Paix, comédie d’Aristophane, le dieu Hermès, porte-parole du poète, allait jusqu’à dire que c’était pour échapper à une enquête sur sa complicité dans les détournements de fonds opérés par son ami le sculpteur Phidias que Périclès aurait précipité la cité dans la guerre. Cependant, la critique politique allait bientôt se situer sur un autre registre, celui du régime dont on lui attribuait la paternité, et singulièrement de cette institution qu’était la misthophorie, la rétribution des fonctions publiques. Sans être nommément cité, il est visé derrière la satire à laquelle se livre Aristophane dans Les Guêpes. Les Athéniens y sont présentés comme des gens qui ne pensent qu’à juger pour percevoir le salaire qui rétribue leur présence au tribunal. Cette même misthophorie est dénoncée par Socrate dans le Gorgias de Platon : « J’entends pour ma part répéter que Périclès a rendu les Athéniens paresseux, lâches et avides d’argent par l’établissement d’un salaire pour les charges publiques » (515 c). Critique reprise presque dans les mêmes termes dans la Constitution d’Athènes. Mais plus encore qu’au siècle précédent, c’est la politique impérialiste d’Athènes dont Périclès partage la responsabilité avec Thémistocle et Cimon qui est mise en accusation au IVe siècle. C’est encore dans le Gorgias que Socrate tient des propos sans équivoque : « Nos grands hommes d’autrefois, sans se préoccuper de la sagesse ni de la justice, ont gorgé la ville de ports, d’arsenaux, de murs, de tributs et autres niaiseries ; quand surviendra l’accès de faiblesse, on accusera ceux qui seront là et donneront des conseils, mais on célébrera les Thémistocle, les Cimon, les Périclès de qui vient tout le mal » (51 c-519 a). Dans la Constitution d’Athènes, l’auteur affirme que c’est après les réformes d’Éphialte « que la cité commit le plus de fautes sous l’influence des démagogues et à cause de la maîtrise de la mer » (XLI, 2), Périclès se trouvant ainsi associé dans le blâme à ceux qui lui succédèrent à la tête de la cité, et par conséquent inclus au nombre des démagogues. Une gloire posthume ? Il apparaît donc que dès le lendemain de sa mort et dans les décennies suivantes la critique à l’encontre de Périclès est devenue un lieu commun du discours tenu dans les écoles philosophiques. Dans la mesure où il incarnait la démocratie, c’est le régime autant que l’homme qui était remis en question. Or, de démocratie on ne parlera guère dans les siècles qui suivirent la défaite d’Athènes devant Philippe de Macédoine, les conquêtes d’Alexandre et la mise en place des grandes monarchies hellénistiques. C’est désormais la basileia, la royauté, qui est devenu le sujet de prédilection des penseurs politiques. Et il faut attendre l’élaboration par Plutarque de ses Vies parallèles pour voir réapparaître comme modèles de réflexion les « grands hommes » de l’Athènes démocratique, dont Périclès. Le Périclès de Plutarque est intéressant à plus d’un titre, parce que le biographe a recueilli quantité de témoignages et d’anecdotes empruntés à des sources qu’il a pu consulter et qui ne nous sont pas parvenues. C’est un personnage attachant, disciple du philosophe Anaxagore, et qui sut transformer la démocratie « en un régime aristocratique et royal dont il usa de manière droite et inflexible en vue du plus grand bien » (XV, l). Désintéressé et incorruptible, méprisant les richesses, c’est un homme supérieur par son sens de la justice et sa modération. Et pourtant, Plutarque ne s’arrête pas à cette image « thucydidéenne » de Périclès. Il tient compte aussi des critiques formulées par les contemporains, décèle chez le grand stratège une certaine tendance à agir de façon « tyrannique », singulièrement à l’encontre des alliés, en utilisant le tribut versé par ces derniers pour mener une politique de grands travaux certes admirables, mais au seul bénéfice des Athéniens, puis en entraînant Athènes dans une guerre qui s’avérera désastreuse. Mais « tyrannique » aussi peut-être par certains aspects de sa vie privée, Plutarque n’hésitant pas à reprendre toutes les accusations colportées contre Périclès tant à propos d’Aspasie que de ses rapports avec ses fils. Même si le jugement final est positif, une certaine ambiguïté demeure qui nourrira les jugements contradictoires de la postérité. Une postérité relativement tardive, liée à la fois à une méconnaissance de Thucydide, mais plus encore au faible intérêt, pour ne pas dire à l’hostilité envers le système politique auquel son nom était rattaché. Il est intéressant de retrouver son image dans un ouvrage qui connut un succès particulier à la veille de la Révolution française, Le Voyage du jeune Anacharsis de l’abbé Barthélémy. Périclès y apparaît comme un homme de génie, habile à persuader ses contemporains par la force de sa parole, mais aussi capable de les magistratures (comme la stratégie) étaient réservées aux seuls citoyens de condition aisée. Selon Périclès, l’exemplarité du régime réside dans l’égalité des citoyens devant la loi (isonomie), devant la justice (« différends particuliers »), devant le vote et dans la participation aux affaires de l’État. La démocratie apparaît ainsi comme un régime égalitaire où la vie politique est ouverte aux citoyens méritants, indépendamment de leur fortune ou de leur naissance. Le régime athénien se distingue aussi par la valorisation du service de l’État (un citoyen ne se mêlant pas de politique est un « citoyen inutile »), considéré comme un droit et un devoir civique. Mais il s’agit d’une vision idéalisée de la démocratie : la cité n’est en effet gouvernée que par une minorité, les citoyens, inférieurs numériquement aux femmes, aux métèques et aux esclaves, qui sont exclus de la vie politique. En outre, tous les citoyens n’ont pas un accès égal aux magistratures dont certaines sont réservées aux plus riches d’entre eux. La démocratie athénienne est un régime censitaire et fondée sur de fortes inégalités (entre citoyens et non-citoyens). 47 flatter quand cela était nécessaire. Il accrut la puissance d’Athènes au point de susciter contre elle des haines qui lui seraient fatales, cependant qu’il amollissait les Athéniens par des fêtes et des jeux, sous l’influence de la courtisane Aspasie. Ces fêtes et ces jeux étaient au contraire portés à l’actif de Périclès par un contemporain de l’abbé Barthélémy, l’Allemand Cornelius de Pauw qui, dans un ouvrage intitulé Recherches philosophiques sur les Grecs, voyait dans les grands travaux de l’Acropole un moyen d’assurer la subsistance des citoyens les plus pauvres. Comme le Périclès de Barthélémy, celui de Pauw était l’héritier du Périclès de Plutarque, mais le philosophe allemand ne manifestait aucune réserve à l’encontre du régime démocratique et défendait la misthophorie et le tirage au sort des magistrats. Cependant, c’est là une opinion assez exceptionnelle, et pour les hommes de la période révolutionnaire en France, Périclès reste le témoin et le responsable d’un régime « corrompu ». Seul peut-être, parmi les contemporains, le jeune Chateaubriand sera sensible à l’ambiguïté de celui en qui il voyait à la fois un orateur froid, « au cœur de glace », et l’amant raffiné d’Aspasie. Ce faible intérêt pour Périclès s’explique : le régime qu’il incarnait n’était en aucune manière présenté comme un « modèle » dans une Europe profondément inégalitaire, et même ceux qui se prétendaient partisans de l’égalité n’en redoutaient pas moins les masses « ignorantes » auxquelles il n’était pas question de donner le pouvoir. Naissance d’un symbole C’est donc seulement le XIXe siècle, avec les progrès de la démocratie représentative, qui, en redécouvrant l’expérience athénienne, revalorisera du même coup la personne de Périclès. C’est d’abord d’Angleterre que vint le mouvement, avec la publication d’une Histoire de la Grèce en douze volumes par George Grote qui s’inspire largement de Thucydide pour décrire la démocratie péricléenne. Le mouvement ne fit que s’amplifier au cours du siècle et au début du XXe siècle. En France, cela est particulièrement sensible dans l’œuvre de Gustave Glotz qui enseigna à la Sorbonne devant des générations d’étudiants auxquels il transmit une image idéalisée de « l’inventeur » de la démocratie. Doté d’une intelligence hors du commun et de talents inégalés d’orateur, le Périclès de Glotz a donné à Athènes le régime le plus juste, le plus égalitaire, en un mot la démocratie par excellence. Il a su procurer du travail aux plus pauvres, faire d’Athènes la cité la plus brillante. Aspasie devient sous la plume de l’historien « la belle et savante Milésienne ». L’Athènes de Périclès est ainsi donnée en exemple à la France de la IIIe République. Depuis un demi-siècle, si l’image de Périclès continue à incarner l’Athènes démocratique, la valeur exemplaire de celle-ci est devenue l’objet de nombreuses controverses. Bien que fervent défenseur de l’expérience athénienne, le grand historien Moses I. Finley, dont l’œuvre s’impose à partir du milieu du siècle, voyait en Périclès l’héritier du tyran Pisistrate : comme lui, « il prit toute une série de mesures destinées à assister financièrement les pauvres avec l’argent de l’État », afin de saper les bases du « patronage aristocratique ». Plus récemment, un historien américain, Josiah Ober, met également en valeur l’habileté d’orateur de Périclès, mais se refuse à l’idéaliser et à l’opposer à ses successeurs, car eux n’ont pas eu la chance de bénéficier de circonstances exceptionnelles, alors que l’hégémonie d’Athènes, conséquence des guerres médiques, était à son plus haut niveau. Pour l’historien Patrice Brun, auteur d’une récente Histoire de la Grèce à l’époque classique, le portrait idéalisé de Périclès par Thucydide « lui sert à noircir la figure de ceux qui lui ont succédé, au premier rang desquels Cléon, avec lequel l’historien avait d’une part des comptes personnels à régler (c’est à l’époque de sa domination qu’il fut exilé) et qui représentait d’autre part une classe sociale, celle des artisans, bien éloignée de l’aristocratie terrienne dont Périclès et Thucydide étaient issus ». Un récent ouvrage va plus loin dans le dénigrement de Périclès, en qui l’auteur L.-J. Samons voit « le plus charismatique – et dangereux – des leaders de l’Histoire occidentale » (What’s wrong with Democracy). Ce ne sont là que quelques exemples de la façon dont on a, au cours de l’histoire, jugé la personne et l’œuvre du plus célèbre des hommes politiques athéniens. Il va de soi que nous ne connaîtrons jamais le « vrai » Périclès, puisque, à la différence d’autres hommes politiques de l’Antiquité (Démosthène, Cicéron, César), il n’a laissé aucun écrit et que ses discours ont été recomposés par Thucydide. Il reste que son nom est inséparable de l’apogée d’Athènes et d’un régime dont se réclame encore le monde d’aujourd’hui. La première condition à Athènes pour être citoyen est la naissance. Jusqu’en 451450, il suffisait d’être de père athénien pour être citoyen. À partir de cette date, 48 selon un décret voté à l’initiative de Périclès, sont citoyens les enfants nés d’un père citoyen et d’une mère fille de citoyen, unis en légitime mariage. Cette mesure prive du droit de cité les enfants dont la mère est étrangère à la cité ou d’une famille de métèques. Ainsi la citoyenneté se ferme-t-elle. C’est Périclès qui est à l’origine de l’indemnité de présence (misthos) accordée au départ aux héliastes pour compenser la perte d’une journée de travail ou d’affaires. Elle est étendue par la suite aux bouleutes et à certaines magistratures et enfin à l’Assemblée au IVe siècle avant J.-C. Cette indemnité a sans doute fait évoluer le recrutement social des juges, qui est devenu plus populaire. La misthophorie souligne le fait que la citoyenneté n’est pas seulement vue comme un statut mais correspond aussi à une fonction. Avant Périclès, les Panathénées consistent surtout en des concours sportifs. Les vainqueurs de ces concours sont abondamment célébrés. Périclès introduit à la fête des compétitions plus intellectuelles, pour mettre en valeur l’éclat d’Athènes, Athéna étant aussi la déesse de l’intelligence. L’éloge des premières victimes de la guerre du Péloponnèse est l’un des textes les plus connus de l’histoire grecque. Beaucoup de commentateurs y voient en effet le seul texte du Ve siècle proposant une théorie de la démocratie. Se pose le problème de l’auteur. Ce discours est en effet repris par Thucydide (460-395 av. J.-C.) dans son œuvre majeure la Guerre du Péloponnèse. La pratique de l’insertion du discours est chose courante au cours de l’oeuvre mais reste à savoir si l’on peut être certain que l’historien grec ne le réécrit pas. Thucydide est contemporain du discours ; il est admirateur de Périclès et connaît bien le fonctionnement de la cité, ayant lui-même été stratège avant d’être exilé à la suite de la défaite d’Amphipolis (424). Il met à profit cet exil pour entamer son récit qu’il ne peut achever avant sa mort vers 400. Sa méthode est clairement explicitée. Ainsi, la plupart des historiens considèrent que si reconstruction il y a, l’historien reste fidèle aux circonstances, au contenu et à l’esprit du texte. D’autre part, le texte présente une ressemblance frappante avec Les Suppliantes d’Euripide. Périclès est stratège au moment où il prononce ce discours en 431 avant J.-C. (Thucydide précise d’ailleurs dans son ouvrage qu’il a été choisi par le peuple pour le prononcer), moment délicat pour la cité puisque les Athéniens sont à l’abri des Longs Murs tandis que les Spartiates dévastent l’Attique. C’est donc dans ce contexte difficile de la première année de la guerre du Péloponnèse que Périclès prononce ce qu’il faut définir comme une oraison funèbre (logos epitaphios), discours officiel spécifique à Athènes, adressé depuis le Céramique aux citoyens et aux étrangers. Le fondement de la grandeur athénienne repose pour Périclès sur sa valeur politique. L’auteur veut mettre la démocratie en valeur et la proposer comme modèle : « loin d’imiter les autres peuples, nous leur offrons plutôt un exemple », phrase à laquelle répond le passage : « notre cité est pour l’ensemble de la Grèce une éducatrice ». Athènes est donc bien présentée comme la créatrice d’un modèle politique qu’elle propose en exemple c’est-à-dire qu’elle souhaite voir copier. Il y a pour Périclès un esprit de la démocratie qui ne se résume pas pour lui à ses institutions sur lesquelles il reste très vague. Cette dernière a aussi un « caractère national ». L’idée que les masses prennent réellement part à l’activité du gouvernement est éludée. « Quand un homme sans fortune peut rendre quelques services à l’État, l’obscurité de sa condition ne constitue pas pour lui un obstacle » : cette phrase est ambiguë. On peut y voir une allusion à la misthophorie ou bien se dire que « quelques services » est bien vague et ne désigne peut-être pas l’accès à des charges bien définies. En fait, il semble qu’il y ait, pour Périclès, une hiérarchie en fonction de laquelle s’effectue la répartition des rôles. « C’est en fonction du rang que chacun occupe dans l’estime publique que nous choisissons les magistrats de la cité. » Périclès entend ici que c’est le « mérite » ou « estime publique » qui préside à l’élection (il renvoie ici à l’élection des stratèges). La démocratie permet donc selon lui le choix du meilleur, d’où le fait qu’il précise bien « selon le mérite plutôt qu’à tour de rôle ». Cela correspond d’ailleurs à une réalité puisque seuls les plus riches et les plus instruits de fait accèdent à ces magistratures électives. Ses propos ne sont pas antidémocratiques. Il fait référence ailleurs dans le texte au fait que tous participent au vote ou font des propositions, mais ce n’est néanmoins pas là être à la tête de la cité. « Parce que notre régime sert les intérêts de la masse des citoyens et pas seulement d’une minorité, on lui donne le nom de démocratie. » Périclès nous livre ici sa vision idéale de la démocratie, qui peut surprendre. En effet, Périclès dit que la démocratie est un régime où l’on gouverne pour le peuple mais non par le peuple, ce dernier apparaissant davantage comme le bénéficiaire du régime que comme le peuple souverain. Cette démocratie repose sur l’égalité (isonomie). 49 L’égalité définie par Périclès est essentiellement une égalité civile devant les tribunaux, puisqu’il cantonne l’égalité devant la loi aux « différends particuliers ». Il ne s’agit pas ici d’une égalité politique ce qui vide la notion d’isonomie de son contenu. Elle repose aussi sur la liberté. D’abord, la liberté politique sur laquelle il ne s’étend pas car elle va de soi. Périclès insiste bien plus sur la liberté de moeurs : « nous sommes tolérants dans les relations particulières ». La méfiance est absente des relations quotidiennes ; il montre ainsi que la diversité est un bien car elle permet des relations sociales apaisées. Immédiatement après, il revient à la liberté politique et indique : « nous évitons très scrupuleusement d’enfreindre les règles établies », « nous obéissons aux magistrats », « nous obéissons aux lois ». Il s’agit de montrer que la liberté ne signifie pas la licence ou l’anarchie. Les Athéniens sont disciplinés, ils obéissent d’abord aux lois écrites dont il rappelle qu’elles sont faites pour les individus, mais aussi aux lois non écrites c’est-à-dire les lois morales. Pour Périclès, la démocratie c’est aussi une éthique et une culture. Il s’agit de montrer que le texte est partial et s’inscrit dans le contexte de la guerre du Péloponnèse. On a donc ici affaire à une autocélébration de la cité athénienne, à un discours hégémonique qui s’adresse tout autant aux Athéniens qu’aux étrangers (métèques mais aussi étrangers de passage) et surtout aux Spartiates. Il s’agit d’impressionner les auditeurs : de réactiver chez les Athéniens le courage nécessaire à poursuivre le conflit, d’impressionner les étrangers et de les voir reconnaître et accepter les prétentions d’Athènes. Ce discours est une manière de combattre aussi le modèle spartiate et au-delà les oligarques, en répondant à leur critique par la démonstration que la démocratie n’est pas le gouvernement des premiers venus mais celui du « mérite ». C’est sur ce dernier point que réside la remarque majeure que l’on peut faire sur ce discours : la démocratie selon Périclès ne correspond pas à la définition que l’on en donne habituellement. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 50 HA – L'Acropole d'Athènes Approche scientifique Approche didactique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude Insertion dans les programmes (avant, spatiale) : après) : Les constructions de l’Acropole sont des temples, des autels, des statues : ce sont des constructions religieuses dédiées à Athéna. Mais l’Acropole est aussi et surtout un sanctuaire à la gloire de la cité. On s’intéresse au lien entre l’architecture et la politique. Il s’agit de faire comprendre que toute grande réalisation architecturale, comme l’Acropole, entre dans un projet politique précis. Les monuments construits dans la seconde moitié du Ve siècle, à l’initiative de Périclès, sont conçus comme la manifestation de la puissance de la cité. D’où I. Un sanctuaire religieux, II. Le sanctuaire d’une grande puissance III. Le sanctuaire d’une démocratie Sources et muséographie : nouveau musée : l’Acropole demeure aujourd’hui au centre de nombreux enjeux culturels et politiques, avec les revendications sur les « marbres d’Elgin ». Ouvrages généraux : Jean Baelen, Chronique du Parthénon. Guide historique de l'Acropole, Belles Lettres, 1956 François Queyrel, Le Parthénon, Un monument dans l'Histoire, Bartillat, Paris, 2008 Bernard Holtzmann, L'Acropole d'Athènes, Monuments, cultes et histoire du sanctuaire d'Athèna Polias, Picard, Paris, 2003 Documentation Photographique et diapos : Revues : L'Histoire, n° 323, septembre 2007, D'où venait la richesse d'Athènes ? (Entretien avec Claude Mossé) Carte murale : plan d’Athènes, plan de l’Acropole Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : concepts, problématique) : L’objectif est de montrer comment, à Athènes, religion et idéologie civique se Admiré depuis près de 2500 ans, le Parthénon a traversé une histoire d'épreuves et mêlent (notion de religion civique) : les de passions. Modèle classique, il est une des plus parfaites réalisations du miracle fêtes religieuses ont une double fonction : grec. Conçu au Ve siècle dans l'Athènes de Périclès, le Parthénon se dresse sur célébrer la déesse protectrice de la cité mais l'Acropole, haut lieu le plus sacré de la cité. Sa décoration, avec ses frises et ses frontons sculptés, aujourd'hui en grande partie au British Museum à Londres, exalte aussi exalter le patriotisme et renforcer la cohésion sociale. d'antiques légendes qui rattachent les Athéniens au sol sacré de la patrie. Tout L'Acropole traduit à la fois le sentiment concourt à célébrer la déesse Athéna. religieux traditionnel qui anime la vie des François Queyrel (Association internationale pour la Réunification des Marbres du Athéniens et aussi le triomphe de la Parthénon) revient sur la construction du monument lui-même et sur la religion civique où « la victoire est fille des signification des décorations qui l'ornent. Puis il raconte les péripéties, les dieux ». C'est la mise en scène idéalisée mutilations et les renaissances de cet étonnant bâtiment. Dès l'origine lieu saint d'Athènes construite par les Athéniens, c'est d'Athènes, le Parthénon fut successivement une église, puis une mosquée sous le la démonstration volontairement joug de l'Empire ottoman, mais aussi une poudrière qui explosa sous les bombes ostentatoire de la puissance de la cité et de des troupes vénitiennes. ses dieux. La description des monuments et des Passage obligé des voyageurs romantiques au XIXe siècle, avant d'être protégé et sculptures doit permettre de faire saisir aux restauré au cours du XXe siècle, il demeure aujourd'hui au centre de nombreux élèves le sens d'une religion civique et de enjeux culturels et politiques, avec les revendications sur les "marbres d'Elgin". faire le lien entre !a puissance acquise lors Beaucoup de villes grecques (Argos, Corinthe, Thèbes, Pergame entre autres) sont des guerres médiques et les créations nées sur une colline escarpée dominant les terres voisines et offrant un site architecturales et culturelles. naturellement protégé. L’Acropole d’Athènes est ainsi occupée pendant l'époque La frise des Panathénées fait honneur à préhistorique et l’âge du bronze. L’Acropole athénienne est un lieu de culte et Athéna qui reçoit des offrandes et qui d’habitat très ancien (au moins depuis l’époque mycénienne). L’aménagement des sanctuaires date de l’époque archaïque et est attribué au tyran Pisistrate et à ses fils. préside l'assemblée des dieux. Mais c'est aussi la cité d'Athènes qui est valorisée par C'est au début du Ve s. av J.-C. qu’un premier Parthénon est édifié et la colline l'union de tous ses habitants, par ses entourée à son sommet par un mur de bois. Lors de la seconde guerre médique, certains Athéniens s'y réfugient, tandis que d'autres gagnent Salamine, protégée par victoires sur ses ennemis, par l'illustration de sa puissance. La présentation de la frise, la flotte athénienne. L'Acropole est prise d’assaut, ses occupants tués et les volontairement située en fin de chapitre, monuments détruits en 480 ; les Athéniens ne restaurent pas les bâtiments permet de reprendre avec les élèves de archaïques et se contentent de construire de quoi abriter les statues des divinités. nombreux éléments qui donnent son sens à Surtout soucieux de fortifier la ville pour en assurer la défense, puis d’organiser l'étude d'Athènes au Ve siècle avant J.-C. et aussi la protection des ports du Pirée, Thémistocle se borne à relever les d'en vérifier ainsi la compréhension. Des fortifications de l’Acropole avec les pierres trouvées sur place et repousse à plus tard la reconstruction des temples. Comme l’écrit Thucydide (I, 93, 7) : « Il pensait différents quartiers d'Athènes, à l'organisation politique, aux différentes que le Pirée présentait plus d’utilité que la ville haute. » Les édifices de l’époque composantes de la cité, à l'importance de la classique qui demeurent aujourd’hui ont été conçus à l’époque de Périclès et construits durant la seconde moitié du Ve siècle avant J.-C. C’est donc Périclès qui religion, à la maîtrise artistique et à la 51 fait de la colline la demeure des dieux, en particulier de la déesse Athéna, protectrice de la cité. Pour financer le chantier, il puise dans le trésor des alliés et dans celui d’autres divinités qu’Athéna ainsi que dans le produit d’une mine du Laurion. La cohérence du programme d’ensemble, sa réalisation relativement rapide, l’importance des moyens humains et financiers mis en oeuvre et la renommée qu’acquiert aussitôt l’Acropole dans le monde grec témoignent de la puissance de la cité d’Athènes. Des siècles plus tard, l’auteur grec Plutarque, dans sa Vie de Périclès, manifeste son admiration pour l’œuvre accomplie : « Les monuments s’élevaient, d’une grandeur imposante, d’une beauté et d’une grâce inimitable ; les artistes s’efforçaient à l’envi de se surpasser par la perfection technique du travail. » On entre dans l’Acropole par les Propylées, un portique couvert monumental. Sur la droite, se trouve le petit temple d’Athéna Nikè qui célèbre les victoires d’Athènes sur les Perses. Le temple est édifié en marbre entre 427 et 424. Au centre, se dresse la grande statue d’Athéna Polias, protectrice de la cité. Non loin, se trouve le grand autel d’Athéna où l’on procède aux sacrifices. Sur le côté Nord, s’élève l’Érechthéion, le temple le plus ancien. Il tire son nom d’Érechtée, roi mythique d’Athènes, plus tard identifié à Poséidon. Les Athéniens y rendent aussi un culte à Zeus, Athéna et Héphaïstos. Sa construction dure de 421 à 406, avec des interruptions. Il se distingue du Parthénon par son plan plus complexe, rendu célèbre par le portique des Caryatides. Les Caryatides soutiennent un portique couvert de la façade sud du temple. Les Caryatides signifient habitantes de Caryes. Selon la tradition, cette ville de Laconie s'était jointe aux Perses, ses habitants furent exterminés tandis que leurs femmes furent réduites en esclavage et condamnées à porter de lourds fardeaux, symbolisés par le portique. La procession des Panathénées se termine auprès de ce temple car il abrite la vieille statue en bois d'Athéna qu'on disait tombée du ciel, la plus vénérée de toutes. Enfin, en haut de l’Acropole, se tient le Parthénon, le grand temple de la déesse de la cité. La reconstitution de Nicolas Lambert (Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts) exécutée en 1877 rend bien compte de la manière dont les hommes du XIXe siècle se représentent l’Acropole, et plus généralement la démocratie athénienne. Une impression de puissance, de richesse, de sérénité s’en dégage qui donne une image très positive de la démocratie athénienne. L’oeuvre pourrait être replacée dans le contexte des luttes qui opposent républicains et royalistes pour le pouvoir dans la IIIe République. puissance d'Athènes, ce document offre une vue globale rare. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Le financement des constructions sur l'Acropole pose problème. En 449 avant J.-C, Périclès fait adopter le décret organisant le financement public des constructions, financement provenant du tribut payé par les cités (environ 5 000 talents). Périclès décide de reconstruire les monuments de l'Acropole qui avaient été détruits pendant les guerres médiques. Une source provient des Vies parallèles de Plutarque (46-120 ap. J.-C.), biographe grec dont l'activité se situe à la charnière des Ier et IIe siècles. Plutarque décrit les travaux monumentaux entrepris par le stratège pour réaménager le sanctuaire de l’Acropole, entre 447 et 432 av. J.-C. L’ampleur du chantier est suggérée par la magnificence du projet (« parure au plus haut degré»), la multitude et la préciosité des matériaux de construction transportés par voie terrestre et maritime, ainsi que par la diversité des métiers impliqués. Le texte souligne les motivations politiques qui ont poussé Périclès à entreprendre la reconstruction de l’Acropole. Le sanctuaire est destiné à impressionner, à montrer la richesse et la puissance d’Athènes. Par la phrase « il proposa au peuple de nombreux projets de constructions et des plans d’ouvrages donnant une occupation à de nombreux métiers », l’auteur suggère l’intérêt social et économique d’un chantier employant une main-d’oeuvre nombreuse. Les travaux contribuent aussi à l’équilibre social de la cité en donnant du travail aux catégories populaires. Pour les financer, Périclès puise dans le trésor d’une ligue de Délos clairement considérée comme un instrument au service de la puissance d’Athènes. En 454, le Trésor de la Ligue, conservé à Délos, est transféré sur l’Acropole et de là, la confusion devient totale entre les finances d’Athènes et celles de son Empire. L'objectif de l'auteur n'est pas un travail historique mais la peinture de caractères. Pour Périclès, l’intérêt est aussi d’ordre politique : en donnant satisfaction au demos, il peut ainsi renforcer son Activités, consignes et productions des élèves : le Parthénon et la frise des Panathénées 52 assise populaire en vue de futures élections à la stratégie. Dédié à Athéna Parthénos (la Vierge), le temple du Parthénon (30,88 m sur 69,50 m) domine l'Acropole. Il est édifié de 447 à 432 sous Périclès, par Ictinos et Callicratès dirigés par Phidias. Les dimensions impressionnantes du temple renforcent le caractère monumental de l’Acropole. Le temple renfermait, gardé dans la salle des Vierges, le trésor de la ville et de la ligue de Délos. Construit sur un podium, le temple est périptère – doté d’un péristyle ou colonnade cannelée tout autour de son périmètre. En façade, les colonnes sont surmontées d’un fronton sculpté. Le Parthénon, temple dorique construit en marbre blanc du mont Pentélique et rehaussé de couleurs (le fond des métopes était bleu ou rouge et les sculptures étaient peintes), est le monument le plus célèbre de l'Acropole. L'harmonie de l'ensemble s'explique par les calculs mathématiques et les corrections optiques mis en œuvre parles artistes : la base est bombée, les colonnes inclinées vers l'intérieur et les fûts sont amincis vers le haut. Le Parthénon n'était pourtant pas un temple au sens traditionnel du terme, il n'était pas un lieu de rassemblement pour les fidèles (même s'il était ouvert) et les cérémonies du culte avaient lieu en plein air autour de l'autel. Il avait pour fonction de protéger et de mettre en valeur la grande statue chryséléphantine (en or et en ivoire) d’Athéna, oeuvre de Phidias. La statue, dans la cella, nous est connue par les copies qui en ont été faites. Debout, vêtue d'un péplos attique, coiffée d'un casque surmonté d'un sphinx entouré de griffons et de chevaux allés, elle est à la fois bienfaisante et armée. C'est une Athéna guerrière et victorieuse qui symbolise la puissance d'Athènes, qui incarne la cité impérialiste et démocratique, autour de laquelle s'organise l'aménagement de l'Acropole. Le Parthénon est une offrande, une représentation d'un rituel dont l'Erechthéion était le centre, un acte politique qui affiche la richesse, la puissance de la cité et de la déesse. La fête des Panathénées, célébrée au mois de juillet-août (Hécatombaion) est l’une des principales fêtes religieuses d’Athènes car elle est dédiée à la divinité protectrice de la cité, la déesse Athéna. Cette fête commémore la victoire des dieux sur les géants (la gigantomachie), thème représenté sur le voile (peplos) offert à Athéna. Les Petites Panathénées ont lieu tous les ans, mais les Grandes Panathénées, créées à l'époque de Pisistrate, se déroulent tous les quatre ans. Les Panathénées sont contrôlées et organisées par les magistrats. La procession, constituée des différents acteurs de la cité répartis par classes sociales et classes d'âge, s'ébranle au lever du soleil au son de la flûte de roseau. Elle clôt les festivités : concours musicaux dans l'Odéon, épreuves gymniques près du Pirée, concours hippiques, courses de trières au cap Sounion. La procession des Panathénées traverse Athènes pour se rendre sur l'Acropole. La procession part des portes de la ville (portes du Dipylon), traverse le Céramique (cimetière), l’Agora, arrive à l’Acropole par les Propylées et longe le Parthénon pour finir devant le grand autel d’Athéna, où s’effectue le sacrifice des animaux consacrés à la déesse. Ce parcours a une dimension symbolique puisqu’il traverse les hauts lieux de la vie publique (Agora, cimetière) et religieuse (Acropole) athénienne. La cérémonie se présente aussi comme une cérémonie civique inscrite symboliquement dans l’espace politique et religieux de la ville. Dans cette mise en scène de la cité que représente la procession, l'union de la périphérie au centre rappelle celle de tous les acteurs. Après le don du péplos à Athéna, la déesse poliade(statue conservée dans le petit temple de l’Érechteion), et les sacrifices, un banquet collectif (hestiasis) est organisé dans chaque dème, et la fête s’achève par des réjouissances nocturnes. Des magistrats, les hiéropes, prennent en charge l’organisation des festivités. Le financement de la fête est public : l’État prend en charge les frais de la cérémonie, soit directement, soit indirectement (en désignant des riches citoyens préposés à cette liturgie). Les liturgies sont des dépenses publiques prises en charge par les citoyens les plus riches. À Athènes, les plus importantes sont la triérarchie (équipement d’un navire de guerre), la chorégie (entretien d’un choeur pour les représentations dramatiques), l’hestiasis (financement d’un banquet public précédé d’un sacrifice). Les riches tirent gloire de leurs nombreuses liturgies. La cité règle également par décret le nombre des bêtes sacrifiées, la nature des dépenses et les modalités de la distribution des viandes au peuple athénien. Le déroulement de la procession (pompè) nous est assez bien connu grâce à la frise du Parthénon dont les fragments sont dispersés dans différents musées, à Londres, Athènes et Paris. La plus grande partie de la frise des Panathénées a été dérobée par un Britannique, lord Elgin.au début du XIXe s., au temps de la domination turque. 53 Elle se trouve aujourd’hui au British Muséum ; une autre partie est restée à Athènes (musée de l'Acropole). La frise des Panathénées sculptée par Phidias et son atelier revêt une importance historique, symbolique et culturelle fondamentale. La frise, sculptée sur la partie haute de la celle du Parthénon, court de chaque côté du temple pour finir à l'avant (à l'est) par l'assemblée des dieux et le don du péplos. A l'ouest, les préparatifs, au nord et au sud le double cortège constitué des différents acteurs de la cité. Les fragments de la frise (qui était colorée) permettent de faire observer la finesse du bas-relief, exécuté sur une épaisseur de quelques centimètres. Le mouvement des cavaliers au galop et le traitement du drapé des porteurs d'amphores et du péplos sont particulièrement exceptionnels (le marbre est un matériau très difficile à travailler). Le porteur du péplos tend le tissu à l'archonteroi, péplos brodé par quatre filles de 8 à 11 ans issues des nobles familles athéniennes. Les ergastines et les arrhéphores sont préposées par la cité à la réalisation du tissu sacré offert à la déesse (le peplos en laine, teint de safran avec des broderies représentant les exploits d’Athéna). Les canéphores sont les porteuses de corbeilles renfermant des objets sacrés. Les sacrifices ont lieu sur l'autel extérieur ; un nombre important de bêtes est sacrifié (hécatombe : 100 bêtes). Le sacrifice sanglant (thusia) est l’un des actes essentiels de rituel religieux pour les Grecs. Les bêtes sacrifiées sont des animaux domestiques (béliers, chèvres, génisses, boeufs…) que l’on voit représentés sur la frise du Parthénon car participant à la procession. Après avoir vérifié que l’animal ne présente aucune impureté, le sacrificateur l’égorge en lui redressant la tête de façon à ce que le sang jaillisse sur l’autel. Il est ensuite dépouillé et la peau souvent offerte au prêtre. On procède ensuite à la découpe de l’animal. Les os recouverts de graisse sont brûlés en l’honneur de la divinité, tandis que les entrailles et la chair sont partagées entre les participants. Lors des Panathénées, on procède à un double sacrifice. Les bêtes sont fournies par les alliés de la cité, manière d’affirmer l’impérialisme athénien. La répartition des chairs se fait de façon hiérarchisée : les magistrats ont droit à des parts particulières lors d’une première répartition, puis chaque citoyen qui a pris part à la procession reçoit une part égale de la viande des animaux sacrifiés. Cette seconde distribution a lieu dans le quartier du Céramique, situé au nord-ouest de la ville. La diversité du cortège a une dimension intégrante ; il s’agit de réunir citoyens et non-citoyens, Athéniens et non-Athéniens (métèques et alliés), hommes et femmes. Ainsi le spectacle a pour fonction de montrer la cohésion de la communauté et la grandeur de la cité. C’est donc l’image de l’unité et de la puissance qu’Athènes veut donner d’elle-même. Mais si les métèques prennent part à la procession, ils sont exclus du partage des viandes issues des sacrifices. Les femmes elles aussi participent à la procession, mais cette intégration aux actes civiques est toutefois limitée par le fait qu’il s’agit d’un petit groupe de femmes sélectionnées et non de l’intégralité de la communauté féminine. En comparant ce « discours de pierre » aux sources littéraires qui évoquent la procession, on constate un décalage des informations qui accentue la portée symbolique de la frise. Ainsi, tandis que dans les sources littéraires ce sont des femmes qui portent les hydries, sur la frise ce sont des hommes ; tandis que Thucydide évoque la présence des hoplites, ces derniers ne sont pas présents sur la frise ; enfin, les cavaliers présents sur la sculpture sont absents dans les sources littéraires. Ces divergences permettent de penser que les figures sculptées ont moins pour objectif une représentation en tout point fidèle à la réalité qu'une incarnation de valeurs et d'institutions militaires, politiques et culturelles, qu'une exaltation patriotique du régime. Cette frise est l'illustration idéologique d'une cité en pleine puissance que l'on peut rapprocher des discours tenus lors des oraisons funèbres des soldats athéniens morts au combat. La présence des dieux clôturant la procession, des dieux au milieu des hommes, confirme le sens à donner à cette œuvre, celui d'une cité idéalisée qui célèbre ses propres valeurs. Les réactions des autres cités, mêlant admiration et réserve, le prouvent aussi. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 54 HA – Alexandre le Grand Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Sources et muséographie : Les légendes s'emparèrent d'autant plus facilement de l'épopée d'Alexandre que les sources d'époque sont pratiquement inexistantes. Les récits de ses conquêtes par les nombreux chroniqueurs officiels qui suivaient l'épopée ont disparu et de nombreuses zones d'ombre demeurent. L'historiographie d'Alexandre date de l'époque romaine. Arrien (Histoire d'Alexandre, éditions de Minuit, 1984), Diodore de Sicile (Livre XII), Plutarque (Vie d'Alexandre), Quinte-Curce se sont emparés de ce personnage. Les sources historiques touchant à Alexandre mêlent donc légende et réalité. De son vivant, Alexandre lui-même s'est employé à créer la confusion, encourageant les lectures légendaires de ses propres actes. Attribué au Pseudo-Calisthéne, le Roman d'Alexandre décrit les faits et gestes d'Alexandre le Grand. On ne possède pas le texte original, son auteur n'est pas identifié et la date même de sa rédaction -quelque part entre le IIIe et le Ier siècle avant J.-C., n'est pas fixée avec précision. Ce qui est considéré comme acquis est que Le Roman d'Alexandre a été composé à Alexandrie d'Egypte. Ce qui rend cette œuvre remarquable, c'est qu'elle joue un rôle majeur dans la constitution de la légende, en alimentant le pouvoir d'attraction de la geste du conquérant. Ce texte révèle la fascination pour l'étendue de l'épopée, pour les contrées inconnues et donne lieu à des récits mystérieux et empreints d'imaginaire (Alexandre arrive au bout du monde, dans le pays de la divinité, à la fin de la terre). Ouvrages généraux : Pierre Briant (1940) est, depuis 1999, titulaire de la Chaire Histoire et civilisation du monde Achéménide et de l’empire d’Alexandre au Collège de France. Pierre BRIANT, Lettre ouverte à Alexandre le Grand, Actes Sud, 2008 Pierre BRIANT, Alexandre le Grand, Que sais-je ?, 1974 (2002) Pierre BRIANT, Alexandre le Grand : de la Grèce à l'Inde, Gallimard, coll. « Découverte », 2005 Pierre Carlier, Le IVe siècle grec jusqu’à la mort d’Alexandre, Seuil, coll. « Points Histoire / Nouvelle histoire de l'Antiquité », Paris, 1996 Paul Faure, Alexandre, Fayard, 1985 ; Faure P., La Vie quotidienne des armées d'Alexandre, Hachette, 1982. Fourmille d'anecdotes vivantes. Gérard Colin, Alexandre le Grand, Pygmalion, 2007 ; Gustave Droysen, Alexandre le Grand, Complexe ; Alexandre le Grand, Histoire et dictionnaire, (dir.) Olivier Battistini et Pascal Charvet, Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 2004 Jacques Lacarrière, La Légende d'Alexandre, Gallimard, coll. « Folio », 2004 ; Jean Delorme, Le Monde hellénistique, SEDES, coll. « Regards sur l'Histoire », 1975 ; Paul Goukowsky, Alexandre et la conquête de l'Orient dans Le monde grec et l'Orient, II, PUF, 1975 ; Pierre Jouguet, L'impérialisme macédonien et l'hellénisation de l'Orient, Albin Michel, coll. « L'évolution de l'humanité », 1972 ; Dominique Joly (textes) et Antoine Ronzon (illustrations), La Fabuleuse Histoire d’Alexandre le Grand, Tourbillon, coll. « La fabuleuse histoire », Paris, 2005 Nikos Kalampalikis, Les Grecs et le mythe d’Alexandre. Étude psychosociale d’un conflit symbolique à propos de la Macédoine. Paris, L’Harmattan, 2007. Jean-Claude Perrier, Alexandre le Grand, Éditions Hermann, coll. « Hermann Histoire », 2008. Documentation Photographique et diapos : Les Grecs en Orient : l'héritage d'Alexandre - n° 8040 (2004) / Pierre Fröhlich Revues : Alexandrie, lumière du monde antique. Les dossiers d'Archéologie, n° 201, mars 1995. Carte murale : conquêtes d’Alexandre Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : Certains des points de sa biographie divisent encore les exégètes : les causes de BO futur programme : « Le personnage l’intervention grecque contre l’empire achéménide (continuité des projets de son d’Alexandre, ses conquêtes et leurs père Philippe de Macédoine, ou ambition personnelle ?), la fiabilité des écrits conséquences (fondation de villes, consacrés à l’épopée (en particulier Arrien), ses véritables intentions hellénisation) ». géostratégiques (fuite en avant vers l’inconnu, ou conquête limitée à la totalité de C’est cette conquête extraordinaire et cette l’empire achéménide ?), incendie de Persépolis (soif de destruction ou dérapage fusion de cultures que le programme nous incontrôlé ?), le sort de sa dépouille... invite à étudier à travers des récits de Pierre Briant démontre qu’Alexandre tenait à se réapproprier l’empire achéménide l’épopée d’Alexandre. Il faut mettre en pour le remodeler à sa guise, ce qui donne un tout autre sens au fameux « demi-tour relation des récits avec une carte historique, - marche ! » que lui auraient soi-disant imposé ses soldats alors que l’Inde était à permettant aux élèves de repérer dans portée de sa main, en fait une décision mûrement réfléchie par le jeune stratège, qui l’espace les épisodes de la vie d’Alexandre, estimait en avoir fini avec sa mise au pas des Achéménides. son avancée jusqu’à l’Indus. La soumission des Grecs par le roi de Macédoine, Philippe II, et l'expédition de son Les documents permettent d'appréhender à 55 fils Alexandre, entre 334 et 323 avant J.-C, marquent la fin de la période classique en Grèce et le début de ce que l'on va désigner sous le nom d'époque hellénistique. La jeunesse d'Alexandre, la brièveté de son destin et l'ampleur de ses conquêtes ont fait de son règne une épopée largement diffusée dans l'Antiquité et bien au-delà. Aristote prend en charge l'éducation d'Alexandre lorsque celui-ci est âgé de treize ans. Aristote né en 384 avant J.-C. était un ami de la famille royale macédonienne. Pendant dix ans, jusqu'à la mort de Philippe, ce fameux professeur de philosophie et de rhétorique, lui-même le disciple de Platon, forme l'intelligence de son élève. Convaincu de la supériorité de la culture grecque et véritable esprit encyclopédique, Aristote enseigne la littérature, la morale, la dialectique, la politique, l'histoire, la géographie, les sciences physiques et même des rudiments de médecine. Le meurtre de Philippe limite pour son fils Alexandre les risques d'être privé de la succession au trône. Âgé de vingt ans, Alexandre III, dit ensuite le Grand, est acclamé comme roi par l'armée. Il doit rapidement s'imposer, car partout l'agitation renaît. Héritant d'un projet formé par son père, Alexandre part du nord de la Grèce, de Pella, pour la conquête de l'Asie dès que sa situation est consolidée en Europe. L’objectif d’Alexandre est de conquérir le monde entier (cf les connaissances géographiques de l’époque et la carte d’Ératosthène qui révèle l’image d’un monde très réduit par rapport à la réalité). Alexandre se dirige, à l'est vers l'Asie Mineure. Alexandre se rend sur les tombes d’Achille et des autres héros homériques. Profondément imprégné de culture littéraire grecque, Alexandre possédait, selon Plutarque, un exemplaire de l’Iliade annoté par Aristote. Il trouve là les modèles de bravoure et de courage qu'il tentera de suivre tout au long de ses conquêtes. L'épisode du passage à Troie est de ceux qui participent à la constitution de la légende. Avant son arrivée à Ilion, Alexandre élève des autels à Poséidon, Athéna et Héraclès. A Troie, il consacre son armure dans le temple, s'empare de certaines armes que les hypaspistes portaient devant lui dans les combats. Il offrit un sacrifice à Priam dont il se disait le descendant. Il déposa une couronne sur le tombeau d'Achille et une sur celui de Patrocle. D'après Arrien, l'histoire d'Alexandre n'est pas aussi connue que celle de la guerre de Troie car il a manqué à Alexandre un auteur aussi exceptionnel qu'Homère pour raconter son épopée. Puis il part au sud vers l'Egypte, et repart vers l'est, traverse la Mésopotamie, la Perse, et atteint jusqu'à l'Indus qu'il traverse avant de revenir à Babylone. La plupart des villes fondées par Alexandre se nomment Alexandrie, du nom du roi lui-même. En douze ans, Alexandre conquiert le plus vaste empire ayant jamais existé, réunissant l’Orient à l’Occident, étendant la culture grecque dont il se réclame sur des milliers de kilomètres. Celle-ci se transforme au contact des civilisations orientales pour former finalement une culture originale que l’on appelle « hellénistique ». Alexandre se fait accepter des peuples vaincus par sa bienveillance à leur égard et en honorant leurs dieux. Alexandre est à la fois un roi grec et un empereur oriental. D'une manière générale, Alexandre ne parvient pas à communiquer à ses soldats macédoniens la fascination que l'Orient exerce sur lui. Les adoptions d'enfants et les mariages avaient pour but d'établir une meilleure compréhension mutuelle entre les deux cultures. Les mariages forcés de Suse ne survivront pas à la mort d'Alexandre. D'une manière générale, les tentatives de fusion au niveau aristocratique furent un échec. Les Macédoniens considéraient que la mort de Darius devait marquer la fin de l'expédition. L'adoption de coutumes orientales, l'arrivée dans l'entourage d'Alexandre d'Orientaux et l'affaire de la proskynèse accentuent l'incompréhension des Macédoniens. Il est possible qu'Alexandre ait voulu imposer sa divinisation aux Grecs, comme le prétend Plutarque. De son vivant, des honneurs divins lui furent rendus, des autels lui ont été dédiés dans des villes grecques d'Asie Mineure. Ces indications doivent être données aux élèves car elles seront réutilisées lors du cours sur Rome. L'étendue de ses conquêtes explique la difficulté qu'il y avait à disposer d'informations sur l'empereur, était-il mort ou vivant ? Alexandre meurt soudainement en 323 avant J.-C. dans sa capitale Babylone, à 33 ans. Les circonstances de sa mort sont teintées de mystère. Les prêtres, les astrologues et les devins annoncèrent à Alexandre un grand malheur s'il entrait dans Babylone. Les mauvais présages se multiplièrent. Au cours d'un banquet, Alexandre fut saisi d'une violente fièvre. Il mourut au bout de quelques jours, léguant son empire « au plus digne ». On a trouvé dans le cimetière royal de Sidon (Liban) un bas-relief sur un sarcophage, représentant Alexandre à la tête de ses troupes. Il date du IVe siècle avant J.-C. C’est ici que pourrait se trouver la tombe d'Alexandre. la fois le récit des événements historiques et les légendes qui accompagnent l'épopée tout en guidant les élèves dans ce parcours historique. Il s'agit d'aider les élèves à retrouver les indices, sources, auteur, date, permettant de poser les jalons de la méthode historique. L'étude des documents doit permettre à la classe d'adopter la posture de l'historien. Les documents choisis ont aussi pour objectif de faire découvrir ce mélange de cultures : fondation de cités, association des peuples soumis, rapprochement des croyances religieuses. Il s'agit d'y retrouver les influences de la culture grecque classique, mais aussi les éléments propres à cette nouvelle civilisation hellénistique dont la ville d'Alexandrie, en Egypte, est un résumé à elle seule. 56 Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Diodore, confirmé par Arrien, décrit la revue des troupes arrivées sur le sol asiatique en 334/333 avant J.-C. Les 32 000 fantassins se composent : de la phalange (9000), armée de la sarisse et divisée en bataillons à base tribale (chaque soldat tient un bouclier sur son bras gauche avec lequel il protège le côté droit de son voisin ; armé d'une longue lance, la sarisse, il transperce ses ennemis à distance) ; des hypaspistes royaux (troupes d'élite directement liées au roi) plus mobiles (de 3 a 5 000 ?) ; des auxiliaires dont 7 000 représentent la contribution des cités grecques. La cavalerie regroupe 5 à 7 000 personnes dont environ 1800 hétairoi, 2 000 Thessaliens et une cavalerie légère. La consommation de troupes au cours de la conquête est immense, moins à cause des batailles que pour établir garnisons, colonies, détachements de reconnaissance ou de pacification. Il faut sans cesse de nouveaux renforts. Alexandre fait appel à des soldats iraniens, les 30 000 épigones. Une garde à pied perse double les hypaspistes et la phalange est de plus en plus ouverte aux Perses. Cette orientation de l'armée est très mal acceptée par les Macédoniens, ce qui explique la sédition d'Opis, lorsque le roi licencie ses vétérans et les remplace par des indigènes entraînés. La mosaïque représentant Darius, roi des Perses, s'enfuyant devant Alexandre à Issos en 333 avant JC, retrouvée à Pompéi, date du Ier siècle avant J.-C. Elle témoigne, à deux siècles de distance, de l'immense prestige dont jouissait Alexandre dans le monde antique. L'épopée était connue, elle était racontée dans les nombreuses biographies qui, dés la fin du IIIe siècle avant J.-C., sont proposées. Ces récits prenaient pour origine le texte, aujourd'hui perdu, d'un philosophe athénien installé à Alexandrie, Clitarque, dont l'Histoire d'Alexandre, énorme somme très documentée, fut composée entre 320 et 300 avant J.-C. Les historiens ne s'accordent pas tous sur la bataille représentée, certains penchent pour Issos (333 av. J.-C.), d'autres pour Arbéles (331 av. J.-C.) dans la plaine de Gaugamèles. En revanche, les protagonistes ne font aucun doute. Cette représentation d'Alexandre en conquérant est traditionnelle, en lien avec son œuvre et son surnom. L'historiographie a souvent mis en avant son courage exceptionnel, ses qualités de chef de guerre, de meneur d'hommes, faisant de lui un archétype de la figure du conquérant. Il met ici en fuite Darius. L'attitude de ce dernier donne lieu à diverses interprétations, son geste de la main montrerait la complexité des relations qui unissent, au cours de leur affrontement, ces deux adversaires et que l'on trouve dans toutes les biographies d'Alexandre. Il s'agit de noter les qualités artistiques indéniables de l'œuvre, où à l'enchevêtrement des jambes des chevaux répond les sarisses hérissées des Macédoniens. Le courage d'Alexandre apparaît aussi pendant la prise de Tyr (Phénicie) en 332 avant J-C. L'importance des troupes techniques est remarquable : ingénieurs, bématistes qui rassemblent tous les renseignements sur les routes, les distances, les possibilités de campement. Alexandre est un grand stratège. Il utilise des machines de guerre très perfectionnées. Il n'hésite pas à s'engager lui-même dans la bataille. Activités, consignes et productions des élèves : « L’étude repose sur le récit de l’épopée d’Alexandre » et les futurs programmes rajoutent « appuyé sur des témoignages ou des représentations de cette épopée au choix ». Les documents permettent d'envisager les différentes caractéristiques de la puissance d'Alexandre : une personnalité hors du commun, une armée puissante (la phalange et ses hoplites), et l'attrait de l'Orient. La légende d’Alexandre domptant Bucéphale : un grand seigneur thessalien vint à Pella vendre à Philippe II, a un prix considérable, un cheval qu'il appelait Bucéphale « Tête de Bœuf ». C'est sans effort ni difficulté qu'Alexandre dresse ce cheval réputé indomptable. S'étant rendu compte qu'il avait peur de son ombre, il le fit galoper face au soleil. Cet épisode est à rapprocher de ce que les Grecs considèrent comme le destin. Dès son plus jeune âge, Alexandre fait preuve d'une force et d'un courage extraordinaires et est promis à une vie hors du commun. Son père lui-même lui conseille de conquérir un vaste empire. Autre exemple : Alexandre et le nœud gordien. En Phrygie, dans la ville de Gordium, Alexandre pénètre sous la conduite des prêtres dans le temple de Zeus. La description du nœud en corde ou en cornouiller varie selon les auteurs. Il faut souligner la prudence d'Arrien qui note que la force de l'épisode provient peut-être en partie de l'autosuggestion des participants. Alexandre ne cherche pas à défaire le nœud, mais il le tranche d'un coup d'épée. La prédiction dit que celui qui déferait le nœud deviendrait maître de l'Asie. Arrien n'affirme pas que l'épisode est véridique, il reste prudent, disant : « Je ne peux rien affirmer quant à la manière dont Alexandre s'y prit à propos de ce nœud. » II agit en bon historien, n'affirmant pas ce qu'il ne peut vérifier. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 57 HA – Alexandrie d’Égypte (ou Pergame) Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : fondation d’Alexandrie en 332 av. JC ; Alexandrie devient capitale du royaume de Ptolémée en 323 av. JC ; au Ier siècle avant J.-C., c’est la première ville du monde. Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Sources et muséographie : Strabon a décrit ce «centre » au Ier siècle avant J.-C. Les fouilles actuelles montrent que les cultures s'installent en détruisant les structures précédentes et en utilisant ces matériaux pour refaire leurs propres constructions. On retrouve donc très rarement des structures grecques complètes. L'exposition « Trésors engloutis d’Égypte » s’est tenue en 2006-2007 au Grand Palais. Elle retrace seize siècles d’histoire de l’Egypte antique, de 700 avant J.C. à 800 après J.C., et parcourt les périodes des dernières dynasties pharaoniques, des souverains Ptolémées, des Romains, des Byzantins et du début de l’époque islamique. "Trésors engloutis d’Egypte" complète une exposition qui avait eu lieu en 1998 dans ce même Grand Palais : "Alexandrie redécouverte", alors organisée par le CNRS. Cette Alexandrie qu’on avait écartée de l’Egypte pharaonique, cette Alexandrie dont on disait, depuis l’Antiquité, qu’elle était ad Ægyptum : « près de », « aux marches de » l’Egypte. Ouvrages généraux : GODDIO Franck, FABRE David, GERIGK Christoph, Trésors engloutis d’Égypte, Seuil, 2006. J.-Y. EMPEREUR, Alexandrie redécouverte, Fayard, Paris, 2004. J.-Y. EMPEREUR, Le Phare d’Alexandrie, la Merveille retrouvée, Gallimard, Paris, 1998 et 2004. Documentation Photographique et diapos : Les Grecs en Orient : l'héritage d'Alexandre - n° 8040 (2004) / Pierre Fröhlich Revues : J.-Y. EMPEREUR, "On a retrouvé le Phare d'Alexandrie !" L'Histoire 187, avril 1995. Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : concepts, problématique) : BO actuel : « L’objectif est, à partir de Depuis 1994, le Centre d'études Alexandrines (CEAlex), créé par Jean-Yves l’exemple d’une ville, de présenter la Empereur et son équipe de plongeurs, étudie les fonds entourant le fort Qaitbay. civilisation hellénistique ». BO futur Plus de 3000 blocs, dont plus des 2/3 sont des blocs architecturaux, ont été programme : « L’exemple d’une cité recensés. Il s'agissait évidemment de prouver que ces blocs provenaient hellénistique montre qu’au sein de ces effectivement du phare. L'emplacement du phare est toutefois mis en doute par fondations, cultures grecque et indigène Jean Yoyotte, pour qui il ne faudrait pas négliger l'hypothèse selon laquelle il coexistent ou fusionnent. » pourrait s'agir en fait de récifs artificiels construits sous Saladin pour protéger la Avec l’exemple d’Alexandrie, on approche côte des bateaux ennemis. Ce même Jean Yoyotte accorde une place très (trop ?) plus précisément les caractéristiques de la importante à l’influence égyptienne dans le développement de la ville. nouvelle civilisation hellénistique. Ville C’est en 1996 en effet que l’archéologue sous-marin Franck Goddio et son équipe grecque en Égypte, ville cosmopolite où se ont débuté les fouilles archéologiques sous-marines dans la baie d’Aboukir et le côtoient Grecs, Égyptiens, Juifs de la port d’Alexandrie. Ces fouilles ont abouti à la découverte de cinq cent pièces diaspora (à faire remarquer aux élèves pour originaires des trois anciens sites de l’Egypte antique : Canope-Pegouti et préciser la notion de diaspora évoquée Héracleion-Thônis (antérieures à la fondation d’Alexandrie) et Alexandrie. Ces auparavant), grand foyer culturel où des vestiges, prisonniers des eaux durant des siècles, l’ont été vraisemblablement en ouvrages du monde entier doivent raison d’une série de phénomènes naturels tels que des séismes ou des raz-deêtre rassemblés, grand centre commercial, marées. Après des années de prospection sous-marine et grâce aux techniques de interface entre l’Égypte, l’Afrique et le géophysique les plus sophistiquées, l’équipe de Franck Goddio a réussi à monde méditerranéen, lieu de syncrétisme cartographier avec précision ces villes. Celles-ci ont toujours été citées par les religieux… textes anciens : leur existence ne faisait aucun doute mais les localisations précises manquaient aux historiens. C'est donc d'une véritable avancée dont il s'agit. Après de nombreux passages à vide, au fil des siècles, cette ambiance multiculturelle s’est naturellement reconstituée pendant la colonisation britannique, à la fin du XIXème siècle, où Italiens, Grecs, Arméniens, Syriens et Juifs originaires de différents pays cohabitaient en paix. Suite à la proclamation de l’indépendance de l’Egypte et la Révolution qui a mis fin à la monarchie, Alexandrie n’a pas été épargnée par les crises qui ont secoué l’Egypte. La ville, autrefois si florissante, s’est progressivement éteinte et s’est cloisonnée dans la nostalgie et le souvenir de cette ambiance multiculturelle. La Bibliotheca Alexandrina est le fruit d'un projet que l'Egypte a mené à bien avec l'Unesco. Elle a agi comme un véritable catalyseur pour le dynamisme de la cité méditerranéenne: depuis 2002, date de son inauguration, les projets culturels sont nombreux à Alexandrie: un cercle vertueux dans lequel les entreprises et le mécénat ont leur part de responsabilité. 58 Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Après avoir conquis la Syrie-Phénicie, Alexandre séjourne en Egypte pendant l'hiver 332-331 avant J.-C. Il célèbre des sacrifices en l'honneur d'Apis et des autres dieux d'Egypte. Il s'attire ainsi la bienveillance du clergé égyptien et est couronné pharaon. Alexandre fonde la première des trente villes qui porteront son nom (Alexandrie de Margiane, Alexandrie d'Arie, Alexandrie d'Arachosie, Alexandrie en Indoukouch, Alexandrie Extrême…). Le lac Maréotis est séparé de la mer Méditerranée par une lagune suffisamment large pour pouvoir y fonder une ville. La situation est idéale, le site est en relation avec Memphis et les principales villes égyptiennes par les bras du delta. Il confie le chantier à l'architecte Dinocratés. Alexandrie devint le comptoir du monde, idéalement placée pour le commerce maritime comme pour le commerce intérieur grâce au delta. Ptolémée Ier Soter, général d'Alexandre, poursuivit la tradition encyclopédique d'Aristote et contribua à faire de cette ville la plus belle de l'Orient hellénistique. La statue colossale du roi Ptolémée (13 m et 20t, socle compris) fut retrouvée, en même temps qu'un sphinx, en 1968, près des côtes d'Alexandrie. La face avant qui était enfouie dans le sol sous-marin, est bien mieux conservée que le reste. De toutes les villes fondées par Alexandre et qui portent son nom, Alexandrie d'Egypte joue un rôle primordial. En reliant l'îlot de Pharos au continent par une jetée longue de sept stades (soit 7 fois 167 m) - l'heptastade - Alexandre crée un double port, comme il était d'usage chez les Grecs. Une disposition qui, en passant d'un port à l'autre selon la direction des vents, permettait d'être toujours protégé. Quant à la ville elle-même, son tracé respecte l'urbanisme hellénistique : soit un réseau en damier de rues à angles droits, délimitant des îlots réguliers. Elle a été construite à l'image de Pella, la capitale de la Macédoine, avec des agoras, des rues orthogonales et des palais immenses. A l'intérieur de ses murs, la cité fait environ 5 km d'est en ouest et 2 à 3 du nord au sud. Ses deux rues principales, l'axe est-ouest - ou voie canopée - et l'axe nord-sud, font chacune 30 m de largeur, si l'on en croit Strabon. Des dimensions qui impressionnent les visiteurs. La ville est organisée en plusieurs quartiers administratifs. Les palais occupent un quartier entier, formant une véritable cité interdite (Strabon) à l'est de la ville. La plupart des monuments seront initiés par Ptolémée Ier qui prend possession de l'Egypte à la mort d'Alexandre. La ville est considérée comme la capitale intellectuelle du monde car des savants du monde entier viennent y travailler, tandis que des Alexandrins sont envoyés à l'étranger pour faire rayonner leur culture. La bibliothèque possède des livres en provenance de partout. Alexandrie resta la capitale des douze rois Ptolémées. Si elle devint la cité « de la science et de l'esprit », c'est en grande partie grâce à ses lettrés. L'architecture alexandrine, comme la culture littéraire fut largement encouragée par le pouvoir royal. Son rayonnement se poursuivit jusque sous la domination romaine. Le musée d'Alexandrie était une sorte d'académie des Sciences et des Arts où les écrivains et les savants se réunissaient régulièrement. C'est dans ces bâtiments que se situait la célèbre bibliothèque d'Alexandrie. Au temps des Ptolémées, il n'y avait pas de salle de lecture, ni de pièce où conserver les livres. Simplement sur des rayonnages dispersés à travers le site, étaient entreposés des centaines de milliers de rouleaux. Les savants pouvaient librement accéder à ce fonds, ce qui était un immense privilège. Le Musée leur servait par ailleurs à organiser des colloques et à prendre leurs repas en commun. Le phare d'Alexandrie fut construit au IIIe siècle avant J-C. Le roi Ptolémée l'avait élevé sur la pointe orientale de l'île de Pharos, Pharus en latin, d'où le nom du phare. Sa construction dès l'origine était vitale, la côte étant particulièrement dangereuse. Ce monument de 135 m fut édifié, selon Strabon en pierre blanche calcaire local - mais du granit d'Assouan entra aussi dans sa construction. Des sources recoupées permettent de décrire son allure générale. Il était constitué de trois étages. Le premier de 71 m de haut était de forme quadrangulaire ; on y accédait par une rampe à arcades. Le deuxième, de forme octogonale, faisait 34 m de haut, et le troisième, cylindrique, haut de 9 m, était surmonté d'une statue de Zeus ou de Poséidon. Le phare illuminera la Méditerranée jusqu'au XIVe siècle. Les circonstances exactes de sa disparition ne sont pas établies Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Activités, consignes et productions des élèves : Centre d’échanges intellectuels avec la bibliothèque qui doit rassembler des ouvrages venant du monde entier, un musée (plus des monuments grecs : un théâtre, un stade, un gymnase, une nécropole,un palestre...) ; le palais royal rappelle la civilisation égyptienne. Centre d’échanges religieux avec des temples de différentes religions grecque (Poséidon) et égyptienne (Isis), temple de Sérapis (combinaison d’un dieu grec et d’un dieu égyptien), quartier grec, quartier égyptien et quartier juif. Centre d’échanges économiques : des navigateurs d’autres régions du monde, des bateaux de commerce se retrouvent dans le port d’Alexandrie (cf le Phare). Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 59 HA – Archimède de Syracuse Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Sources et muséographie : Ouvrages généraux : Documentation Photographique et diapos : Revues : Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, concepts, problématique) : Archimède de Syracuse, né à Syracuse en 287 av. J.-C. et mort à Syracuse en 212 av. J.-C., est un grand scientifique grec de Sicile (Grande Grèce) de l'Antiquité, physicien, mathématicien et ingénieur. La vie d’Archimède est peu connue, on ne sait pas par exemple s’il a été marié ou a eu des enfants. Les informations le concernant proviennent principalement de Polybe (202 av. J.-C. — 126 av. J.-C.), Plutarque (46 - 125), Tite-Live (59 av. J.-C. – 17 ap. J.-C.) ou bien encore pour le cas de l’anecdote de la baignoire, de Vitruve, un célèbre architecte romain. Ces écrits sont donc, sauf pour Polybe, très postérieurs à la vie d’Archimède. Concernant les mathématiques, on a trace d’un certain nombre de publications, travaux et correspondances. Il a en revanche jugé inutile de consigner par écrit ses travaux d’ingénieur qui ne nous sont connus que par des tiers. Archimède serait né à Syracuse en 287 av. J.-C. Son père serait un astronome Phidias, fils d’Acupater, qui aurait commencé son instruction. Il fut le contemporain d’Eratosthène. On suppose qu’il parachève ses études à la très célèbre école d'Alexandrie. Du moins, on est sûr qu’il en connaissait des professeurs puisqu’on a retrouvé des lettres qu’il aurait échangées avec eux. De la famille de Hiéron II, roi de Syracuse, (ici le terme de famille est à prendre au sens très large de quelqu’un de la maison de Hiéron), il entre à son service en qualité d’ingénieur et participe à la défense de la ville lors de la seconde guerre punique. Il meurt en 212 av. J.-C. lors de la prise de la ville par le Romain Marcellus. Archimède est un mathématicien, principalement géomètre, de grande envergure. Il s’est intéressé à la numération et à l’infini, affirmant ainsi par exemple qu’il avait l’idée de l’infinité des grains de sable, mais qu’il faudrait les dénombrer (c’est l’objet du traité intitulé traditionnellement « L’Arénaire »). Un système de numération parent de celui d’Archimède faisait l’objet du livre I (mutilé) de la Collection Mathématique de Pappus d’Alexandrie. La majeure partie de ses travaux concernent la géométrie avec : * l’étude du cercle où il détermine une méthode d’approximation de pi à l’aide de polygônes réguliers et propose les fractions suivantes comme approximations : 22/7, 223/71, et 355/113. * l’étude des coniques en particulier la parabole dont il présente deux quadratures très originales. Il prolonge le travail d’Eudoxe de Cnide sur la méthode d'exhaustion. * l’étude des aires et des volumes qui font de lui un précurseur dans le calcul qui ne s’appelle pas encore intégral. Il a travaillé en particulier sur le volume de la sphère et du cylindre et a demandé à ce que ces figures soient gravées sur sa tombe. « Le rapport des volumes d’une sphère et d’un cylindre, si la sphère est tangente au cylindre par la face latérale et les deux bases, est égale à 2/3. » * l’étude de la spirale qui porte son nom dont il a aussi donné une quadrature. * la méthode d’exhaustion et l’axiome de continuité (présent dans les Eléments d’Euclide, proposition 1 du livre X : « En soustrayant de la plus grande de deux grandeurs données plus de sa moitié, et du reste plus de sa moitié, et ainsi de suite, on obtiendra (on finira par obtenir en réitérant le procédé un nombre fini de fois) une grandeur moindre que la plus petite. » De cette méthode on a pu faire Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Rajouter dans les repères des correspondances avec le socle commun et cité comme un exemple de cas « Archimède de Syracuse (287 - 212 av. J.C.), mathématicien et physicien » pour étudier dans les futurs programmes « La Grèce des savants ». Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : BO futur programme : « Les savants grecs déchiffrent le monde en s’appuyant sur la raison ». 60 d’Archimède un précurseur du calcul infinitésimal. Nous possédons un palimpseste connu sous le nom de manuscrit d'Archimède. Lors de l'étude de celui-ci, l'on s'aperçut qu'Archimède avait la notion du calcul infinitésimal, chose très moderne et tout à fait nécessaire pour progresser en sciences. Il est rappelé que pour les anciens Grecs, Dieu est parfait parce que fini. Archimède est considéré comme le père de la mécanique statique. Dans son traité, De l'équilibre des figures planes, il s'intéresse au principe du levier et à la recherche de centre de gravité. On lui attribue aussi le principe d'Archimède sur les corps plongés dans un liquide (Des corps flottants). Il a aussi travaillé sur l'optique (La catoptrique). Il met en pratique ses connaissances théoriques dans un grand nombre d'inventions. On lui doit, par exemple, * des machines de traction où il démontre qu'à l'aide de poulies, de palans et de leviers, l'homme peut soulever bien plus que son poids * des machines de guerre (principe de la meurtrière, catapultes, bras mécaniques utilisés dans le combat naval). Parmi les machines de guerres très importantes l'on doit souligner l'appareil à mesurer les distances (odomètre) que les Romains empruntèrent à Archimède. En effet pour que l'armée soit efficace, elle doit être reposée et les journées de marche doivent donc être identiques. La machine d'Archimède doit être réalisée avec des dents de rouage pointues et non carrées. On a mis très longtemps à la reconstituer car on faisait cette erreur. * la vis sans fin et la vis d'Archimède, dont il rapporte, semble-t-il, le principe d'Égypte et dont il se sert pour remonter de l'eau. On lui attribue aussi l'invention de la vis et de l'écrou. * le principe de la roue dentée grâce auquel il construit un planétaire représentait l'Univers connu à l'époque. Le génie d'Archimède en mécanique et en mathématique fait de lui un personnage exceptionnel de la Grèce antique et justifie la création à son sujet de faits légendaires. Ses admirateurs parmi lesquels Cicéron qui découvrit sa tombe, Plutarque qui relata sa vie, Léonard de Vinci, et plus tard Auguste Comte ont perpétué, enrichi les contes et légendes d’Archimède. À l'instar de tous les grands savants, la mémoire collective a associé une phrase, une fable transformant le découvreur en héros mythique : à Newton est associée la pomme, à Pasteur le petit Joseph Meister, à Albert Einstein la formule E = mc². Pour Archimède, ce sera la phrase Eurêka ! (en grec : j'ai trouvé !) prononcée en courant nu à travers les rues de la ville alors qu'il venait de trouver l'explication de la poussée qui portera son nom. Archimède venait enfin de trouver la solution à son problème : en effet, il était courant à cette époque que les rois en manque d'argent fondent leurs bijoux en or et découvrent que les présents qui leur avaient été faits n'étaient en réalité que du plomb plaqué or ou un mélange d'or-argent ! Le roi avait chargé Archimède de trouver un moyen pour déjouer cette fraude[5]. C'est dans sa baignoire, alors qu'il cherchait depuis longtemps, qu'il trouva la solution, d'où sa joie ! Il put mesurer le volume de la couronne par immersion dans l'eau puis la peser afin de comparer sa masse volumique à celle de l'or massif. Le siège de Syracuse et les miroirs d'Archimède Lors de l'attaque de Syracuse, alors colonie grecque, par la flotte romaine, la légende veut qu'il ait mis au point des miroirs géants pour réfléchir et concentrer les rayons du soleil dans les voiles des navires romains et ainsi les enflammer. Cela semble scientifiquement peu probable car des miroirs suffisamment grands étaient techniquement inconcevables, le miroir argentique n'existant pas encore. Seuls des miroirs en bronze poli pouvaient être utilisés. Une expérience menée par des étudiants du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en octobre 2005 semblait démontrer que cette hypothèse était réaliste. Le professeur David Wallace et ses étudiants parvinrent en effet à enflammer une reconstitution de bateau romain à 30 mètres de distance en dix minutes. Cependant, cette expérience avait été menée hors de l’eau, sur du bois sec, sur une cible immobile et à l’aide de miroirs ordinaires et non de miroirs en bronze comme ceux de l’époque d’Archimède. Selon toute vraisemblance, la légende des miroirs d’Archimède est irréaliste. Plusieurs facteurs tendent à prouver cela : * Syracuse fait face à la mer par l’Est, ce qui aurait forcé Archimède à utiliser les rayons du soleil du matin, moins puissants que ceux de midi. * Les miroirs ne peuvent fonctionner que lorsque le soleil est visible, ce qui rend cette « arme » peu fiable car entièrement à la merci de l’état du ciel. 61 * Les navires romains étaient vraisemblablement en mouvement, ce qui complique fortement la tâche pour trouver le foyer. Pour être efficaces, les miroirs auraient dû fonctionner très rapidement, ce qui ne fut pas le cas lors de la reconstitution. * Les voiles n’auraient pas pu être prises pour cible, car leur couleur claire renvoie mieux les rayons lumineux et ne concentre pas la chaleur aussi bien que la coque ; de plus, les voiles sont constamment en mouvement à cause du vent et par conséquent, sortent sans cesse du foyer. * Historiquement, il n’est fait mention de l’utilisation de miroirs lors du siège de Syracuse que 800 ans après les faits, ce qui rend l’anecdote assez douteuse. Plusieurs auteurs plus anciens relatant cet épisode ne mentionnent ni les miroirs, ni même l’incendie des navires romains. L'historien Tite-Live (XXIV-34) décrit le rôle important d'Archimède comme ingénieur dans la défense de sa ville (aménagement des remparts, construction de meurtrières, construction de petits scorpions et différentes machines de guerre), mais il ne dit pas un mot de ces fameux miroirs. De même, il raconte la prise de Syracuse, organisée pendant la nuit non par crainte du soleil, mais pour profiter du relâchement général lors de trois jours de festivités (généreusement arrosées) en l'honneur de la déesse Diane. (XXV-23) * L’utilisation de miroirs mobiliserait un grand nombre de personnes pour des résultats peu probants. 300 miroirs furent ainsi utilisés pour la reconstitution lors de l’émission, et à la fin de l’émission, un vent assez faible en renversa un grand nombre, dont plusieurs furent brisés par la chute. La mort d’Archimède En -212, après plusieurs années de siège, les Romains auraient alors attendu une journée nuageuse pour s’emparer de Syracuse et la piller. Le général Marcus Claudius Marcellus souhaitait néanmoins épargner le savant. Malheureusement, selon Plutarque[7], un soldat romain croisa Archimède alors que celui-ci traçait des figures géométriques sur le sol, non conscient de la prise de la ville par l’ennemi. Troublé dans sa concentration par le soldat, Archimède lui aurait lancé « Ne dérange pas mes cercles ! ». Le soldat, vexé de ne pas voir obtempérer le vieillard de 75 ans, l’aurait alors tué d’un coup d’épée. En hommage à son génie, Marcellus lui fit de grandes funérailles et fit dresser un tombeau décoré de sculptures représentant les travaux du disparu. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Activités, consignes et productions des élèves : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 62 HA – La cité de Rome des origines au 1er siècle avant J. C. Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Il est, impossible de bien décrire la Rome républicaine, sauf dans les derniers temps, quand la Ville remplaça ses monuments de bois par des monuments de pierre. Pompée, César et Auguste sont les grands bâtisseurs en dur(able) : doiton les inclure dans la chronologie ? Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : l’Enéide fait partie du programme de français Sources et muséographie : Sur la fondation : récits de Tite-Live (Histoire romaine, I, 4-13), de Denys d'Halicarnasse (Antiquités romaines, 1,74), et de Plutarque (Vie de Romulus, 3-22) Ouvrages généraux : Filippo Coarelli (1936), professeur d'antiquités gréco-romaines à l'université de Pérouse, est l'un des meilleurs connaisseurs actuels des antiquités romaines et de la Rome primitive. De plus, il est expert pour ce qui est de la topographie de la Rome antique. Il a appliqué dans ses recherches une approche originale en liant histoire de l'art, archéologie et sources écrites. Filippo Coarelli, Guide archéologique de Rome, Bibliothèque d'Archéologie, Hachette Editions, Paris, 1998 Jean-Noël Robert, Rome, Les Belles Lettres, 2002 (permet de retrouver facilement des définitions et des explications précises). Histoire de Rome / Jean-Yves Boriaud, Histoire des grandes villes du monde, Fayard, Paris, 2001 Rome et la conquête du monde méditerranéen, 264-27 av. J.-C. Tome I. La Stucture de l'Italie romaine, Claude Nicolet, Nouvelle Clio, PUF, Paris, 2001 Documentation Photographique et diapos : Revues : L'Histoire, « Quand les Étrusques devinrent romains » - Dominique Briquel, 05/2002 | n°265 | Dossier Les civilisations disparues de la Méditerranée L'Histoire, n° 165, « Rome, naissance d'une ville », avril 1993. L'Histoire, n° 234, « Rome, capitale du monde », juillet/août 1999, numéro spécial. Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des Enjeux didactiques (repères, notions et savoirs, concepts, problématique) : méthodes) : Depuis quelques années, les historiens qui se penchent sur le dossier de Rome BO futur programme : « Du mythe à l’histoire s'attardent moins qu'auparavant sur les splendeurs de la plus grande ville qu'a : les textes sur la fondation de connue l'Antiquité ; ils essaient d'abord de voir ce que lui a apporté son statut de Rome (l’Enéide de Virgile, l’Histoire romaine capitale et ils tentent, avec plus ou moins de bonheur, de définir les limites entre de Tite-Live…) et la légende de Romulus et Remus sont mises en relation avec les la ville et sa banlieue, les différents espaces urbains et les activités auxquels ils étaient dévolus. découvertes archéologiques (IXe- VIIIe s). A partir de la journée d’un citoyen romain un jour d’élections, ou d’une promenade à travers les lieux de la vie politique et d’une description du Forum à la fin de la République, on montre que la République romaine est un régime oligarchique dans lequel les citoyens ne sont pas à égalité de droits. On évoque le fait que l’enchaînement des conquêtes aboutit à la formation d’un vaste empire et à l’afflux d’esclaves. Cette expansion rompt l’équilibre social et politique, provoque des guerres civiles et la fin de la République.» Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports Activités, consignes et productions des élèves : documentaires et productions graphiques : Il s’agit d’initier les élèves à la démarche La chaîne montagneuse aride des Apennins qui occupe tout le centre de l'Italie historique en leur faisant confronter des ne concède à l'implantation humaine qu'un espace limité, le long des plaines sources littéraires de statut différent (l’Énéide littorales. C'est au nord du Latium, sur un site de premier pont sur le Tibre (ainsi de Virgile, poète romain du Ier siècle avant J.nommé parce qu'il s'y trouvait, depuis la mer, le premier gué où l'on pût C. et Histoire romaine traverser) permettant à là route reliant la Campanie à la Toscane de traverser le de Tite-Live, historien romain du Ier siècle fleuve, que la ville de Rome est installée. Ce site jouait un double rôle : d'est en avant J.-C.) et des données archéologiques ouest, il servait de ville-pont entre les Étrusques, le peuple de l'ouest, et les (cabanes de bergers du VIIIe siècle avant J.Latins, le peuple de l'est ; du sud au nord, il formait une étape sur la route du C). Les élèves doivent apprendre à exercer un sel, la via Salaria, qui remontait le cours du Tibre. regard critique pertinent sur les documents à Le site de Rome est établi sur sept collines escarpées entourant une dépression travers une des compétences attendues en fin marécageuse sur la rive gauche du Tibre, fleuve navigable malgré l'irrégularité de collège : les mettre en relation et les de son débit. Le quartier le plus ancien de la ville de Rome est la colline du confronter. Il s’agit aussi de repérer les deux Palatin où se trouve le site primitif du VIIIe siècle. Occupé par des habitations groupes qui constituent privées jusqu'à la fin de la République, cette colline devient à partir du règne la société romaine dans le texte de Tite-Live 63 d'Auguste le lieu de résidence des empereurs qui y construisent de vastes palais. L'histoire des premiers temps de Rome reste assez obscure. Les premiers occupants du site de Rome feraient partie des Latins (villages de bergers – pas d’aménagements ni de monuments). Traditionnellement, la fondation de la ville est fixée a 753 avant J.-C., événement que les Anciens fêtaient chaque 21 avril. Dans un bronze étrusque « Louve allaitant Romulus et Remus » du Ve siècle avant J.-C, retrouvé sur la colline du Capitole, l'animal est traité avec une stylisation orientalisante (les Jumeaux ont été ajoutés à la Renaissance par Antonio del Pollaiolo). L'histoire de l'origine de la Cité a été transmise de façon légendaire, mais l'archéologie en a depuis confirmé à peu près les dates. Les urnes-cabanes, urnes funéraires en terre cuite que l'archéologie date du VIIIe siècle avant J.-C, attestent du peuplement du site de Rome à cette époque. Elles permettent de connaître la forme de l'habitat. Lorsque la Ville est fondée, au VIIIe siècle avant J.-C., les peuples étrusques, installés plus au nord, sont en train d'étendre progressivement leur pouvoir sur l'Italie centrale, tandis que les premiers colons grecs débarquent au sud de l'Italie (les Chalcidiens fondent Cumes et Rhegion, tandis que les Péloponnésiens fondent Tarente Crotone et de nombreuses colonies en Sicile). Ainsi, Rome bénéficie du mouvement historique de l'éclosion des cités. C'est aux Étrusques qu'il revient d'avoir fait passer une petite communauté latine de l'état de village a celui de ville-cité. Originaires peut-être d'Anatolie, les Étrusques n'appartiennent pas au peuple indo-européen, ainsi que le prouverait leur langue originale. Installés en Toscane, ils conquièrent la plaine du Pô, au nord, puis au sud, le Latium et la Campanie. Au VIe siècle avant J.-C., les rois étrusques construisent une solide enceinte englobant les sept collines surplombant une zone marécageuse mal drainée par les cours d’eau qui descendent jusqu’au fleuve Tibre. Les Étrusques ont drainé la dépression du Forum grâce à un grand égout, la cloaca maxima, et fait de ce lieu le centre politique et religieux de la Ville. On leur attribue l'assainissement de Rome, les temples du forum boarium, la construction du temple de Jupiter Optimus Maximus et les fortifications de la ville. Ils préparent l'avènement de la république. Servius Tullius, deuxième roi mythique étrusque, de 578 à 534 avant J.-C, a fait construire cette muraille autour des sept collines de Rome, qui enferme une superficie de 426 ha ; il est aussi l'auteur d'une grande réforme administrative consistant à répartir la population en cinq classes, selon la fortune. En 509 d'après la tradition, quelques décennies plus tard d'après l'archéologie, une révolution fomentée par les Latins chassa les Étrusques – on ne croit plus guère au viol de Lucrèce, une légende. Au VIe siècle avant notre ère, les Étrusques dominent toute la moitié nord de l'Italie.Trois siècles plus tard, ils sont soumis par Rome. Défaite militaire ? Pas seulement ! Pour préserver leurs privilèges, les élites étrusques ont en effet joué la carte romaine. Ce qui explique leur remarquable intégration dans l'empire. Le départ des rois (les Tarquins) s'accompagne d'un changement institutionnel. S'installa alors une fragile république, immédiatement confrontée à de redoutables ennemis : les Étrusques encore, les voisins latins, ou bien les redoutables montagnards Samnites. Les menaces ne s'estompèrent qu'à la fin du IVe siècle. La situation changea profondément en 338. Après une guerre de plus, faite contre les Latins et avec l'alliance des Campaniens, Rome sortit victorieuse du conflit et, en distribuant avec générosité sa citoyenneté, elle se dota d'une armée nombreuse. Cette dernière lui permit de développer un impérialisme parmi les plus agressifs qu'a connus l'humanité. Le cœur de la ville, ravagé par les Gaulois en 387, se dota alors des monuments qui, comme la curie et les rostres, permirent la vie publique, puis de boutiques qui laissèrent bientôt la place à des basiliques, grands bâtiments d'origine grecque destinés à la vie juridique et commerciale ; en même temps, les quartiers populaires s'emplirent d'une multitude d'immeubles de rapport, les insulae. Chaque victoire, chaque conquête vit affluer à Rome esclaves et richesses, dans une ville qui, une fois débarrassée de sa puissante rivale, la thalassocratie punique, eut désormais les moyens de rivaliser en splendeur avec les villes de l'Orient hellénistique. En 86, elle comptait près de 500 000 habitants, ravitaillés en eau par de multiples aqueducs, et en vivres par les convois de navires venus de tout le pourtour de la Méditerranée. C'est surtout après la deuxième guerre punique que le développement économique et les conquêtes permettent un embellissement de Rome et l'édification de nombreux monuments. L'importance de l'exode rural et de l'immigration entraîne l'édification d'immeubles de rapport (insulae). (patriciens et hommes de la plèbe). Tite-Live est un historien romain qui a vécu de 59 avant J.-C. à 17 après J.-C. Son Histoire de Rome, constituée de 142 livres, dont 35 ont été conservés, a été écrite entre 25 avant J.-C. et 17. Il décrit au Ier siècle avant J.-C. une scène qui se serait déroulée au VIIIe siècle avant J.C., soit sept siècles plus tôt ; cette source, qui est donc loin d'être un témoignage direct, doit être utilisée avec prudence. Ce texte permet d'évoquer la tâche de l'historien et de montrer pourquoi Tite-Live est considéré comme l'un des plus grands historiens latins. Tite-Live se fait seulement le rapporteur de la légende relatant la fondation de Rome, mais il garde ses distances envers ce qu'il considère comme une fable ; faute de preuve, il s'abstient de la contester ou de la défendre. Par cette objectivité, il fait véritablement acte d'historien. Mars, le dieu de la guerre, est associé à la fondation de Rome parce que, selon la légende, il serait le père de Romulus. Même si cette paternité apparaît contestable, Tite-Live estime que Rome a acquis sa puissance par la guerre, ce qui justifie qu'elle puisse associer le dieu Mars à son existence. Dernière œuvre du poète Virgile qui a jusqu'alors, dans ses écrits, manifesté son intérêt pour les réalités concrètes, l'Enéide fait la part belle à la légende et à la mythologie. Alors que dans les Géorgiques, Virgile a tourné en dérision les poèmes à sujet mythologique, il n'hésite pas à faire intervenir les dieux auxquels il attribue sentiments, colères et stratégie, dans son récit de l’Enéide. Virgile s'y est indéniablement inspiré de l'Iliade et de l'Odyssée d'Homère en composant six livres d'aventures suivis de six livres de combats. La légende d'Énée comporte plusieurs similitudes avec celle d'Ulysse. Les deux hommes ont pris part à la guerre de Troie ; comme Ulysse, Énée est l'objet des rivalités entre les dieux, dont il subit tantôt l'aide, tantôt le courroux. Les deux héros connaissent la même errance sur les rivages méditerranéens, avant d'être reconnus maître de leur royaume. Tout en exploitant les légendes relatives à la guerre de Troie qui exercent alors une grande fascination sur les Romains, Virgile évoque à maintes reprises par des allusions, des prophéties, des événements, la Rome d'Auguste à laquelle il cherche à donner une origine grandiose. En étudiant « Rome, une cité du Latium (à partir du VIe s. avant J.-C.) », on a pour objectif de réinvestir la notion de cité mise en place lors des précédents chapitres sur la Grèce tout en mettant en lumière les différences entre la civilisation grecque et la civilisation romaine. « Faire percevoir les caractères essentiels de la Rome républicaine » consiste principalement, dans le temps imparti, à définir la République de manière simple. La formule « senatus populusque romanus » donne une clé 64 Le Forum, première place publique, était le coeur de la vie romaine. La création de cette première place publique au VIe siècle avant J.-C. marque la naissance de Rome en tant que ville. C'est sur le Forum que sont implantés les lieux du pouvoir politique où se prennent toutes les décisions importantes : les séances du Sénat se déroulent dans la curie, les réunions des comices se font sur l'esplanade qui la borde et les magistrats s'expriment sur toutes les questions présidant aux destinées de Rome du haut des trois mètres de la tribune aux harangues, appelée les Rostres. A proximité se trouvent la prison et l'escalier des Gémonies où le corps des condamnés était exposé avant d'être jeté dans le Tibre. La concentration de nombreux temples montre qu'il s'agit également du centre de la vie religieuse. Les basiliques, où se retrouvent magistrats et hommes d'affaires, les boutiques, attestent également du rôle économique du Forum, alors qu'à son extrémité, le Colisée est un lieu de loisirs. Sur cette petite place de 250 mètres de long sur 60 mètres de large, se concentraient tous les aspects de la vie de la cité : on y trouvait les lieux de décision politique (Curie, Comitium, forum), judiciaire (les basiliques), les principaux temples, la Voie sacrée, l’activité commerciale (boutiques) mais aussi tout un fouillis de statues, colonnes votives, arbres sacrés qui soulignent son caractère hautement symbolique. Les monuments les plus anciens sont les temples de Saturne et de Castor et Pollux qui datent du IVe siècle avant J.-C. ; le monument le plus récent est le temple d'Antonin et Faustine, érigé au IIe siècle de notre ère. L'histoire de Rome s'est poursuivie sur une longue période, en tait près de douze siècles, du VIIIe siècle avant J.-C. au Ve siècle au sein de laquelle la phase la plus active et la plus brillante s'inscrit entre le IVe siècle avant J.-C. et la fin du IIe siècle. Après une lente et progressive conquête de la péninsule italienne qui ne s'achève qu'au IIIe siècle avant J.-C., à l'exclusion de la Gaule cisalpine au nord, Rome étend rapidement sa domination sur la majeure partie du pourtour de la mer Méditerranée qu'elle transforme en « lac romain ». Les guerres apportent gloire et butin aux soldats et à leurs chefs, des terres aux citoyens pauvres, des ouvertures aux commerçants. Au IIIe siècle avant J.-C., Carthage est la rivale de Rome ; les deux puissances convoitent la Sicile. C'est le début des guerres puniques qui se déroulent en trois temps : à l'issue de la première guerre punique (264 à 241 avant J.-C.), Carthage abandonne ses prétentions sur la Sicile. L'expédition d'Hannibal est à l'origine de la deuxième guerre punique (218-202 avant J.-C.) qui se termine par la victoire des Romains à Zama. Au milieu du IIe siècle avant J.-C., Carthage, redevenue prospère, inquiète les Romains ; lors de la troisième guerre punique (148-146 avant J.-C.), les Romains écrasent Carthage et détruisent la ville. A la suite de la guerre contre Carthage, la domination romaine s'étend sur le nord de l'Afrique et l'Espagne, puis au IIe siècle sur la Macédoine, la Grèce, l'Asie Mineure. En 88 avant J.-C., Mithridate, roi du Pont, qui veut chasser les Romains d'Orient, massacre 100 000 Romains en Asie Mineure et occupe la Grèce, ce qui déclenche une guerre au cours de laquelle s'illustrent plusieurs consuls romains : Sylla, puis Pompée. De 58 à 45 avant J.-C., Jules César conquiert la Gaule. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : indéniable ; il n’est pas nécessaire de se livrer à une étude détaillée des institutions de la République romaine pour faire construire à nos élèves une première définition de la notion de République et réinvestir les acquis concernant la notion de démocratie, étudiée dans le chapitre sur la Grèce. La Res publica qui désigne la « chose publique », marque la suprématie d'une politique commune à tous les citoyens sur la Res privata, la « chose privée ». La souveraineté du peuple est affirmée dans la formule qui définit le pouvoir républicain SPQR. Pour prévenir toute velléité de pouvoir personnel, les pouvoirs sont séparés, et exercés gratuitement selon un système collégial, électif et annuel. Le fonctionnement de la République romaine ressemble à celui de la démocratie athénienne par le partage des pouvoirs, le principe des fonctions collégiales et électives, la consultation des citoyens. Mais, dans le système romain, tous les citoyens ne sont pas à égalité, seuls ceux qui détiennent la fortune exercent des responsabilités politiques, ce qui s'apparente à un pouvoir oligarchique. Les Romains ont une conscience de classe aiguë. Chacun est considéré en fonction de sa naissance et de sa richesse. Les praticiens descendent des plus anciennes familles de Rome et des plus célèbres. Au sommet du cursus honorum se trouvent les deux consuls. Responsables de l'ensemble de la politique, ils convoquent et président le Sénat, font exécuter les décisions du Sénat et du peuple, recrutent l'armée et commandent les opérations militaires. Les consuls donnent leur nom à l'année. Les comices sont les assemblées populaires au sein desquelles le citoyen romain vote. Avec le Sénat et les magistrats, ils forment le troisième pôle de la vie politique sous la République. On distingue les comices curiates, les comices centuriates et les comices tributes. Les comices ne se tiennent que sur convocation d'un magistrat et certains jours ; leur rôle est d'élire les magistrats et de voter les lois qui leurs sont proposées. Installés récemment sur le territoire de Rome ou descendants de familles modestes, les plébéiens n'ont au départ aucun droit. Ce n'est qu'à partir du Ve siècle, que la distinction politique entre praticiens et plébéiens disparaît ; au IIIe siècle avant J.-C, l'égalité des droits est théoriquement acquise. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 65 HA – Jules César et Vercingétorix Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Volonté dans le socle commun d’insister sur les événements majeurs et les grandes figures de l’histoire de la Gaule : le repère « Alésia » est remplacé dans les correspondances avec le socle par « 52 avant Jésus-Christ (siège d’Alésia par César et présentation de Vercingétorix) » et dans les futurs programmes par « 52 av. J.C. Jules César et Vercingétorix, Alésia ». Sources et muséographie : la Guerre des Gaules Ouvrages généraux : Jérôme Carcopino, César, Presses universitaires de France, Paris, (1936) 1990 Yann Le Bohec, César, Que sais-je ? n° 1049, 1994, 128 p. Luciano Canfora, Jules César, le dictateur démocrate, Flammarion, Paris, 2001 ; Jean Malye, la véritable histoire de Jules César, Les Belles Lettres, 2007 (textes traduits et commentés, très bon accès aux sources antiques) ; Robert Étienne, Jules César, Fayard, Paris, 1997 Joël Schmidt, Jules César, Folio Biographies Inédit, Gallimard, 2005. GOUDINEAU Christian, Le Dossier Vercingétorix, Actes Sud, Errance, 2001. Camille Jullian, Vercingétorix, 1901 et réédition avec P.-M. Duval, 1977 Venceslas Kruta, Vercingétorix, Flammarion, 2003 Paul-Marius Martin, Vercingétorix : le politique, le stratège, Perrin, 2000, 260 pages Serge Lewuillon, 52 avant JC, Vercingétorix à Alésia, éd. Complexe, 1999 Nos ancêtres les Gaulois, de Jean-Louis Brunaux, "L'univers historique", Seuil, 2008, 300 p. Rome et la conquète du monde méditerranéen. Tome II. Genèse d'un empire, Claude Nicolet, Nouvelle Clio, PUF, Paris, 2001 La conquête romaine, A. Piganiol, PUF, 1995 Documentation Photographique et diapos : Revues : L'Histoire, 12/2003 | n°282 | Dossier La découverte des Gaulois : « C'est César qui a inventé la Gaule » - Christian Goudineau, « Du bon usage de Vercingétorix » - Maurice Agulhon « Alésia : la dernière bataille » - Maurice Sartre, 12/2001 | n°260 La Gaule de Vercingétorix - En finir avec les légendes, TDC, N° 670, 15 février 1994 Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : Jules César (101-44 avant J-C) Document d’accompagnement : « À partir Caius Julius Caesar laisse l'image paradoxale d'être reconnu comme le plus célèbre des personnages de César et d’Auguste, on consul et général de la République romaine et d'avoir été le principal instigateur du peut aborder de façon simple, dans une passage du système républicain au régime impérial. La conquête de la Gaule lui a classe de 6e, la liaison entre les conquêtes permis de forger une armée de premier ordre, qui lui est entièrement dévouée et sur et le changement de régime : ce sont les laquelle il peut compter, dans un contexte de guerre civile. généraux vainqueurs qui deviennent Jules César écrit La Guerre des Gaules en 51 avant J.-C. à l’occasion de la empereurs. » campagne de Gaule qui oppose les Romains à des peuples gaulois. BO futur programme : « L’étude des La Guerre des Gaules présente un double intérêt. C'est d'abord la rencontre de deux conquêtes s’appuie sur l’exemple de la civilisations qui va donner naissance au monde gallo-romain. C'est ensuite un conquête de la Gaule par César. Raconter et tournant dans l'histoire de Rome, car auréolé du prestige de la victoire, Jules César expliquer la carrière de César. » affirme des prétentions politiques qui annoncent le glas de la République et Le programme nous demande d’étudier, à l'avènement de l'Empire. Ce récit est donc un témoignage direct, mais subjectif des l’aide de cartes, l’expansion romaine « sans événements. entrer dans le détail chronologique ». Le En décrivant la Gaule avant l'arrivée des Romains, César traduit la vision romaine document patrimonial que constitue la de la société gauloise. L'absence de démocratie apparaît choquante et considérée Guerre des Gaules nous fournit deux comme un esclavage du peuple. Les mots sont empruntés au vocabulaire politique clés. D’une part, la conquête de la Gaule romain, notamment lorsqu'il parle des chevaliers (equites). La Gaule est morcelée par les Romains peut servir d’étude de cas, en tribus tantôt rivales, tantôt alliées, habituées à se faire la guerre. Le peuple n'a la carte de l’expansion romaine dans son aucun droit, la société est dominée par une noblesse guerrière et par les druides qui, ensemble permettant ensuite une plus que de simples prêtres, apparaissent comme des hommes très savants. indispensable et incontournable Les Gaulois ? Comme le dit l'archéologue Christian Goudineau, professeur au généralisation. D’autre part, le personnage Collège de France, tout le monde garde les mêmes clichés en tête : des moustachus même de Jules César et l’utilisation batailleurs et frustes, arriérés et débonnaires, vaguement sylvestres, redoutant que politique qu’il fait de ses conquêtes le ciel leur tombe sur la tête. Avec, en face, la puissance civilisatrice de Rome. Ses militaires, notamment en Gaule, font entrer 66 temples immaculés, son urbanisme tiré au cordeau, ses institutions d'airain, ses légions en ordre. Vercingétorix est resté pendant longtemps un héros méconnu voire oublié. L'histoire officielle de l'Ancien Régime commençait avec les francs et Clovis ; les prédécesseurs romains, ou pire gaulois, n'intéressaient pas car ils n'apportaient rien à la légitimité et la gloire du système monarchique. Le héros gaulois va revenir à la mode à la fin du XIXième siècle pour plusieurs raisons liées au contexte politique et social de l'époque : d'abord la France du second Empire vient d'être écrasée par la Prusse en 1870. Dans ce contexte d'honneur meurtri et revanchard, la propagande officielle est à la recherche de héros montrant qu'on peut être grand dans la défaite. Ensuite, la République vient de remplacer l'Empire. Le contexte politique est houleux entre les tendances républicaines, les monarchistes et les bonapartistes ; l'une des principales pommes de discorde est la question de l'association de l'Eglise et de l'Etat. Là encore la propagande officielle (qui passe par la toute nouvelle école publique obligatoire de Jules Ferry), républicaine et plutôt anti-cléricale, cherche à valoriser des héros nationaux liés ni à l'Eglise ni à la monarchie. Si l'on gomme les prétentions de Vercingétorix à la royauté arverne, il répond complètement à ses deux impératifs. Enfin, en des temps où la France constituait son empire colonial, cette histoire permettait au colonisateur de dire en substance, à ceux qu'il venait de réduire : "Nous aussi, nous avons un jour été conquis et civilisés par d'autres… Alors pourquoi pas vous ?". La popularité de la reddition de Vercingétorix a donc pour origine une volonté de glorifier un héros laïc, non compromis avec le pouvoir monarchique capétien et grand même dans la défaite totale. Les causes motivant cette volonté ont disparu depuis longtemps (l'Eglise et l'Etat sont séparés depuis un siècle, et les monarchistes et les bonapartistes ne sont plus que quelques originaux sans poids politiques) mais la reddition demeure un des clichés les plus connus de notre histoire. Sous la IIIe République, les Gaulois étaient de gauche. Ce n'est pas un hasard si, en octobre 1903, le président du Conseil Émile Combes se déplace à ClermontFerrand pour inaugurer une statue de Vercingétorix. Les Gaulois annonçaient alors la démocratie, ils préfiguraient la nation et, de surcroît, n'avaient pas subi la tutelle de l'Église catholique. Ils incarnaient une France d'avant Clovis, une France d'avant les Francs. En effet, dans la mythologie qui se met progressivement en place à partir du XVIIe siècle, les partisans de la noblesse (les Boulainvilliers, les SaintSimon, et plus tard Montesquieu) ont élu comme ancêtres les Francs, représentants d'une époque idéalisée où le roi n'était que le premier parmi ses pairs, aristocrates. Ce faisant, ces défenseurs des « droits historiques de la noblesse » laissèrent à leurs adversaires et aux républicains du XIXe siècle l'occasion de faire des roturiers gaulois, symétriquement, les ancêtres de la démocratie. Après les ouvrages d'Augustin Thierry et d'Henri Martin, ce furent les manuels de classe qui diffusèrent la légende dorée de Vercingétorix, le vaincu sublime, et celle des valeureux Gaulois. La querelle prend un nouveau tour au lendemain de la défaite française de 1871. Renan, méditant sa Réforme intellectuelle et morale de la France , s'interrogeant sur les causes du désastre militaire, en vient à écrire : « C'est probablement par la race germanique, en tant que féodale et militaire, que le socialisme et la démocratie égalitaire, qui chez nous autres Celtes (sic) ne trouveraient pas facilement leur limite, arriveront à être domptés, et cela sera conforme aux précédents historiques. » On le voit : l'évocation des Gaulois est depuis belle lurette lourdement lestée d'idéologie. Le mythe de la Gaule, inspiré par César, a précédé l'histoire. Une histoire d'autant plus difficile à retracer que les Gaulois n'ont guère laissé de traces écrites, malgré leur connaissance de l'écriture. C'est grâce aux fouilles archéologiques, stimulées par Napoléon III, aux découvertes nombreuses des vingt dernières années, que nous en savons un peu plus aujourd'hui sur nos fameux « ancêtres ». Dans les années 1960, les premières observations d'archéologie aérienne, menées par Roger Agache, font tomber un premier cliché fondamental, parfois encore enseigné aux écoliers : celui d'une Gaule "chevelue", couverte de forêts, comme l'avaient qualifiée ses conquérants romains. Erreur ! En lieu et place de ce territoire présumé presque vierge de toute agriculture, ce sont des terroirs aménagés autour de grandes exploitations agricoles qui apparaissent sous l'objectif aérien de Roger Agache. Un ensemble de pays mis en valeur, dont l'organisation compte encore pour beaucoup dans l'aspect actuel de nos campagnes. Les archéologues ne se sont pas arrêtés là. Leurs dernières découvertes, mais aussi la relecture de sites exhumés il y a plus longtemps, dressent un portrait de nos ancêtres de l'âge du fer qui n'a plus grand-chose à voir avec celui du débonnaire Astérix et de son compagnon les élèves, de manière relativement simple, dans la compréhension du lien existant entre les conquêtes de la République romaine et le changement de régime ; les généraux vainqueurs deviennent empereurs. 67 tailleur de menhirs… Sur le site de Puy de Corent (Puy-de-Dôme), à quelque 20 kilomètres au sud de Clermont-Ferrand, des fouilles entreprises par Matthieu Poux en 2001 mettent au jour quelque chose comme un forum “à la romaine” qui semble se mettre en place vers 130 avant notre ère. Tous les ingrédients sont là : un temple devant une grande place, tout à côté ce qui ressemble à une halle commerciale avec des échoppes d'artisans, une taverne et, tout autour, de l'habitat : voilà un oppidum qui s'apparente à une ville. Dans sa Guerre des Gaules, César évoque pourtant bien les oppida gaulois, mais l'historiographie en a longtemps retenu qu'il ne s'agissait que de petites agglomérations fortifiées servant de refuge aux populations alentours en cas d'attaque. Mais Corent était une véritable cité. Aucune construction de pierre, pourtant, mais des bâtiments aux murs de torchis construits sur poteaux de bois. Les quantités considérables de pièces retrouvées sur le site aux côtés de plusieurs coins monétaires indiquent qu'on y battait monnaie : "C'est le signe qu'on est ici au cœur du pouvoir politique arverne", selon Matthieu Poux. Les amphores, dont certaines ont été sabrées, décapitées d'un coup d'épée, abondent aussi : ces amphores contenaient toutes du vin, produit d'importation fort coûteux en provenance… d'Italie. Les Gaulois qui vivaient là étaient donc considérés par Rome comme un partenaire commercial de première importance ! Des vaisselles à boire de facture grecque, romaine et proche-orientale montrent également que ces relations commerciales s'étendaient jusqu'à la lointaine Palestine… Pour Matthieu Poux, Corent n'est autre que le grand sanctuaire dynastique du grand roi Luern a régné au IIe siècle avant notre ère sur le pays arverne. La grande capitale arverne Nemossos pourrait avoir été formée autour de trois pôles distants de quelques kilomètres : le premier, politique et religieux, à Corent, le deuxième, militaire, à Gergovie, et le troisième, plutôt artisanal, à Gondole. Napoléon III avait fait ériger en 1865 une statue de Vercingétorix haute de 7m située sur la pointe occidentale du Mont-Auxois ; cette oeuvre du sculpteur Aimé Millet, hissée sur un socle dessiné par Viollet-le-Duc, semble figurer le portrait même du Gaulois ; et pourtant, elle mélange les époques : épée de l'âge du bronze, chevelure à la mérovingienne, traits du visage inspirés de... Napoléon III ! Au XIXe siècle, sur la foi d'études de la toponymie des lieux et de fouilles archéologiques organisées par Napoléon III, le plateau de Merdogne – tout à côté de Clermont-Ferrand – est rebaptisé Gergovie. Les fouilles de vérification menées au milieu des années 1990 autour du site officiel de Gergovie ne laissent pas de doute : c'est bien là qu'eut lieu la bataille en 52 av. J.-C. En outre, les fouilles de Corent montrent que la ville a été subitement abandonnée vers 50 av. J.-C., au moment de la défaite gauloise. Les découvertes faites au pied de l'oppidum de Gondole comptent parmi les plus saisissantes de la décennie écoulée. Datée du Ier siècle av. J.-C., la sépulture collective renferme huit hommes et huit équidés déposés en deux rangées dans une même fosse. Allongé sur le flanc, chaque homme a une main sur l'épaule de l'infortuné compagnon allongé devant lui. Quant aux montures, les marques que portent leurs membres ne laissent aucun doute : elles étaient soumises à rude épreuve et leurs cavaliers les ont sans doute menées au combat. Mais aucune d'elles ne toise plus de 1,30 mètre au garrot. Dans la terminologie moderne, ce sont donc des " doublesponeys ". Aucune arme sur les hommes. Aucun harnachement sur leurs montures. Aucun indice des causes du décès. S'agit-il de cavaliers tombés au combat ? Est-on en présence de sacrifices humains, de suicides ? En 58 avant J.-C., Jules César prend prétexte de la menace helvète et germanique sur la Gaule pour franchir la frontière de la Gaule narbonnaise, où il est gouverneur, et entreprendre la conquête des Gaules. Alors que durant l'hiver 53-52 avant J.-C, Jules César dont la charge de proconsul touche à sa fin, doit retourner à Rome, certains chefs des peuples du centre de la Gaule lancent un appel à la guerre. Vercingétorix, jeune noble arverne, prend la tête de la révolte, contraignant César à revenir en Gaule pour l'affronter. César dépeint son adversaire sous les traits d'un chef sanguinaire et impitoyable, ce qui est un moyen d'atténuer, pour la postérité, l'échec subi par les Romains à Gergovie. Les Romains excellent dans l'art du siège grâce à la maîtrise de techniques de défense (fossés, pièges) et de machines d'attaque (catapultes, arbalètes à tir courbe, fronde mécanique). Si Vercingétorix s'est laissé enfermer à Alésia, c'est parce que sa stratégie consistait à prendre les légions romaines entre deux feux. La cavalerie de César a renversé in extremis la situation. Alésia appartient à la légende nationale. La défaite finale de Vercingétorix face aux troupes de Jules César, en 52 av. J.-C., n'a cessé toutefois d'alimenter les débats : le site de la bataille est-il bien en Bourgogne où les archéologues le situent depuis Napoléon III ? C'est ce que 68 démontrent les fouilles. César rêve d'être roi. Lorsque César entreprend la conquête de la Gaule, la République romaine est déjà très affaiblie par des rivalités de factions et de personnes qui provoquent des troubles. Pour combattre son rival, Pompée, César franchit avec son armée le Rubicon (rivière séparant la Gaule cisalpine de l'Italie) en 49 avant J.-C. ; c'est le début de la guerre civile. C’est après avoir battu Pompée que Vercingétorix, enfermé dans un cachot près du Forum romain, est exhibé lors du triomphe que Jules César ne peut célébrer qu'en 46 avant J.-C, avant d'être exécuté le soir même dans sa prison. César, nommé dictateur à vie en 44 avant J.C., entreprend de profondes réformes qui affaiblissent les institutions républicaines. Avec la nomination de César dictateur à vie, en février 44 avant J.-C., le retour au fonctionnement du système oligarchique s'annonce de plus en plus impossible, ce qui inquiète les sénateurs. Un petit groupe d'entre eux décide alors de former une conspiration pour éliminer César, le jour des ides de mars, en 44 avant J,-C. Jules César est assassiné dans la Curie, lieu de réunion du Sénat. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Depuis le milieu du IIe siècle av. J.-C. et surtout après la conquête romaine du sud, les Éduens ont fait allégeance à Rome et tissé avec elle des liens commerciaux, politiques et militaires très forts. Traditionnellement, les Arvernes, peuple puissant dominant le Massif central, s'y opposent et les conflits sporadiques s'enchaînent jusqu'à la défaite arverne de -120. Rome vainqueur de l'affrontement impose ses conditions, et emmène le dernier roi, Bituitos, vaincu près d'Orange, en captivité, substituant un régime aristocratique. Au premier siècle avant J.-C., les nobles voient leurs pouvoirs ébranlés et les liens de clientèle se relâcher peu à peu. Commerçants et artisans ont intérêt à la présence romaine pour continuer à commercer, à s’enrichir et à se libérer ainsi progressivement de la tutelle de l’aristocratie foncière. Quant à Rome, elle a un besoin vital de la Gaule pour écouler ses produits, elle a un besoin vital du blé de la Gaule pour nourrir ses populations. Jules César sait profiter de cette déstabilisation comme il sait profiter des rivalités entre familles nobles et entre tribus. La guerre des Gaules, qui sera l’ultime aboutissement de ces confrontations, n’est pas le soulèvement général de tout le pays face aux Romains. Vercingétorix est, au contraire, le représentant d’une classe sociale, l’aristocratie, en pleine décadence politique. Vercingétorix entre probablement dans l'entourage militaire de César, dont il devient l'un des conturbenales (compagnons de tente). Celui-ci le forme aux méthodes de guerres romaines en échange de sa coopération et de ses connaissances du pays et des pratiques de Gaule chevelue. Il est sans doute le commandant du corps de cavaliers arvernes, réquisitionné au titre des accords conclus en -120. Voulant peut-être profiter de la situation très difficile que connaît Rome et du mécontentement qui couve dans une Gaule lasse de ces années de guerre, Vercingétorix, trahissant l'alliance romaine, prend le pouvoir chez les Arvernes et s'impose à la tête du parti anti-romain, notamment grâce à l'art du discours prisé chez les Gaulois comme chez les Romains qu'il a côtoyés. Vercingétorix va montrer un réel talent militaire et politique et donner du souci à l'un des stratèges romains les plus talentueux. Son action prend deux formes : il organise la résistance sous forme de guerre de harcèlement (à laquelle la géographie gauloise se prête excellemment) en recourant à la politique de la terre brûlée, ayant compris que l'armée romaine était très dépendante de la logistique de son ravitaillement et il s'emploie à fédérer le plus grand nombre possible de tribus de Gaule contre Jules César. À la fin de -53 et au début de -52, les alliés romains traditionnels font peu à peu défection et se rangent sous la bannière de Vercingétorix. Celui-ci met en œuvre sa stratégie : éviter l'affrontement direct avec les légions, épuiser l'armée romaine par une course poursuite en créant des « abcès de fixation successifs » et en lui supprimant toute capacité à se nourrir sur l'habitant. Lorsque Vercingétorix remonte la rive droite de l'Allier, César le poursuit rive gauche. Vercingétorix, fidèle à sa tactique, s'enferme dans Gergovie. Ayant perdu tous ses auxiliaires gaulois, César s'efforce de regagner la Province, puis l'Italie du Nord. Vercingétorix ne veut pas le laisser échapper et envoie donc sa cavalerie affronter celle de César, à quelques kilomètres d'Alésia : la bataille tourne à l'avantage des Romains. Vercingétorix regroupe les forces gauloises à Alésia. Il adresse des demandes à tous les peuples gaulois de fournir des renforts. Ce sera l'armée de secours. Pendant ce temps, César déploie ses légions dans des camps placés tout autour et se met en position de siège en faisant construire une énorme double fortification réalisée autour de la place forte, pour empêcher les Gaulois de sortir et se ravitailler, et pour se protéger des attaques Activités, consignes et productions des élèves : Jules César a intérêt à montrer la puissance et les qualités de commandement de Vercingétorix pour se mettre lui-même en valeur ; il est plus glorieux de battre un ennemi valeureux, noble, puissant et écouté car cela tendrait à prouver que l’on a les mêmes qualités que lui (voire plus développées encore). Tableau célèbre du peintre d'histoire Lionel-Noël Royer, 1899 : « Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César », musée Crozatier au Puy-enVelay Ce tableau est une théâtralisation de la reddition de Vercingétorix. Il est ici curieux de voir un des guerriers de Vercingétorix (au fond à gauche) avec un torque au cou. En effet le torque n'était réservé qu'aux divinités et aux personnages importants faisant partis de la famille royale. La réprésentation du Gaulois avec les cheveux longs et moustache est remise en cause aujourd'hui. Le cheval est un Percheron, alors qu'à cette époque cette race n'était pas en Gaule. De plus, les Gaulois montaient à cru, alors qu'ici le cheval est harnaché. Le bouclier à forme rectangulaire qui ne correspond pas à la réalité de l'époque ; ils étaient plutôt ovales. Et encore, nous avons une représentation anachronique sous forme de château avec un incendie qui ne correspond pas à la réalité (sans parler d'une cuirasse du VIIIème siècle av JC, de chaussures modernes et de braies mérovingiennes). Nous sommes à la fin de la Guerre des Gaules. Jules César a réussi à bloquer la cavalerie gauloise et son chef Vercingétorix dans l'oppidum d'Alesia. Le général romain fait construire un ensemble fortifié qui enferme les assiégés dans leur forteresse. Au bout de 6 semaines, et après l'echec d'une armée de secours gauloise, Vercingétorix et les siens doivent se rendre. Tout est perdu pour les defenseurs d'Alesia. Vercingétorix réunit les siens et se justifie d'avoir fait cette guerre non pas pour son 69 des troupes gauloises extérieures. Vercingétorix perd la partie au bout d'une quarantaine de jours de siège, ses troupes mourant de faim. Les armées de renfort gauloises, enfin arrivées, lancent une série d'attaques : les Romains ne sont pas loin de céder, mais le siège n'est pas brisé, ils résistent. Vercingétorix se rend à César et offre sa vie en échange de celle des 53 000 survivants d'Alésia. Les Gaulois sont désarmés, sortent de la citadelle et sont emmenés en captivité. Cette défaite est due aussi bien à la supériorité de son ennemi qu'au manque d'entente entre les peuples et divers chefs gaulois, peu habitués à se battre ensemble, et aux retards mis à la mobilisation des troupes de secours. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : interêt mais pour la liberté de tous. Décidant de se sacrifier, il s'en remet alors à leur décision : le livrer ou pas pour apaiser la colère du vainqueur... et s'ils décident de le livrer, sera-t-il mort ou vif ? On demande ses exigences à César qui réclame la reddition des chefs avec leurs armes. Paré comme pour une fête, Vercingétorix quitte Alesia et pénètre dans le camp romain. Son allure fière et digne en impose aux cohortes de légionnaires alignées. Il fait avec son cheval le tour de l'estrade où se tient César puis met pied à terre. Sans un mot, il jette avec dédain ses armes (épée, javelot et casque) au pied de son vainqueur. César, d'abord surpris, retrouve ses esprits et accable le chef gaulois de reproches à propos de la trahison de leur ancienne amitié ; puis les légionnaires se saisissent de Vercingétorix et l'emmenent vers son triste destin. L'anecdote telle que reprise par la tradition scolaire est celle relatée par Dion Cassius et Plutarque, qui s'inspiraient probablement d'un texte perdu de Tite-Live. Elle diffère du récit beaucoup plus concis et moins romantique fait par César dans son livre : les chefs sont amenés captifs devant César, les armes sont jetées au pied du vainqueur, sans plus. Les historiens se sont demandés si les chroniqueurs tenants de la version romantique et pathetique n'avaient pas enjolivé pour rendre tout cela plus captivant. Cependant les spécialistes relèvent plusieurs éléments culturellement typiquement celtiques dans le récit (le principe de victime expiatoire sacrifiée pour sauver la communauté, le contournement à cheval par la droite qui était supposé lier magiquement la cible) que les vénérables chroniqueurs romains auraient bien été en peine d'inventer. Albert Grenier (ancien professeur au Collège de France et spécialiste des gaulois) la tient donc pour authentique. Vercingétorix a trahi César, plus par intérêt personnel que par désir d’unifier les peuples de la Gaule. En revanche le dialogue entre Jules César et Vercingétorix, ("Donne-moi tes armes ! ", lui dit le Romain. Et le fier Gaulois les jette à ses pieds en s'écriant : "Viens les prendre !") a été purement et simplement inventé en un temps où la nation française avait besoin de redonner un peu de vie à son honneur perdu ; nulle part, les textes d'époque n'en font mention. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 70 HA – Auguste Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : L'œuvre d’Auguste est considérable : héritier de César, il organise enfin l’Empire après un siècle de guerres civiles, y maintient la paix, orne Rome de grands complexes urbains. Pourtant, il n’a cessé d’avancer masqué, d’où la personnalité complexe et fascinante du personnage : un masque de douleur et de clémence pour une obstination froide et calculée. Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Pb : dans le BO, « l’Empire est étudié au moment de son apogée (IIe siècle ap. J.C.) ». Or Auguste figure dans les repères des programmes actuels (« 1er siècle ap. J.C. (Auguste et la fondation de l’Empire) ») et futurs (« 27 av. J.-C. – 14 Le principat d’Auguste »). Les futurs programmes remplacent cette apogée par « Ier et IIe siècles - Paix romaine ». Sources et muséographie : Ouvrages généraux : Auguste, Pierre COSME, Perrin, Paris, 2005 Auguste, Jean-Pierre Néraudau, Les Belles lettres, 1996 (2007) Le Siècle d’Auguste, Pierre Grimal, Que sais-je ?, PUF, 1992 Documentation Photographique et diapos : Revues : « D'Octave à Auguste : naissance d'un prince » - Jean-Michel Roddaz, L'Histoire, 05/2007 | n°320 « Rome : le combat des chefs » - Pierre Cosme, L'Histoire, 07/2006 | n°311 | Dossier La guerre civile Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : Document d’accompagnement : « À partir des personnages de César et d’Auguste, on peut aborder de façon simple, dans une classe de 6e, la liaison entre les conquêtes et le changement de régime : ce sont les généraux vainqueurs qui deviennent empereurs. » BO futur programme : « L’empereur dispose de l’essentiel des pouvoirs ; il a le soutien de l’armée et fait l’objet d’un culte. Étude du personnage d’Auguste et d’un autre empereur important au choix ». Toute la difficulté pour les élèves réside dans un tableau de synthèse sur l’Empire ; ils doivent avoir bien assimilé le cadre politique de la Rome républicaine pour saisir les glissements qui s’opèrent à partir du Ier siècle avant J.-C., notamment du fait de l’action des généraux victorieux (Jules César, Octave). Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports Activités, consignes et productions des documentaires et productions graphiques : élèves : I. La conquête du pouvoir Octave a 19 ans quand il apprend par une lettre de sa mère Atia l'assassinat de son grand-oncle et père adoptif (44 avant JC). De Grèce où il achève sa formation, il revient au plus vite à Rome, non sans avoir pris les avis de ses amis, notamment du fidèle Agrippa. Dans la Ville, encore mal remise de près d'un siècle de guerres civiles, s'affrontent deux partis : - Les optimates sont des patriciens, représentants de l'aristocratie et des grandes familles, qui veulent envers et contre tout préserver les institutions républicaines et raffermir l'autorité du Sénat. Leur plus illustre représentant fut Sylla. - Les populares sont comme les précédents issus de l'aristocratie mais ils considèrent que Rome est devenue trop importante pour continuer à être dirigée comme une modeste cité. Ils préconisent des réformes destinées à gagner l'appui de la plèbe (le peuple). Marius et César furent les principaux représentants de ce parti. L'opposition des sénateurs républicains vaut à César d'être prématurément assassiné. Mais sa popularité dans le peuple, en bonne partie due à ses largesses, est intacte. Son lieutenant Marc Antoine espère bien en user pour prendre sa 71 succession à la tête de l'État. Face à ce dernier, qui jouit d'un grand prestige auprès des légions et dans les provinces, Octave ne fait valoir ses droits qu'en vertu de la seule légitimité, attitude alors dictée par la faiblesse de ses forces, mais dont il ne se départira pas au sommet de sa gloire; cette continuité politique lui permettra toujours d'apparaître comme le restaurateur des institutions. Il fera preuve, dans la conquête comme dans l'exercice du pouvoir, d'un sens de la mesure et du compromis, de finesse et de duplicité politiques, qui feront défaut à ses adversaires, incapables de voir au-delà des rapports de forces. Se servant du Sénat contre Antoine, il bat celui-ci devant Modène (43 av. J.-C.), puis se retourne contre le Sénat, qui lui refuse le consulat, et s'appuie sur le peuple de Rome. Nouvelle preuve de son habileté, lorsque les gouverneurs d'Espagne et de Gaule, avec Lépide, viennent appuyer Antoine, Octave renverse la situation en leur proposant une alliance contre le Sénat, par une marché commune sur Rome. C'est le second triumvirat, premier pas vers le pouvoir absolu. Après leur victoire conjointe, à Philippes en Macédoine (42), sur Brutus et Cassius, assassins de César, Octave et Antoine se séparent. Le premier rentre en Italie et s'assure le soutien de son armée en distribuant des terres aux vétérans, n'hésitant pas à spolier les propriétaires italiens. Quant à Antoine, occupé en Orient par ses amours avec Cléopâtre VII, reine d'Egypte, il laisse le champ libre à son rival. Lorsqu'il revient en Italie, la guerre semble près d'éclater, mais l'armée impose le pacte de Brindes (40 av. J.-C.), par lequel Octave réussit à obtenir, dans le partage de l'Empire, la Gaule et l'Espagne, qui soutenaient Antoine, celui-ci conservant l'Orient où il rêve de se tailler un royaume pour lui et pour Cléopâtre. Lépide, relégué en Afrique, ne pouvait plus jouer un rôle majeur. Octave s'emploie aussitôt à consolider son domaine, puis aguerrit son armée par deux ans d'une campagne pénible contre Sextus Pompée, maître de la Sicile et chef des pirates. Lépide revendiquant cette conquête, Octave débaucha ses troupes et s'empara de l'Afrique. La guerre contre Antoine ne pouvait plus dès lors être évitée; Octave disposait contre lui des meilleurs atouts militaires; il commença par discréditer politiquement son rival en le présentant comme un traître qui s'était mis au service d'une reine orientale, et le fit déclarer « ennemi de la patrie ». Prenant bien soin de ne déclarer la guerre qu'à Cléopâtre (en 31 av. J.-C.), Octave remporta la même année la victoire navale d'Actium et passa en Egypte. Antoine et la reine se suicidèrent (30 av. J.-C.) et le nouveau maître de l'Empire annexa la riche vallée du Nil, intégrée à un monde romain enfin unifié. II. L'œuvre impériale Après la victoire décisive d'Actium, Octave se retrouvait seul maître de l'Empire, investi de pouvoirs considérables, sous un décor républicain. Parvenu au pouvoir, il n'eut jamais l'intention de bouleverser les institutions. Il mit au contraire le plus grand soin à préserver la légalité institutionnelle, cumulant sur sa personne les différents pouvoirs existants dans la République. La preuve en est sa fausse abdication de janvier 27 av. J.-C., lorsqu'il fit mine de remettre ses pouvoirs au Sénat, qui s'empressa de le rappeler à grand renfort de supplications. Les institutions républicaines n'étaient toutefois plus qu'un théâtre de marionnettes, maintenu par la seule volonté de l'imperator, titre hérité de César et qu'il avait reçu en 38 ; dix ans plus tard, le Sénat lui donna celui de princeps senatus, c'est-à-dire qu'Octave devenait le premier des sénateurs; en 27, enfin, il se fit attribuer le titre d'augustus, « sacré », qu'allaient reprendre, après lui, tous les empereurs romains, et qui lui conférait un caractère semi-divin. L'usage voulut qu'on l'appelât princeps, « le premier », ou « le prince ». Auguste prétend restaurer les institutions et les valeurs morales de la République, et reprend le terme de princeps que Cicéron utilisait pour désigner les citoyens les plus dignes de conduire l'Etat. Mais il en détourne le sens au profit d'un pouvoir personnel. Les Romains ne sont pas dupes, mais ils lui sont reconnaissants d'avoir rétabli la paix intérieure après quatorze ans de guerre civile. Auguste donne à la monarchie une couleur républicaine, car il sait que les Romains haïssent les rois. En apparence, la plupart des institutions républicaines - Sénat, magistrats - sont conservées, mais elles sont vidées de tout pouvoir : les sénateurs sont nommés par l'empereur et exercent un simple contrôle ; les citoyens élisent les magistrats qui sont proposés par l'empereur. En fait, le princeps, l'empereur, exerce seul le pouvoir et choisit lui-même ceux qui l'aident à gouverner. Proconsul de toutes les provinces, de l'Italie et de Rome même, chef suprême des armées, juge souverain, investi de la puissance et de l'inviolabilité tribunitienne, 72 préfet des mœurs avec le pouvoir des censeurs, grand pontife à partir de 13 av. J.C., Auguste put s'employer à créer une administration impériale parallèle aux vieilles magistratures républicaines, désormais vidées de tout contenu. Il se réserva les provinces frontières, où il désigna des légats, laissant le Sénat tirer au sort des propréteurs et proconsuls pour les provinces sénatoriales, distinctions purement théoriques dans les faits. C'est dans son œuvre militaire que se marque le mieux la rupture avec la République : Auguste créa une armée permanente assistée de corps auxiliaires recrutés dans les provinces et même parmi les Barbares. Auguste se révéla un administrateur remarquable qui fit régner l'ordre dans l'immense empire dont il avait pacifié les frontières. Il remit en honneur les anciens cultes, s'efforça de restaurer les vertus familiales, se posa en protecteur des arts et des lettres, embellissant Rome, et traitant libéralement les nombreux écrivains de génie d'une époque à laquelle on devait donner le nom de «siècle d'Auguste». Après sa mort, il fut divinisé par les honneurs de l'apothéose et un culte lui fut désormais rendu. Il avait désigné de son vivant plusieurs successeurs et, finalement, son beau-fils, Tibère, qui lui succéda sans opposition. III. L'art augustéen Auguste est un descendant d’Énée d’après Virgile. Les statues le représentent souvent en général victorieux (pour rappeler qu'il a rétabli la paix) ; les divinités représentées sur sa cuirasse attestent qu'il a reçu la protection des dieux, tandis que le petit amour à ses pieds évoque Vénus, mère d'Énée selon la légende, ce qui le rattache à la lignée fondatrice de Rome. Le brillant essor que connurent les arts sous Auguste est remarquable par la synthèse qu'ils réalisent. Rome était devenue un foyer d'attraction culturel où aboutissaient tous les apports des pays soumis. Le mérite de l'empereur fut d'apaiser et de guider l'enthousiasme éclectique de ses contemporains pour l'hellénisme et l'exotisme; et, tout en accueillant ces apports, de faire revivre l'austère tradition républicaine. L'art de la civilisation romaine qui se formule à cette époque sous ses directives se caractérisera par sa sobriété, sa recherche du grandiose, son raffinement décoratif. On cite volontiers la louange de Pline: « Auguste a construit une Rome de marbre à la place d'une Rome de briques ». L'architecture augustéenne s'inspire directement de celle d'Athènes, mais élève des monuments qui resteront éminemment significatifs de la civilisation romaine: forum grandiose, temples majestueux (à Rome, à Nîmes), arcs de triomphe monumentaux (à Rimini, Rome, Aoste), l'amphithéâtre d'Arles (Bouches-duRhône) et les arènes de Nîmes. L'idéologie augustéenne a orienté de façon décisive le style de la sculpture romaine et du décor, élaboré à partir d'éléments alexandrins et pergamiens dont l'exubérant naturalisme et le pathétisme sont heureusement tempérés par la sobriété abstraite; les bas-reliefs de l'Ara Pacis Augustae fournissent l'exemple parfait du symbolisme propre à la tradition latine. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : L'homme nous apparaît comme un politique habile et sachant bien s'entourer. A son vieil ami Agrippa, dont il fera son gendre, s'ajoute le richissime Mécène (devenu nom commun pour désigner une personne qui protège et entretient les artistes!). L'empereur, que les statues représentent dans une attitude de grande noblesse, se montre dans les faits pleutre à la guerre. Il est arrivé plus d'une fois que les soldats huent le jeune Octavien, notamment après la victoire de Philippes sur Cassius et Brutus, due avant tout au génie et au courage de Marc Antoine. Au sommet de l'État, Auguste y regardera à deux fois avant de lancer des campagnes militaires contre les ennemis (Parthes, Bretons,...) et il verra dans l'échec de son général Varrus face aux Germains la preuve du bien-fondé de sa prudence. D'une santé fragile, toujours à la veille de mourir, l'empereur vivra pas moins de 77 ans dont 44 en maître absolu du monde méditerranéen. Une performance qui justifie l'intérêt qui lui est encore porté. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 73 HA – Pouvoir et territoire à l'apogée de l'empire romain Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Le sujet évoque le double sens du mot « Empire » : territoire et pouvoir. On appelle communément Empire le régime monarchique instauré par Auguste en 27 avant J.-C, qui perdure jusqu'à la fin de l'histoire de Rome. Mais les historiens modernes utilisent plutôt le terme de principat pour désigner la monarchie relativement libérale des deux premiers siècles et celui du dominat pour qualifier le pouvoir monarchique absolu des siècles suivants. Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Sources et muséographie : Ouvrages généraux : Christol Michel et Nony Daniel, Rome et son empire, Hachette Supérieur, 2003 (présente la trame historique, de la fondation de Rome à sa chute, accompagnée de cartes et citations). PATRICK LE ROUX, Le Haut-Empire romain en Occident d’Auguste aux Sévères, Paris, Le Seuil, [1998] 2003 CLAUDE LEPELLEY (dir.), Rome et l’intégration de l’Empire, 44 avant J.-C.-260 après J.-C., Paris, PUF, 1998. (par le directeur, avec Jean Delumeau, de la collection "Nouvelle Clio", fondée par Robert Boutruche et Paul Lemerle). Mémoires d’Hadrien de Yourcenar en 1951 Documentation Photographique et diapos : Henri Lavagne, La civilisation romaine - Documentation Photographique, n° 6099 (1989) Flonneau J.M., L'Empire romain, Diapofilm multimédia. Revues : « Les citoyennetés dans l'Empire romain au IIè siècle ap. J.-C. », Yann LE BOHEC, H&G, 358, juillet août 1997 2000 ans de mondialisation / Collectif, in LES COLLECTIONS DE L'HISTOIRE N° 38, Hors-Série, Janvier-Mars 2008 : « Tous les chemins mènent à Rome » (Maurice Sartre) : Monnaie commune, libre circulation des marchandises et des hommes... Et surtout diffusion d'une langue et d'une législation, d'une religion, d'un mode de vie... L'influence et le pouvoir exercés par Rome, pendant cinq siècles, sur un ensemble immense et composite n'étaient-ils pas déjà une forme de mondialisation ? Carte murale : l’Empire romain (provinces, voies, villes et échanges) Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, concepts, problématique) : Rome et l'intégration de l'Empire (44 av. J.-C. – 260 ap. J.-C.). Tome 1, François Jacques, John Scheid , Collection "Nouvelle Clio", PUF, 1997, 480 pages Rome et l'intégration de l'Empire (44 av. J.-C. – 260 ap. J.-C.). Tome 2, Claude Lepelley (dir.), Collection "Nouvelle Clio", PUF, 1998, 640 pages De la cité hégémonique à l’Empire communis patria des habitants des territoires civilisés, les deux volumes de Rome et l’Intégration de l’Empire retracent la transformation initiée par César sur un espace quasi définitif et achevée à la défaite de Gallien face aux Perses. Du Haut-Empire romain est souvent donné une image caricaturale. Le principat était un régime autoritaire et répressif, mais ce n’était ni une monarchie absolue ni une simple machine impérialiste. Très souple, il a réussi à maintenir une relative paix intérieure, à gouverner et à intégrer dans l’Empire, sur le plan politique, économique et social, les régions, les cités et les élites de tout le monde méditerranéen. Le premier tome est consacré aux structures de l’Empire, à l’évolution du régime politique au profit du princeps qui devient progressivement dominus, à l’emprise de Rome sur ses provinces, à la société, aux différents statuts des personnes, aux instruments de la domination armée et enfin à la religion. Le Haut-Empire est, selon les auteurs, soit un âge d’or, une période de paix et de prospérité interrompue par de rares éruptions de violence civile, soit l’apogée de la brutalité, celle d’un tyran dont les exactions à l’encontre de ses sujets n’auraient d’égale que le pillage et la prédation endémiques des anciens vaincus par les vainqueurs, maîtres dans les provinces, mais esclaves dans leur propre cité. Ce livre vient corriger les caricatures qui tiennent souvent lieu d’histoire du Haut-Empire. Le prince est certes le maître, mais son despotisme se fasait d’autant plus durement sentir, par rapport au Bas-Empire, que les Romains conservaient encore un peu le souvenir de leur antique liberté. L’organisation des provinces, si elle reste longtemps marquée par l’idée que les provinciaux sont d’abord des vaincus, à ce titre privés de droit puisque le droit ne peut exister qu’entre citoyens, laisse peu à peu place à l’idée d’une gestion durable et rentable – à défaut d’être équitable. La lex Julia de repetundis dont Salluste fait les frais n’est que le début d’une lente évolution qui vit Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : BO : « L’Empire est étudié au moment de son apogée (IIe siècle ap. J.-C.), en insistant sur le rôle de l’Empereur et l’adaptation des institutions de la cité. Les futurs programmes remplacent cette apogée par « Ier et IIe siècles - Paix romaine : La paix romaine, appuyée sur la puissance militaire, s’impose aux provinces de l’Empire. Elle favorise la construction d’infrastructures et le développement des échanges. L’étude est conduite au choix à partir d’une villa gallo-romaine ou du trajet d’un produit (vin, huile, métaux, céréales…). » BO futur programme : « L’empereur dispose de l’essentiel des pouvoirs ; il a le soutien de l’armée et fait l’objet d’un culte. Étude du personnage d’Auguste et d’un autre empereur important au choix ». 74 les Romains s’accoutumer à leur statut de maîtres du monde connu. La République finissante avait bien établi des quaestiones relatives à la gestion des provinces, mais leurs décisions iniques, généralement défavorables aux plaignants, avaient montré leurs limites. Que l’on songe à la réticence des juges à condamner Verrès ou même Salluste pour imaginer combien la rapacité des gouverneurs était acceptée du temps de la République. L’Empire fut au moins une période de paix relative par rapport aux constantes guerres civiles de la fin du Ier siècle, et les Asiatiques au moins ne devaient pas regretter les défenseurs de la liberté Brutus et Cassius. L’Empire apporta non la paix, mais une relative tranquillité, et les hommes s’habituèrent progressivement à la nouvelle situation de l’oikoumene, unis derrière des frontières immuables sous un maître unique garant de l’ordre et de la stabilité. L’étude de l’Empire est souvent présentée dans le seule perpective romaine par les Anciens, qui jugeaient plus intéressante l’histoire de l’Empire que celle des provinces, sauf quand elle intéressait l’Empire dans son ensemble. Cette approche tend parfois à exagérer l’unité et l’uniformité de l’Empire, puisque la méthode chronologique prime sur l’approche thématique. La romanisation elle-même fait penser que l’Empire tendait à devenir un tout uniforme où disparaîtraient les particularismes régionaux. Mais, même pour un Romain du Haut-Empire, la diversité régionale n’était-elle pas saisissante ? Le procurateur envoyé aux quatre points de l’Empire pouvait-il confondre l’Egypte fertile et sa civilisation millénaire avec la Brittannie septentrionnale et la Pannonie ? L’Empire gomma d’autant moins les spécificités locales que la romanisation toucha d’abord les élites plutôt que les peuples, que les langues vernaculaires ne disparurent que lentement et qu’il ne conçut jamais un projet d’unification culturelle. Si l’Occident européen connut une romanisation relativement rapide, l’Orient hellénophone méprisait trop les Romaioi pour accepter la latinisation. Il suffit de rappeler l’emploi du droit grec du commerce en Orient, la persistance des cultes égyptiens et l’inégal degré d’urbanisation pour concevoir la nécessité d’une approche régionale de l’Empire. Administration romaine à part, les peuples de l’Empire ne partageaient ni langue (l’Orient restant hellénophone), ni religion (outre la religion impériale), ni droit, ni mœurs ou mode de vie communs. L’histoire des provinces est une histoire éclatée, mais seule la conscience des particularismes et des oppositions permet de comprendre la grandeur et la vivacité de l’Empire, qui réussit à créer une communauté de destin, une patria communis entre anciens vainqueurs et vaincus sans bénéficier d’une communauté culturelle. La grandeur de l’Empire tient d’abord au succès de cette unification sans complète assimilation qui porta ses fruits à partir des crises du IIIe siècle lorsque des hommes issus de peuples non italiques embrassèrent la cause romaine tant les différentes provinces étaient devenues solidaires les unes des autres sans pour autant se fondre en une culture commune. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Dès le début du Ier siècle après J.-C, l'Empire romain devient à la fois une réalité territoriale et politique. Les deux premiers siècles de l'Empire constituent une période prospère, malgré quelques crises. Le système impérial n'est pas contesté et les trois dynasties qui se succèdent contribuent à renforcer la puissance de l'Empire. Parmi les premiers successeurs d'Auguste, on trouve d'abominables tyrans, comme Caligula, Néron ou Domitien, mais aussi des administrateurs experts et des généraux avisés, tels Tibère, Vespasien ou Titus. Le siècle des Antonins correspond à l'apogée de l'Empire qui porte Rome à son plus haut degré d'éclat. Sous le règne de Trajan, les conquêtes atteignent leur point extrême. Né en Espagne d'une famille italienne, Hadrien (117-138) est considéré comme le plus « intellectuel » des empereurs romains. Il est adopté par Trajan dont il a épousé la nièce. Grand voyageur, il cherche à unifier l'Empire administrativement. Il favorise les arts et les lettres et fait édifier à Rome le Panthéon ainsi qu'un mausolée (l'actuel château Saint-Ange). Hadrien est un grand empereur parce qu'il a su préserver la paix, tout en entraînant son armée. Il se déplace à travers son empire et se montre généreux envers les habitants des différentes provinces. Il est curieux de tout et s'intéresse aux activités les plus diverses. Il sait se faire apprécier de tous. Mais, sous le règne de Marc Aurèle, la menace des invasions barbares préfigure déjà la décomposition de l'Empire romain. Le IIe siècle apparaît comme une période de paix politique : aucun empereur, si ce n'est Commode à la fin du siècle, ne meurt de façon violente. Les pouvoirs de l'empereur se renforcent aux Ier et IIe siècles, parce que l'empereur impose son successeur, qu'il désigne de son vivant, parce qu'il cumule tous les pouvoirs, parce que sa personne fait l'objet d'un culte après sa mort. Activités, consignes et productions des élèves : Colorier en bleu : GERMANICO, DACICO, IMPERATORE, PATER PATRIAE ; en rouge : TRIBUNICIA POTESTATE, CONSULE ; en vert : PONTEFICO MAXIMO, AUGUSTO; en noir : NERVAE TRAJANO. Ces titres signifient : Imperator : général en chef victorieux ; Caesar : César ; Nerva Trajano : fils adoptif de Nerva ; Optimo : le meilleur ; Auguste» : Auguste, élu des dieux ; Germanico : vainqueur des Germains ; Dacico : vainqueur des Daces. 75 Le princeps, l'empereur, possède l'imperium sur l'ensemble de l'Empire. Il détient la puissance des censeurs et la puissance tribunitienne ; en tant que chef des armées, il jouit du pouvoir des consuls et il est grand pontife. Il cumule donc tous les pouvoirs, civils, militaires et religieux. Après Auguste, tous les empereurs romains portent le titre de César et d'Auguste. Ils ajoutent aussi souvent le nom de l'empereur précèdent dont ils sont fils adoptif, comme le fait Trajan, fils de Nerva. En théorie, le pouvoir impérial n'est pas héréditaire, le choix du successeur du prince dépend du Sénat. Dans la pratique, chaque empereur désigne son successeur. Cette transition s'accompagne souvent d'intrigues politiques, voire de l'intervention de l'armée lorsque l'empereur n'a pas de descendant direct. Sous le règne des Antonins, le système de l'adoption favorise la stabilité : chaque empereur choisit et adopte celui qui lui semble le plus apte à gouverner. Antonin le Pieux adopte Marc Aurèle, puis lui fait épouser sa fille. De son vivant, il le nomme consul et lui donne le titre de César porté par les empereurs ; avant de mourir, il le présente comme son héritier à tout son entourage. À sa mort, l'empereur fait l'objet d'un culte, ce qui s'inscrit dans la lignée de l'héroïsation des grands hommes et de la divinisation de César. Dès le IIe siècle avant J.-C., sous l'influence de la philosophie grecque et des religions orientales, les Romains ont tendance à croire que certains hommes sont « prédestinés » et accomplissent une mission divine. Auguste comprend très vite le rôle fédérateur que le culte impérial peut jouer dans l'Empire, notamment dans les provinces orientales. A partir du Principat, l'envoi des magistrats dans les provinces ne dépend plus de leur élection, mais bien du choix de l'Empereur. C'est lui qui détermine qui va où et dans quelles conditions. De la même manière, l'administration impériale va s'occuper à son tour de percevoir l'impôt et d'administrer des travaux. À partir d'Auguste, l'administration de la ville de Rome change : le Préfet de la Ville devient une magistrature définitive, et l'Édilité disparaît au profit de nouveau fonctionnaires municipaux issus du corps des citoyens ou des affranchis. L'Empereur prend aussi la charge de l'approvisionnement de la ville en blé, et nomme lui-même la personne qui y pourvoit. Les autres magistratures (Questure, Censure) ne sont pas ou peu modifiées. Le Sénat perd la place qu'il avait sous la République. C'est l'Empereur qui lui soumet les lois, ainsi que ses nouveaux membres. À partir de Claude, des provinciaux commenceront à y entrer, toujours à condition de disposer du cens minimum de 1 million de sesterces: Trajan lui-même était originaire d'une famille sénatoriale d'Espagne. À partir des Sévères, l'ordre équestre commence à prendre l'ascendant sur l'ordre sénatorial. Sous le Principat d'Auguste, les provinces ont été partagées entre l'empereur et le Sénat, en provinces impériales et provinces sénatoriales. Au fil des conquêtes territoriales et des découpages des provinces, les nouvelles provinces furent réparties entre ces deux autorités : - Le Sénat se voyait traditionnellement attribuer les provinces pacifiées anciennement, ce qui ménageait ses prérogatives. Les gouverneurs des provinces du peuple romain étaient des promagistrats (c'est-à-dire d'anciens magistrats supérieurs, toujours sénateurs) nommés pour un an par le Sénat et portant le titre de proconsul ou de propréteur. Ils doivent être au minimum de rang prétorien sauf 2 ( Asie et Afrique) qui sont de rang consulaire. Ils sont assistés de légats sénatoriaux au nombre variant selon l’importance de la province et de questeurs pour les finances. Les pouvoirs sont administratifs et judiciaires. L'attributation de ces provinces se faisait par tirage au sort au Sénat (entre les anciens magistrats aptes, 5 ans apres avoir géré la magistrature habilitée), mais il n'était pas rare que l'empereur intervienne pour casser une désignation ou influencer une nomination. La plupart des provinces du peuple romain avaient à leur tête un propréteur, mais l'Afrique — appelée « Afrique proconsulaire » — et l'Asie, plus riches, étaient gouvernées par un proconsul. Le prestige de ces deux provinces, ainsi que les grandes possibilités d'enrichissement qu'elles représentaient, en faisaient des postes de fin de carrière par excellence : le gouvernement de l'Afrique ou de l'Asie s'obtenait en général une quinzaine d'années après le consulat, et il s'agissait du sommet de la carrière d'un sénateur, avec la préfecture de la Ville. Les revenus fiscaux de ces provinces, fort prospères pour la plupart, alimentaient le trésor du Sénat, l'ærarium Saturni, ce qui pour Auguste contribua encore à se concilier le Sénat. - L'empereur, détenteur du pouvoir militaire se réservait les provinces situées aux frontières de l'empire. Ces dernières, mal soumises ou situées aux frontières de 76 l'Empire, possédaient des garnisons ou des armées complètes, et les gouverneurs (les « légats d'Auguste ») y représentaient l'empereur. L'attribution des provinces aux divers légats se faisait selon le bon vouloir de l'empereur, mais respectait néanmoins certaines règles (dans les provinces les plus importantes, le légat d'Auguste était en général un sénateur de rang prétorien ou de rang consulaire, possédant donc le ius gladii, droit de vie et de mort sur des citoyens romains). Dans certaines provinces de conquête récente comme dans les nouvelles provinces danubiennes ( Rhétie, Norique) ou les provinces alpines, le prince nomme un procurateur ou un préfet de rang équestre et non prétorien ou consulaire cumulant toutes les fonctions administratives judiciaires, financières voire militaires ( il commande des troupes auxiliaires). En cas d’intervention de la légion, cette dernière est dirigée par le légat de la province voisine. - L’Egypte jouit d’un statut particulier. Son entrée est interdite aux sénateurs et aux plus illustres des chevaliers. Son gouverneur est le plus haut personnage de l’ordre équestre, le préfet d’Alexandrie et de l’Egypte : depuis sa fondation par Alexandre, Alexandrie est considérée comme ne faisant pas partie de l’Egypte, ( c’est « Alexandria ad Egyptum » ou Alexandrie proche de l’Egypte), la citoyenneté alexandrine étant distincte de la nationalité égyptienne. Assisté d’un certain nombre de procurateurs financiers de rang équestre ou affranchis de l’empereur, le préfet d’Egypte cumule tous les pouvoirs y compris militaires. Le découpage administratif des provinces se compléta par l’organisation des réseaux indispensables pour les communications : tracé de nouvelles voies romaines, création sous Auguste d’un réseau de poste impériale (cursus publicus). Enfin, les empereurs aménagèrent ces territoires par de nombreuses fondations de colonies. La création de nouvelles provinces a pu se faire de deux manières : par conquête (par exemple celle de la Bretagne à partir du règne de Claude et par démembrement de provinces existantes. Après Septime Sévère, il n'y eut plus de création de province par conquête, les créations se firent par démembrement de provinces existantes. Ainsi Septime Sévère scinda-t-il en deux les provinces qui avaient les armées les plus puissantes (trois légions) : la Syrie et la Bretagne. Il créa également les provinces d'Osrhoene (195) et de Mesopotamie (198) à la suite des expeditions militaires qu'il conduisit en Orient et qui l'amenèrent à prendre la capitale des parthes, Ctésiphon (28 janvier 198). L'administration basique de l'Empire était finalement réalisée au niveau de la cité, qui comptait un centre urbain, et un territoire sur lequel se situaient différentes entités rurales (une division semblable à celle que l'on peut trouver en Grèce, entre la cité, astu, et son territoire, chorâ) . Appelée ciuitas en latin, c'est là que se prenaient la plupart des décisions, d'abord sur la manière de fournir à l'Empereur ce qu'il demandait, ensuite sur la manière d'utiliser ce qui restait. Les cités de l'Empire pouvaient relever de différents statuts : - Les cités pérégrines sont des cités étrangères, n'ayant reçu aucun statut de Rome. Elles peuvent être de trois types : libres, fédérées ou stipendiaires (c'est-à-dire qu'elles paient l'impôt). - Les cités de droit latin (ius latii) sont au niveau de base du droit. Ce statut fut utilisé comme instrument de la romanisation, pour attirer les cités vers des institutions compatibles avec l'Empire. - Les cités de droit romain, enfin, ont le plus haut statut, légalement similaires à celui de Rome. Ceux qui y naissent gagnent automatiquement la citoyenneté romaine, et elles sont dispensées de certains impôts. Les institutions municipales ont tendance à se calquer sur celles de Rome. On y retrouve donc une assemblée des citoyens, et une autre plus restreinte, aristocratique : - Le Collège des Décurions correspondait au Sénat romain. Ses membres étaient généralement une centaine, issus de l'élite locale. Ils élisaient entre eux tous les magistrats de la cité. - Les deux Duumviri exercaient la magistrature supérieure, comme les Consuls à Rome. À la différence de ceux-ci, les Duumviri n'avaient pas de pouvoir militaire. - Les Duumviri Quinquinales faisaient le recensement de la population (Censeurs), tous les cinq ans. - Le Questeur se chargait des finances publiques. - Les Édiles s'occupaient de la gestion urbaine (incendies, architecture, police). Le mode d'accès aux magistratures était censitaire, c'est-à-dire qu'il dépendait de la fortune, ainsi que, dans une certaine mesure, de l'honorabilité. Exercer une magistrature locale permettait d'accéder personnellement à la citoyenneté romaine. 77 Le Ier surtout le IIe siècle correspondent à l'âge d'or du monde romain. Pacifié, mieux organisé, géré efficacement, l'Empire romain est alors un vaste ensemble dans lequel les individus, les richesses, les courants culturels circulent librement. Des diverses régions de son empire, Rome importe des produits de première nécessité, comme le blé, mais aussi des produits de luxe qu'elle fait venir des territoires les plus éloignés. Ainsi se développe une forme de spécialisation des activités économiques. Paradoxalement, la maîtresse de la Méditerranée devient de plus en plus dépendante de ses conquêtes pour son alimentation de base et sa survie. Les documents insistent sur les liens économiques et culturels de plus en plus étroits qui se tissent entre Rome et les diverses provinces de l'Empire, ainsi que sur le rôle majeur que jouent les différents moyens de transport. Le limes est fortifié au nord de la Bretagne, dans la région du Danube, à l'est de la Syrie et en Afrique du Nord parce que ces provinces sont convoitées par les peuples barbares voisins et que les frontières de l'Empire s'en trouvent menacées. Les produits alimentaires qui arrivent à Rome sont le blé, l'huile et le vin qui proviennent des provinces d'Espagne, Gaule, Sicile, Grèce, Egypte et Afrique du Nord. Les produits de luxe sont l'ambre, les métaux et les fourrures du Nord, la soie, les épices, les parfums et pierres précieuses d'Orient ou d'Afrique noire. La voie romaine, un élément indispensable à la romanisation. Construites à l'origine dans un but stratégique pour faciliter la conquête et le déplacement des troupes, les voies romaines deviennent un élément indispensable des échanges commerciaux. La plus grande partie du réseau a été mise en place à l'époque de la République. La première route pavée, la voie Appienne, qui relie Rome à Capoue, date de 312 avant J.-C. Le revêtement de la route est formé de gros pavés de pierre juxtaposés, reposant sur des lits de sable et de graviers. Le soin apporté à la construction des voies romaines explique que certaines existent encore aujourd'hui ; les fondations creusées profondément et constituées de matériaux de nature et de taille différentes étaient étudiés pour supporter le poids des charges, les variations de température et les infiltrations. Plutôt que d'imposer leur domination sur les territoires conquis par un contrôle militaire tyrannique, les Romains ont su intégrer habilement les populations des provinces à leur mode de vie et en faire de fiers et fidèles serviteurs de la grandeur de Rome. Les gouverneurs, délégués de l'empereur, sont chargés d'accomplir la romanisation des provinces. La romanisation vise à apporter un certain « confort » aux populations de l'Empire, grâce à des travaux d'urbanisme et à la construction de nombreux monuments, par un développement de l'instruction, par l'adoption du mode vie romain, à travers les activités quotidiennes, le costume ou les loisirs. L'écrivain latin Tacite considère la romanisation comme une forme d'esclavage ; les personnes romanisées perdent leur propre identité, leur culture, leur civilisation, elles sont conduites sans s'en rendre compte à adopter une certaine discipline et une docilité vis-à-vis de la puissance qui les a conquises. Caracalla, fils de Septime Sévère, empereur de 211 à 217, est resté célèbre pour l'édit qu'il a promulgué en 212 selon lequel la citoyenneté romaine était octroyée à tous les habitants libres de l'Empire. Déséquilibré mental, Caracalla est aussi connu pour sa brutalité et sa cruauté. Ici monde grec et monde romain diffèrent. Si les cités grecques (au premier rang desquelles Athènes, la cité démocratique) ont pour l'octroi de la citoyenneté privilégié la naissance (est citoyen le fils d'un citoyen, voire même le fils d'un père citoyen et d'une mère fille de citoyen) et donc limité l'intégration, l'obtention de la citoyenneté pour les Romains est un acte juridique capable de transformer en citoyens romains d'anciens esclaves devenus affranchis comme des étrangers : les Romains eurent des sénateurs ou des empereurs illyriens, sémites ou arabes qui étaient citoyens romains (et l'édit de Caracalla en 212 fit de tous les hommes libres de l'empire des citoyens romains). Ce double modèle peut trouver un écho dans le débat actuel entre le droit du sang et le droit du sol pour l'obtention de la citoyenneté, et il est dommage que le thème de la citoyenneté romaine ait été effacé des programmes, du moins de ceux de seconde, au profit de la seule citoyenneté athénienne qui est loin d'être le modèle unique du monde antique. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 78 HA – Rome, capitale de l’Empire Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : Sources et muséographie : Ouvrages généraux : Urbs. Rome, de César à Commode, Yann le Bohec, Editions du Temps, Paris, 2001 Rome à l'apogée de l'Empire : la Vie quotidienne, Jérôme Carcopino, La vie quotidienne, Hachette Editions, Paris, (1939) 2002 Rome, le centre du pouvoir, Rolando Bianchi Bandinelli, L'Univers des Formes, Gallimard, Paris, 1969 Documentation Photographique et diapos : Revues : TDC, Rome au temps de l’empire, 15 décembre 2008, N° 967 L'Histoire, n° 234, « Rome, capitale du monde », juillet/août 1999, numéro spécial. L'Histoire, « Le plus grand amphithéâtre du monde : Le Colisée » - Christophe Castandet, 10/2001 | n°258 Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : BO actuel : « Les élèves découvrent Rome et ses lieux symboliques. En étudiant Situé à 24 km de Rome, à l'embouchure du Tibre, Ostie, fondée à la fin du IVe siècle avant J.-C., est le port de Rome à laquelle elle sert d'arsenal au temps des l’histoire de Rome c’est, par exemple, la description de la ville et des monuments conquêtes ; elle devient un grand port de commerce lorsque l'empereur Claude fait agrandir et creuser davantage ses bassins. Les marchandises qui y arrivent sont symboliques de l’Urbs que les élèves transbordées sur de plus petits bateaux qui peuvent remonter le Tibre jusqu'à Rome, devront prioritairement mémoriser. » où des entrepôts ont été construits. BO futur programme : « L’Urbs, capitale de l’Empire, concentre les monuments symboliques où le pouvoir se met en scène. L’étude est conduite à partir d’une visite de l’Urbs (monuments, sanctuaires, statuaire) ». Activités, consignes et productions des Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports élèves : documentaires et productions graphiques : La ville romaine et ses monuments Les premiers grands travaux furent dus à des généraux vainqueurs doublés d'ambitieux politiques. Pompée fit construire au Champ de Mars un vaste ensemble constituent un des documents patrimoniaux de ce programme de sixième. En effet, à la comprenant un jardin avec portique, un théâtre surmonté par un temple de Vénus – base de la structure de l’Empire romain se pour le peuple – et une curie, une salle de réunion du Sénat – pour les aristocrates. trouve la cité, et la ville est le lieu par Son principal concurrent, César, voulut faire plus et mieux. Il fit effectuer des travaux sur des monuments anciens, qui en avaient assurément bien besoin : dans le excellence de la citoyenneté romaine. Les grand cirque, utilisé pour les courses de chars, dans la basilique Émilienne qui élèves doivent avoir une vision claire et maîtrisée de la capitale de l’Empire, l’Urbs, servait de forum couvert, au temple de Saturne, à la Regia où demeurait un prêtre ; et il fit refaire la curie où se réunissait le Sénat. Le plus original tient dans la puisque c’est elle le modèle pour toutes les construction du forum que nous appelons « de César » : il s'agit d'une place autres cités de l’Empire. publique, surmontée par un temple de Vénus, déesse qu'il revendiquait comme son Sur la maquette de Rome au IIe siècle après ancêtre. Ce deuxième forum montrait que le centre de gravité politique avait J.-C, je classe des monuments par changé : l'État passait du pouvoir des aristocrates au pouvoir d'un monarque. fonction : C'est Auguste qui établit solidement la monarchie. Et l'architecture qu'il donna à la - Fonction politique : palais impériaux, forum républicain Ville exprime ce changement (cf la louange de Pline: « Auguste a construit une - fonction économique : forums impériaux ; Rome de marbre à la place d'une Rome de briques »). Il fit construire ou - fonction religieuse : les temples (Claude, reconstruire de nombreux monuments, politiques, de loisirs et religieux. Comme Vénus et Rome) ; César, il ajouta aux précédents un forum, dominé par un temple de Mars. Et s'il conserva par affectation de simplicité la demeure qu'il possédait sur le Palatin, il fit - lieux de loisirs : grand cirque, thermes, amphithéâtre (Colisée). ajouter dans sa proximité un ensemble comprenant temple d'Apollon et bibliothèque. Pour les loisirs, il fait faire des travaux au grand cirque ; il engagea la Les nuisances sont multiples : le bruit, les difficultés de circulation, la densité de construction de deux théâtres, d'un amphithéâtre pour les combats de gladiateurs, d'une naumachie pour les batailles navales et de thermes. Pour les dieux, il assura la population, le mauvais entretien des rues… restauration de quatre-vingt-deux temples et la construction de l'autel de la Paix, du Il est difficile pour un élève de sixième de temple de César divinisé, du panthéon… comprendre un phénomène de modélisation Avoisinant déjà le million d'habitants, Rome connaît alors l'entassement, la (Rome modèle des autres villes de promiscuité, le manque d'oxygène, le bruit et l'insécurité. L'extension de l'empire fit l’Empire). Pour l’aider, on peut passer par de la Ville une capitale sans rivale dans le monde antique. Contrairement à la la notion de capitale d’Empire et faire légende qui présentait les Romains comme un peuple de fainéants, elle possédait remarquer l’orthographe de « La Ville » 79 une vie économique intense. Les artisans travaillaient le bois, les métaux, le cuir, le tissu et ils assuraient toutes les productions de luxe indispensable à une ville aussi importante. Les commerçants exportaient les surplus et importaient ce que la Ville ne produisait pas. L'alimentation constitua un cas particulier. Vainqueur éternel et conquérant du monde, le peuple romain exigeait d'être nourri par les vaincus. Les empereurs ont cependant toujours veillé à ce que les citoyens se procurent par euxmêmes une partie de leur subsistance. Pour le reste, un impôt particulier, appelé annone, perçu et distribué par un service du même nom, procurait aux citoyens des rations de blé mensuelles. Plusieurs empereurs ont voulu marquer de leur sceau le visage de la Ville. Ils ont construit des palais, des forums, des lieux de loisirs, des sanctuaires. Les empereurs Nerva, puis Trajan, avec leurs propres forums, étendirent encore le cœur monumental de la ville. Le mot palais lui-même dérive du nom du Palatin – Palatinus, palatium. À partir de Tibère, le Palatin devint résidence officielle des princes. Néron à la faveur de l'incendie de 64, installa en plein centre son immense palais, la Domus aurea ou Maison dorée, un ensemble gigantesque qui s'étendait jusqu'à l'Esquilin. Elle fut abandonnée, et les Flaviens firent construire sur le Palatin un ensemble qui ne laissait guère de place à d'autres occupants. Les empereurs Flaviens, puis les Sévères font de la demeure princière du Palatin l'immense Palatium, modèle du palazzo italien ou du « palais » français… Sous Néron, des projets d'urbanisme de réelle envergure transforment la ville en une cité splendide qui fait l'admiration des visiteurs au IIe siècle. De nombreux documents témoignent de la grandeur imposante de Rome au IIe siècle, mais également des problèmes urbains qui ne sont pas sans évoquer des situations très contemporaines. Pour les loisirs de la plèbe, toutes sortes de monuments furent construits, notamment des thermes et le célèbre Colisée qui tire son nom d'une statue colossale de Néron qui se trouvait dans sa proximité. Des thermes gigantesques, tels ceux de Néron, de Trajan, puis de Caracalla, vinrent enfin compléter l'architecture d'apparat de la Ville, à côté d'immenses théâtres, comme celui de Marcellus, et amphithéâtres, comme le fameux Colisée, voués eux aussi aux plaisirs du peuple romain. Plusieurs forums s'ajoutèrent à ceux de César et d'Auguste : ils sont dus à Vespasien, Domitien et Nerva, mais le plus célèbre visa à commémorer la victoire de Trajan sur les Daces. Les empereurs s'efforcèrent d'organiser l'espace. Le Capitole concentra les sanctuaires : c'était la colline sacrée. Le Palatin, comme on l'a dit, fut la colline du pouvoir ; c'est là que résidait l'empereur quand il vivait à Rome. La vie économique se concentrait sur la rive gauche du Tibre. L'habitat couvrait l'Aventin, le Caelius, l'Esquilin, le Viminal et le Quirinal. Deux nouveaux quartiers connurent une grande fortune. La Ville avait débordé sur la rive droite où se développait le Transtévère – trans-Tiberim : au-delà du Tibre ; là se concentraient les étrangers et de nombreux travailleurs. Le Champ de Mars était devenu un quartier officiel : les empereurs y concentraient les lieux de loisirs et les lieux de culte. Le Vatican resta longtemps une colline presque déserte. Une reconstitution permet de voir la diversité et l'entassement des constructions à Rome, au IIe siècle, ainsi que la démesure et la magnificence de certains monuments. L'embellissement de la ville est une affaire de prestige personnel pour les empereurs. Le Forum républicain perd ses fonctions politiques et devient un centre monumental auquel tous les empereurs adjoignent leur propre forum. Bien que surpeuplée, la Ville garde une place importante pour les espaces verts qui couvrent plus du quart de sa superficie. Le tissu urbain sinueux de Rome est totalement éloigné de l'urbanisme géométrique des cités grecques ou des villes fondées par les Romains dans les provinces. À Rome, la religion conditionne chaque instant de l'existence et fonde l'organisation sociale et politique de la cité : mais elle n'implique l'existence d'aucune métaphysique. Les Romains vivent dans l'immédiat et le concret. La religion est un devoir des citoyens. Le Romain n'exprime pas un sentiment religieux, il attend du dieu la garantie de sa protection en échange d'un sacrifice (suovetaurile = porc : sus ; mouton : ovis ; taureau : taurus) ou de prières. Mais à la fin de l'époque républicaine, sous l'influence des religions orientales, les religions du salut connaissent une vogue de plus en plus importante. Les Romains ont une conscience de classe aiguë. Chacun est considéré selon deux critères : sa naissance et sa richesse. Cela détermine une structure hiérarchisée de la société au sein de laquelle tous n'ont pas les mêmes droits. Grâce au travail fourni par les esclaves, le citoyen romain dispose du temps nécessaire à l'exercice de ses devoirs et de ses loisirs. Reconnu et intégré par les autres, le citoyen est membre de avec des majuscules. Les édifices politiques sont le forum républicain et les forums impériaux qui, plus qu'à de réelles fonctions politiques, sont destinés à glorifier la grandeur de Rome par la magnificence de leurs monuments. Le centre réel du pouvoir est le palais impérial. Les édifices religieux sont : le temple de Jupiter, dressé sur le Capitole depuis le VIe siècle avant J.-C, le temple de Claude, ainsi que le temple de Vénus et de Rome qui datent de l'époque impériale. Les principaux lieux de loisirs sont : les thermes (de Néron, de Trajan, de Caracalla), les théâtres (de Marcellus, de Pompée), l'Odéon, le Colisée, le stade de Domitien, le Circus Maximus. Édifié à l'initiative de l'empereur Vespasien, le Colisée est achevé en 80, sous le règne de Titus. Son inauguration donne lieu à une immense fête qui dure 100 jours. L'arène, couverte de sable, est de forme légèrement elliptique ; le sous-sol renferme les cages pour les bêtes et une machinerie permettant de répandre de l'eau pour transformer l'arène en lac artificiel. Trois étages de galeries, à partir desquelles on accède aux gradins, entourent l'édifice. Dans le Colisée se déroulent des combats de gladiateurs, des combats contre des bêtes féroces amenées d'Afrique, et parfois des naumachies (joutes nautiques). Les gladiateurs sont des condamnés, des prisonniers de guerre ou des professionnels, répartis en plusieurs catégories en fonction de leur armement. Plus que des bains, les thermes sont de vastes complexes de loisirs (gymnases, bibliothèque, salles de repos ou de conversation, jardins) dans lesquels chaque citoyen passe en moyenne deux heures par jour, avant la cena (repas du soir). Toutes les couches de la société s'y côtoient. Les empereurs offrent à leur peuple des édifices dont la magnificence va croissante. Inaugurés en 217, les thermes de Caracalla couvrent 11 ha et comptent parmi les plus somptueux. Cela montre que les habitants de Rome travaillent peu et disposent de beaucoup de temps. Sous l'Empire, près de 175 jours sont consacrés aux jeux. En offrant aux Romains « du pain et des jeux » (grâce à des distributions de nourriture financées par les fonds publics), les empereurs s'assurent de la docilité et de la reconnaissance de la population. Sénèque (4 avant J.-C.-65) est le plus célèbre philosophe stoïcien de la Rome antique. Après une carrière d'avocat et d'homme politique, il est chargé de l'éducation du futur empereur Néron. Compromis dans une conjuration, il se suicide. Il est l'auteur de nombreux, traités 80 plusieurs communautés sans lesquelles il n'est rien et ne peut rien faire. Le Romain n'existe donc pas en tant qu'individu, mais en tant que membre d'un groupe. On peut insister sur le caractère inégalitaire de la société romaine et sur les aspects originaux de la vie quotidienne. Hiérarchisée, la société romaine n'est toutefois pas une société fermée car, à tous niveaux, l'ascension sociale est possible : l'esclave peut être affranchi par son maître, l'affranchi peut se voir conférer la citoyenneté romaine. La catégorie sociale là plus nombreuse est celle des esclaves. Ils jouent un rôle important parce qu'ils assurent tous les travaux. L'esclave n'est pas une personne juridique. Il appartient à son maître qui dispose de lui comme de n'importe lequel de ses biens. L'esclave n'a ni droits privés ni droits politiques. La condition d'esclave se transmet héréditairement, mais une personne née libre peut devenir esclave s'il s'agit d'un citoyen déchu de ses droits, d'un enfant abandonné ou d'un prisonnier de guerre. Le traitement de l'esclave dépend du caractère de son maître. Sous l'Empire, le sort des esclaves s'humanise et beaucoup sont affranchis. Mais, aux frontières du gigantesque Empire romain qui, au IIIe siècle, va de l'Écosse à la Palestine, les fortifications du limes ne suffisent plus pour contenir les assauts des barbares. La crise du IIIe siècle eut pour conséquence que les empereurs, préoccupés par les barbares, désertèrent la Ville pour vivre auprès des armées. Un seul monument important fut construit, le mur d'Aurélien : on voit quelles étaient les préoccupations de l'empereur. Au début du IVe siècle, Dioclétien voulut reprendre la politique de ses prédécesseurs. Il fit construire des thermes, reconstruire quelques monuments. L'usurpateur Maxence laissa une basilique et son compétiteur heureux, Constantin, a donné son nom à un arc et des thermes. La construction de Constantinople en 330 porta un coup fatal à Rome, qui souffrit de la concurrence. Quand Constance II vint en visite, il fut frappé d'étonnement devant tant de splendeurs accumulées. D'autres types de monuments firent leur apparition : basilique et baptistère (Latran), églises diverses, catacombes. Quand les Goths d'Alaric prirent la Ville en 410, elle était un gigantesque musée, rempli de trésors, mais ne jouait plus aucun rôle politique. À ce premier « sac » de Rome vont succéder plusieurs autres pillages : en 455, ce sont les Vandales, en 546, les Goths de Totila puis, en 846, les Sarrasins. Si les grands monuments du paganisme survivent, souvent parce qu'ils ont été transformés en églises, la campagne, aux alentours, est ravagée, les grands domaines y sont de moins en moins cultivés, et c'est l'Église, à laquelle Constantin a accordé une reconnaissance officielle, qui doit pourvoir au ravitaillement d'une population de plus en plus assistée. Rome, où demeurent pourtant un sénat et des préfets, passe bien vite de la tutelle de la lointaine Byzance à celle des Francs, puis à celle de l'empereur germanique ; mais, en tant que siège de la papauté, elle demeure, en dépit des vicissitudes de l'histoire, la capitale du monde chrétien. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : et dialogues, ainsi que de trois Consolations. Habile à analyser les maux de la société, il recherche le bonheur dans la vertu. Il présente Rome comme une cité particulièrement attractive. La majorité des habitants de Rome sont des nouveaux venus arrivés des provinces lointaines et même de contrées extérieures à l'Empire romain. Avec plus d'un million d'habitants, Rome est la ville la plus peuplée de l'Empire ; elle voit sans cesse affluer de nouveaux arrivants attirés par la grandeur de ses monuments, la diversité de ses activités, les nombreux loisirs qu'elle offre. Juvénal (65 ?-128 ?) a publié des Satires dans lesquelles il dénonce les vices des Romains, l'inconfort de Rome, la misère du peuple, la corruption de son époque. Il est difficile de circuler à Rome parce que les rues sont étroites, sales et encombrées d'une foule de gens et d'animaux. Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 81 HA – La romanisation en Gaule Approche scientifique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, amplitude spatiale) : Sujet différent de « la romanisation de la Gaule », qui commence avant Jules César. La romanisation avait largement commencé en Gaule du Sud, avec la fondation de villes comme Aquae Sextiae (Aix-en-Provence), Narbo Martius (Narbonne) ou Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges), lorsque César entama la guerre des Gaules. Assimilation des pays vaincus par les romains. 2 aspects: ce que les Romains ont imposé / ce que les Gaulois ont retenu (+ transmis aux vainqueurs) Processus pluriel : juridique (diffusion citoyenneté romaine) / politique (élites gauloises au sénat) / culturel (urbanisation, nouveau mode de vie, modèle grécoromain, culte impérial) Approche didactique Insertion dans les programmes (avant, après) : BO actuel : « Les processus de la romanisation sont analysés à partir de l’exemple de la Gaule. » A l’école primaire, les élèves ont abordé l’Antiquité à travers l’approche de la Gaule et de sa romanisation. Volonté dans le socle commun d’insister sur les événements majeurs et les grandes figures de l’histoire de la Gaule : les futurs programmes évoquent la Gaule au moment des conquêtes et à travers l’exemple d’une ville. Sources et muséographie : exposition "Rome et les Barbares. La naissance d’un nouveau monde", à Venise, Palazzo Grassi, en 2008 (cf L'Histoire, n° 327, janvier 2008, Dossier spécial : Rome et les Barbares) Ouvrages généraux : Histoire de la civilisation romaine, Hervé Inglebert, Collection "Nouvelle Clio", PUF, 2005, 608 pages ; Troisième partie : Problématiques et débats / Les processus de romanisation : Les théories de la romanisation -- La romanisation, des processus divers pour un résultat commun C. DELAPLACE, J. FRANCE, Histoire des Gaules, VIe siècle av .J.-C-VIe siècle ap .J.-C., Armand Colin 2007. Beck F., Chew H., Quand les Gaulois étaient romains, coll. Découvertes, Gallimard, n° 63,1989. De Leseleuc A., La Gaule, Flammarion, 2001 ; offre une abondante documentation iconographique. Paul-Marie Duval, La Vie quotidienne en Gaule pendant la Paix romaine, Paris, Hachette, 1960 Documentation Photographique et diapos : Henri Lavagne, Venceslas Kruta, La Gaule celtique et romaine - Documentation Photographique, n°6070 (1984) Perret M., La Gaule romaine, Diapofilm multimédia. Revues : L'Histoire, « Et les Gaulois sont devenus romains... » - William Van Andringa, 03/2005 | n°296 L'Histoire, n° 282, « Les Gaulois, des barbares très civilisés », décembre 2003. L'Histoire, « Rome : l'empire modèle » - Maurice Sartre, 11/2002 | n°270 | Dossier Les racines de la mondialisation L'Histoire, n° 33, « Quand Lyon s'appelait Lugdunum », avril 1981. Les villes gallo-romaines - Une greffe réussie, ANDRE BUISSON, TDC, N° 747, 1er janvier 1998 « Aide à la mise en œuvre des nouveaux programmes de Seconde : Romanisation et citoyenneté en Gaule. », Jacqueline et JeanPaul CHABROL, H&G, 359, octobre novembre 1997 « De la Gaule celtique à la Gaule romaine le processus de romanisation en Gaule du Nord dans la cité des Nerviens (Classe de seconde). », Jean-Louis PODVIN, Gilles POUCHAIN H&G, 369, février 2000 Carte murale : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement des savoirs, Enjeux didactiques (repères, notions et concepts, problématique) : méthodes) : Le concept de « romanisation », utilisé pour rendre compte de la soumission d’une Document d’accompagnement : « À la base société et d’un territoire conquis aux formes d’organisation voulues par Rome, de la structure de l’Empire se trouve la cité remonte à la première moitié du XIXe siècle. La romanisation est devenue, avec le : un territoire et une ville dont il dépend. La temps, un langage commun des historiens pour parler de l’histoire impériale de ville apparaît comme le lieu par excellence Rome, c’est-à-dire pour décrire la multiplicité des transformations intervenues dans de la citoyenneté romaine. Les exemples les territoires provinciaux sous la domination romaine. On peut d’ailleurs se poser locaux seront exploités, dans la mesure du la question de son intégration dans le concept plus large de colonisation. possible, pour l’étude du plan d’une ville Tout d’abord, l’inventaire a privilégié ce que l’on considère comme des apports de romaine et de ses monuments, forum, Rome : la pacification et les institutions capables de prolonger la paix, mais aussi basilique, arc de triomphe, temple, théâtre, un environnement politique, matériel et culturel (le latin par exemple) nouveau amphithéâtre, cirque, thermes, aqueduc : pour une partie des populations conquises, notamment dans la partie occidentale du ainsi peut être mis en évidence le lien entre monde romain. Une deuxième étape, fondée sur un examen critique du bilan romanisation et urbanisation. » précédent, a attiré l’attention sur les autres, ceux qui avaient été contraints de BO futur programme : « La romanisation s’intégrer, se provincialiser, s’acculturer, et sur leurs réactions, violentes ou moins s’appuie sur l’urbanisation sur le modèle de perceptibles. Une nouvelle phase se fait jour, qui passe, pour certains spécialistes, Rome, et sur la diffusion du droit de cité par la remise en question du vocable lui-même. Imposé peu à peu par romaine sans faire disparaître la diversité l’historiographie européenne de l’Empire romain, le terme est désormais mis en religieuse et culturelle. L’étude est conduite question, voire accusé de figer la réflexion sur la conquête romaine et la à partir d’un exemple au choix d’une ville connaissance du passé romain à l’échelle de l’Empire. Une première opposition romaine en Gaule ou en Afrique du Nord. » existe entre ceux qui récusent la romanisation au nom de la mise à l’écart des 82 indigènes et ceux qui refusent le terme à cause de l’incapacité de Rome à maintenir sa domination très longtemps depuis le centre. Une autre opposition voit le jour entre les tenants de l’interaction entre conquérants et conquis et ceux qui s’en tiennent à une ignorance réciproque des gouvernés et des gouvernants dans le prolongement de l’interrogation traditionnelle : coexistence ou fusion. On peut ajouter le contraste entre la revendication d’un empire réel décrit à partir du vécu des habitants et la mise en valeur du rôle des élites locales culturellement autonomes, attachées à la continuité de leur pouvoir et vouées à imiter Rome. Les recherches ont ainsi évolué au gré des courants historiographiques et de la mutation des méthodes sans engendrer l’uniformité. La romanisation décrit ainsi un processus par lequel une communauté s’engageait dans une phase nouvelle, créative, de son histoire, élaborait un nouveau langage définissant les rapports de pouvoir, les relations sociales, les activités économiques, les identités culturelles collectives et individuelles. La diversité ne reflétait pas les données de la géographie mais le degré de résistance des cultures des conquis, vecteurs des identités, d’où la légitimité d’interrogations relatives à la romanisation des Grecs, des Grecs d’Asie, des Syriens, des Juifs, des Égyptiens, des Puniques, des Ibères, des Celtes ou des Illyriens. D’où la multiplicité d’une histoire romaine riche à la fois de l’action du pouvoir romain et des interprétations spontanées ou sollicitées, selon les cas et dans des contextes mouvants, des populations locales qui ne se réduisaient pas aux élites dont la stabilité pose elle-même des problèmes encore à résoudre. GREG WOOLF, Becoming Roman. The origins of Provincial civilization in Gaul, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 Les travaux de G. Woolf échafaudent une lecture de l’histoire provinciale débarrassée d’une opposition sans objet entre Romain et indigène. Le choix d’un territoire limité, la Gaule, caractérisé par un passé celtique jugé déterminant, répond à une double visée : tester les concepts dans un cadre restreint et familier, déconstruire l’un des modèles apparemment les mieux assis car souvent utilisé pour mettre en valeur la romanisation dans le passé. Devenir Romain ne saurait ici se confondre avec ce que l’on a désigné habituellement par ce terme : en effet, l’auteur s’appuie sur l’idée que la romanisation de la Gaule est en réalité l’aboutissement d’un processus culturel complexe qui s’est traduit par l’émergence rapide d’une culture provinciale entièrement nouvelle, dans laquelle se combinaient des éléments du passé et les fruits d’une « révolution culturelle » née avec Auguste : autrement dit la diffusion d’une culture romaine elle-même en voie de constitution et née de la combinaison de cultures différentes (en particulier l’hellénisme). En Gaule, la période qui s’étend de César au règne d’Auguste (50-1 av. J.-C.) a coïncidé avec ces changements culturels à plusieurs niveaux : celui, d’une part, de la haute culture et, d’autre part, de la civilisation matérialisée par l’urbanisation, la consommation, l’hygiène, les goûts, les loisirs et les cultes. Le phénomène, loin de révéler des continuités, fut la traduction de l’arrivée au pouvoir de nouvelles couches dirigeantes locales qui, avec la domination politique, s’approprièrent les plus hauts standards de la culture du temps et imposèrent leur nouvelle vision du monde là où cela leur était indispensable. C’est ainsi que les dirigeants des cités des Gaules devinrent Romains, ce qui signifie que la participation active et soudaine à cette nouvelle culture identifiait les nouveaux Romains des provinces et les distinguait de ceux restés à l’écart. Les clivages opposaient non des Gaulois et des Romains, des indigènes et des conquérants, mais des Gaulois entre eux, tandis que la culture dominante intégrait indissolublement des ingrédients variés et sélectionnés sous l’influence du pouvoir romain lui-même : « On pouvait devenir Romain sous tant de formes variées que le devenir ne signifiait pas être assimilé à un idéal-type, mais plutôt acquérir une position dans une structure complexe de traits distinctifs par lesquels s’exprimait le pouvoir romain. » Le pouvoir religieux changea de mains et de forme. Aux druides succédèrent les notables locaux détenteurs des prêtrises, particulièrement de celles vouées au culte impérial. Cette « conversion » supposait l’accès à une nouvelle culture religieuse et allait de pair avec des syncrétismes liés aux ambiguïtés que recelaient inévitablement l’adaptation des modèles et la création de nouveaux rites, de nouvelles pratiques, de nouveaux cultes, dans le contexte de cette extraordinaire « révolution romaine ». L’essor de la production de céramique sigillée, importée au départ d’Italie, constitua un apport non négligeable de la Gaule aux cultures de l’Empire : signe de nouvelles habitudes de consommation, la production gallo-romaine donna naissance à la création de décors originaux, eux-mêmes véhicules d’idées nouvelles sur la nature, les mythes ou les divertissements. C’est dans le domaine du corps, 83 peu étudié jusqu’à présent, que G. Woolf analyse en détail les effets de la nouvelle culture. A un discours inédit sur la sexualité s’ajoutèrent la promotion de modèles capillaires nouveaux (suppression de la moustache, chevelure soigneusement peignée), allant de pair avec la diffusion d’objets de toilette, le soin vestimentaire, l’usage des thermes, bref les éléments d’un langage du corps qui n’avait d’ailleurs pas pour origine le centre romain mais l’Italie ou l’Orient grec. Sans doute, dans ces domaines, les provinces gallo-romaines n’ont-elles rien apporté d’original, mais Rome n’avait pas non plus innové en matière de bains. C’est de toute façon sur le plan religieux que les Gaules firent surtout preuve de créativité dans un contexte où le contrôle romain lui-même n’était pas contraignant au même degré selon le registre culturel concerné. G. Woolf s’intéresse à ce qu’il appelle le cultural change et met donc l’accent sur les manifestations provinciales d’un phénomène plus large qui affectait le centre au même moment. Si les modes de vie du Romain et du Provincial revêtirent, de fait, le même caractère de nouveauté, le mot acculturation ne lui semble pas plus pertinent, dans ces conditions, que celui de romanisation ; il fait par ailleurs l’économie de la continuité entre le passé pré-romain et le présent impérial, et l’idée d’une romanisation venue d’en haut ou librement adoptée lui paraît secondaire au regard des évolutions envisagées. Il examine surtout la signification de changements qui furent voulus par le conquérant et relayés par des provinciaux, lesquels intériorisèrent finalement le système culturel romain, soit un ensemble de comportements, goûts et sensibilités, pour asseoir et conserver leur pouvoir et leur supériorité tout en y intégrant des traits indigènes. Le lien entre culture et pouvoir ainsi mis en exergue apparaît comme central dans la construction d’un processus nouveau d’identification fondé sur l’acclimatation d’une culture elle-même hybride, celle de Rome. G. Woolf est conscient des limites d’une démarche qui doit encore faire ses preuves : non seulement l’idée de révolution culturelle augustéenne ne fait pas l’unanimité, mais ses origines historiographiques n’excluent pas qu’il s’agisse d’un instrument tactique plus que d’un modèle d’analyse totalement pertinent. Enfin, les débats en cours modifient peu à peu les notions d’histoire culturelle et même de culture. Le discours de G. Woolf est efficace et son titre exprime avec netteté l’enjeu : devenir Romain est, au fond, l’inverse de la romanisation, dans la mesure où les identités culturelles se construisent sur des bases qui ne sont que très partiellement déterminées par l’action de Rome. Une telle réflexion, qui participe de la recherche de nouveaux concepts, récuse le modèle des interactions entre conquérants et conquis. J. Webster est plus nuancée sur ce dernier point, qui propose de substituer à « romanisation » le mot de « créolisation ». Selon J. Webster, le concept de créolisation serait mieux adapté à la description des interactions culturelles et au dépassement d’une histoire bipolaire, confrontant Romains et indigènes. J. Webster constate ainsi que les modèles ne permettent pas une vue synthétique et équilibrée des processus de romanisation et voudrait promouvoir une démarche « dans laquelle la culture matérielle romanisée se prêtait à un usage double, à la fois pour créer de nouvelles identités et pour préserver les aspects essentiels des croyances et pratiques pré-romaines ». Un mot s’imposerait alors : créolisation, apparition de formations sociales mélangées issues des deux cultures. Le plus souvent, le processus rend compte non d’une mixité spontanée mais d’une adaptation accompagnée de résistances. C’est toutefois à partir du fait religieux que J. Webster cherche à construire un modèle. De fait, les Celtes de l’âge du Fer passent traditionnellement pour avoir répugné aux représentations anthropomorphiques des divinités. La conquête romaine introduisit, dit-on, des images humanisées des dieux, résultat d’un syncrétisme accueillant, intégrant ces divinités dans une cosmologie gréco-romaine. Cette vision apaisée n’explique rien, car ses promoteurs oublient le contexte colonial dans lequel s’est élaboré le processus. Considérer que l’iconographie religieuse romano-celtique n’est que l’expression d’une religion celtique habillée à la romaine revient à gommer la créolisation, pourtant décisive. Il ne s’agit pas de concurrence ni d’émulation mais bien de combinaison, de mixité entre des influences et des croyances variées, de types inédits sous la forme où on les connaît, ce que reflète les représentations d’Epona, la divinité cavalière, de Cernunnos, le dieu barbu aux bois de cerf, ou de Sucellus, vêtu du manteau et affublé du maillet, tout particulièrement. Le modèle suggère que le syncrétisme ainsi exprimé résultait d’une opposition entre les valeurs de l’élite indigène et les aspirations de la masse que ne pouvaient négliger les élites coloniales, puisqu’elles partageaient ces mêmes traditions. La religion mixte n’a donc pas représenté l’adoption de croyances et pratiques nouvelles, mais l’adaptation des cultes étrangers aux conditions locales, soit une iconographie mêlée, confectionnée à 84 partir d’éléments appartenant au modèle dominant (formellement romain) et à la « contre-culture » elle-même métissée (juxtaposition de symboles). Ce métissage paraît bien exprimer un cheminement spirituel complexe que la forme artistique suggère, sans apporter sur le fond la véritable explication. Au-delà des analyses antérieures effectuées en se réclamant de la romanisation ou de l’acculturation, J. Webster décrit les contacts culturels comme des séries d’actions et réactions voulues, négociées, que la culture matérielle révèle et invite à explorer. Conquise par César entre 58 et 50 avant J.-C, la Gaule est organisée par Auguste qui la divise administrativement en quatre provinces (la Narbonnaise, l'Aquitaine, la Lyonnaise (ou Celtique) et la Belgique) dans lesquelles il engage une politique d'urbanisation et la construction d'un réseau de voies romaines. Située à la croisée des grandes voies romaines, la cité de Lugdunum (Lyon) devient le grand centre politique, économique et religieux des Gaules. Au Ier siècle, l'assimilation de la Gaule fait de rapides progrès, et la vie économique connaît un grand développement, grâce à l'essor de l'agriculture et du commerce. Tout en conservant une partie de leurs us et coutumes, les Gaulois se laissent gagner par la civilisation romaine, ainsi qu'en témoignent de nombreux vestiges. Il s’agit de comprendre, à travers l'exemple de la Gaule, comment s'est effectué le processus de romanisation dans les régions conquises par Rome. La conquête de la Gaule a eu pour conséquence d'orienter la politique extérieure romaine vers l'intérieur du continent européen, alors qu'elle avait, jusqu'alors, privilégié les rives du bassin méditerranéen. Avec la conquête de la Germanie, sous le règne d'Auguste, la frontière romaine est portée jusqu'au Rhin. Au Ier siècle, l'empereur Claude conquiert, depuis la Gaule, la Bretagne (Angleterre). Plutôt que d'imposer leur domination par la présence d'une force militaire forcément mal acceptée, les Romains se sont employés à intégrer les populations conquises, notamment les Gaulois, dans leur civilisation. Ils ont doté la Gaule de tout un réseau de voies romaines afin de favoriser les échanges et de dynamiser l'activité agricole et artisanale de ces provinces, et par là même d'enrichir leurs habitants. Ils ont créé des villes sur le modèle des cités romaines et érigé des temples, des amphithéâtres, des thermes, afin d'amener les Gaulois à adopter progressivement le mode de vie romain. Ils ont fait entrer les notables gaulois au Sénat romain. Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : La romanisation de la Gaule, c'est-à-dire l’intégration des provinciaux au mode de vie de Rome, se fait par l’octroi de la citoyenneté romaine aux Gaulois, par la création de villes et par la diffusion du culte impérial après le règne d’Auguste (-27 ; -14). Elle entraîne l’adhésion spontanée et volontaire à la civilisation romaine des élites dans un 1er temps, puis d’une grande partie de la population, ainsi que la mise ne place d’une civilisation originale : la civilisation gallo-romaine. 1 - La romanisation par l'armée L’armée joua un rôle majeur dans l’urbanisation, inséparable elle-même d’un processus de développement économique et social. Son rôle s’est exercé en 3 phases : * dans les premiers temps après la conquête, la mission de l’armée fut de quadriller un territoire encore imparfaitement soumis et maîtrisé. Les troupes étaient fractionnées et cantonnées à proximité d’oppida et de bourgs indigènes pour lesquels elles constituaient immédiatement un important marché et un facteur de développement. Les soldats étaient en effet soldés, et même vraisemblablement avec du numéraire gaulois. Ils dépensaient une bonne part de cet argent sur place, ce qui stimulait le commerce et l’artisanat locaux. Apparaissaient également des postes fortifiés romains afin de surveiller et éventuellement d’administrer une région donnée. Le marché offert par ces postes attirait des groupes de marchands et d’artisans et donna naissance à une activité économique ainsi qu’à des agglomérations qui, assez rapidement, accueillirent également des éléments de population indigène locale. Lyon est à cet égard un cas exemplaire ; la création de la colonie a répondu à des exigences stratégiques et politiques, mais la ville ellemême s’est développée sans tarder pour devenir un centre économique de premier plan. Même chose avec l’Oppidum Ubiorum (Cologne). Si dans la croissance de ces 2 villes, les voies de communication, terrestres et fluviales, ont joué un rôle déterminant, c’est bien à la création de ces cités que les routes doivent leur développement, et non l’inverse. D’autres villes gallo-romaines de moindre Activités, consignes et productions des élèves : La citoyenneté : un privilège Dans l’Empire romain, les citoyens formaient une élite et une infime proportion de la population. Ils se distinguaient par leur tenue vestimentaire d’apparat – la toge (les chevaliers portaient sur cette toge une étroite bande pourpre et les sénateurs une large bande) – et se faisaient représenter dans cet habit. Les citoyens tiraient ce privilège de leur naissance (on était à Rome le fils de quelqu’un avant d’être un individu particulier), ou bien d’un acte juridique d’adoption par un notable dont ils prenaient une partie du nom ; le dernier cas possible d’accès à la citoyenneté est l’obtention du parrainage d’un grand personnage (gouverneur de province, voire quelquefois l’Empereur lui-même). Le droit romain fournissait aussi ce privilège aux vétérans des légions après la durée légale de leur service militaire (20 à 25 ans). Aux citoyens étaient réservées les charges de prêtres du culte impérial, et à leurs épouses une charge identique, celle de flaminique. Ils pouvaient, par les suffrages de leurs concitoyens, gravir les degrés du cursus honorum (la carrière publique) et accéder 85 importance doivent leur origine à une présence militaire précoce et prolongée au moment de l’occupation. * L’abandon fréquent de sites de hauteur (Gergovie remplacée par Augustonemetum) qui s’inséraient difficilement dans un réseau d’ensemble est à noter. Les routes ont donc conservé, voire renforcé des centres préexistants, lorsqu’ils se trouvaient sur leur passage, comme elles ont provoqué ou accéléré le déclin de certains autres qu’elles ne desservaient pas. * Enfin, le déplacement et l’installation de l’armée sur la frontière du Rhin a été un facteur décisif d’expansion des échanges et d’accroissement des richesses. Elle a permis à la partie orientale de la Belgique et plus encore aux Germanies, autour de centres tels que Reims, Metz, Trêves ou Cologne, de devenir aux 2ème et 3ème s. la région probablement la plus urbanisée et sûrement la plus romanisée de l’ensemble des Gaules, à l’exception de la Narbonnaise. Il s’agit d’abord d’un phénomène autoritaire et institutionnel. L’armée occupe le territoire. Il ne faut pas oublier que Rome a combattu huit ans contre les Gaulois avant de romaniser. Les vaincus subissent l’invasion des Romains comme un traumatisme. Donc, dans un premier temps, les gouverneurs doivent réduire des révoltes. Les Gaules sont sillonnées par des légions qui contrôlent la construction des voies romaines. Elles ont un but stratégique car elles doivent faciliter le déplacement des militaires, puis par la suite celui des fonctionnaires, comme ceux du courrier. L’armée est également agent de la romanisation car des Gaulois s’enrôlent et reviennent souvent plus riches. La présence de troupes autour des chantiers routiers attirent les marchands et les artisans ce qui a développé des cités, c’est ainsi que Bavai est créée. 2- La romanisation par l’administration et la citoyenneté La romanisation se fait également par l’administration. Les Gaules sont divisées en trois provinces (Belgique, Lyonnaise, Aquitaine) à cela va s’ajouter la Narbonnaise. Par la suite, les transformations seront limitées. Les gouverneurs et leur personnel sont en nombre restreint et ne peuvent pas couvrir tout le territoire, les élites locales prennent donc de fait, le relais entre la masse et le pouvoir local. • La citoyenneté romaine A Rome, la citoyenneté se définit comme un statut juridique supérieur qui comprend le droits publics (voter, être élu à Rome, participer à des sacerdoces…) et les droits privés (posséder, vendre, faire un testament…) • L’accès à la citoyenneté romaine La citoyenneté romaine est d’abord réservée à quelques privilégiés, mais son accès est ouvert. Pour les habitants de l’Empire romain, l’accession à la citoyenneté est un honneur. Elle est aussi une condition indispensable pour gravir les échelons de la société. Pour Rome, l’octroi de la citoyenneté est un moyen de s’assurer la fidélité des cités conquises et constitue le principal vecteur de la romanisation. La citoyenneté romaine est octroyée aux habitants de l’Empire en différentes étapes : en 48, elle est accordée aux 1ers magistrats gaulois par l’empereur Claude et en 212, aux hommes libres de l’Empire par l’édit de Caracalla (Claude et Caracalla étant tous 2 nés à Lyon). La mesure prise par Claude en 48 ouvre la vie à une romanisation totale. L'empereur Claude propose de faire entrer au Sénat romain les notables des Gaules. Le texte de son discours a été conservé en partie par les « tables claudiennes », gravées sur bronze et retrouvées a Lyon. Les Romains tiennent à intégrer les populations des régions conquises afin qu'elles s'assimilent à la population romaine et ne cherchent plus à se rebeller, mais, qu'au contraire, elles participent à l'enrichissement de l'Empire. L’édit de Caracalla achève le long processus ayant contribué à intégrer des cultures et des peuples différents dans l’Etat romain. Dans l’Empire romain, les citoyens formaient une élite et une infime proportion de la population. Ils se distinguaient par leur tenue vestimentaire d’apparat – la toge (les chevaliers portaient sur cette toge une étroite bande pourpre et les sénateurs une large bande) – et se faisaient représenter dans cet habit. Les citoyens tiraient ce privilège de leur naissance (on était à Rome le fils de quelqu’un avant d’être un individu particulier), ou bien d’un acte juridique d’adoption par un notable dont ils prenaient une partie du nom ; le dernier cas possible d’accès à la citoyenneté est l’obtention du parrainage d’un grand personnage (gouverneur de province, voire quelquefois l’Empereur lui-même). Le droit romain fournissait aussi ce privilège aux vétérans des légions après la durée légale de leur service militaire (20 à 25 ans). Aux citoyens étaient réservées les charges de prêtres du culte impérial, et à leurs épouses une charge identique, celle de flaminique. Ils pouvaient, par les aux charges de questeur, d’édile puis de duumvir de la cité. Ils étaient alors « revêtus dans leur cité de tous les honneurs », suivant l’expression consacrée. Ils pouvaient, à leur tour, faire l’objet de sollicitations pour devenir les « patrons » de corporations (de métiers) ou de cités moins avantagées. On les honorait d’inscriptions et de statues sur le forum ou dans d’autres espaces publics. On peut citer l’exemple de Mediolanum Santonum (Saintes) comme cité galloromaine au IIe siècle. Les Celtes avaient implanté une cité gauloise sur une hauteur de la rive gauche du fleuve Charente, au milieu de la plaine (d'où Mediolanum). Après la conquête (56 avant J.-C.), Auguste charge le gouverneur de la Gaule de fonder une cité nouvelle sur le territoire de la civitas Santonum (cité des Santons). Située sur l'axe qui relie Lyon à l'océan Atlantique, Mediolanum Santonum devient la première capitale de la province d'Aquitaine. La ville de Saintes a été construite selon un plan géométrique en damier, sur le modèle des villes et des camps militaires romains (cardo et decumanus). Au Ier siècle, plusieurs monuments de type romain y sont implantés : un temple dédié à Auguste, un arc de triomphe en l'honneur de Germanicus, des thermes et un amphithéâtre. Élevé sous le règne de l'empereur Claude, au milieu du Ier siècle, l'amphithéâtre de Saintes présente des dimensions moyennes, légèrement moindres que celles des arènes de Nîmes (dont la longueur est de 136 m. sur 100 m. de large). A Saintes, l'arène proprement dite mesure 64 mètres sur 39 mètres. L'amphithéâtre a été construit légèrement à l'extérieur de la ville, dans un vallon, afin de bénéficier d'une pente naturelle légèrement incurvée, pour installer les gradins. Lyon est un bon exemple de la romanisation de la Gaule. Elle est alors la capitale des 3 Gaules et une plaque tournante des échanges. Elle possède des monuments prestigieux comme un théâtre, un cirque et un temple. Les monuments présents dans toutes les villes : Forum : vaste place rectangulaire construite à l’intersection des deux axes principaux de la ville (cardo, nord-sud et decumanus, est ouest), qui constitue le centre de la vie municipale. Il a des fonctions politiques, économiques, et religieuses. Basilique : siège du tribunal, utilisée par les marchands (ce que vont reprendre les chrétiens). Les thermes qui occupent une part importante de la surface de la ville. Ce sont des lieux de sociabilité, de détente et de loisir. On y 86 suffrages de leurs concitoyens, gravir les degrés du cursus honorum (la carrière publique) et accéder aux charges de questeur, d’édile puis de duumvir de la cité. Ils étaient alors « revêtus dans leur cité de tous les honneurs », suivant l’expression consacrée. Ils pouvaient, à leur tour, faire l’objet de sollicitations pour devenir les « patrons » de corporations (de métiers) ou de cités moins avantagées. On les honorait d’inscriptions et de statues sur le forum ou dans d’autres espaces publics. 3- La romanisation par l’urbanisation La ville gallo-romaine, souvent ville nouvelle, n’a plus rien en commun avec les villes gauloises de l’indépendance. Par ses monuments, son administration, le mode de vie qu’elle propose, c’est là que s’est opérée la romanisation de la Gaule. Tout en douceur, sans qu’il fût besoin d’y implanter une armée d’occupation trop conséquente. Pour les Romains, l’urbanisation, la construction d’un réseau rayonnant de routes à partir de la capitale des Gaules, Lyon, l’établissement d’un cadastre sont autant de manières d’intégrer les populations de l’Empire romain. Résider en ville était la seule manière, pour les habitants de la Gaule, d’obtenir le parrainage des notables et ainsi, quelquefois, d’acquérir un statut social supérieur à l’intérieur de cette société gallo-romaine très hiérarchisée. La tête en était formée par les descendants des anciennes familles de l’aristocratie gauloise, les premiers à avoir pu profiter des largesses du conquérant. • La création et le développement des villes A partir de César, la Gaule est divisée en provinces administrées par les gouverneurs romains. La Narbonnaise devient une province sénatoriale car elle est soumise à l’autorité du Sénat. Les trois autres régions sont la Lyonnaise (ou Celtique), l’Aquitaine et la Belgique. Elles dépendent d’un gouverneur établi à Lyon. Rome favorise la création et le développement des villes. Pour des raisons stratégiques, elles ont été créées sur l’emplacement de cités gauloises existantes, on parle de proto urbanisation et à partir d’Auguste, elles possèdent des monuments à l’image de Rome la maison carrée de Nice). Chaque cité este administrée par des magistrats et un conseil municipal. La ville joue donc un rôle 1er dans la romanisation de la Gaule. La construction des monuments, l’organisation des fêtes reposent sur les dons des citoyens les plus riches. Grâce à ces dons, les citoyens deviennent des notables et ils ont une place de choix dans la cité. C’était le Sénat, à l’époque républicaine, puis l’empereur, après la fin de la République romaine, qui décidait de la fondation des colonies, dans un but stratégique et économique. Les Romains ont poursuivi systématiquement cette politique en Gaule, dans le but de fournir aux habitants un nouveau cadre urbain en rupture avec leur passé. Cette attitude est illustrée notamment par le cas d’Augustodunum (Autun), fondée par Auguste pour proposer aux Gaulois un cadre de vie éloigné de plusieurs dizaines de kilomètres du mont Beuvray (Bibracte, ancienne capitale des Éduens indépendants). Dans le concept de ville romaine, apparaît tout un processus de déstabilisation du peuple conquis. Les habitudes des Gaulois devaient être changées, et les Romains leur fournirent un modèle d’habitat éloigné de leurs anciennes coutumes : un plan urbain, un centre monumental, une muraille. Pour les inciter à adopter leur civilisation, ils offrirent à une portion de l’ancienne aristocratie gauloise, qui aurait dû tout perdre avec la conquête, le privilège de devenir les élites de cette romanisation. Cet épisode de romanisation massive, sur une courte durée, fut suivi d’une période plus longue de transformations culturelles douces. L’action impériale ne se manifesta plus que ponctuellement ; Claude donna le statut de colonies romaines à Trèves et Cologne qui existaient déjà, accorda son parrainage à Octodurus (Martigny dans le Valais) qui devint Forum Claudii Valensium, à Claudiomagus (Clion) ou à Axima (Aîmeen-Tarentaise). Puis, au Bas-Empire, Gratien fit de même à Cularo (Grenoble). César envoya en Gaule un délégué chargé spécialement d’installer des colonies en la personne de Tiberius Claudius Nero, le père du futur empereur Tibère. Par ailleurs, un certain nombre de communautés de Gaule Narbonnaise reçurent dans cette période le droit latin, un statut certes inférieur au droit romain, mais qui apportait cependant d’importants privilèges juridiques. Pline l’Ancien nous a laissé une liste de ces oppidas dont un certain nombre se virent même attribuer le titre de colonie latine : Toulouse, Nîmes, Avignon (Forum Voconii), Aix (Glanum = St Rémy de Provence), Carcassonne, Apt etc. Il s’agissait alors plutôt d’une promotion de centres préexistants, en reconnaissance peut-être à leur loyalisme durant la conquête de la Chevelue. Il dit encore de la Narbonnaise qu’elle était « plutôt l’Italie qu’une province » où l’urbanisation impériale se borna souvent à trouve les bibliothèques et les plus belles œuvres d’art. Ils sont alimentés en eau par des aqueducs. Un arc de triomphe : érigé en l’honneur des empereurs par la ville qui veut célébrer leurs actions militaires. Amphithéâtre : arène pour gladiateurs, combat avec les animaux. Les mieux conservés sont ceux de Nîmes et d’Arles. Cirque : course de chevaux. TROIS CAPITALES PROVINCIALES La Gaule est organisée en trois ensembles provinciaux (Narbonnaise ; Trois Gaules, à savoir Aquitaine, Lyonnaise, Belgique ; Germanies inférieure et supérieure). Narbonne, Lyon et Cologne en sont les capitales provinciales. À Lyon, par exemple, on trouve les bureaux du gouverneur et de son administration propre, de l’administration des douanes, des mines, de la Monnaie, des héritages et des successions, du recensement. On y trouve aussi la garnison de la seule cohorte urbaine de la Gaule. Peu de détails devaient la différencier de ses deux consœurs, hormis peut-être des valeurs honorifiques. C’est également dans ces trois villes que l’on trouvait le siège du culte fédéral de Rome et d’Auguste, son temple et les bureaux de son administration propre, avec son juge chargé des litiges et le trésor du sanctuaire. À ce lieu sont liées des fêtes annuelles auxquelles assistaient tous les délégués des cités de la Province, c’est-àdire tous les notables de la Gaule. VILLES ET CITÉS À l’intérieur des provinces, les « villes » sont les capitales ou chefs-lieux des « cités » de la Gaule, c’est-à-dire des circonscriptions territoriales comprenant ville et territoire rural pour chacun des peuples du pays. En aucun endroit, les autres agglomérations, sauf peut-être certains sanctuaires ou villes thermales, n’ont réussi à concurrencer en importance ces villes gallo-romaines, les seules dotées d’une administration municipale. Dès l’époque d’Auguste, les statuts juridiques des cités ont été unifiés en trois groupes : – les habitants des cités pérégrines paient l’impôt foncier et la capitation (impôt sur la tête, taxant tous les individus adultes). Un homme libre d’une cité pérégrine ne peut pas faire directement du commerce, ne peut pas plaider en justice, et n’a pas le droit d’épouser une femme de droit supérieur au sien (c’est le même cas pour une femme pérégrine) ; – les hommes libres des cités de droit latin ont les mêmes droits civils que les citoyens romains : droit d’ester en justice, de faire commerce, d’hériter, et de conclure un mariage avec quelqu’un qui serait 87 prendre en compte et à renforcer des réalités plus anciennes et déjà profondément marquées par la romanisation. En dehors de Lyon, Augst et Nyon, dont le rôle était d’ailleurs de protéger la Narbonnaise et la route de l’Italie, la colonisation sous César et Auguste concerna donc essentiellement le Midi. Ensuite, les fondations coloniales se firent plus rares et touchèrent la bordure orientale de la Gaule et surtout les Germanies : Cologne et Trêve sous Claude, Avenches et Spire sous les Flaviens, Xanten et Nimègue sous Trajan. Au total, la colonisation a été en Gaule un phénomène avant tout méridional et oriental, qui a profité à des régions déjà bien engagées dans le processus d’urbanisation et de romanisation ou à celles dans lesquelles les armées introduisaient une présence romaine plus forte et plus constante. Il vaut parler de la répugnance aussi des vétérans à s’installer sous des climats par trop différents de celui de l’Italie ou le souci de ne pas provoquer le mécontentement des Gaulois par les confiscations de terres liées à toute déduction. Certains propriétaires spoliés furent indemnisés par Auguste. A défaut de déduction, il était toujours possible d’attribuer à une agglomération un titre colonial honoraire. Mais fallait-il qu’il existât des agglomérations jugées dignes de recevoir une telle distinction ! Tout se passe en effet comme si Rome avait répugné à installer des colonies dans des régions dépourvues de tradition urbaine et de présence militaire, et préféré mettre en œuvre d’autres formes de développement de la vie urbaine, plus adaptées selon elle aux réalités indigènes. C’est dans cette perspective que Rome introduisit un changement significatif dans l’organisation traditionnelle des structures politico-territoriales gauloises, consistant à mettre en place des cadres inspirés de la cité-Etat : des « municipalisations ». Chaque civitates reçut une capitale : Augusta Treverorum (Trêves), Augusta Suessionum (Soissons), Augustamagus (Senlis), Augustoritum (Limoges), Juliomagus (Angers), Caesarodunum (Tours), etc. Il faut noter qu’ainsi, malgré ses efforts, Rome ne put venir à bout des habitudes centrifuges des Gaulois et les communautés qui vivaient dans les civitates continuèrent à jouir d’une grande autonomie de fait. Il n’en reste pas moins que les nouvelles capitales devinrent rapidement des centres importants. C’était là que résidaient, pendant une bonne partie de l’année, les personnalités les plus importantes des civitas, là que s’arrêtait le gouverneur lors d’une tournée, et que se tenait l’essentiel de la vie politique de la cité ainsi que les cérémonies locales du culte impérial. Beaucoup de ces villes reçurent une parure monumentale sur le modèle romain, financée par des fonds publics ou privés. La « municipalisation » était aussi une monumentalisation, et il était nécessaire d’inscrire dans la pierre, au centre des nouvelles capitales, les transformations qu’avaient connues les Gaules : Saintes avec son arc de triomphe de l’époque tibèrienne, et Autun avec son enceinte datant d’Auguste… Les communautés de la Gaule connaissaient une grande variété de statuts qui témoignait de l’inégalité juridique de leurs rapports avec Rome tout en favorisant une intégration progressive aux structures impériales. Les cités fédérées (Eduens, Lingons, Rèmes, Carnutes, Helvètes, Voconces et Marseille) bénéficiaient d’une fiction juridique selon laquelle elles auraient conclu avec Rome un traité postulant leur indépendance et les plaçant en position d’alliées. Les cités libres (Nerviens, Trévires, Suessions, Silvanectes, Meldes, Leuques, Bituriges, Arvernes, Ségusiaves, Santons, Bituriges, Vivisques) bénéficiaient elles aussi de ces privilèges mais sans que ceux-ci soient garantis par un traité. Les cités stipendiaires (les plus nombreuses) étaient réputées vaincues et soumises à Rome. Elles devaient verser le tribut. Le droit latin ne bénéficiait pas seulement aux élites locales mais apportait aussi des avantages à tous les citoyens de la cité concernée. Ils pouvaient jouir des mêmes droits civils que les citoyens romains, qui leur permettait d’épouser un citoyen (ou citoyenne) et de transmettre ainsi la citoyenneté romaine à leurs enfants. On comprend à quel point les promotions juridiques ont pu être recherchées par les habitants de provinces ! Ce droit romain constituait en quelque sorte une situation intermédiaire avant d’accéder au droit romain sans que cela soit pourtant automatique. Les institutions gauloises étaient composées d’une assemblée de citoyens (rôle consultatif), d’un sénat ou ordre de décurions et de magistrats recrutés sur la base de critères de moralité et de fortune (au seuil minimal du cens, la richesse foncière = 10 000 sesterces). Cette garantie de fortune était justifiée, par le fait que les décurions étaient collectivement responsables, sur leurs biens propres, des impôts dus à Rome par la cité. D’autre part, l’obtention d’un « honneur » municipal (décurionat, magistrature ou prêtrise) impliquait pour son titulaire une dépense tarifée destinée à l’organisation des jeux ou le versement à la cité d’une somme citoyen romain. Mais ils n’ont pas les droits politiques. Seules les élites des cités accèdent à la citoyenneté romaine, pour eux et leur famille ; – certaines villes sont devenues des colonies de droit romain, soit par installation de vétérans, soit par élévation de leur statut. Les hommes libres sont à la fois citoyens de leur cité et citoyens de Rome, pouvant élire ou être élus aux magistratures qui composent le cursus honorum. Le droit romain est assorti d’importants privilèges fiscaux (puisqu’il exempte d’impôt direct). L’ADMINISTRATION URBAINE Dans toutes les villes, l’administration est identique : le collège des décurions avait la responsabilité des affaires publiques. On n’en connaît pas le nombre exact pour chacune des villes, mais, à Trèves, ils étaient plus de 113. Ils forment le corps des « notables » avec tout ce qu’ils entraînent à leur suite comme clients et comme activités. C’est ce collège qui élit les magistrats annuels : les duumvirs (successeurs du vergobret, magistrat civil suprême gaulois qui détenait le pouvoir exécutif), et au-dessous, deux édiles, deux questeurs. Chaque cité a aussi ses prêtres, augures, pontifes. LE NOM DES VILLES Pour bien marquer la rupture avec la période de l’indépendance, les conquérants ont systématiquement changé les noms des villes de Gaule. Certaines colonies de droit romain ont reçu un nom nouveau (17 sur 62), formé sur les noms des fondateurs : Orange était ainsi la Colonia Firma Julia Secundanorum Arausio, fondée par César pour les vétérans de la deuxième légion. Plusieurs ont un nom mixte, comme Augustodunum (Autun, fondé sur le nom de l’empereur Auguste et le nom gaulois de la colline, -dunum). D’autres sont tout simplement qualifiées de villes neuves (Noviodunum). Enfin, la grande majorité, bien que fondations nouvelles, reçoit des noms d’origine gauloise, ainsi Mediolanum Santonum, Saintes, Forum Segusiavorum, Feurs, Lugdunum, Lyon, ou Lugdunum Batavorum, Leyde, « colline des corbeaux » ou « colline de la lumière ». Durant le Bas-Empire, quelques agglomérations changèrent de statut juridique du fait de leur activité administrative et économique (douane), comme c’est le cas pour le vicus de Cularo qui devint Gratianopolis (la ville de l’empereur Gratien, Grenoble). Certaines villes ont changé de nom au profit de celui du peuple dont elles étaient les capitales, ainsi de Lutèce et des Parisii. CINQ VILLES S’IMPOSENT Le statut des cités n’a pas de rapport avec 88 équivalente proportionnelle au prestige et à l’importance de la cité qui pouvait atteindre plusieurs milliers de sesterces. Selon l’usage romain, les magistratures municipales devinrent collégiales et annuelles selon une hiérarchie à 2 degrés : * au niveau inférieur, les questeurs et les édiles étaient en charge des domaines techniques (finances, travaux publics, voirie, construction et entretien des bâtiments publics, égouts, alimentation en eau, approvisionnement, marchés, jeux etc.) * au niveau supérieur, 2 magistrats, les duumvirs La ville était donc au cœur du processus de romanisation mais Rome s’adapta aux caractères originaux des structures proto-urbaines de la Gaule celtique. C’est ainsi qu’elle se montra peu soucieuse d’implanter systématiquement des colonies et choisit au contraire de créer un réseau de centres politiques et administratifs sur la base préexistante des civitates gauloises avec leur terroir atomisé en pagi et parsemé de vici. Ainsi elle provoqua l’émergence d’un tissu urbain plus rationnel et plus hiérarchisé, intégré au réseau routier et aux grands axes de communication de l’Empire. L’urbanisation, fut progressive et inégale et demeurèrent une empreinte et une personnalité profondément rurales dans les provinces gauloises. • La mise en place d’un réseau de communication C’était aussi l’occasion, pour le conquérant, de réorganiser le réseau urbain en fonction du réseau routier et des sites de carrefours comme Lugdunum (Lyon), Lutèce (Paris), Cenabum (Orléans), Caesarodunum (Tours)... Les romains bâtissent des routes et des ponts pour faciliter le déplacement des armées et animer la vie économique. Le réseau est dense en Narbonnaise à cause de l’ancienneté de la conquête et autour de Lyon, mais il est moins dense en Bretagne. Tous les miles, on place une borne routière de 2 m de haut, des gîtes étapes sont installés pour la poste impériale. L’élément essentiel de la romanisation reste la ville, mais y a-t-il eu un plan d’urbanisation de la Gaule ? Il est certain que les hautes autorités romaines ont choisi avec soin les sites à développer et les privilèges à octroyer. Les fondations coloniales ont pour but le contrôle d’un point stratégique. Elles s’accompagnent de déductions, c'est-à-dire de l’installation de citoyens romains, souvent des vétérans sur des terres confisquées. Elles se divisent en colonies honoraires et colonies romaines, comme Arles ou Narbonne. Ces installations développent des oppida préexistants en Narbonnaise, dans le sud et l’est, mais peu dans l’ouest et le nord, car les vétérans préfèrent un climat identique au leur et ne veulent pas mécontenter les Gaulois en confiscant trop de terres. Il s’agit ensuite pour Rome de faire ressembler les civitates gauloises à une cité-Etat où un centre urbain dirige une zone rurale. Les civitates sont des territoires vastes avec des centres d’habitats agglomérés. Les Romains auraient créé une soixantaine de civitates avec une capitale, souvent patronnée par un empereur, comme Augustomagus, Senlis et Caesarodunum, Tours. Ces capitales, même si elles n’arrivent pas à diriger tout le territoire deviennent des centres importants où s’arrêtent les gouverneurs et les personnalités. Cette municipalisation s’accompagne d’une monumentalisation sur le modèle de Rome. La variété des statuts des cités n’est que lentement et incomplètement diminuée. Un certain nombre de villes gallo-romaines reçut, principalement à l’époque augustéenne et conjointement, sans doute, à l’octroi de privilèges juridiques, le droit de construire une enceinte. C’était souvent un cadeau impérial qui récompensait le bon comportement des habitants de cette cité face au conquérant, qui savait alors s’en souvenir. Pour les stratèges, ces enceintes sont indéfendables, à moins de disposer d’une armée innombrable, alors que les villes n’avaient pas, sauf Lyon, de garnison urbaine (la 13e cohorte, chargée principalement de garder l’atelier monétaire). Elles semblent avoir été construites principalement dans le but de frapper l’imaginaire des ruraux : elles soulignent la différence entre les deux mondes, rural et urbain, le second étant celui que cautionnaient les conquérants, car l’on sait que les campagnes formèrent longtemps des foyers de conservatisme gaulois. Certaines villes, pourtant de dignité comparable, n’ont pas, dans l’état actuel des recherches, bénéficié de ce privilège (Lugdunum). La limite entre la ville et ses faubourgs est alors à rechercher là où commencent les zones des nécropoles : un interdit, remontant à la « Loi des XII tables » de Rome, empêchait d’enterrer ou d’incinérer les morts dans le pomœrium – enceinte sacrée. L’enceinte augustéenne avait pour but de regrouper, à l’intérieur d’un périmètre sacré, les fonctions urbaines. Le voyageur découvrait cette richesse en passant, notamment en Gaule Narbonnaise, sous les arcs de triomphe érigés en l’honneur des empereurs par la collectivité qui voulait célébrer ses actions militaires (Orange, Carpentras, Glanum, etc.) et dont les reliefs formaient l’un des atouts de la propagande impériale. Bien la taille et le nombre de monuments (la parure monumentale). Si l’on choisit de classer les villes suivant un ensemble de critères tels que leur parure monumentale, leur extension en superficie, le nombre et l’importance des portes, des arcs de triomphe, des thermes, l’existence d’aqueducs, l’organisation administrative, le nombre d’inscriptions découvertes, on note la prééminence de cinq d’entre elles (Lyon, Nîmes, Narbonne, Trèves, Vienne) très loin devant le très important groupe des autres. 89 que l’on ne dispose pas de certitudes, il est vraisemblable que, dans quelques cas, l’enceinte se limitait à ces arcs, portes symboliques des villes dont le franchissement était comme une action purificatrice. La ville est donc l’élément central de la romanisation car pour Rome, il est impossible d’intégrer un territoire qui ne lui ressemble pas. Rome amène donc une cohérence à l’ « urbanisation » préexistante en Gaule. Il existe des limites. La Gaule est une vitrine urbaine de la romanisation, les élites locales ont fait beaucoup, des éléments indigènes traditionnels persistent, les territoires se développent grâce à leurs propres richesses. Si les Gaulois ne remettent pas en cause l’Empire, les Romains gardent une crainte vis-à-vis des Gaulois qu’ils jugent inférieurs aux peuples d’Espagne et d’Afrique. La « terror gallicus » a la vie dure. Donc, la Gaule appartient bien à l’Empire romain, mais n’a jamais été en conformité complète avec les valeurs et les signes de la civilisation romaine. Ce qui est l’originalité du modèle gaulois. La ville a donc joué un rôle de premier plan dans la romanisation de la Gaule. Et, comme le dit Paul-Marie Duval, dans La Vie quotidienne en Gaule pendant la Paix romaine : « Les Gaulois s’étaient vite adaptés aux progrès de la vie urbaine, ils l’ont pratiquée avec enthousiasme. La ville est alors devenue ce qu’elle est restée depuis : le véritable foyer de la civilisation occidentale. » 4- La romanisation par le culte impérial Les dieux indigènes des celtes vont être absorbés par les dieux gréco-romains et les Romains vont apporter le culte impérial qui n’existait pas chez les celtes. Le culte impérial est organisé par des collèges de prêtres. Tous les ans, une assemblée a lieu à Lyon et elle réunit les Gaulois et les Romains dans une même ferveur religieuse. Les Romains apportent également aux Gaulois les temples, monument religieux par excellence, qui permet d’enfermer l’exercice de la religion dans un édifice sacré (Maison carré de Nîmes ou l’arc de triomphe d’Orange). Ce culte permet de mesurer la loyauté et l’unité des habitants de l’Empire. Conçu comme l’un des ciments de l’Empire, le culte impérial a bénéficié, dès l’origine, de la construction de monuments prestigieux situés dans les centres urbains, près du forum. L’empereur Auguste et son gendre Agrippa ont voulu, pour l’Empire qu’ils venaient de fonder, un ciment plus fort que la simple force de l’armée romaine. Pour remplacer les vieux cultes de Jupiter, Junon et Minerve dans les villes nouvellement fondées, les Romains ont ainsi inventé le culte de Rome et d’Auguste. On conserve des temples consacrés à ce culte une bonne image dans les deux exemples encore intacts en Gaule, la Maison carrée de Nîmes et le temple d’Auguste et de Livie à Vienne, ainsi que dans les nombreuses autres villes où, bien que détruits, ils ont été découverts par les archéologues (Lyon, Orange, Arles, Avenches). Toutes les villes et tous les camps romains honoraient ensemble la déesse Rome, le premier empereur fondateur de l’Empire et l’empereur régnant. Parallèlement à ce culte « municipal », les trois capitales provinciales (Narbonne, Lyon, Cologne) s’ornaient d’un sanctuaire fédéral. Même s’il reste méconnu à Narbonne et Cologne, il peut être bien expliqué par l’exemple lyonnais. Face à la colonie, sur la pente de la Croix-Rousse, dans un territoire appartenant en commun aux soixante cités de la Gaule, son emplacement a été bien localisé, notamment par les restes de l’amphithéâtre offert par le premier prêtre gallo-romain élu à cette dignité et par la découverte de documents concernant ses « archives », comme la Table claudienne, même si l’autel lui-même reste encore introuvable. En ces lieux, tous les ans à la même époque, une fête réunissait les délégués des cités, dans le but de renouer les liens de fidélité à l’Empire, de verser le tribut dû par les Gaules et de régler avec le magistrat romain les affaires en souffrance. Afin de donner au nouveau régime une manifestation religieuse qui soit susceptible de renforcer d’adhésion au prince, Auguste mit en place un culte public, dédié au numen de l’empereur. La diffusion de ce culte dans les provinces permettait à celui-ci d’y établir une sorte de présence et de recevoir de cette manière les témoignages de loyalisme de ses sujets. Dans les provinces gauloises qui ne furent plus visitées par les empereurs régnants qu’exceptionnellement, le culte impérial eut une importance essentielle. Mis en place par Drusus, le beau-fils d’Auguste, celui-ci transmit alors aux délégués des 3 Provinces réunis pour l’occasion le vœu de l’empereur de voir chaque année leur assemblée se réunir à cette date pour célébrer le culte de « Rome et Auguste ». C’est donc à la fondation du culte impérial que le Conseil des Gaules (Concilium Galliarum) doit son origine, et les 2 institutions furent de ce fait, étroitement liées. Les cérémonies du culte avaient lieu chaque année au début du mois d’août, dans le cadre d’un vaste sanctuaire qui 90 disposait d’un véritable district fédéral placé au lieu-dit Condate, sur les pentes du confluent Saône-Rhône, à l’emplacement du site actuel de la Croix-Rousse. On y accédait par une double rampe qui menait à un amphithéâtre, où se tenaient les réunions de l’assemblée et les jeux qui l’accompagnaient, et à l’autel des 3 Gaules proprement dit. C’était un monument de grande taille, entouré de 2 colonnes surmontées de victoires porteuses de couronnes. D’après Strabon, l’autel portait une inscription énumérant les 60 cités gauloises, qui étaient représentées aussi par des statues. C’était donc ce vaste complexe public et religieux, qui comprenait également des jardins, des thermes et des bâtiments de réception, qui accueillait chaque année les délégués des 3 Gaules venus célébrer le culte de l’empereur. C’étaient des notables de haut rang, choisis parmi les membres les plus influents et les plus expérimentés des assemblées municipales. Le Conseil des Gaules avait pour mission de désigner parmi ses membres le sacerdos Romae Ausgusti, qui devenait pour un an le « prêtre de Rome et d’Auguste » pour les 3 Provinces et qui en présidait le Conseil. Cette fonction prestigieuse comportait de lourdes charges, à commencer par le financement des jeux qui avaient lieu au moment de la célébration du culte et de la réunion du Conseil. Cela nous amène à dire un mot sur le rôle politique de cette assemblée qui pouvait le cas échéant, émettre un avis sur la gestion des gouverneurs ou des procurateurs de province. Le ton demeurait mesuré et les liens étroits qui existaient souvent entre les grands notables et l’administration provinciale limitaient la portée de plaintes éventuelles. Ainsi, le culte impérial servit de modèle aux provinces limitrophes et d’autres autels furent érigés un peu partout. Il faut souligner un visage particulier de la romanisation religieuse qui est la lutte contre les Druides. Ceux-ci furent soupçonnés d’avoir joué un rôle important dans les révoltes du 21 et de 68-70, mais d’une manière générale, c’était autant la puissance de leur cure sacerdotale que le caractère sauvage de leurs rites que la puissance romaine souhaitait supprimer. Auguste puis Tibère prirent un certain nombre de mesures, parmi lesquelles l’interdiction des sacrifices humains, et défendirent aux citoyens romains de participer à des cérémonies rituelles. Claude ensuite parvint à réduire le druidisme à la clandestinité et par la conquête de la Bretagne le priva d’un précieux refuge. 5- La civilisation gallo-romaine Au IIème siècle, la Gaule romaine connaît une période paix et de prospérité, la pax romana. Ainsi naît une nouvelle civilisation : la civilisation gallo-romaine. Cette expression montre la spécificité de la romanisation de la Gaule par rapport aux autres pays conquis par Rome : les Romains empruntent aux Gaulois leurs inventions dans l’artisanat et dans l’agriculture et les Gaulois adoptent le mode de vie que leur proposent les Romains, la langue, l’administration des villes. 6- Les limites de la romanisation La romanisation a touché plus les villes que les campagnes et plus le sud et l’est de la Gaule. Elle a concerné essentiellement certains secteurs comme l’armée, où l’on utilise le latin, l’administration… Les populations des campagnes ont conservé plus longtemps leurs coutumes celtiques, notamment dans le domaine religieux. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Une nouvelle culture romaine s’est ouverte aux Gaulois. Mais sa découverte et son acquisition n’ont pas été égales pour tous. L’ancienne aristocratie gauloise, les détenteurs des charges administratives, les habitants des villes s’y plongèrent littéralement. Les paysans, en revanche, n’en virent longtemps que des effets très lointains. Il serait faux d’affirmer que les Gaulois ont tout appris des Romains. Mais on aurait pareillement tort de minimiser les enseignements de ces derniers. Les Celtes de Gaule ont changé leurs manières de vivre, peu à peu, mais irrémédiablement. La population a largement découvert quelque chose qu’elle ignorait pratiquement, le loisir. Ce dernier a ouvert pour tous des perspectives insoupçonnées : l’accès - passif ou actif - à des expressions artistiques (nouvelles), la course aux honneurs et à une véritable carrière politique, la participation aux affaires religieuses, la consommation sous des formes proches de la nôtre. Contrairement à l’idée reçue, ces apprentissages n’ont pas été subits ni brutaux : engagés bien avant la conquête militaire, ils durent s’exercer pendant des décennies pour produire une nouvelle forme de civilisation Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 91 HA – L'empire romain et les chrétiens Approche scientifique Approche didactique Définition du sujet (termes et concepts liés, temps court et temps long, Insertion dans les programmes (avant, après) : amplitude spatiale) : Le contexte spatial, politique et religieux est connu Rappeler que la première persécution concerne…Jésus. des élèves qui ont travaillé sur le judaïsme et sur Il est essentiel de faire comprendre pourquoi les Romains, d'ordinaire l’Empire romain : cet arrière-plan doit être ici tolérants envers les autres religions, ne le sont pas envers le christianisme, réinvesti. ce qui entraîne les persécutions. Le pouvoir romain au Ier s. est confronté à la percée des religions orientales mais aussi à la montée de l’indifférence en matière religieuse alors qu'il cherche à développer le culte impérial. Traditionnellement ouvert aux religions étrangères, il perçoit d'abord les chrétiens, dont les communautés s'implantent en Asie Mineure, en Grèce et en Italie, comme des Juifs et tolère leur monothéisme. En 64, néanmoins, Rome déclenche contre les chrétiens une première vague de persécutions. Pendant près de trois siècles les chrétiens vivent sous la menace de persécutions sporadiques ou générales. A la fin du IVe s. cependant, le christianisme triomphe et les cultes païens sont interdits. Pourquoi l'Empire romain, après avoir persécuté les chrétiens, est-il devenu chrétien ? Pour répondre à cette question, il importe d'étudier l’évolution de son attitude, prudente et épisodiquement persécutrice jusqu'au milieu du IIIe s., systématiquement hostile aux chrétiens jusqu'au début du IVe s., tolérante enfin et convaincue au point de faire du christianisme la religion de l'Empire. Sources et muséographie : C’est à partir de la deuxième moitié du IIe siècle et aux siècles suivants que sont rédigés les apologies, les hagiographies et les martyrologues, en attendant l’âge d’or de la littérature chrétienne au IVe siècle avec les Pères de l’Eglise et les histoires ecclésiastiques. La première de ces histoires, celle d’Eusèbe de Césarée, rédigée vers de 312, est pour nous une source majeure sur cette époque. Pourtant ce sont des sources qu’il faut réinterpréter à la lumière des intentions des auteurs, les buts apologétiques étant toujours primordiaux. De même les sources païennes sont tournées vers la polémique. L’archéologie n’est pas probante avant les IIIe et IVe siècles : auparavant les lieux de réunion sont des maisons privées et la présence chrétienne ne modifie en rien l’aspect du paysage urbain. Les documents iconographiques strictement contemporains (Ier-IVe siècles) sont rares. Le christianisme s’est lentement séparé du judaïsme, qui ne peut pas représenter Dieu. L’art chrétien apparaît tardivement et fut d’abord un art funéraire, un art des catacombes et des nécropoles. En ce qui concerne les persécutions, l’historiographie chrétienne s’appuyant sur les hagiographies élaborées à partir du IIe siècle n’a cessé de dénoncer l’intolérance de Rome. Les historiens modernes s’efforcent depuis quelque temps de retourner ce schéma du persécuté et du persécuteur pour essayer de comprendre le point de vue des autorités romaines et de définir le délit religieux dans l’Etat romain. Ouvrages généraux : Paul VEYNE, Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Paris, Albin Michel, 2007, 319 pages. Le christianisme, des origines à Constantin, Simon Claude Mimouni, Pierre Maraval, Collection "Nouvelle Clio", PUF, 2006, 680 pages Le christianisme, de Constantin à la conquête arabe (IVe siècle-milieu du VIIe siècle), Pierre Maraval, Collection "Nouvelle Clio", PUF, 2005, 544 pages Charles PERROT, Jésus et l'histoire, Desclée de Brouwers, 1993 (la référence sur la question historique à propos de Jésus et du judéo-christianisme des premiers temps) BASLEZ M.-F., Les Premiers Temps de l’Église, Gallimard, coll. « Folio Histoire », Paris, 2004. J. Daniélou, L’Église des premiers temps, des origines à la fin du IIIe siècle, Le Seuil, coll. « Points Histoire », Paris, 1985. M. MESLIN, Le Christianisme dans l'Empire romain, 1970. Claude LEPELLEY, L'Empire romain et le christianisme, coll. « Questions d'histoire », Flammarion, 1969. (par le directeur, avec Jean Delumeau, de la collection "Nouvelle Clio", fondée par Robert Boutruche et Paul Lemerle). J.-M. Mayeur, Ch. et L. Pietri, A. Vauchez, M. Venard, dir., Histoire du christianisme, Desclée, Paris, t. 1 et 2, 1995. A. Hamman, Les Premiers Chrétiens (95-197), Hachette, coll. « La vie quotidienne », Paris, 1992. MATTEI P., le Christianisme antique (Ier - Ve siècles), Paris, Ellipses, 2003. M. Simon et A. Benoit, Le judaïsme et le christianisme antique d’Antiochus Epiphane à Constantin, PUF, coll. « Nouvelle Clio », Paris, 1994. P.-M. Beaude, Premiers chrétiens, premiers martyrs, Gallimard, coll. « Découvertes », Paris, 1993. A. Grabar, Le premier art chrétien (200-395), Gallimard, coll. « L’univers des formes », Paris, 1966. P. Prigent, L’art des premiers chrétiens : l’héritage culturel et la foi nouvelle, Desclée de Brouwer, Paris, 1995. J. Guyon (sous la dir. de), D’un monde à l’autre. Naissance d’une Chrétienté en Provence. 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SARTRE M., AZIZA C., MESLIN M., SAFFREY H.-D., GAUTHIER N., CHAUVIN P., « le Mystère Jésus », in L'Histoire (dossier), n°227, décembre 1998. P. Chuvin, « Le Christ règne en Méditerranée », L’Histoire, n° 157, juillet-août 1992. M.-F. Baslez, « Les voyages de saint Paul », L’Histoire, n°26, 1980. Le Monde de la Bible, Querelles sur la divinité de Jésus, IVe-Ve s, 2002 Carte murale : les voyages de Paul, La Palestine, Jérusalem, Rome, Constantinople sur une carte du monde romain au IVe siècle Enjeux didactiques (repères, notions et méthodes) : Enjeux scientifiques (épistémologie, historiographie et renouvellement Partie du BO supprimée dans les correspondances des savoirs, concepts, problématique) : avec le socle commun : « On présente Jésus dans son La question de la « naissance et diffusion du christianisme » a été milieu historique et spirituel, et les Évangiles comme renouvelée et médiatisée avec le débat sur la laïcité et la demande d’un la source essentielle des croyances chrétiennes. » enseignement sur les religions. Cette évocation est à resituer dans le Volonté donc de se concentrer sur « le fait religieux contexte actuel : d’une part, laïcisation croissante des sociétés fondamental qu’est la naissance du christianisme ». occidentales, d’autre part, regain des communautarismes et tensions Idem dans les futurs programmes où le repère géopolitiques autour du fait religieux. L’évocation des progrès du christianisme et de ses relations avec l’Empire « début de l’ère chrétienne (vie de Jésus) » a été remplacé par « vers 30 La mort de Jésus » ; ont été romain offre l’occasion d’aborder la question des rapports entre religion rajoutées : « Ier siècle Écriture des Évangiles, Début et État, ainsi que celle de la place des minorités. Ces aspects mettent en du christianisme » et « 313 Édit de Milan » (« IVe évidence la dimension civique de certains thèmes abordés à travers cette siècle ap. J.C. - conversion de Constantin a été étude. supprimé) Attention aux raccourcis simplistes. En caricaturant à peine, Jésus « Les professeurs d’histoire ne font, sur ce sujet, ni un répand la Bonne nouvelle », puis ses disciples, et surtout Paul, « cours de théologie ni de l’exégèse mais un cours continuent de répandre son message » jusqu’au « triomphe » final au d’histoire de l’Antiquité. L’histoire des religions est moment de la reconnaissance comme religion officielle dans l’Empire. Il une véritable éducation à la tolérance, un des n’y a donc pas de trace des dissensions internes sur la conversion et le respect de la Torah entre hellénistes et judéo-chrétiens, ni de la victoire du objectifs fondamentaux de l’école. Connaître les croyances, les pratiques, les rites et les fêtes du courant paulinien au IIe siècle. Aucun élément ne permet d’affirmer que christianisme (comme du judaïsme et de l’islam) Jésus avait pour ambition de fonder une religion. Le programme de permet à l’élève de mieux comprendre l’autre et de seconde (2002) ne mentionne pas le nom de Jésus, ni dans le libellé du mieux l’accepter. Le phénomène religieux occupe chapitre sur le christianisme, ni dans le commentaire de ce dernier. Par une place centrale dans l’histoire des civilisations. Sa contre - fait significatif - celui-ci contient le nom de Paul de Tarse. Après connaissance est indispensable pour comprendre le des siècles d’historiographie chrétienne où la vie de Jésus a été présentée passé et le présent, visiter un musée, comprendre la comme une rupture majeure dans l’histoire de l’humanité, plusieurs littérature, écouter une Passion de Bach ou un décennies de travaux laïques ont, au contraire, montré que les débuts du christianisme sont surtout le fruit d’une évolution locale, celle de l’attente Requiem de Mozart. La méthode et la démarche historiques sont les mêmes que pour toutes les autres messianique du peuple juif, et d’une autre plus générale au monde romain, celle de la pénétration des cultes monothéistes d’origine orientale périodes. Les textes religieux (Bible, Évangiles, Dix Commandements, etc.) sont aussi des documents : Isis, culte solaire et surtout Mithra dont on a retrouvé un grand nombre historiques, au même titre que les écrits de Tacite ou de sanctuaires jusqu’en Gaule. En fait, tout l’environnement philosophique – issu de la Grèce Classique – et spirituel du monde romain la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. tend vers le culte d’un dieu unique. Avec ou sans Jésus, l’empire romain Dans les démarches pédagogiques sur le n’était-il pas en voie de « monothéisation » ? Dans cette approche christianisme, le « Christ » n’apparaît pas avant la contextualiste de la question, le personnage central des débuts du deuxième ou troisième heure de cours sur ce christianisme est moins Jésus que Paul, car ce dernier, par ses chapitre, et ce n’est pas la vie de Jésus qui nous correspondances, fixe le dogme et définit les stratégies de diffusion de la intéresse, celle-ci a finalement peu d’intérêt en tant nouvelle religion dans l’Empire, dans un environnement particulièrement que telle, mais la façon dont les Evangiles la relatent, difficile. Un problème se pose à partir de la conversion de non-Juifs : dans le contexte bien spécifique de ce faut-il exiger des nouveaux convertis qu'ils adoptent la circoncision et les paléochristianisme du 1er siècle. Comme tout texte interdits alimentaires, ou, tenant compte de leur origine, leur demander narratif ou qui se prétend comme tel, les Evangiles simplement un engagement ? Ces débats agitent de façon récurrente la nous renseignent davantage sur les préoccupations première génération des apôtres. Paul prône plutôt la seconde voie mais des évangélistes que sur les événements qu’ils sa position est loin d'être acceptée par tous. D’autre part, la datation de déclarent relater. Ce n’est donc pas « l’individu Jésus ces « Epîtres » (autour de l’an 50) montre qu’elles sont antérieures à la » mais « le personnage Christ » qui est à la fois rédaction des Evangiles (seconde moitié du 1er siècle) et qu’elles les ont support et vecteur de la foi chrétienne, ce n’est pas la très probablement influencées. L’apôtre Paul (qui n’avait pas connu Jésus), au Ier siècle après J.-C., est donc l’artisan privilégié de la diffusion vie du premier mais l’histoire du second qu’il convient d’étudier, d’où la nécessité pédagogique de du message chrétien dans l’est du Bassin méditerranéen. « Apôtre des bien « présenter » les Evangiles : le contexte de Gentils », il est à la tête de l’effort missionnaire chrétien et entreprend rédaction, les opinions et intentions des auteurs. l’évangélisation du monde païen, après s’être d’abord appuyé sur les 93 communautés juives de la Diaspora. La tradition hagiographique connaît cinq apôtres missionnaires, Pierre, Paul, Thomas, André et Jean. Les missions de Paul au Ier siècle sont les mieux connues grâce aux épîtres et aux Actes. Il ne faut cependant pas prendre tous ces récits des voyages de Paul au pied de la lettre. Outre que l’harmonisation de ces récits avec les épîtres est loin d’être évidente, la durée nécessaire des déplacements est peu conciliable avec les parcours décrits. Luc fait monter Paul de Jérusalem à Rome, la capitale du monde païen et centre de l’oikoumène, en passant par Antioche, l’Asie Mineure et la Grèce. Il s’agit bien d’un voyage symbolique, celui du passage de l’évangile des Juifs aux Gentils, mettant en évidence l’aveuglement des Juifs et l’accueil des païens. Les notations historiques et géographiques sont subordonnées à ce projet théologique. Les persécutions des autorités romaines et les divisions internes de l’Église ne suffisent pas à freiner les progrès rapides du christianisme, qui se dote progressivement d’une organisation, de textes, et dont le dogme est définitivement fixé lors du Concile de Nicée (325). Plan, entrées originales (événements, acteurs, lieux, œuvres d’art), supports documentaires et productions graphiques : Lorsqu’on analyse la diffusion du christianisme, on montre comment le christianisme s’est séparé du judaïsme et s’est affirmé dans l’Empire romain, au point d’en devenir la religion officielle. Seul ce second aspect est traité ici. I. Persécution et diffusion limitée (Ie - début du IVe s) Paul (Saul, de son nom hébraïque) est un juif de la Diaspora appartenant à la secte des Pharisiens. Citoyen romain de langue grecque, né à Tarse en Cilicie (v. 5-15 ap. J.-C.), ce juif rigoriste emploie le début de sa vie à lutter avec zèle contre les impies de son peuple et mène notamment des persécutions violentes contre les chrétiens. Il aurait alors eu une vision de Jésus alors qu’il était sur le chemin de Damas (vers 33 ?), et se convertit alors au christianisme. Il met ses talents de prédicateur au service du message chrétien. À partir de 45, Paul entreprend une série de trois voyages missionnaires qui se succèdent sur une vingtaine d’années et le conduisent à Chypre, en Asie mineure (Galatie, Pamphylie, Phrygie, Cilicie), en Syrie (Antioche a été le point de départ de ses voyages), en Macédoine et en Grèce. Il ne limite pas sa prédication aux seuls juifs : il convertit aussi de nombreux païens et contribue à la création de nouvelles communautés chrétiennes dans tout l’Orient méditerranéen. Arrêté à Jérusalem, il est emprisonné à Césarée durant deux ans, avant d’être transféré à Rome pour être jugé par l’empereur. Il y est condamné et décapité (« privilège » réservé aux citoyens romains), sans doute sous le règne de Néron (v. 64). L’évangélisation du monde païen, après avoir suscité des débats au sein de la jeune Église, marque une nouvelle étape de l’expansion du christianisme, dont les progrès rapides inquiètent les autorités romaines. C’est à partir du IIe siècle que le christianisme se définit comme religion autonome hors du judaïsme et à visée universelle, et au IIIe siècle qu’il émerge de façon massive dans l’Empire. Les auteurs chrétiens ne sont dorénavant plus des juifs, mais des païens convertis qui écrivent et raisonnent dans le monde gréco-romain. Les apologistes du IIe siècle (Justin, Tatien, Théophile d’Antioche) tentent de faire découvrir le christianisme dans le cadre mental qui est le leur et polémiquent avec les païens avec les mêmes outils qu’eux, ceux de la rhétorique. Ils définissent la place du christianisme dans l’Empire : la « troisième nation » qui doit transcender les autres dans l’universel tout en restituant les points de contact et les filiations avec les païens et leur histoire. De la même façon, du côté des païens, le christianisme est dorénavant identifié hors du judaïsme. Les premiers auteurs (Tacite, Pline) étaient attentifs aux troubles que provoquaient les chrétiens puis à la fin du IIe siècle la polémique est passée au plan philosophique. Ce qui choque dans le christianisme chez ces intellectuels païens (Lucien, Celse connu par le Contre Celse d’Origène, Marc-Aurèle) c’est son monothéisme offensif et exclusiviste, une sorte d’impérialisme religieux, alors que le monothéisme juif était national et circonscrit à un peuple et que son ancienneté le Activités, consignes et productions des élèves : BO actuel : « Des cartes permettent de montrer la diffusion du christianisme qui, d’abord persécuté, devient la religion officielle de l’Empire romain. On peut s’appuyer sur les premiers monuments chrétiens (catacombes, basilique). » BO 2nde : « L’étude de la diffusion du christianisme, religion à vocation universelle, pose les problèmes essentiels des relations de l'Église et du pouvoir : comment une religion, dont les adeptes ont été parfois persécutés, devient une religion tolérée, puis la religion d'État de l'Empire. Entrées possibles : l'expansion du christianisme à travers les voyages de Paul de Tarse, etc. ». BO futur programme : « Les chrétiens sont abordés dans le cadre de l’empire romain, au moment où les textes auxquels ils se réfèrent (lettres de Paul, Évangiles) sont mis par écrit. L’étude commence par la contextualisation des débuts du christianisme qui, issu du judaïsme, se développe dans le monde grec et romain. Les sources romaines permettent de situer l’apparition des chrétiens. Les relations du christianisme et de l’empire romain sont expliquées : persécution et diffusion limitée (IIe - début du IVe s), mise en place d’un christianisme impérial à la faveur de l’arrivée de Constantin au pouvoir (IVe s), organisation de l’Église (IVe – Ve s). L’étude est fondée sur des extraits de textes, le récit d’un épisode des persécutions, la présentation du rôle de Constantin ou d’un exemple d’art paléochrétien au choix du professeur. Raconter et expliquer un épisode de la christianisation de l’empire romain. Décrire une basilique chrétienne. » À travers l’étude des premiers monuments chrétiens, on peut retracer l’histoire du christianisme aux premiers siècles, de la clandestinité à la reconnaissance officielle, et mettre en évidence des rites qui ont traversé les siècles. Les vestiges à présenter proviennent de différentes régions autour de la Méditerranée : il est intéressant de le faire relever aux élèves car cela atteste la diffusion du christianisme dans l’Empire romain. Ces documents peuvent d’autre part faire l’objet d’un travail complémentaire portant sur les symboles chrétiens (le poisson, la croix, la colombe…) 94 rendait licite. Pour les autorités, les chrétiens dérangent car ils bousculent l’ordre établi des cultes, culte impérial et culte civique et les refusent, dans des sociétés qui ne considéraient aucun culte incompatible avec les autres a priori. Le judaïsme monothéiste est considéré comme religion licite au titre de religion nationale alors que le christianisme est déclaré illicite en tant qu’expression d’une secte intolérante. Les premières persécutions ont pour but le maintien de l’ordre en punissant les fauteurs de troubles (par exemple les émeutes provoquées par Paul à Ephèse). Puis le christianisme devenu identifié, il devient persécuté en tant que tel malgré les démonstrations de loyalisme politique de la plupart des chrétiens. Il est d’abord condamné sur ses pratiques comme l’avaient été les associations dionysiaques par le senatus-consulte de 186 av. J.-C. lors du scandale des Bacchanales ; assimilé à une association de malfaiteurs, il se voit reprocher ses réunions secrètes et nocturnes, des détournements de fonds et des captations d’héritages et même l’anthropophagie. En bref on reproche surtout aux chrétiens, après leur manque de tolérance, leur manque de transparence. Face aux accusations dont sont l’objet les chrétiens dans l’Empire romain du IIe siècle, les ouvrages de défense du christianisme, appelés « apologies », se développent. Les plus connues sont celles de Justin (au milieu du IIe siècle) et de Tertullien (155-v. 225). Ce dernier, écrivain converti au christianisme, est le plus éloquent des apologistes. Dans son Apologétique (composé en 197) il veut disculper, aux yeux des autorités, les chrétiens des crimes dont on les accuse, en montrant en particulier qu'ils ne sont pas de mauvais citoyens, qu'ils remplissent leurs devoirs civiques et sont de bons sujets de l'empereur. Le traité Sur la couronne (décoration militaire romaine) parle particulièrement des problèmes qui se posent aux soldats : un soldat chrétien peut-il prêter serment de fidélité à l’empereur ? La réponse est négative, ce qui montre une évolution de la pensée de Tertullien par rapport à l'Apologétique. Dans un de ces ouvrages, l’auteur, sans doute un chrétien d’Alexandrie, répond aux questions sur le christianisme qui lui sont posées par le païen Diognète (peut-être un personnage fictif). Les chrétiens se différencient peu des autres habitants de l’Empire, qui connaissent mal leurs pratiques, ce qui explique les calomnies et les attaques dont les chrétiens sont victimes. Ils sont accusés d’être de mauvais citoyens parce qu’ils ne participent pas au culte impérial, de pratiquer l’inceste lors de leur repas parce qu’ils s’appellent « frères », d’être anthropophages parce qu’ils mangent la chair et boivent le sang. Le chrétien d’Alexandrie, ville qui possède une forte communauté chrétienne et juive, constate que « leur genre de vie n’a rien de singulier ». Pourtant il s’étonne que les juifs leur fassent la guerre et que les Grecs les persécutent. Selon l’enseignement de Jésus, les chrétiens aiment tous les hommes. Ils se présentent ici comme des hommes assez extraordinaires, répondant au mal par le bien, comme « l’âme du monde ». La persécution de 64 est une conséquence de l’incendie de Rome dont Néron attribue la responsabilité aux chrétiens. L’empereur fou leur fait subir le châtiment des incendiaires (cf la BD Murena et L'Histoire « Voyage dans la Rome de Néron » - Claude Aziza, 05/0007 | n°321) . Tacite présente le christianisme comme une « détestable superstition » venue de Judée à Rome où elle a trouvé une « nombreuse clientèle ». La persécution de Néron ne semble pas avoir été au-delà de Rome. Les deux premiers siècles n’ont pas connu de persécution générale. Les persécutions du IIe s. : 112 (Bythinie) et 177-180 (Gaule, Afrique et Asie Mineure). Souvent inspirées parla pression populaire, hésitantes (Pline interroge Trajan sur l'attitude à adopter), elles frappent sporadiquement des chrétiens considérés comme inciviques et étrangers à la communauté. Pline, gouverneur de Bithynie en Asie Mineure, doit juger des chrétiens qui ont été dénoncés. Il fait une enquête rigoureuse et condamne certains accusés à mort. Mais surpris par la quantité d’adeptes de cette religion – nombreux en Asie Mineure –, il écrit à l’empereur Trajan pour lui envoyer les résultats de son enquête et lui demander la conduite à tenir. Les chrétiens vivent paisiblement sous les Antonins au IIe siècle. Cependant la menace de la persécution est toujours présente puisqu’il Rappel : M .Sartre, Jésus a-t-il existé ? dans la revue L’Histoire n° 227 décembre 1998 Croyants ou non-croyants posent invariablement la même question à l’historien : Jésus a-t-il existé ? L’historien n’affirme rien sans preuve, mais il sait que les documents peuvent l’abuser et que ce qu’ils disent peut n’être que partiellement vrai. La première difficulté à résoudre est donc celle de sources ; suffisent-elles à démontrer l’existence de Jésus ? On dispose d’abord de trois grands ensembles de textes écrits par des fidèles de Jésus, non de son vivant, mais au plus tôt une vingtaine d’années après sa mort. 1. Les quatre Evangiles demeurent la source la plus consistante. Celui de Marc (qui écrit pour les judéochrétiens romanisés et montre un Jésus humain, tactile, qui relève) est reconnu comme le plus ancien bien qu’il ne remonte pas au-delà de 65/70. Luc et Matthieu sont un peu plus tardifs (vers 80/85). Luc écrit dans un grec littéraire pour des groupes éduqués de juifs hellénisés ou des Grecs judaïsés et présente Jésus comme un exorciste dont la puissance vient de la seule parole. Matthieu est celui qui connaît le mieux la Torah et est le seul qui écrit dans une perspective ecclésiologique où Jésus prend sur lui nos maladies… L’Evangile de Jean est le plus récent : il a été écrit vers 95. 2. Les Actes des Apôtres, 75-85, comptent peu d’éléments biographiques 3. Les Lettres de Paul enfin, rédigées entre 50 et 64 ne donnent que de très rares indications à caractère biographique. En dehors de ces textes issus des milieux chrétiens, on possède encore le témoignage d’un général juif rallié à Rome, Flavius Josèphe (v. 37-100 ap. J.-C.), et trois allusions d’auteurs païens du II° siècle. 1. Suétone (La Vie de l’empereur Claude (41-54)) signale que les Juifs de Rome furent expulsés par Claude en 41-42 ou en 49, parce qu’ils s’agitaient à l’instigation d’un certain « Chrestos » 2. Tacite (Annales, XV, 44) rapporte la persécution par Néron, en 64, des chrétiens de Rome et rappelle que les chrétiens tiennent leur nom d’un certain « Chrestos » qui fut livré au supplice par Pontius Pilatus 3. Pline le Jeune en 111-113, décrit les progrès du christianisme dans sa province dans une lettre de Pline le Jeune à l’empereur Trajan (v. 111-113). Aucun des trois ne témoigne de l’existence de Jésus, mais ils attestent que des individus se réclamaient de lui, et ceci à Rome dès les années 40. La rareté des sources romaines concernant Jésus révèle le peu d’impact qu’eut sa prédication en son temps. Si Ponce Pilate le fait exécuter, c’est surtout pour calmer le désordre que le Christ a provoqué à Jérusalem. Cf aussi l’exécution de Jean-Baptiste. Confronter deux textes 1. Présentez conjointement les deux textes. Les deux textes de Celse et de Théophile d’Antioche traitent tous deux de la place et de l’attitude des chrétiens au sein de l’empire romain. Celse, philosophe païen du IIe siècle, dresse, dans cet extrait tiré de son Discours vrai contre les chrétiens, 95 suffit d’une dénonciation. Les chrétiens dénoncés qui refusaient d’abjurer étaient condamnés à mort. Dans ses interrogatoires, Pline, qui n’estime pas les chrétiens et ne les connaît pas, juge leurs pratiques religieuses irréprochables mais il trouve inadmissible leur refus d’accomplir le sacrifice en faveur de l’empereur. C’est, selon lui, une attitude subversive. La réponse de Trajan est déconcertante. Il ne faut pas les rechercher systématiquement, mais il faut condamner ceux qui persistent à dire qu’ils sont chrétiens et qui ne sacrifient pas en l’honneur des dieux de l’Empire. Mais « on ne peut pas instituer une règle générale»; ce n’est pas une persécution générale. Il faut agir au cas par cas. Justin s’adresse aux non chrétiens, auxquels il entend expliquer les pratiques du christianisme. Il s’adresse plus particulièrement, dans ses Apologies, à l’empereur Antonin le Pieux. Justin décrit les chrétiens comme respectueux de l’autorité impériale et souligne qu’ils se soumettent aux impôts exigés par l’empereur. Cependant, il explique que les chrétiens ne peuvent adorer « que Dieu seul ». Un des principaux reproches formulés par les autorités romaines contre les chrétiens concernait leur refus de pratiquer le culte impérial. En refusant de reconnaître l’empereur comme une divinité (au rôle d’intermédiaire entre ses sujets et les dieux), ils risquaient donc d’irriter les dieux, d’attirer le malheur sur l’Empire et semblaient remettre en cause le pouvoir impérial et donc, par-delà, la cohésion de l’Empire. On l’a dit, les persécutions s’amplifient avec l’accusation de lèse-majesté ce qui inclut les menaces sur la sécurité de l’Etat ; le refus de rendre un culte à l’image impériale relève de ce crime. Mais il ne faut pas non plus exagérer leur ampleur. Là encore la tradition martyrologique en donne une vision déformée. Par exemple, les persécutions de Néron et de Domitien se limitèrent à Rome tandis qu’au même moment en Orient le christianisme ne fut nullement inquiété et prospéra ; ce sont les apologistes du IIe siècle qui ont assimilé persécution et tyrannie en s’inspirant de l’historiographie sénatoriale. Il ne faut pas non plus exagérer la cruauté des persécutions : les empereurs et les gouverneurs provinciaux disposaient de toute façon des condamnés pour les jeux de l’amphithéâtre. Le but était le spectacle, bien entendu, mais aussi l’exemplarité pour le public. En fait c’est seulement à certaines périodes du IIIe siècle que la persécution a été systématique et à grande échelle alors que l’Empire traverse une crise profonde et manque de disparaître. Fin IIe s. jusqu'en 249 : méfiance (Septime Sévère interdit en 202 les conversions au judaïsme et au christianisme), méconnaissance (la police les assimile à la pègre) et modération (certains chrétiens accèdent au pouvoir). Le pouvoir romain a tardé à distinguer les chrétiens des Juifs et n'a pas promulgué de lois antichrétiennes. Les persécutions sont le plus souvent déclenchées par la population, méfiante à l'égard d’un groupe dont elle ignore la foi. La cruauté dans les martyrologues est d’abord un témoignage de la foi. Dans La passion des saintes Perpétue et Félicité par exemple, le martyr et l’agonie d’un groupe de chrétiens vers 203 en Afrique est décrit avec beaucoup de détails d’une grande cruauté. Mais c’est un texte eschatologique : dans un rêve, la sainte voit son combat contre le diable et Jésus qui l’attend au ciel avec les élus. Le christianisme répond aux inquiétudes de son époque Le IIIe siècle est à la fois le siècle des plus fortes persécutions et celui de l’essor définitif du christianisme devenant une religion de masse. A partir du règne de Marc-Aurèle et jusqu’à celui de Dioclétien, l’Empire subit des crises très fortes : guerres et invasions constantes, peste, instabilité du pouvoir avec des périodes d’anarchie, appauvrissement général et crise économique, dépérissement de la civilisation urbaine et ruralisation. Dans ce siècle de crise, les populations connaissent de nouvelles inquiétudes. De nouvelles formes de religiosité touchent tous les milieux. En ces temps de guerres, de troubles et d’oppression sociale, les masses se réfugient dans l’eschatologie. Le syncrétisme peut être sommaire et irréfléchi et exprime une religiosité multiforme. Celui des élites et des philosophes tend au monothéisme sous des formes qui vont de la simple juxtaposition de tous les aspects du dieu suprême à la hiérarchisation de ses forces. Le syncrétisme de l’époque sévérienne est le fruit d’un esprit un véritable réquisitoire contre les premiers chrétiens. Théophile d’Antioche, évêque de la jeune Église chrétienne et païen converti, fait lui l’apologie du christianisme dans cet extrait de ses Livres à Autolycus. Sans doute contemporains, les deux hommes ont vécu au IIe siècle, période marquée, dans l’Empire romain, par de régulières persécutions à l’égard des chrétiens. 2. Quelle est l’opinion de chacun des auteurs sur le christianisme et le but de chacun de ces textes ? Celse est violemment hostile au christianisme, qu’il considère comme une menace pour la cohésion de l’empire romain, alors que Théophile d’Antioche, évêque chrétien, prend la défense de sa religion face aux attaques dont elle l’objet. 3. Comparez un à un les arguments des deux auteurs pour défendre leur point de vue sur les chrétiens. Le vocabulaire utilisé dans chacun des deux textes est révélateur des conceptions antagonistes des deux auteurs. Celse parle des Chrétiens comme d’une « race nouvelle d’hommes (…) universellement notés d’infamie », « se faisant gloire de l’exécration commune ». Il les qualifie « d’engeance ». Théophile d’Antioche, lui, associe au christianisme les valeurs de « tempérance », de « maîtrise de soi », de « fidélité », de « pureté » ou encore de « sagesse ». À travers les deux textes, plusieurs types de reproches formulés contre les Chrétiens apparaissent : – leur refus de pratiquer le culte impérial (docs 1 et 2) ; – leur refus de rendre hommage aux dieux romains ; – leur vie à l’écart de la société romaine (refus de prendre part aux « devoirs civils et au service militaire » et aux « fonctions publiques », ou encore aux cérémonies romaines) (doc 1) ; – leur pratique de l’anthropophagie et de « promiscuités impies » (doc 2). Théophile d’Antioche confirme et justifie le refus des chrétiens de se soumettre au culte impérial, tout en soulignant que le christianisme ne remet pas pour autant en cause l’obéissance à l’empereur, et qu’il ne menace donc pas la cohésion de l’Empire. Il rejette par contre sans ambiguïté les accusations concernant la pratique de l’anthropophagie ou de rites d’union sexuelle : les valeurs d’amour et de « tempérance » prônées par le Christ vont selon lui à l’encontre de toute pratique de ce genre et il ravale ces accusations au rang de simples rumeurs calomnieuses. Enfin, de façon implicite, en insistant sur le caractère pacifique du dogme chrétien, il rejette a possibilité de toute action hostile du christianisme à l’encontre de l’Empire romain. Celse, de son côté, considère qu’en ne se pliant pas aux devoirs imposés par l’empereur, en refusant le culte impérial ou en vivant à l’écart du reste de la société, les chrétiens sont une menace pour la cohésion de l’Empire et qu’ils peuvent provoquer sa ruine. 4. Quel est le bilan des connaissances que vous avez acquises grâce à ces textes sur la vie des chrétiens dans l’Empire romain au IIe siècle ? Les chrétiens refusent de prendre part au culte impérial et aux cérémonies religieuses païennes. S’ils obéissent à l’empereur et le respectent, ils refusent de s’acquitter de certaines obligations (ex. 96 de cosmopolitisme, un triomphe des religions orientales et des cultes à mystères qui visent à comparer et confondre les dieux. L’Empereur Alexandre Sévère avait regroupé sur son oratoire Apollonios, le Christ, Abraham, Orphée et Alexandre le Grand (Histoire Auguste, Alexandre Sévère, 28-30). Puis il tend vers le monothéisme à la fin du siècle avec l’idée de l’unité d’un Être infini et transcendant. Dans ce cadre, l’empereur Valérien essaie d’imposer le culte du Sol Invictus. Ces tendances unitaristes s’accompagnent d’une recherche du salut individuel ; les cultes à mystères (Isis, Mithra, Cybèle…) connaissent alors un succès grandissant. À la fin du IIIe siècle, l’école philosophique néo-platonicienne fait la synthèse païenne de cette théologie qui vise la quête du divin et de l’éternité et le besoin de transcendance. Ses auteurs (Plotin, Porphyre, Jamblique) dotent les païens d’un système théologique unitaire pour combattre le christianisme sur ses propres positions. Vers 270 Porphyre rédige Contre les chrétiens où il tente de démontrer leur imposture. Dans ce texte dont il ne reste que des fragments, il s’y montre grand connaisseur de l’Ecriture, ce qui prouve que les textes chrétiens étaient dorénavant répandus dans tous les milieux lettrés. L’autre réfutation célèbre envers les chrétiens est celle de Hiéroclès (Le discours vrai) qui dénonce l’exclusivisme du christianisme et défend la tendance syncrétiste païenne ; Jésus doit être vu comme un thaumaturge à l’égal d’Apollonios, et l’auteur ne nie pas ses miracles mais sa divinité. La critique du christianisme n’est donc plus celle du IIe siècle qui voyait dans les chrétiens des ignares. Le christianisme de son côté se sent assez fort pour refuser le compromis qui proposerait de ne voir dans son dieu qu’une émanation du dieu suprême. Parallèlement à ces spéculations théologiques, la production littéraire reprend les mêmes thèmes : la Vie d’Apollonios de Tyane de Philostrate de Lemnos, une hagiographie moralisante sur un pythagoricien du Ie siècle, les Oracles chaldéens ou l’Hermès Trismégiste qui font la part belle au syncrétisme et au merveilleux nous renseignent sur cet idéal de vie ascétique. Cette époque de croyances retrouvées est aussi celle de l’astrologie, des sciences occultes, des miracles et de la fin du positivisme autant chez les païens que chez les chrétiens qui croient à la présence et à l’influence d’un monde invisible. De même, dans tous les milieux, cette présence quotidienne de l’occultisme qui marque la religiosité de l’époque s’accompagne d’une morale sexuelle renforcée liée à une mise en valeur de la conjugalité et de la virginité. Dorénavant ce qui fait débat entre les païens et les chrétiens c’est la vérité de leur choix et non leurs conceptions du monde qui convergent. Cette seconde spiritualité de l’Antiquité réunit toute la société dans la croyance dans le salut par un dieu ou une divinité uniques ou unifiantes. Durant le IIIe siècle, poussé par cette seconde spiritualité, le christianisme devient un acteur essentiel de la vie de l’Empire. En tant qu’organisation de masse, la seule — les cultes orientaux n’ayant jamais eu cette ambition — il se structure en Eglise, ce qui implique une structure matérielle et un appareil doctrinal. Il touche tous les milieux, toutes les classes sociales, toutes les professions. Sa hiérarchie se constitue et sa structure temporelle accumule un patrimoine et des bâtiments propres qui deviennent visibles et identifiables. Les rites se précisent et l’Eglise doit définir les points de la doctrine qui font débat sous la pression des hérésies lors de conciles et de synodes. Au IIIe siècle et au début du IVe siècle : le montanisme qui refuse l’alimentation carnée et le mariage, le donatisme qui refuse l’indulgence aux clercs qui ont apostasié lors des persécutions, le manichéisme qui explique que le monde est régi par les principes du bien et du mal, le gnosticisme qui nie l’existence matérielle de Jésus et dévalue le monde matériel créé par un Dieu mauvais. Et encore le docétisme, l’encratisme, le sabellianisme qui annoncent les grandes hérésies trinitaires et christologiques des IVe siècle-Ve siècles. La littérature chrétienne intègre la culture gréco-romaine en continuant d’approfondir les outils de la rhétorique et de la philosophie ; Origène et Clément d’Alexandrie utilisent les réflexions du platonisme. L’universalisme chrétien a intégré celui de la paideia. Lorsqu’Eusèbe de Césarée rédige vers 300 sa Chronique universelle, il tente de démontrer l’antériorité de devoir militaire) et de se joindre à de nombreux moments de la vie romaine (jeux du cirque…) au nom de leur dogme. Vivant ainsi à l’écart des moeurs régnantes de la société romaine, il attirent sur eux la méfiance et suscitent des rumeurs multiples, qui les accusent notamment de pratiquer l’anthropophagie et d’avoir des moeurs dépravées. Ils font l’objet de persécutions violentes menées par les autorités romaines. Certains auteurs chrétiens tentent, sans succès, de mettre un frein à ces persécutions en faisant dans leurs textes l’Apologie de leur dogme. 5. Pourquoi les chrétiens représentent-ils une menace, aux yeux de certains Romains, pour l’ordre intérieur de l’Empire ? Les communautés chrétiennes du IIe siècle s’attirent la méfiance des autorités romaines et d’une partie du peuple en refusant de prendre part aux rituels et pratiques qui garantissent la cohésion de l’Empire romain. Les cimetières chrétiens sont apparus au cours du IIe siècle. En raison du nombre croissant de chrétiens et de la pratique de l’inhumation, on creuse des sépultures souterraines constituées de galeries de plusieurs kilomètres sur plusieurs étages bordées de niches, parfois richement décorées, où reposent les défunts et qui aboutissent à des chambres funéraires. C’est ce qu’on appelle des « catacombes », du nom de celle qui était encore seule visible au Moyen Âge, la catacombe de Saint-Sébastien, au lieu dit ad catacumbas, « près de la combe ». Les catacombes de Calixte à Rome s’étendent sur dix kilomètres et sur quatre étages. Les catacombes apparaissent à Rome à la fin du IIe siècle et au IIIe siècle. Ce nouveau mode funéraire touche à la fois les païens, les juifs et les chrétiens pour diverses raisons y compris pratiques (le manque de place). Il est parfois difficile de distinguer les sépultures chrétiennes des sépultures païennes d’autant plus que les répertoires iconographiques sont proches et s’influencent mutuellement. Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, en aucun cas les catacombes ne furent des lieux de culte ni des lieux de réunion clandestins pour les chrétiens persécutés ; elles furent seulement des lieux de sépulture où les proches du défunt se réunissaient lors des funérailles (ou lors de l’anniversaire de sa mort) pour lui rendre hommage. Aux IVe et Ve siècles le culte des martyrs entraîne l’extension de ces lieux de sépulture, un nombre grandissant de chrétiens désirant se faire enterrer à proximité des corps saints. Le changement des pratiques funéraires à la fin du Ve siècle entraînera leur abandon progressif. Avant le IVe siècle et la « Paix de l’Église », les chrétiens se réunissent pour célébrer leur culte dans des maisons privées, et n’ont donc aucun lieu de culte spécifique. Ces catacombes sont donc parmi les rares lieux où ont pu être retrouvés des témoignages artistiques chrétiens antérieurs aux édits de Constantin. Seuls les chrétiens les plus fortunés avaient les moyens de faire décorer leur sépulture. On trouve dans ces catacombes des peintures murales portant sur des thèmes religieux et, plus tardivement, des sarcophages sculptés de motifs chrétiens. Les scènes 97 Moïse sur les sagesses païennes. Il reprend aussi, en les assumant, les curiosités de l’historiographie païenne y compris l’evhémérisme, dans le souci d’éclairer le passé de l’humanité tout entière. Les mythes païens eux-mêmes sont mis au service du message évangélique , et l’art chrétien emprunte aux répertoires iconographiques de la mythologie et réinterprète les figures du paganisme avant d’inventer progressivement sa propre iconographie. Ce ne sont en aucun cas les persécutions qui empêchent un nombre de plus en plus grand d’adeptes de se convertir. Au contraire, le christianisme a su les intégrer et les sublimer par le culte des martyrs (martyria = témoignage). Rares en réalité, elles ne sont systématiques qu’à la fin du IIIe siècle sous la poussée d’un sursaut national à l’heure des périls. Les difficultés auxquelles est confronté l'Empire et son évolution autoritaire sont à l'origine de persécutions plus systématiques. C'est pour des raisons politiques, parce que leur religion fait d'eux une menace pour la cohésion de l’Empire que les chrétiens sont persécutés De 249 à 313 l’Empire procède à des persécutions systématiques et plus rapprochées : - Les persécutions de Déce (249-251) : elles répondent au souci d'assurer l’unanimité nationale face à la menace des invasions barbares en imposant un sacrifice aux dieux protecteurs de Rome (acte de loyalisme et de piété). Les autorités obligent tous les habitants de l’Empire à sacrifier aux dieux et délivrent des certificats de sacrifices. - Les persécutions sanglantes de Valérien (257-260) interdisent le culte chrétien et obligent à sacrifier aux dieux traditionnels. Elles répondent à la nécessité de faire front face à des difficultés multiples : anarchie militaire, crise économique, épidémies. - La persécution de Dioclétien (commence par 2 édits 303-304 et s’achève en 311) : religion chrétienne interdite, édifices et mobiliers du culte détruits, les livres chrétiens brûlés. Sacrifier est une obligation. Cette persécution n’empêchera pas le triomphe du christianisme. Il sera porté à partir de 313 par le pouvoir impérial avec Constantin. II. Mise en place d’un christianisme impérial à la faveur de l’arrivée de Constantin au pouvoir (IVe s) Le christianisme répond aux exigences du pouvoir impérial Au IIIe siècle, l’Empire a réussi à faire face aux périls mais au prix de transformations. La monarchie passe du principat au dominat et devient militaire, absolue et quasi-divine. Cette transformation du pouvoir impérial se lit dans les pratiques (costume, cérémonial, marques d’adoration, proskynèse), et dans les représentations (les statues des empereurs sont dorénavant des colosses qui tiennent en main le sceptre et le globe, symboles de la puissance universelle). Cet absolutisme s’accompagne d’une bureaucratie et d’un appareil d’Etat renforcés qui s’apparentent de plus en plus au début du IVe siècle à une tyrannie fiscale et financière. L’ancienne aristocratie n’est plus un corps intermédiaire entre l’Empereur et ses sujets. Elle a été remplacée par une fonction publique docile et hiérarchisée, investie par le pouvoir impérial. Cette bureaucratie éloigne encore plus les sujets de leur souverain. Celui-ci n’est plus adoré à titre individuel mais comme le représentant d’une force divine qui assure l’unité et la prospérité de l’Empire. Dioclétien a rétabli l’autorité de l’Etat, c’est Constantin qui lui fournit les cadres idéologiques en faisant du christianisme la religion officielle de l’Empire. Cet Etat, cette monarchie absolue, étend son emprise au domaine religieux, faisant se superposer l’universalisme de l’Empire et l’universalisme de la nouvelle religion, l’unicité du Dieu transcendant et l’unicité d’un empereur au-dessus de la commune humanité, épiphanie de la souveraineté divine. Le légendaire du triomphe du christianisme donne à Constantin un rôle de premier plan : l’histoire de l’Eglise retient l’image d’un empereur fondateur. Sous son règne Eusèbe de Césarée et Lactance élaborent une véritable théologie politique faisant de l’Empire universel une préfiguration du royaume de Dieu, et de l’empereur l’apôtre du dehors dont la royauté est modelée sur celle du Dieu unique. À ce titre, Constantin préside le premier concile œcuménique (en grec : « qui qui décorent ces nécropoles souterraines évoquent le salut offert par Dieu, la communion des fidèles et la sollicitude de Dieu. Contrairement aux décorations funéraires païennes de la même époque, elles n’ont pas pour sujet central la mort, la religion chrétienne mettant au contraire l’accent sur le triomphe face à la mort. Les figures et allégories du paganisme sont reprises directement dans leur interprétation païenne : les Dioscures figurent la concorde, le Phénix la résurrection, le paon dont la chair est réputée incorruptible l’immortalité… La représentation du Christ emprunte aux modèles païens elle aussi : on trouve ainsi le Christ sous la forme du Christ-phénix, du Christ-Orphée ou du Christ solaire. Le Christ sous la forme du Bon Pasteur est copié sur un Hermès criophore, le banquet funéraire est emprunté directement au modèle païen et l’Orante aux images de la piété figurant sur les monnaies impériales. C’est aussi l’occasion d’évoquer la question de la représentation du Christ dans le premier art chrétien. Alors que les artistes ne disposaient d’aucun portrait authentique de ce personnage, de quelles façons ontils choisi de le représenter et quelle signification peut-on trouver à ce choix ? Comment la figure d’un Christ barbu s’est-elle finalement imposée ? Dans l’art des premiers chrétiens, le Christ apparaît majoritairement sous deux aspects : celui d’un jeune homme imberbe (souvent dans la posture du Bon Pasteur) et celui d’un homme barbu, à la longue chevelure et au visage noble et expressif. Faute de connaître l’apparence réelle du Christ, il semble que les artistes aient eu recours à des figures qui évoquaient, aux yeux de leurs contemporains (et selon les « canons » de l’iconographie antique), l’éternité et la sagesse. Figurer Jésus comme un jeune homme imberbe, presqu’un enfant, c’est « gommer » l’effet du temps sur le visage de celui que les chrétiens considéraient comme le « Fils de Dieu ». D’une autre façon, choisir un homme à la barbe et aux cheveux longs pour figurer le Christ est une façon de montrer qu’il s’inscrit dans la durée et de souligner sa sagesse. L’alpha et l’oméga, première et dernière lettres de l’alphabet grec, symboles du commencement et de la fin, sont aussi là pour souligner l’omnipotence attribuée par les chrétiens au Christ. Enfin, la figure isolée du Christ ne semble s’être imposée que tardivement, à la fin du IIIe siècle et surtout au IVe siècle dans l’art chrétien. Les premières représentations chrétiennes se sont donc construites par l’assimilation partielle des thèmes et figures de l’iconographie contemporaine, païenne ou officielle. Cependant, tout en se nourrissant de l’iconographie de leur temps, les artistes chrétiens ont peu à peu mis en place leurs thématiques propres, leurs codes et, finalement, une iconographie spécifique qui s’est peu à peu émancipée des images païennes. Le poisson, l’agneau et le chrisme sont des symboles qui font directement référence à Jésus : ce sont des symboles christologiques. De nombreux objets quotidiens (bagues, coupes, verres…) ornés de ces 98 concerne l’ensemble du monde habité »). Tout au long du IVe siècle, le pouvoir impérial resserre son emprise dans le domaine religieux : intervention dans la théologie et législation répressive contre les hérésies, le judaïsme et le paganisme. Cette tendance amène en Orient au césaropapisme où le religieux est subordonné au politique. La situation en Occident est différente avec les invasions barbares et la chute de Rome au Ve siècle : dans le domaine latin Augustin pose les bases d’une distinction entre la cité de Dieu et la cité des hommes. Constantin (empereur de 306 à 337) entretient avec la religion chrétienne des rapports qui demeurent ambigus : adepte du culte d’Hercule, puis de Sol Invictus, il pratique d’abord une sorte de déisme mal défini fondé sur la croyance en un Dieu unique, qu’il partage donc avec les chrétiens. Ses convictions l’ont sans doute poussé à promouvoir la liberté de culte pour tous. Si la tradition veut qu’il ait reçu une révélation brutale à la veille de la bataille du pont Milvius (312) et se soit brutalement converti au christianisme, ce n’est que sur son lit de mort qu’il s’est fait baptiser et est donc devenu officiellement chrétien. Certains historiens estiment que son ralliement au christianisme relevait plus de l’opportunisme politique (le parti chrétien l’emportant alors largement dans l’Empire) que de la conviction religieuse. En 313, Constantin règne en Occident et Licinius en Orient. Les deux empereurs se rencontrent à Milan. Ils accordent la liberté de conscience et la liberté pour tous les cultes, dont le christianisme. Contrairement à son nom, ce texte n’est pas un édit mais un mandatum, c’est-à-dire une circulaire envoyée aux gouverneurs. On sait par Lactance qu’un exemplaire est envoyé au gouverneur de Bithynie, et par Eusèbe de Césarée qu’un autre est envoyé au gouverneur de Palestine ; cet édit concerne toutes les religions et pas seulement le christianisme. La religion des chrétiens n’est plus illicite et les persécutions sont interdites. Constantin justifie la liberté accordée aux chrétiens par le fait que l’Empire a besoin de leurs prières. Il continue d’assurer la charge de Pontifex Maximus (Grand Pontife) et ne légifère contre le paganisme que tardivement. Il tente sans succès de proscrire les jeux du cirque. La religion traditionnelle, bien qu’en perte de vitesse, est encore bien enracinée, même en Orient. Cependant, la législation lui devient de plus en plus défavorable. Constantin interdit certaines pratiques comme la magie et l’haruspicine, c’est-à-dire la divination par consultation des entrailles des animaux. Il ne modifie ni la politique, ni la législation à l’égard des juifs. Licinius et Constantin ne tardent pas à s’opposer et Licinius s’en prend aux chrétiens mais il est battu et assassiné. Constantin reste le seul empereur en 324 et décide de demeurer en Orient où il fonde une nouvelle capitale, Constantinople. Constantinople est la capitale des chrétiens de culture grecque, plus nombreux que ceux d’Occident, et se présente comme « la deuxième Rome ». Les monnaies et médailles à l’effigie de Constantin commencent à arborer des symboles chrétiens à partir de 312-320 : le chrisme d’abord, puis le labarum (étendard orné du chrisme). Constantin intervient dans les affaires de l’Église. Il arbitre les querelles religieuses. L’Église chrétienne du IVe siècle apparaît profondément divisée. Eusèbe, évêque de Césarée, est le premier historien de l’Église. Il a rédigé en grec une Histoire ecclésiastique. Dans les Martyrs de la Palestine, il raconte la persécution de Dioclétien (303- 310). Eusèbe de Césarée évoque des persécutions en Phrygie, en Mésopotamie, en Syrie (Antioche), à Alexandrie, dans la région du Pont Euxin (Mer Noire). On reproche aux chrétiens de refuser de renier leur foi et de ne pas sacrifier aux idoles païennes. Eusèbe est un des évêques les plus réputés de son temps et a la faveur de Constantin. En 325, il prononce un panégyrique en l’honneur de ses vingt ans de règne. Pour Eusèbe de Césarée et la majorité des chrétiens, la liberté religieuse était inespérée. Les chrétiens acceptent alors le caractère sacré de l’empereur qu’ils considèrent comme leur chef. Il devient « égal des apôtres » et Constantin se proclame « évêque du dehors ». L’empereur donne aux chrétiens des bâtiments officiels (basiliques) pour célébrer le culte. Il fait des dons importants aux évêques. Le clergé obtient des privilèges juridiques. En 321, Constantin décide que le dies soli (le dimanche) est férié. Paul VEYNE, Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Albin Michel, 2007 : la figure de Constantin tient une place centrale dans symboles chrétiens ont été retrouvés par les archéologues : ils témoignent de la vigueur de la foi des premiers chrétiens. Le poisson, chez les chrétiens, = (ICHTUS, en grec : chaque lettre du mot, prise comme initiale, permet de former l’expression « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur ») peut aussi (tout en restant un symbole christologique), être associé symboliquement à l’Eucharistie, puisqu’il représente lui-même une nourriture. Vivant dans l’eau, il peut aussi être associé au symbolisme du baptême. Représenté avec un vaisseau sur le dos, il symbolise le Christ et son Église. L’agneau est, lui, généralement, symbole de renouveau, de triomphe de la vie sur la mort. Pour les Hébreux (sacrifice d’Abraham) et pour les chrétiens, il est la victime sacrificielle associée au renouveau : Isaïe associe dans sa prophétie l’image du messie souffrant à celle d’un agneau mené à l’abattoir. Le concile de Constantinople de 692 ordonna de ne plus représenter le Christ sous la forme d’un agneau, mais sous les traits d’un homme. Le chrisme, enfin, autre symbole christologique, est souvent assimilé, par sa forme (six rayons souvent englobés dans un cercle), à un symbole solaire ou cosmique. On peut aussi penser qu’il figure l’axe du monde au-dessus duquel s’élève le soleil (la boucle du « r » grec). Le chrisme figurait sur le labarum, étendard impérial de Constantin (qui apparaît sur les monnaies à partir de 325). Y était figuré le portrait de l’empereur surmonté d’une couronne d’or ornée d’un chrisme. L’iconographie chrétienne utilise aussi d’autres symboles. Ainsi l’ancre, symbole de fermeté et de fidélité, apparaît dans les représentations chrétiennes : elle symbolise pour les chrétiens le salut et est associée au symbole de la croix (sa forme s’y apparentant). Le dauphin, sauveur des naufragés, associé à l’ancre, revêt pour les chrétiens la même signification que le poisson. La représentation du Bon Pasteur est aussi fréquemment utilisée par les premiers chrétiens, qui y voient un symbole christologique (« Je suis le Bon Pasteur, le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis », Jean, 10). La croix telle que nous la connaissons est symbole de victoire sur la mort et fait allusion à la crucifixion. Ce n’est qu’à la fin du IVe siècle qu’apparaît la représentation du Christ crucifié (bannie jusqu’alors comme l’image d’un supplice dégradant, réservé à des esclaves ou des étrangers, indigne du Fils de Dieu). Jusqu'au milieu du XIe siècle, le Christ en croix est vivant et triomphant, puis à partir de cette époque, on ose le représenter mort, les yeux clos et la tête baissée retombant sur l'épaule. Ces symboles mettent à la fois en évidence les valeurs qui sont au centre du message chrétien (paix, réconciliation, renouveau, bonté) et le rôle central dans cette religion de la personnalité de Jésus, Fils de Dieu aux yeux des chrétiens. L’agneau, symbole du Christ, et la croix chrétienne, symbole de résurrection, sont présents sur le sarcophage de Valentinien III (empereur d’Occident de 425 à 455), empereur romain, confirmant ainsi le lien désormais officiel entre l’Empire et la religion chrétienne. Les fonts baptismaux étaient une sorte de bassin en pierre, parfois recouverts de mosaïques et en forme 99 l’ouvrage. Veyne insiste sur les dernières évolutions de la recherche sur ce personnage réfutant l’idée d’une personnalité opportuniste. Constantin est décrit, source à l’appui, comme un homme qui voit grand et qui est convaincu d’avoir été choisi pour prendre la tête d’une nouvelle grande épopée. Revenant sur la chronologie du triomphe de Constantin il insiste sur la réelle nature de l’Edit de Milan qui est davantage un compromis entre christianisme et paganisme que l’acte de triomphe du christianisme. P. Veyne souligne le renversement qui s’opère avec la croyance chrétienne : alors qu’un païen était content de ses dieux quand il avait obtenu ce qu’il voulait d’eux, un chrétien faisait en sorte, lui, que son Dieu soit content de lui. Mais Constantin a pris un grand soin à ne pas se mettre à dos les païens (tout en méprisant leurs croyances) : il se veut avant tout un pacificateur de l’Empire. Cela ne l’empêche pas dans sa sphère personnelle de favoriser les chrétiens. L’Eglise passant ainsi d’un statut de « secte » prohibée à celui de « secte » installée dans l’Etat. A la question pourquoi une telle conversion, Paul Veyne reprend les propos d’Hélène MONSACRE : à celui qui voulait être un grand empereur il fallait un dieu grand, gigantesque et aimant. Paul Veyne rejette l’idée que le christianisme aurait seulement répondu à une angoisse du siècle par la promesse d’une immortalité de l’âme. Dans ce cas la religion ne serait qu’une parade face à la peur de la mort or pour lui la religion est une catégorie pleine et entière qui ne peut se limiter à une réponse rassurante. Pour lui les conversions sont dues à la découverte par le néophyte d’un vaste projet divin dont l’homme est le destinataire : on sait maintenant d’où on vient et où on va. Le monde n’est plus peuplé de deux espèces vivantes qui se font face (les Dieux et les hommes) : désormais Dieu englobe tout ce monde en son immense amour. Pour Paul Veyne c’est donc à sa grande originalité que le christianisme doit son succès. Les décisions impériales ont été rassemblées dans des recueils de codes. Le Code théodosien est l’un des plus importants avec le Code justinien (VIe siècle). Théodose Ier (379-395) est le dernier empereur à régner sur l’ensemble du monde romain. Par l’édit de Thessalonique (380), l’empereur Théodose impose l’orthodoxie catholique définie à Nicée (respect du dogme de la Trinité) aux sujets de son Empire. Il précise la définition du dogme de la Trinité et dénonce les adeptes de l’arianisme comme hérétiques. Il décrète qu’ils doivent être pourchassés et châtiés. Théodose reconnaît aussi dans cet édit, pour la première fois, la primauté romaine (le texte évoque le rôle central du « divin Pierre Apôtre ») dans l’Église chrétienne, et renonce à son titre de « grand pontife ». Romain occidental d’origine espagnole, Théodose, par ailleurs nommé empereur par l’empereur d’Occident Gratien, assure l’unité religieuse de son Empire en donnant logiquement la primauté au Pape, primat d’Occident. Le christianisme coïncide donc désormais dans l’Empire, selon cet édit, avec le catholicisme orthodoxe tel que défini à Nicée et son destin est confié aux décisions du Pape. Les religions païennes ne sont pas visées par cet édit. En 391, le pouvoir est partagé entre Théodose en Orient et son beau-frère en Occident. Ce dernier est flanqué d’un roitelet germain Arbogast qui ne tarde pas à se débarrasser de lui. Ne pouvant directement monter sur le trône Arbogast place un haut-fonctionnaire : Eugène. Ces événements donnent des ailes à l’aristocratie païenne très importante au Sénat. Mais Théodose refuse de reconnaître Eugène. Rome revient sur les dispositions antipaïennes. En réaction Théodose franchit le pas et le 8 novembre 392 il interdit le paganisme. C’est donc un conflit politique qui a été l’occasion d’une révolution religieuse. Le 6 septembre 394 Théodose bat ses adversaires à la rivière-froide ce qui finalement marque la défaite irrémédiable du paganisme. Le christianisme devient religion d’Etat. Théodose impose l’orthodoxie à tous les habitants de l’Empire. Les païens et les hérétiques sont désormais poursuivis (cultes publics et privés) et leurs temples détruits. Constantin avait reconnu le christianisme mais ce n’était qu’une religion parmi d’autres. Désormais toutes les autres religions sont interdites. Le pouvoir de l’État, jadis lié au paganisme, est désormais lié au christianisme. La séparation de la religion et de l’État était inconcevable dans les mentalités de l’époque. De persécuteurs, les de croix. Ils étaient situés hors de l’église, dans un bâtiment séparé, le baptistère. Le catéchumène descendait trois marches, pour recevoir le baptême par immersion, comme Jésus dans le Jourdain. Le mot « baptême » vient du grec baptizein et veut dire « plonger ». Au premier temps du christianisme, on baptisait aussi bien par immersion que par aspersion. Dans ce dernier cas, les baptisés recevaient seulement un peu d’eau sur la tête. Le baptême par immersion totale a été pratiqué jusqu’au IVe siècle. Entre le Ve et le XIIIe siècle, en Occident, l’immersion est seulement partielle. Depuis le XIIIe siècle, on se contente d’un baptême par affusion (de l’eau est versée sur la tête du fidèle). À l’origine, les basiliques ne sont pas des édifices religieux. Il s’agit de bâtiments civils qui abritent les activités judiciaires et commerciales sur les forums romains. De forme rectangulaire, la salle comprend une nef centrale flanquée de part et d’autre de deux ou de quatre nefs latérales. Au bout de la nef centrale se trouvait une abside. Quand l’empire devient chrétien au ıve siècle, les églises chrétiennes s’en servent de modèle : les fidèles se tiennent debout dans la nef et le choeur, réservé aux prêtres, est situé devant l’abside. Le christianisme triomphant des IVème-Vème s. a récupéré nombre de fêtes païennes. La fête de Noël avait été placée le 25 décembre pour récupérer la fête de Mithra du solstice d’hiver ; de la même manière qu’un temps sacré peut être réutilisé par des cultes différents, un espace sacré connaîtra le même sort ; il n’est guère de temple antique sur les ruines duquel on n’ait pas bâti une église. Le plus bel exemple, parce que l’un des mieux conservé, est sans doute l’église de San Clemente à Rome, sur le chemin qui va du Colisée au Latran . A cet emplacement se trouvait un Mithraeum, un temple de Mithra ; à la fin du IVème s. on édifia par-dessus, mais sans le détruire, une église paléochrétienne ; enfin au XIIème s., on construisit sur les deux précédents sanctuaires une église où l’on peut toujours voir parmi les plus belles mosaïques médiévales de Rome. Les trois bâtiments peuvent encore se visiter. Quel sanctuaire de Mercure n’a pas été transformé en église Saint-Michel grâce au rapprochement fonctionnel qui fut fait entre le dieu et l’archange? ; la toponymie vendéenne en a même conservé la trace avec le petit village de Saint-Michel-Mont-Mercure. Quel temple du Cavalier thrace, cette divinité balkanique de l’époque gréco-romaine protectrice des petites gens et grande pourfendeuse de monstres en tous genres, n’est pas devenu une église dédiée à Saint-Démétrios ? ; Saint-Démétrios qui n’est autre que Saint-Georges, le cavalier dragonicide bien connu. Dernier exemple mais non le moindre, que cette image d’Isis lactans, Isis allaitant Horus, christianisée par quelque dévôt chrétien du Fayoum au IIème s., prototype le plus ancien actuellement connu des Vierges à l’enfant (ph. Doc. [7]). Bouclons la boucle. Nous avons dit que l’Épiphanie correspondait à Noël selon que l’on suivait le calendrier julien (le monde orthodoxe) ou grégorien 100 païens sont devenus des persécutés. Les autorités soutiennent désormais l’Église et font construire des basiliques dans les hauts lieux du christianisme : le Latran et le Vatican à Rome, le Saint-Sépulcre à Jérusalem, etc. Le christianisme marque alors le paysage urbain avec la construction d’édifices pour le rassemblement des chrétiens. III. Organisation de l’Église (IVe – Ve s). Officialisé et partie intégrante du pouvoir, le christianisme doit se définir, se normaliser. De nombreuses hérésies divisaient l’Église chrétienne qui n’avait pas eu l’occasion de mener une réflexion collective sur l’interprétation des Écritures. Les IVe et Ve siècles sont ceux des grandes hérésies trinitaires et christologiques à l’occasion desquelles le dogme doit être défini lors de conciles. L’arianisme prêche la supériorité du Père, seul Dieu. Le nestorianisme et le monophysisme affirment que le Christ a une seule nature, pour les premiers surtout humaine, pour les seconds surtout divine. Le Credo ou symbole de Nicée est rédigé à cette occasion. Une de ces doctrines, l’arianisme, élaborée vers 320 par Arius, un prêtre d’Alexandrie, semait particulièrement le trouble dans la communauté chrétienne. Son point essentiel était la négation de la divinité du Christ. Selon Arius et ses partisans, le Christ ne possédait qu’une divinité secondaire ou subordonnée, ce qui remettait donc en cause le principe de la Trinité. Pour régler la crise arienne, Constantin convoque tous les évêques de l’Empire à Nicée en Bithynie. C’est le premier concile oecuménique, mais la majorité des évêques, de culture grecque, venaient d’Orient. Les évêques rédigèrent cette profession de foi des chrétiens en s’inspirant de la profession de foi du baptême. La première affirmation rappelle le monothéisme et concerne le Père : elle est courte parce qu’elle n’est pas contestée. L’essentiel du Credo concerne Jésus-Christ, le Fils. Il est de même substance que le Père et n’a pas été créé. Ainsi est affirmée la parfaite égalité entre le Père et le Fils et les thèses d’Arius sont condamnées. Le Fils est bien Dieu, vrai Dieu, de même nature que le Père. Le texte fait ensuite référence à l’incarnation : le Christ a pris un corps de chair et s’est fait homme. Le Credo rappelle la mort, la résurrection et l’ascension du Christ. Le Christ est « au ciel », expression imagée pour désigner le séjour de Dieu hors de la vue des hommes. Il reviendra lors du Jugement dernier. La troisième affirmation concerne l’Esprit-Saint : elle est très brève parce que ce point n’est pas à l’ordre du jour. Le concile de Nicée condamne l’arianisme, mais ne met pas pour autant un terme définitif à son existence. Le concile permet de rétablir l’unité de l’Église et de clarifier l’organisation de l’Église en établissant des règles et principes communs (ex. date de Pâques). Les conciles œcuméniques sont ceux de Nicée (325) contre l’arianisme, Constantinople (381) à propos de l’Esprit Saint, Ephèse (431) contre le nestorianisme et Chalcédoine (451) contre le monophysisme. C’est à l’occasion du concile d’Ephèse qu’est défini le culte marial. L’Eglise devenue structure d’Etat, s’organise et encadre la société. La distinction entre clercs et laïcs commencée au IIIe siècle s’affine, et la hiérarchie ecclésiastique se met en place, se coulant dans les cadres administratifs de l’Etat romain. La géographie épiscopale se moule sur celle des cités et des municipes. Il y a cinq patriarcats : Rome, Jérusalem, Antioche, Alexandrie et Constantinople. C’est autour des patriarcats orientaux que se polarisent les conflits doctrinaux. Dès le début Rome affirme sa primauté, mais Constantinople devenue capitale impériale en 330 est favorisée par le pouvoir impérial et affirme sa prééminence. Les évêques sont des fonctionnaires impériaux. L’emprise sur la société se marque aussi par la christianisation du temps et de l’espace. Dès 321 Constantin légifère sur le repos dominical puis le calendrier s’étoffe avec les fêtes du temps pascal et de la nativité. La fixation de la date de Pâques pose problème jusqu’à nos jours entre les différentes Eglises. La date de Noël a été calquée sur celle de la fête du Sol Invictus à la fin décembre, les évangiles ne donnant aucune indication sur une date quelconque. Les fêtes de Pâques et de la Pentecôte sont à l’origine des fêtes juives, la micarême et les bombances de la période de Noël viennent du paganisme : la temporalité chrétienne est une prolongation, à peine métamorphosée, de l’héritage antique. La construction de basiliques marque le paysage urbain (le monde catholique) et que Noël avait succédé à la grande fête solaire de la nuit du 24 au 25 décembre, qui réunissait adeptes de Mithra, d’Osiris, d'HéliosSol et d’Apollon, toutes divinités solaires. C’est là l’explication de la galette des Rois, figuration symbolique de l’astre solaire. Ne s’adressait-on pas, autrefois, en Normandie, au petit enfant (l’enfant-roi ou l’enfant-soleil) caché sous la table pour dire à qui l’on donnerait telle ou telle part, en l'interpellant : Phoebe Domine (Seigneur Phébus, c'est-à-dire Seigneur Apollon)? 101 en particulier à Constantinople. Ce type de bâtiment était déjà courant dans l’Antiquité, il s’agissait de salles de réunion ou de marchés couverts. Mais les besoins de ce culte nouveau qui doit réunir l’assemblée des fidèles — l’ecclésia qui a donné église — exige ce type d’édifice car le temple païen n’était que la demeure du dieu. Avec le culte funéraire des saints se multiplient aussi les martyrions et les pèlerinages. Ces IVe et Ve siècles sont enfin l’âge d’or de la patristique grecque et latine. Ces Pères de l’Eglise sont non seulement de grands auteurs dans la culture gréco-romaine, mais ils la revendiquent définitivement comme partie intégrante du christianisme. Dans le même temps s’accélère la lutte contre le paganisme avec l’arrêt des financements puis l’interdiction des sacrifices, nocturnes en 353, de tous les sacrifices en 392, et pour finir la fermeture de l’école d’Athènes en 529. A la fin du Ve siècle, il n’y a presque plus de païens, d’hellènes. Le paganisme ancien est mort de luimême, périmé. En ces Ve et VIe siècles, l’Etat est devenu un gouvernement des scribes. Les cités disparaissent en Occident avec les barbares, déjà christianisés pour la plupart, plus lentement en Orient au VIIe siècle lors de la montée des périls qui marque la fin de la cité antique et des élites intellectuelles. La renaissance byzantine qui commence à la fin du VIIIe siècle s’appuie sur l’héritage antique sans en connaître les conditions matérielles et intellectuelles. Pour une bonne part ce sera répétition des modèles antiques, de manière sclérosante. C’est dorénavant le christianisme qui doit porter l’héritage de la civilisation gréco-romaine. La partie orientale de l’Empire romain est plus intensément christianisée que la partie occidentale. En effet, le christianisme est d’abord un phénomène urbain. Les premières communautés se sont développées autour des synagogues de la diaspora (cf les voyages missionnaires de saint Paul). En Orient, les grandes Églises du IIe siècle sont : Césarée, Damas, Antioche, Éphèse, Thessalonique, Corinthe, etc. Quatre des cinq patriarcats sont situés en Orient (Constantinople, Antioche, Jérusalem et Alexandrie). En Occident, seules Rome et Carthage sont comparables. L’Église d’Afrique a été très importante. Parmi les Pères de l’Église, trois sont africains : Tertullien (apologiste du IIe siècle), Cyprien (évêque de Carthage et martyr en 285) et surtout Augustin (évêque d’Hippone au IVe siècle). Les campagnes ne sont évangélisées que plus tardivement, et souvent de façon imparfaite : moins accessibles pour les missionnaires et à l’écart des grands centres d’échanges, les populations des campagnes sont aussi plus attachées aux croyances païennes et donc moins perméables au message chrétien. Il est à rappeler d’ailleurs que le mot « païen » a été créé sur la base du latin paganus, qui signifie « paysan ». De façon générale, les régions qui restent à l’écart du processus de christianisation sont celles qui se situent à l’écart des grands axes de transport de l’Empire romain : les ports, les centres d’échanges commerciaux et les villes situées sur les principales voies romaines sont au coeur des échanges d’idées et ont donc accès rapidement au message chrétien, ce qui n’est pas le cas pour les régions plus isolées. Le monachisme apparaît vers 270, avec la retraite dans le désert égyptien du premier moine, saint Antoine. Il s'explique par la paix religieuse et par le désir de certains chrétiens de trouver une autre voie vers la sainteté que le martyre. L'éloignement du monde permet la rencontre avec Dieu par le biais d'une épreuve purificatrice, rappelant la tentation de Jésus par le diable dans le désert. De la forme solitaire des ermites, le monachisme passe progressivement à la forme cénobitique (vie en communauté) avec saint Pacôme, également en haute Egypte. Le monachisme se développe également en Syrie (saint Jérôme et saint Siméon), avant de gagner un peu plus tard l'Asie Mineure (saint Basile) et l'Afrique du Nord (saint Augustin). Le premier moine en Gaule fut saint Martin, au IVe s. Les progrès du christianisme ont été lents en Gaule. La religion chrétienne semble y avoir été apportée (en même temps que des cultes orientaux comme celui de Mithra ou d’Isis) à l’origine par des Orientaux et des Grecs débarqués dans les ports de Provence. Elle semble alors s’être diffusée d’abord dans les cités de la vallée du Rhône, vallée qui constituera le premier foyer du christianisme gaulois et qui gardera de cette époque un rôle longtemps central dans l’organisation de l’Église. Les documents manquent cependant pour préciser la situation de ces 102 chrétiens, sans doute très peu nombreux jusqu’au IIe siècle. La première référence qui y est faite date de 177, sous le règne de Marc Aurèle : il s’agit du récit du martyre subi à Lyon par des chrétiens de cités rhodaniennes (parmi lesquels sainte Blandine et saint Pothin). La pénétration du christianisme dans le reste du territoire est plus difficile. Saint Denis arrive d’Italie vers 250 avec six autres missionnaires pour évangéliser la Gaule, mais ce n’est réellement qu’au IVe siècle, après l’édit de Milan (313), que la diffusion du christianisme va s’accélérer et devenir réellement significative en Gaule. Constantin, qui résidait régulièrement à Arles, y organise un concile en 314, tandis que saint Martin de Tours (316-397), « l’apôtre des Gaules », poursuit l’oeuvre missionnaire de ses prédécesseurs et que basiliques, cathédrales et baptistères commencent à apparaître dans les cités des Gaules. À la fin du IVe siècle seulement, toutes les capitales régionales ont été pourvues d’un évêque. Quand Clovis, roi des Francs, est baptisé vers 496, la christianisation du territoire est encore bien fragile, et il faut attendre le VIe siècle pour qu’apparaissent des chapelles rurales attestant d’une évangélisation en profondeur du territoire. Les premières communautés de chrétiens, sur le modèle des communautés juives, sont dirigées par un collège d’anciens (les presbytres, du grec presbutêros, « plus vieux »). Ils sont assistés par des diacres (du grec « serviteur »). Au cours des IIe et IIIe siècles se détache souvent du groupe de presbytres (qui deviendront les prêtres) un président, fonction qui deviendra celle d’évêque (episcopes, « surveillant »). Ces communautés de chrétiens se réunissent, pour célébrer leur culte, dans des maisons privées. Aucun lieu de culte spécifique n’existe donc : c’est seulement à la fi n du IIe siècle qu’apparaissent dans les sources la trace d’édifices réservés au culte chrétien. Les chrétiens priaient debout, les mains ouvertes et les bras tendus vers le ciel comme les juifs et les païens. Justin (v. 100-166) écrit une Apologie qu’il adresse à l’empereur Antonin pour répondre aux attaques de ceux qui suspectent les chrétiens d’immoralité. Son témoignage permet de voir l’évolution qui s’est accomplie depuis les repas des premiers chrétiens, où la fraction du pain et la bénédiction du vin constituaient l’essentiel du culte. Le dimanche, les chrétiens se réunissent, lisent des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’évêque les explique : c’est l’homélie. Après les prières, le pain et le vin sont bénis en reprenant les paroles de Jésus lors de la Cène. Ce rite fondamental du culte chrétien s’est appelé au Ier siècle « fraction du pain », puis « eucharistie » au IIe siècle et « messe » au Ve siècle. Les diacres qui assistent les prêtres apportent le pain consacré aux absents et aux malades. Le dimanche est « le jour du Seigneur », terme qui remplace celui de « jour du soleil », employé par les païens. Ce jour a été choisi par les chrétiens pour commémorer le jour de Pâques et, au IIe siècle, il a remplacé le shabbat juif, célébré le samedi. Conclusion et ouvertures possibles (questions à prévoir) : Le christianisme est le fruit de trois universels emboîtés : le monothéisme juif, création tardive et incomplète du second Temple, la paideia de la cité grecque qui conquiert le monde avec Alexandre, et l’Empire romain dont la domination politique se veut œcuménique . Il est le fruit des conditions historiques de son élaboration. Le judaïsme du second Temple invente l’eschatologie apocalyptique et le messianisme dans un contexte de crise politique et culturelle. Le proto-christianisme rejeté par le judaïsme s’ouvre aux Gentils et se proclame universel. Les populations de l’Empire romain étaient sensibilisées au monothéisme et à la transcendance avant même leur conversion au christianisme, mais ce dernier avait un appareil théologique et idéologique plus complet que les sectes orientales et philosophiques concurrentes. Enfin l’appareil d’Etat, sortant de la crise du IIIe siècle, s’est servi de cet appareil idéologique et l’a utilisé à son profit. C’est de ces trois éléments que naît au IVe siècle cette civilisation originale, celle de l’Antiquité tardive dont l’héritage est recueilli par le christianisme. Suspectés de menacer l’ordre de l’Empire romain, les premiers chrétiens subissent, jusqu’au IIIe siècle, une série de persécutions menées sous l’égide des autorités politiques. Elles n’entravent cependant en rien Evaluation cohérente en fonction des objectifs : 103 l’expansion de la foi chrétienne au sein du bassin méditerranéen. On a un retournement de situation radical qui s’est produit entre le IIe et le IVe siècle dans les relations entre l’Empire romain et la religion chrétienne. Aux Ier et IIe siècles, l’Empire romain persécute avec férocité les premiers chrétiens, minoritaires. En 380, l’édit de Thessalonique témoigne de la place centrale désormais acquise par le christianisme au sein de l’Empire : l’empereur Théodose indique que tous ceux qui n’obéissent pas à l’orthodoxie catholique définie à Nicée doivent être persécutés. Le christianisme, désormais dominant, bien organisé sous la tutelle de l’empereur, mène à son tour des persécutions religieuses contre les hérétiques. Les édits de Théodose de 391-392 parachèveront cette évolution en faisant de la religion chrétienne la religion officielle de l’Empire romain et en interdisant le paganisme. Comment expliquer l’expansion puis le triomphe du christianisme entre le Ier et le IVe siècle ? Il convient d’abord de montrer les difficultés auxquelles le christianisme est confronté à ses débuts : ses divisions (spatiales et doctrinales), la concurrence des autres religions, l’hostilité de la foule et des empereurs qui le perçoivent comme une menace pour l’unité de l’empire, favorisant malgré eux son expansion par le culte des martyrs. Il convient ensuite de montrer les facteurs qui ont permis son expansion : la promesse du salut pour tous, l’organisation et la hiérarchisation de l’Église, sa diffusion dans toutes les couches sociales des villes de l’empire. Enfin, en devenant un élément de cohésion de l’empire, la christianisation est soutenue, à partir du IVe siècle, par l’empereur et se consolide par la fixation du dogme et l’interdiction du paganisme. En conclusion, il convient de nuancer ce triomphe en montrant d’une part que le christianisme ne s’est guère diffusé dans les campagnes encore païennes au ıve siècle, et d’autre part qu’il court désormais le risque d’être soumis au pouvoir de l’empereur. Entre le Ier et le IVe s., l'attitude du pouvoir romain à l'égard des chrétiens a considérablement évolué : il les a persécutés, puis tolérés et a fini par persécuter les non-chrétiens au nom d'un christianisme devenu religion officielle. Cette évolution s'explique largement par les problèmes auxquels a été confronté l'Empire entre le IIIe et IVe s. : invasions barbares, crises économiques, montée en puissance de l'Empire sassanide. Par son caractère exclusif, par son organisation, le christianisme pouvait apporter à l'Empire les principes et les moyens capables d'assurer sa cohésion et sa pérennité. Pour les chrétiens, le changement de statut impliquait une révision de leurs relations avec l'État romain : ce fut la tâche des Pères de l'Église. 104