L’Institut Dauphine d’Ostéopathie en partenariat avec le Federal European Register of Osteopaths Promotion 2013 MEMOIRE n° 63 présenté et soutenu publiquement le ……………………… à Paris par M/Mlle MENDOZA Mathilde, né(e) le 05/09/1987 à Vincennes. Pour l’obtention du DIPLÔME d’OSTÉOPATHE (D.O.) L’utilisation de la respiration dans les techniques d’HvBa Membres du jury : Président : Assesseurs : Directeur du mémoire : Monsieur Brigant Vincent Institut Dauphine d’Ostéopathie Diplôme d’Ostéopathie (D.O.) L’utilisation de la respiration dans les techniques d’HvBa Maître de mémoire : BRIGANT Vincent MENDOZA Mathilde Année 2012/2013 Notes aux lecteurs, Travail réalisé dans le cadre du D.O. IDO Ce document étant protégé par les droits d’auteur, il ne peut en aucun cas être publié en tout ou pour partie sans l’accord de son auteur. Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de mémoire, Monsieur Vincent Brigant pour son aide et ses commentaires dans l’élaboration de ce mémoire. Je remercie également Messieurs Frédéric Pariaud et Chi-Hien Phuong, directeurs du comité mémoire, pour leurs conseils. Je tiens également à remercier les professeurs de l’IDO, pour la formation qu’ils m’ont apportée, ainsi que Monsieur Vincent Jacques D.O pour son soutien et les stages qu’il m’a permis d’effectuer au sein de son cabinet tout au long de mes études. Ensuite, je tiens à dire merci à mes parents et à ma famille et ainsi qu’à Jérémy pour leur aide à la relecture et leur soutien dans la rédaction de ce travail. Enfin un grand remerciement à mes amis ostéopathes pour leur soutien, leur participation et leur aide pour ce mémoire. SOMMAIRE Introduction ………………………………………………...…………………...p.1 - I - Le thrust 1. Les définitions ……………..…...…………………………………...……….p.3 1.a) La dysfonction ostéopathique ...………………….………………....p.3 1.b) Les conséquences de la dysfonction ostéopathique …………….….p.6 1.c) Le thrust …………………………………………………………….p.9 2. Les différentes techniques de thrust ………………………………….......p.10 2.a) Le thrust en ostéopathie structurelle ……………………......….…p.12 2.b) Le thrust fonctionnel ostéopathique : « le drop » ………………...p.13 2.c) Le thrust en chiropractie …………………………………...……..p.14 2.d) La manipulation vertébrale ………………………………….……p.14 2.e) Le bruit articulaire ………………………………………………..p.15 3. L’intérêt du thrust en ostéopathie …………………………...…………...p.16 3.a) Les effets articulaires ………………………………………..……p.16 3.b) Les effets ligamentaires …………………………………………...p.16 3.c) Les effets musculaires …………………….……………..………...p.17 3.d) Les effets sur le système neurologique …………………...…….…p.18 3.e) Les effets vasculaires ……………………………………………...p.20 - II - Les effets biomécaniques de la respiration 1. Les centres respiratoires …………………………………………………..p.21 1.a) Le groupe respiratoire dorsal ………………………………….…p.21 1.b) Le groupe respiratoire ventral ……………………………………p.21 1.c) Les centres pneumotaxique et apneustique ……………………….p.23 2. La toux ………………..……………………………………………………p.24 3. Les effets de la respiration sur la biomécanique du corps ……….……..p.26 3.a) Les rappels……………………………………………….………..p.26 • Le thorax ……………………………………………………..p.26 • Les muscles …………………………………….…………….p.27 3.b) La biomécanique respiratoire ……………………..………….….p.29 • A l’inspiration ………………………………....……………..p.29 • A l’expiration ……………………………………….…..……p.31 3.c) Les échanges gazeux ………………………………………..…….p.33 - III - Mise en relation 1. Les effets du thrust en inspiration ……………………..…………………p.35 2. Les effets du thrust en expiration ………………………………………...p.36 3. Les effets du thrust lors de la toux ………………………………..………p.37 4. La place de l’apnée respiratoire ………………………………………..…p.37 5. Enquête …………………………………………………………………..…p.38 Conclusion …………………………………………………………..…………p.42 Annexes ………………………………………………………………………..p.44 Bibliographie …………………………………………………………………..p.46 Résumé ………………………………………………………………………...p.51 L’ostéopathie est une méthode de soins ayant pour seul outil de pratique les mains de l’ostéopathe. Cette discipline possède différentes techniques selon le tissu et/ou la pathologie présente. La technique de Haute vélocité et de Basse amplitude (HvBa) est l’une des pratiques ostéopathiques des plus connues. Elle est communément appelée « craquement » par le grand public, et technique de « thrust » par les praticiens. Tout ostéopathe a été formé à cette pratique et décide donc, ou non, de l’appliquer selon ses affinités, sa technicité, la pathologie présente ou selon le patient. Cependant, il existe quelques nuances dans l’accomplissement de cette technique qui peuvent en améliorer la réalisation aussi bien du point de vue du praticien que de celui du patient. La manipulation articulaire est également répandue dans d’autres disciplines thérapeutiques telles que la chiropractie ou même la médecine allopathique. La respiration est réputée, quant à elle, comme méthode de relaxation. On peut donc penser que l’utilisation de cette relaxation lors de la manipulation ne peut être que bénéfique. C’est surtout l’influence mécanique de la respiration sur les articulations qui va nous intéresser. Comment les articulations se placent-elles en inspiration ? En expiration ? On peut également approfondir jusqu'à l’utilisation de la toux. Cette dernière ne permettrait-elle pas d’augmenter la pression interne et donc elle aurait également un effet sur l’efficacité de la pratique. Utiliser la respiration ou non lors d’un thrust ? Cette fonction du corps si indispensable, ne peut-elle pas être un paramètre à ajouter pour la réussite technique? Cette réflexion m’est venue suite à mes observations de différentes pratiques au sein de cabinets d’ostéopathie et lors de cours dispensés à l’école. Que ce soit d’un point de vue mécanique au sein même de l’articulation ou pour le confort du patient, nous essayerons de comprendre les principes de cette technologie. 1 Nous commencerons cet exposé en définissant ce qu’est une dysfonction ostéopathique avec ses divers paramètres ainsi que celle d’un thrust. Nous verrons ensuite les différentes techniques de thrust au sein de plusieurs pratiques telles que l’ostéopathie et la chiropractie qui utilisent ces technologies thérapeutiques. Puis nous expliquerons les divers effets recensés lors d’un thrust sur le système nerveux, le système vasculaire ainsi que sur les ligaments et les muscles de l’articulation manipulée. Nous décrirons ensuite la mécanique respiratoire en inspiration, en expiration et lors de la toux, ainsi que ses effets biomécaniques sur les articulations. Enfin nous mettrons en commun ces résultats afin d’expliquer les effets d’un thrust durant ces phases d’inspiration, d’expiration et de toux. 2 -I- Le thrust 1. Les définitions 1.a) La dysfonction ostéopathique L’ostéopathie, découverte par Andrew Taylor Still (1828-1917) le 22 juin 1874, est une thérapeutique utilisant uniquement les mains du praticien pour soigner le patient. Andrew T. Still réfléchit à cette nouvelle méthode de soins suite à une épidémie de méningite où il perdit trois de ses enfants. Médecin de formation, il décida pourtant de trouver une alternative aux médicaments, et préféra se tourner vers la physiologie et la mécanique du corps comme fondements de sa pratique. Il intitula sa thérapeutique « ostéopathie » en utilisant « ostéo » pour « os » et « pathie » pour « souffrance », donc « souffrance par les os ». Il comprit qu’un os, un ligament ou un muscle pouvait être le point de départ d’une souffrance. Il pensa donc l’ostéopathie d’aspect structurel1. Il érigea par la suite les idées fondatrices de sa discipline, en se basant sur la biomécanique, l’anatomie, la physiologie et la clinique de son époque. L’ostéopathie repose sur quatre principes : la globalité, l’interrelation structure-fonction, l’homéostasie et la loi de l’artère. La globalité correspond en l’idée de voir le patient comme un tout, considérer chaque élément le constituant et leur interaction. Sans structure la fonction ne peut s’exécuter, et sans la fonction la structure n’a pas lieu d’être. C’est pourquoi il y a une influence de l’une sur l’autre et réciproquement. L’homéostasie s’explique par le concept du maintien de l’équilibre physiologique du corps par lui-même. Enfin la loi de l’artère correspond en l’importance primordiale de la vascularisation dans tous les éléments du corps. A. T. Still se voit donc comme un soutien pour aider le corps à sa propre guérison. Il disait concernant la dysfonction : «find it, fix it and leave it alone » ce qui peut se traduire par « trouve-la, corrige-la et laisse faire. » Fort de son succès, il choisit alors de créer, en 1894, une école dans sa ville de Kirskville dans l’état du Missouri, qu’il nomma American School of Osteopathy (A.S.O) afin d’enseigner sa méthode thérapeutique. Les élèves ressortent alors 1 Catherine Rod de Verchère et Bertrand Schneider, Le guide de l’ostéopathie, Saint-AmandMontrond, Albin Michel, 2012. 3 avec le titre de D.O signifiant Doctor of Osteopathy. Andrew Taylor Still eut de nombreux successeurs tels que John Martin Littlejohn (1865-1947), ancien élève de l’A.S.O, qui importa l’ostéopathie en Angleterre en ouvrant, à Londres en 1917, la British School of Osteopathy et introduisit les concepts d’ostéopathie viscérale et des fascias. William Garner Sutherland (1873-1954) jeune journaliste puis élève qui, lors de ses études à l’American School of Osteopathy, découvrit le concept d’ostéopathie crânienne et de Mouvement Respiratoire Primaire (M.R.P). Il pensa ses concepts, dans les années 1900, suite à l’observation d’un crâne disloqué exposé en vitrine où il remarqua que l’os temporal était « biseauté comme les ouïes d’un poisson ». Viola Frymann, D.O. en 1949, se remarqua pour son implication dans la recherche et l’enseignement de l’ostéopathie crânienne pédiatrique. En France, le Docteur Lucien Moutin publia l’ouvrage intitulé Manuel de l’ostéopathie pratique en 1913 et le Docteur Robert Lavezarri (18861977) fut l’un des premiers à pratiquer l’ostéopathie en 1920. Il ouvrit la première école d’enseignement des manipulations ostéopathiques 2 à Paris. L’ostéopathie se concentre sur la recherche de la dysfonction pour trouver le point de départ du traitement. La dysfonction ostéopathique naît de la perturbation de la fonction sur la structure ou inversement. Elle peut être appliquée à chaque tissu constituant le corps. La dysfonction peut avoir diverses origines comme un traumatisme, un faux mouvement, une mauvaise posture, etc. Il existe donc plusieurs types de dysfonctions selon le tissu touché. Il y a des dysfonctions articulaires, des dysfonctions viscérales soit de mobilité correspondant au mouvement de l’organe dans l’espace ou bien de motilité qui elles correspondent au mouvement de l’organe sur lui-même selon ses axes embryonnaires. On peut également retrouver des dysfonctions musculaires avec des muscles en hyper ou hypo mobilité, ou encore fasciales. Ces dysfonctions ostéopathiques sont réversibles. Le corps et tous ses éléments peuvent donc être concernés. Toutes ces dysfonctions peuvent s’additionner entre elles. De plus une dysfonction non 2 François Le Corre et Emmanuel Rageot, Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2010. 4 corrigée va entraîner à plus ou moins long terme d’autres dysfonctions adaptatives. D’un point de vue articulaire, la dysfonction ostéopathique se définit comme une perte de mobilité au sein d’une articulation qui en perturbe la physiologie. Cette perturbation peut être d’ordre qualitatif ou quantitatif.3 L’articulation va donc posséder une diminution de ses amplitudes physiologiques dans un ou plusieurs mouvements qui lui sont propres. On peut y retrouver l’association de contractions musculaires anormales, ainsi qu’un raccourcissement ligamentaire ou/et capsulaire. Les ligaments fonctionnent en harmonie avec le système musculaire et le système nerveux de par la présence de récepteurs en leurs seins. Comme le disait A.T. Still « lorsqu’un os ne s’articule plus normalement les muscles et les ligaments qui l’entourent sont irrités, et maintiennent une contracture permanente ». En ostéopathie, la nomination de la dysfonction se fait selon le sens de plus grande mobilité de l’articulation. Cependant, elle possède un retentissement sur toutes les structures environnantes de l’articulation et donc il peut y avoir diverses manifestations cliniques. Il est possible de distinguer plusieurs sortes de dysfonctions ostéopathiques selon la référence choisie. Elle peut être directe, indirecte, primaire ou encore secondaire. La dysfonction directe pouvant être due à un choc direct du type chute, un coup ou un violent effort. Ceux-ci provoquent un phénomène d’entorse avec une douleur vive et invalidante.4 Il va y avoir un début de processus de fibrose des éléments à long terme. Lors d’une dysfonction indirecte, ce sont les structures périarticulaires qui sont touchées. Les causes de ces lésions ne sont pas traumatiques. Le segment articulaire touché reste fixe à cause de l’épaississement des éléments articulaires tels que les ligaments et les muscles.5 3 Olivier Auquier, Ostéopathie: principes et applications ostéo-articulaires, Issy-les-Moulineaux, Elsevier, 2007. 4 J-P Amigues, L’ostéopathie : fondements, techniques et applications, Paris, Ellébore, 1998. 5 J-P Amigues, L’ostéopathie : fondements, techniques et applications, Paris, Ellébore, 1998. 5 La dysfonction ostéopathique peut aussi être primaire. Dans ce cas, elle est souvent provoquée par l’environnement externe à l’organisme, pouvant être de tous types de traumatismes modifiant la qualité physiologique de l’articulation. Les causes de cette dysfonction ne sont donc pas internes à l’organisme. Cette dysfonction est responsable du déclenchement des réactions tissulaires. Ces dernières correspondent à une augmentation des tensions des structures péri articulaires comme les fascias, les muscles, les tendons ou les ligaments. Ces réactions tissulaires en chaîne perturbent la qualité du mouvement physiologique articulaire. Elles sont responsables de l’apparition des dysfonctions ostéopathiques secondaires. Celles-ci résultent de forces intrinsèques6, qui peuvent s’adapter en réponse à la dysfonction primaire d’une autre articulation se répercutant sur la nouvelle, ou encore les diverses réactions tissulaires provoquées par la dysfonction primaire. Pour corriger une dysfonction ostéopathique, le praticien possède plusieurs types de techniques adaptées à la nature du trouble. Il est possible d’utiliser des techniques structurelles, telles que le thrust, des techniques fasciales, des techniques viscérales ou encore musculaires de type Mitchell ou Jones avec les points gâchettes. Elles sont évidemment toutes complémentaires les unes des autres, et peuvent s’utiliser ensemble au cours d’une même consultation. C’est le praticien qui fera son choix selon les dysfonctions trouvées et le patient. 1.b) Conséquences de la dysfonction ostéopathique L’une des premières explications scientifiques de la dysfonction ostéopathique revient au Professeur Irvin Korr. Ce dernier, diplômé en physiologie de l’Université de Princeton, fut enseignant et chercheur au College of Osteopathy Medecine. En 1947, Irvin Korr fit une première publication sur son concept de 6 Olivier Auquier, Ostéopathie: principes et applications ostéo-articulaires, Issy-les-Moulineaux, Elsevier, 2007. 6 « segment facilité »7. Il définit une dysfonction ostéopathique comme correspondant à un segment médullaire facilité, maintenu dans cet état par des influx d’origine endogène qui parviennent à la moelle par la racine dorsale correspondante au niveau. Par conséquent, toutes les structures qui sont sous le contrôle des fibres efférentes de ce segment sont potentiellement exposées à une excitation ou à une inhibition excessive selon leur type.8 Un segment facilité signifie que la capacité de filtration des influx infra liminaires diminue. Les neurones sont maintenus dans un état d’excitation partielle ou totale et pourront déclenchés par un stimulus plus faible que la normale. Ils vont donc être plus actifs et plus sensibles. Cette facilitation va s’appliquer sur les muscles (lisses et striés), sur le système nerveux, ainsi que sur la douleur dont le seuil de déclenchement va être abaissé.9 D’un point de vue articulaire, lors d’une dysfonction ostéopathique, on remarque une diminution de mobilité dans un ou plusieurs paramètres, ainsi qu’un impact sur les ligaments et la capsule articulaire environnants. Les muscles vont aussi ressentir cette dysfonction. Ils vont se mettre en sous ou en suractivité, ayant pour finalité une incapacité de détente avec un tonus supérieur à la normale. Le patient ressentira comme des courbatures ou des tensions de type musculaire. La peau faisant partie des émonctoires du corps, elle reflète également la souffrance. L’explication se base sur la loi de Hilton, appliquée à l’innervation des articulations. Cette dernière met en lumière la communication bidirectionnelle entre les nerfs cutanés sensitifs et les nerfs de la zone sous-jacente en profondeur10. Donc il y aurait un lien entre les nerfs cutanés et les nerfs articulaires d’où une réaction de la peau lors d’une dysfonction ostéopathique 7 Anthony G. Chila, Foundations of Osteopathic Medecine, Philadelphie, Lippincott Williams and Wilkins, 2010. 8 Irvin Korr, Bases physiologiques de l’ostéopathie, Paris, Frison-Roche, 1996. 9 François Ricard, Médecine ostéopathique et traitement des algies du rachis dorsal, Issy-lesMoulineaux, Elsevier Masson, 2011. 10 J-P Barral et Alain Corbier, Nouvelle approche manipulative, membre supérieur, Issy-lesMoulineaux, Elsevier, 2011. 7 comme un changement de sa texture ou de sa coloration et une augmentation de la production sudoripare. Enfin le système nerveux, lui aussi répercute la dysfonction par des changements en lien avec les relations métamériques. Ces interactions s’expliquent par l’innervation commune entre plusieurs éléments anatomiques. Par le biais du système nerveux autonome, le système nerveux agit sur toute la régulation de l’organisme, donc on peut retrouver des modifications des viscères (musculatures lisses), de la peau, ou encore de la vascularisation avec une vasoconstriction. Cette vasoconstriction correspond à un angiospasme. A long terme, la dysfonction peut entraîner des adaptations articulaires et des tissus mous sus et sous-jacents, causant de nouvelles dysfonctions ostéopathiques. Le patient peut d’ailleurs se présenter pour l’inconfort provoqué par ces dysfonctions secondaires. Cependant la douleur ressentie n’est pas un indicateur de certitude, puisqu’elle peut être engendrée par des éléments qui ne sont pas la cause d’origine de la dysfonction. Rappelons que la douleur prend naissance au sein de terminaisons nerveuses libres ou des récepteurs mécaniques, thermiques, chimiques ou polymodaux. Le message est véhiculé par les fibres de type A delta (douleur vive) ou C (douleur sourde) ou directement au ganglion spinal. L’information va remonter aux centres supérieurs par différentes voies : la voie réflexe, la voie spino-thalamique latérale destinée au cortex somesthésique primaire, la partie antérieure du cortex cingulaire et l’insula. Cette voie permet la nociception consciente. Ou encore par le biais de la voie spino-réticulaire destinée au noyau parabrachial, à l’hypothalamus, et à l’amygdale. Cette voie va engendrer les réponses végétatives et comportementales.11 Il est donc important d’entendre la douleur du patient, mais il ne faut pas se focaliser uniquement dessus. Comme le dit Rollin Becker (1910-1996) D.O, qui fut étudiant à l’American School of Osteopathy et en sortit diplômé en 1934: « seuls les tissus savent ». Il faut donc être à la recherche de la cause de la dysfonction. 11 Aymeric Boullay, Cours de neurologie année 2010/2011. 8 1.c) Le thrust Le thrust, qui signifie « poussée » en anglais, est une des méthodes thérapeutiques utilisées en ostéopathie afin de corriger une dysfonction. Elle appartient aux techniques dites structurelles, se centrant principalement sur l’aspect articulaire. Cette technique peut s’appliquer à toutes les articulations du corps entier. Elle se base sur un fondement de réflexothérapie, puisque le but est de déclencher une réponse réflexe. Ce principe implique une stimulation des circuits neuronaux spécifiques, permettant un recrutement de fibres et de voies spécifiques conduisant la sensibilité sans quoi la réponse réflexe à distance ne pourrait apparaître, ni la thérapeutique. L’explication neurophysiologique se tient en l’existence d’une relation entre le lieu d’origine d’une atteinte et de son expression à distance. L’organisation métamérique et topique du système nerveux explique le lien entre la zone réflexe et la structure, tout comme les phénomènes nerveux de sommation, de facilitation, d’inhibition et de convergence neuronale.12 Le thrust est une technique régulièrement utilisée par les praticiens, cependant il faut noter des contre-indications à cette pratique. Certaines pathologies telles que les maladies rhumatismales en phase inflammatoire (dont la spondylarthrite ankylosante, la polyarthrite rhumatoïde, la pseudopolyarthrite rhizoménique qui elle est une urgence), ou en phase d’état (la polyarthrite rhumatoïde). Les maladies articulaires ayant comme signe clinique l’absence d’interligne articulaire à l’imagerie que l’on retrouve, par exemple, dans le syndrome de Klippel-Field correspondant à la soudure entre deux vertèbres, ou dans le cas d’arthrose très avancée. Il existe aussi des atteintes osseuses comme les fractures où il faut attendre la consolidation (45 jours minimum avant d’utiliser le thrust), les luxations, l’ostéoporose avérée par un examen d’ostéodensitométrie ou sa suspicion, les métastases. Les pathologies métaboliques comme l’hypertension artérielle en phase hypertensive, la dissection de l’artère vertébrale, 12 Helyett Wadavoir, Article « Thérapies manuelles réflexes », Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2001. 9 les tumeurs malignes, les zones atteintes par une tumeur bénigne ou encore les ostéonécroses. Toutes ces pathologies vont donc contre-indiquer la prise en charge par le thrust. Cependant le praticien possède des tests prémanipulatifs à exécuter afin de vérifier l’état du patient et la non-contre-indication au thrust. Enfin, d’un point de vue législatif, le patient doit posséder un certificat médical de non contre-indication établi par son médecin avant toute manipulation cervicale. De plus, on ne peut utiliser le thrust à tous âges. Il est recommandé d’attendre l’âge d’environ 7 ou 8 ans avant d’effectuer cette manipulation, afin de préserver la mise en place de la croissance du rachis de l’enfant. Il est important d’attendre l’ossification de la jonction de l’arc postérieur (les lames et les pédicules) et du corps vertébral13. Enfin pour les personnes âgées la contreindication majeure est l’état d’ostéoporose avancée qui peut entraîner facilement des fractures par faible traumatisme. 2. Les différentes techniques de thrust Les manipulations articulaires sont très anciennes et ont été pratiquées par différentes civilisations antiques telles que l’Egypte ou la Chine. Certains écrits parlent également d’Hippocrate qui, en Grèce, aurait utilisé des techniques rachidiennes indirectes.14 Aujourd’hui les techniques manipulatives sont recensées dans diverses disciplines thérapeutiques ayant chacune leur propre fondateur. Andrew Taylor Still créa en juin 1874 l’ostéopathie, et définit des techniques de « grande amplitude et de basse vélocité » avec un long bras de levier, afin de traiter les dysfonctions.15 13 Michel Fischer et Benoît Erieau, Thrust, sémiologie, imagerie. Indications en ostéopathie vertébrale, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2009. 14 J-L Garcia. Article « Les manipulations du rachis : définitions, historique et place actuelle » Revue La lettre du Rhumatologue n°270 mars 2001. 15 Olivier Auquier, Ostéopathie : principes et applications ostéo-articulaires, Issy-les-Moulineaux, Elsevier, 2007. 10 Harold Hoover (1896-1966) D.O et ancien élève de Still, pensa le concept de thrust fonctionnel où il s’appuie sur l’importance du « toucher tissulaire » et sur la participation du patient. Ce concept fut repris par Laurie Hartman, ostéopathe et enseignant à la British School of Osteopathy. Daniel David Palmer (1845-1913) fonda la chiropractie à la fin du XIXème siècle, en 1894. Il s’est davantage intéressé aux techniques dites « de faible amplitude et de haute vélocité », afin de traiter des « subluxations ». Cellesci correspondent à des désalignements des articulations vertébrales. Elles influeraient sur le bon cheminement de l’influx du système nerveux. 16 Il fonda une école à Davenport, dans l’état de l’Iowa, en 1896. Docteur Robert Maigne (1923-2012) médecin orthopédiste, conçut dans les années 1960 la manipulation vertébrale. Il utilise cette technique pour ses traitements dans la pathologie du dérangement intervertébral mineur. Il fut officiellement reconnu par l’université de Paris VI en 1972. Il existe désormais un diplôme interuniversitaire de médecine manuelle-ostéopathique délivré par certaines facultés de médecine. Eric de Winter créa le concept de « cinorthèse » comme thérapeutique avec pour pratique les manipulations vertébrales. La réalisation de la manipulation se fait selon « le mode de réalisation de la contrainte thérapeutique » avec comme principes premiers la sollicitation musculaire proprioceptive et l’importance de la position prémanipulative17. La manipulation permet le passage d’un secteur restreint à un secteur libre. Ce mécanisme se fait grâce à l’inversion des paramètres d’où l’intitulé de la manipulation qui est la manipulation en inversion de paramètres.18 Tous ces praticiens sont donc à la base de manipulations que nous allons expliquer maintenant. 16 Edzard Ernst, Médecines alternatives : le guide critique, Issy-les-Moulineaux, Elsevier, 2005. 17 François Le Corre et Emmanuel Rageot, Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2010. 18 J-J Lobel, article « Les manipulations du rachis thoracique en inversion de paramètres », juillet 2008. http:// osteo-getm.com 11 2.a) Le thrust en ostéopathie structurelle Le thrust est une technique ostéopathique souvent associée à un craquement. Cependant ce craquement ne correspond en rien à une manipulation violente voir douloureuse. Le respect de la mise en place non-douloureuse lors de la correction est un principe primordial au bon déroulement de la technique. Le thrust s’effectue dans le sens de la restitution de la mobilité physiologique de l’articulation, selon deux autres principes que sont la basse amplitude et la haute vélocité. Le premier permet la précision de la manipulation et le second est utilisé afin de surprendre l’organisme par voie réflexe. Le thrust peut correspondre à une technique soit : - directe, lorsque les points d’appui sont au voisinage du segment vertébral ou articulaire à traiter. - indirecte, quand les applicateurs sont à distance donc au niveau des articulations sus ou sous-jacentes. - semi-directe, lorsqu’un point d’appui est au contact du segment à traiter, et l’autre à distance 19 Lors d’une manipulation, il se produit alors un écartement des surfaces articulaires et un étirement des éléments péri articulaires tels que la capsule, les ligaments et les muscles. Ainsi qu’un effet sur les éléments nobles que sont les systèmes nerveux et vasculaire. Lors de la mise en place de la technique, le praticien recherche les barrières motrices et anatomiques de l’articulation afin d’en connaître les paramètres exacts. La barrière anatomique est celle qu’il ne faut pas dépasser sans risque de léser l’articulation lors d’un mouvement passif et déclencherait une douleur au patient. La barrière motrice correspond à celle où l’on obtient la mise en tension des tissus périarticulaires dans les trois plans de l’espace (frontal, transversal et sagittal). Une fois la barrière motrice trouvée, le praticien recherche alors la « voie de passage ». C’est donc le lieu où l’articulation est placée dans les 19 François Le Corre et Emmanuel Rageot, Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2010. 12 paramètres les plus adéquats à la réception du thrust. Elle se situe entre la barrière motrice et la barrière anatomique, là où il n’y a plus de tensions dans la sensation. Il faut également « verrouiller » les articulations sus et sous jacents afin que la manipulation soit centrée uniquement sur l’articulation en dysfonction. Pour effectuer le thrust, le praticien va utiliser uniquement son poids de corps en se « laissant tomber ». Le thrust ne peut se faire lors de la contraction musculaire car il y a un risque d’obtenir une contraction réflexe due à l’impulsion ressentie par le muscle comme une agression. Le patient risque alors de ressentir une vive douleur due au thrust qui viendrait s’écraser dans la masse musculaire. Donc il faut l’effectuer pendant son relâchement. La précision d’une technique la rend spécifique et donc de surcroît efficace. 2.b) Le thrust fonctionnel ostéopathique : « le drop » Cette technique a pour principe de mettre l’articulation en position de facilité afin de détendre les éléments articulaires et périarticulaires comme les fascias ou les muscles. On recherche dans un premier temps, les mouvements physiologiques de l’articulation puis les mouvements inexistants physiologiquement (compression, traction…) au sein de l’articulation mais l’influençant. Ces différents paramètres aboutissent à un relâchement tissulaire. Le praticien va aussi utiliser le bon placement de son centre de gravité bien au-dessus de la dysfonction comme vecteur de force, et l’utilisation de son poids de corps comme seul outil du geste correctif. Ce dernier sera précédé d’un momentum qui consiste en l’addition des paramètres trouvés pour la détente de l’articulation dans un mouvement rythmique. 13 2.c) le thrust en chiropractie La « subluxation » est la nomination employée par les chiropracteurs, pour signifier une dysfonction. Cette dernière provoquerait une pression excessive ou insuffisante sur les nerfs rachidiens. Comme expliqué dans les paragraphes précédents, le désalignement vertébral provoquerait une irritation sous forme de pression sur les nerfs rachidiens à leur sortie vertébrale. C’est pourquoi cette discipline se base essentiellement sur le traitement du segment vertébral. La manipulation chiropratique consiste en une poussée très rapide et de faible amplitude à levier court, associée à des tractions ou des pressions. Le but est de donner à l’articulation une amplitude passive légèrement supérieure à sa normale.20 Avant l’impulsion, correspondant au geste manipulatif, le praticien recherche un espace limité qu’il obtient par mouvement passif au-delà de l’amplitude de mobilité physiologique. L’impulsion va permettre d’envoyer à l’organisme des stimuli connus et plus élevés que lors d’une mobilisation chiropratique. Après l’impulsion, on remarque de nombreuses régulations végétatives ainsi qu’une décontraction musculaire, une souplesse articulaire ou encore des effets sur le système lymphatique et le système sanguin.21 2.d) La manipulation vertébrale Le Docteur Robert Maigne a défini le concept de Dérangement Intervertébral Mineur (DIM) comme étant la dysfonction vertébrale. Pour résoudre ce problème, il créa alors la manipulation vertébrale. Celle-ci correspond à un « mouvement passif qui tend à porter les éléments d’une articulation ou d’un groupe d’articulations au-delà de leur jeu physiologique habituel »22, suivi d’une 20 Edzard Ernst, Médecines alternatives : le guide critique, Issy-les-Moulineaux, Elsevier, 2005. Pierre Tillement, La chiropractie : connaissance et applications thérapeutiques, Paris, Ellébore, 2003. 21 22 J-Y Maigne et Philippe Vautravers, Article « Mode d’action des manipulations vertébrales », Revue du Rhumatisme, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, novembre 2002. 14 brève et sèche impulsion forcée de faible amplitude. Il est possible d’utiliser selon les besoins un bras de levier court pour une manipulation directe et un bras de levier long pour une manipulation indirecte. Afin de mettre en place cette manipulation, il est important de respecter deux principes : la règle de la non-douleur et le mouvement contraire. La règle de la non-douleur consiste en la mise en place d’un mouvement passif dans le sens opposé à celui provoquant la douleur ou les symptômes du patient. Ceci entraîne donc le deuxième principe du mouvement contraire, qui est le sens de manipulation efficace. La manipulation vertébrale va étirer les muscles favorisant alors leur relaxation. Elle possède aussi une action antalgique pouvant être d’origine mécanique ou neurologique par contrôle des voies de la douleur. Il va y avoir une inhibition des motoneurones, ainsi qu’une action sur le système nerveux végétatif.23 2.e) Le bruit articulaire Lors de ces différentes techniques, il y a souvent l’accompagnement d’un bruit de craquement. Ce dernier ne correspond pas à une atteinte de la structure, mais à la décoaptation des surfaces articulaires entre elles. La séparation provoque une diminution de la pression déjà négative. Suite à cela de légères bulles de gaz (oxygène, dioxyde de carbone) se forment au sein du liquide synovial. Elles vont éclater provoquant alors le bruit puis se résorber lors du retour à la normale 24. Cependant l’absence du craquement ne signifie pas l’inefficacité de la technique, tout comme sa présence ne correspond pas à la réussite de la manipulation. Certaines articulations n’émettront aucun bruit. Il n’a donc pas de valeur thérapeutique. 23 J-Y Maigne et Philippe Vautravers, Article « Mode d’action des manipulations vertébrales », Revue du Rhumatisme, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, novembre 2002novembre 2002. 24 Robert Maigne, Douleurs d’origine vertébrale, comprendre diagnostiquer et traiter, Issy-lesMoulineaux, Elsevier Masson, 2010. 15 3. L’intérêt du thrust en ostéopathie Le but d’une manipulation, quelle que soit la technique utilisée, est de restaurer la mobilité articulaire physiologique normale. Après la manipulation, on remarque dans la quasi-totalité des cas une diminution de la douleur de la zone en dysfonction. 3.a) Les effets articulaires Le thrust est utilisé pour restaurer l’articulation selon les plans et les axes de ses surfaces articulaires, permettant alors une physiologie harmonieuse. Lors d’un thrust, la haute vélocité va être utilisée afin d’obtenir une brusque séparation des surfaces articulaires associée à un bref étirement des éléments périarticulaires tels que la capsule, les ligaments et les tendons. Les récepteurs articulaires sont de type Ruffini, Pacini ainsi que des terminaisons amyéliniques de type nociceptif.25 On obtient donc une augmentation immédiate de l’amplitude du mouvement articulaire qui était restreinte. Le geste manipulatif possédant une vitesse rapide, il va y avoir la production d’une énergie. Cette dernière sera amortie grâce aux éléments visco-élastiques présents au sein de l’articulation tels que le liquide synovial ou les surfaces articulaires.26 3.b) Les effets ligamentaires Les ligaments possèdent des fibres élastiques, des fibres de collagène ainsi que de nombreux propriocepteurs, renseignant sur la perception du mouvement et l’amplitude articulaire. Ils se situent au sein de la structure anatomique, surtout au niveau de leur insertion au niveau de l’articulation. Lors d’un thrust il y a un étirement de ses fibres, ce qui va donc stimuler les récepteurs. Ils sont le plus souvent de type mécanorécepteurs donc sensibles à la pression et à l’orientation articulaire, et envoient les informations au cerveau. Ils peuvent être à adaptation 25 Julien Barry, Neurobiologie de la pensée, Lilles, Presses Universitaires de Lilles, 1995, (p.110). 26 Christian Hérisson et Philippe Vautravers, Les manipulations vertébrales, Issy-les-Moulineaux, Masson, 1994. 16 lente possédant un rôle d’information. Ils peuvent être à adaptation rapide ayant, dans ce cas, un rôle sur le mouvement articulaire27. Ces récepteurs vont participer à la régulation de la proprioception au sein de l’articulation et de son environnement. Les ligaments sont recouverts par une forte densification de tissu fascial. 3.c) Les effets musculaires Lors d’un thrust, il se produit un relâchement musculaire, produit par un bref étirement, des muscles mono-articulaires. On obtient une augmentation passive de la longueur des fibres musculaires.28 Ce sont ces muscles qui sont responsables du maintien de la dysfonction. Ceci s’explique par une action réflexe produite par l’acte manipulatif. En effet, le fuseau neuromusculaire (FNM) et les fibres extrafusales interviennent dans ce mécanisme. Rappelons que le fuseau neuromusculaire est constitué de capteurs sensibles à l’étirement et qu’ils sont parallèles aux fibres musculaires. Si ce dernier est étiré, il se produit alors une augmentation des décharges du potentiel d’action à partir des terminaisons sensitives annulospiralées. Les fibres myélinisées vont conduire l’information envoyée vers la corne postérieure de la moelle, puis les fibres gamma (γ), provenant du motoneurone γ, vont réajuster la longueur des fibres et abaissent l’activité des terminaisons annulospiralées. La conduction de la réponse de la moelle, partant du motoneurone alpha (α), est destinée aux fibres extrafusales. Au niveau de ces dernières, il va se produire une hyperactivité des fibres α qui entraine une détente musculaire.29 Le segment en lésion est sensible aux informations posturales transmises par les propriocepteurs placés au niveau des tendons. Les tendons possèdent également des mécanorécepteurs qui vont subir un étirement lors de la manipulation. Leur mise en route va alors entraîner un contrôle du muscle au 27 François Le Corre et Emmanuel. Rageot, Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2010. 28 Irvin Korr, Bases physiologiques de l’ostéopathie, Paris, Frison-Roche, 1996. 29 François Le Corre et Emmanuel Rageot, Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2010. 17 niveau du fuseau neuromusculaire et des fibres extrafusales grâce aux fibres du motoneurone α.30 Les muscles et les tendons contiennent également des propriocepteurs. La manipulation va les étirer, diminuant alors la tension exercée, et réduire la quantité d’influx envoyée au niveau du segment médullaire facilité correspondant à la dysfonction ostéopathique 3.d) Les effets sur le système neurologique Le système neurologique se divise en plusieurs parties : le système nerveux périphérique, le système nerveux central et le système nerveux autonome. Le système nerveux central se compose de l’encéphale et de la moelle épinière contenue dans le canal rachidien. Les effets du thrust sur le système central ont été mentionnés précédemment par les messages de régulations qui lui sont envoyés grâce aux divers récepteurs situés au sein des articulations et les fibres musculaires. Le système nerveux périphérique correspond aux nerfs rachidiens. Ce sont souvent ceux-là que le patient décrit comme « le nerf coincé ». Ils sont composés d’une racine dorsale (postérieure) et d’une racine ventrale (antérieure). Il peut y avoir une action dessus à divers niveaux. D’abord en manipulant les vertèbres et par conséquent les trous de conjugaison correspondant à la voie de sortie des nerfs rachidiens. Ou bien lorsque ce dernier est pris au piège entre les structures anatomiques qu’il doit traverser, comme le nerf sciatique dans la « boutonnière » du muscle piriforme. Si ce muscle est en dysfonction il va alors irriter ce nerf. Le travail de détente des muscles environnants au nerf diminue les contraintes et donc l’arrêt des messages nociceptifs envoyés vers les centres supérieurs. Le nerf rachidien subit donc régulièrement les retentissements d’une dysfonction ostéopathique ou peut en être la cause. 30 François Le Corre et Emmanuel Rageot, Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2010. 18 Par exemple, lors d’une dysfonction viscérale il peut être très utile de thruster les vertèbres en rapport avec l’innervation métamérique de l’organe. De ce fait il va y avoir une information envoyée afin de corriger en partie la dysfonction ostéopathique. Cette action réflexe va produire divers signes cliniques dus à la voie réflexe utilisée : une sudation de la zone, un changement de texture de la peau, des effets viscéraux de par leur stimulation, de la fatigue, des courbatures. Ceci est du à l’intervention des réflexes polysynaptiques métamériques.31 Un métamère est constitué de plusieurs surfaces dont le point commun est leur innervation par un même nerf rachidien, mais elles ne sont pas toujours superposables entre elles. Cependant, il y a une interdépendance entre elles.32 Le métamère contient donc le myotome correspondant au territoire musculaire, le dermatome correspondant au territoire cutané innervé par la racine dorsale du nerf rachidien, le sclérotome pour le territoire articulaire et le viscérotome pour le territoire viscéral. Le système nerveux autonome est composé, quant à lui, de trois parties : le système parasympathique, le système sympathique et le système entérique. Ils participent, à eux trois, à la régulation de l’homéostasie et aux actions automatiques et vitales du corps. Le système parasympathique possède ses noyaux au niveau du tronc cérébral et de la moelle sacrée. Il est utilisé principalement pour restaurer les réserves de l’organisme, et se manifeste principalement lorsque l’organisme est au repos. Il est responsable des fonctions sphinctériennes, du péristaltisme et des sécrétions intestinales, de la diminution du rythme cardiaque, la vasodilatation et la bronchoconstriction. Le système sympathique (orthosympathique) dont les neurones se trouvent dans les cornes latérales de la moelle épinière de C8 à L2. Il est utilisé dans les actions de fuite, de réactivité, donc lors de l’utilisation des réserves de l’organisme. Il va permettre la sudation, la tachycardie, la mydriase, la libération de glucose, la vasoconstriction et la 31 Christian Hérisson et Philippe Vautravers, Les manipulations vertébrales, Issy-les-Moulineaux, Masson, 1994. 32 François Ricard, Médecine ostéopathique et traitement des algies du rachis dorsal, Issy-lesMoulineaux, Elsevier Masson, 2011. 19 bronchodilatation. Le thrust va utiliser le système nerveux autonome soit comme outil, soit le traiter lui-même. Le système nerveux entérique est subdivisé en deux parties : le plexus myentérique (plexus d’Auerbach), situé entre les deux couches musculaires lisses et le plexus sous-muqueux (plexus de Meissner), situé au niveau de la couche sous-muqueuse de la paroi intestinale. Ils servent à la régulation du système viscéral pour le péristaltisme, ainsi que les sécrétions. Du point de vue de la douleur, sa cessation suite au thrust s’explique en l’envoi d’influx sur le système de fibres à gros diamètre. Elles vont alors bloquer les entrées nociceptives provenant des fibres à petit diamètre se rendant à la corne postérieure de la moelle.33 3.e) Les effets vasculaires La vascularisation d’une articulation est très abondante, sauf au niveau du cartilage qui est avascularisé. Elle permet la nutrition de l’articulation mais aussi à l’élimination des déchets. Les artères possèdent trois couches qui sont de la périphérie au centre : la tunique, la média et l’intima. C’est au sein de la tunique que siègent des mécanorécepteurs sensibles à l’étirement. Lors d’un thrust, il y a stimulation sur ces mécanorécepteurs, qui vont informer le cerveau, ainsi que le système nerveux végétatif. Ce dernier possède des propriétés sur le système vasculaire, régulant la vasoconstriction et la vasodilatation des vaisseaux, ainsi que sur la régulation de la pression artérielle. Donc un thrust va engendrer une augmentation de la vascularisation de la zone manipulée. 33 Christian Hérisson et Philippe Vautravers, Les manipulations vertébrales, Issy-les-Moulineaux, Masson, 1994. 20 - II - Les effets biomécaniques de la respiration 1. Les centres respiratoires La respiration est un phénomène indispensable à la vie et au bon fonctionnement de l’organisme. Elle permet à l’organisme de s’oxygéner et d’évacuer une partie de ses déchets. Celle-ci est régulée par le système nerveux central. Elle est naturellement d’action involontaire et automatique mais elle peut aussi être volontaire, donc dirigée par la conscience. La régulation s’effectue au sein des noyaux cérébraux. Ces derniers sont situés au niveau du bulbe, plus précisément dans la formation réticulée. Il existe deux types noyaux selon la phase de respiration. 1.a) Le groupe respiratoire dorsal Le groupe respiratoire dorsal se trouve au niveau du noyau du faisceau solitaire, situé dans la partie ventro-latérale du bulbe. Celui-ci est le centre responsable de la phase inspiratoire. Ce noyau reçoit les afférences du nerf pneumogastrique (X ou vague) de par les chémorécepteurs situés sur le glomus carotidien, et du nerf glossopharyngien (IX) en lien avec la crosse aortique. Une fois l’information remontée, le groupe respiratoire dorsal envoie à son tour un message via les axones aux motoneurones de la moelle spinale cervicale. Ces derniers vont innerver les muscles inspirateurs, que sont le diaphragme et les muscles intercostaux, entraînant donc l’inspiration. Ce centre inspiratoire a aussi la capacité de stimuler le groupe respiratoire ventral. 1.b) Le groupe respiratoire ventral Le groupe respiratoire ventral se trouve au niveau du noyau ambigu et du noyau rétro-ambigu, situés plus latéralement et en arrière du précédent. Il est un centre expiratoire mais possède également la capacité d’être inspiratoire. Il envoie des influx vers les motoneurones périphériques de la moelle thoracique pour innerver les muscles respirateurs expirateurs accessoires (les muscles intercostaux 21 et les abdominaux) et les muscles de la musculature des voies aériennes supérieures. Il peut également, par l’influence du groupe respiratoire dorsal, envoyer des influx aux muscles inspirateurs accessoires (les scalènes, le grand pectoral, le sterno-cléïdo-occipito-mastoïdien) afin de renforcer l’inspiration. Le complexe pré-Bötzinger, situé également au niveau du bulbe, correspond à un amas d’interneurones. Il est le générateur du rythme respiratoire, le starter surtout inspiratoire. Il est en connexion avec les autres centres bulbaires que sont le groupe respiratoire dorsal et le groupe respiratoire ventral. 34 Coupe longitudinale du bulbe rachidien 34 Lauralee Sherwood, Physiologie humaine, Bruxelles, De Boeck, 2006, (p.396). 22 1.c) Les centres pneumotaxique et apneustique Les groupes respiratoires vont interagir, avec deux autres centres qui fonctionnent en tant que régulateurs. Il existe le centre pneumotaxique, situé au niveau du noyau parabrachial, dans la partie supérieure du pont cérébral. Son rôle va être de transmettre les informations provenant de l’hypothalamus aux centres bulbaires.35 Ce centre permet la régulation du changement de type de ventilation et intervient aussi en cas d’émotion ou de fièvre. 36 Son action va aussi influencer la fréquence respiratoire. Il est capable d’envoyer des influx au groupe respiratoire dorsal afin d’inactiver les neurones pour limiter la durée de l’inspiration. Le centre apneustique, situé dans la protubérance, permet quant à lui de renforcer la commande respiratoire. Il va s’opposer donc au centre pneumotaxique, puisqu’il stimule les centres respiratoires. Cependant le centre pneumotaxique domine sur le centre apneustique, donc ceci permet l’arrêt de l’inspiration entraînant logiquement l’expiration.37 La respiration peut également être contrôlée et/ou suspendue volontairement par le sujet. Cela répond à un contrôle suprapontique et cortical. Les zones de l’encéphale mises en jeu sont le cortex sensori-moteur primaire ainsi que l’aire motrice supplémentaire. Le message passe ensuite par les voies pyramidales puis aux motoneurones spinaux38, qui émettront le message via les nerfs phréniques, les nerfs intercostaux et les nerfs abdominaux, pour atteindre les muscles respiratoires. 35 Lauralee Sherwood, Physiologie humaine, Bruxelles, De Boeck, 2006. 36 Hervé Guénard, Physiologie humaine, Rueil-Malmaison, Pradel, 2001. 37 Lauralee Sherwood, Physiologie humaine, Bruxelles, De Boeck, 2006. Claude Martin, Bruno Riou, Benoit Vallet, Physiologie humaine appliquée 38 23 2. La toux La toux est un phénomène respiratoire, utilisé en tant que réflexe par l’organisme pour sa défense. Le but étant de dégager les voies aériennes surtout la trachée, pour le nez il s’agit de l’éternuement. Les récepteurs présents sont à adaptation rapide, réagissant lors d’un stimulus continu pouvant être de type mécanique, chimique ou physique. Ils se situent au niveau du larynx, de l’arbre trachéo-bronchique, de la plèvre et du diaphragme. Elle s’effectue sous l’influence des fibres afférentes du nerf pneumogastrique (X ou vague), ainsi que celles du nerf trijumeau (V) pour les voies aériennes supérieures, qui se rendent au tronc cérébral. Elles se connectent alors avec les neurones de deuxième ordre présents au niveau du noyau du faisceau solitaire situé dans le bulbe. Il y a donc une interaction avec les centres respiratoires lorsqu’il y a une stimulation suffisante. La réponse efférente motrice, partant de ces centres respiratoires, est acheminée par les nerfs phréniques et intercostaux destinés aux muscles expiratoires, et par le nerf pneumogastrique innervant les muscles lisses bronchiques et la glotte. 39 La toux va s’exécuter en plusieurs étapes, qui incluent les différentes phases de la respiration. La toux consiste, dans un premier temps, en une inspiration profonde à glotte fermée, avec l’association d’une contraction des muscles crico-aryténoïdes postérieurs, permettant une abduction des cordes vocales, et des muscles inspirateurs accessoires. L’air va alors pouvoir pénétrer rapidement au sein du tissu pulmonaire. Cette inspiration va permettre d’obtenir un plus grand flux expiratoire en s’appuyant sur le recul élastique du poumon.40 Il s’en suit une contraction des muscles expiratoires, ce qui va entrainer une augmentation de la pression intra-thoracique et comprimer l’arbre bronchique. Cette phase est donc compressive, pour augmenter la pression intra-thoracique. 39 D Charpin, S. Boniface, B. Giraud-Chabrol, J-Ch. Dubus, D. Vervolet, Toux chez l’enfant et chez l’adulte, faculté de médecine de Marseille, novembre 2005. 40 Guy Postiaux, Kinésithérapie respiratoire de l’enfant : les techniques de soins, Bruxelles, De Boeck, 2003, (p.197). 24 Enfin, une expiration forcée et puissante, précédée d’une ouverture rapide de la glotte va permettre l’expulsion aérienne. C’est une expiration complexe faisant, notamment, intervenir la contraction du muscle grand dorsal. Il va s’opposer à l’impulsion excentrique des viscères dans sa partie abdominale, repousser les côtes dans l’axe du thorax et augmenter la rigidité de la paroi. 41 La toux provoque donc d’abord un phénomène d’hyper pression thoracique lors de la fermeture de la glotte, ainsi qu’une augmentation de pression sur l’arbre trachéo-bronchique. Ensuite, il y a une transmission de l’hyper pression intra-thoracique à la sphère abdominale, correspondant à une synchronisation des contractions des muscles abdominaux et des muscles périnéaux. Les muscles mis en jeu lors de la toux sont donc : les muscles de la musculature intrinsèque du larynx, les muscles crico-aryténoïdiens postérieurs, les muscles crico-aryténoïdes latéraux, les muscles thyro-aryténoïdes,42 le muscle triangulaire du sternum, le muscle grand dorsal, les muscles abdominaux. La quinte de toux correspond à une série d’efforts de toux consécutifs. Il est possible de déclencher volontairement la toux. Cette faculté est régie par les aires motrices pyramidales vers les voies corticospinales en interaction avec le complexe pré-Bötzinger qui abriterait peut-être le centre de la toux.43 44 Schéma des différentes phases de la toux 41 42 Archives générales de médecine J-P Janssens, « Physiologie de la toux », La revue médicale suisse n°2502 43 Allain H, Bentue-Ferrer D, Daval G, Polard E, Delaval P, Lagente V, « Passage à la chronicité de la toux : quels chemins ? » Revue des Maladies Respiratoires, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, septembre 2004. 25 3. Les effets de la respiration sur la mécanique du corps 3.a) Les rappels anatomiques • Le thorax Le thorax correspond aux parois anatomiques représentées par les éléments squelettiques et musculaires. Il est constitué de douze côtes, de douze vertèbres thoraciques, du sternum (composé d’un manubrium, d’un corps et d’un appendice xiphoïde) et de muscles plats recouvrant et comblant les espaces intercostaux. Le thorax contient les poumons et le cœur au sein du médiastin. Il est limité en bas par le diaphragme qui est le muscle principal de la respiration. Les côtes s’articulent postérieurement avec les vertèbres par deux articulations : les costo-transversaires qui sont de type trochoïde, les costo-vertébrales qui sont de type surface plane. Les vertèbres thoraciques et les côtes sont reliées par les ligaments costo-transversaires et les ligaments costo-vertébraux. Antérieurement, les côtes s’articulent avec le sternum par l’intermédiaire des cartilages costaux. L’axe du mouvement respiratoire du sternum correspond au troisième cartilage costal45. Les articulations postérieures vont permettre la mobilité des côtes lors des mouvements respiratoires, alors que les articulations antérieures vont participer à l’élasticité et à la mobilité du thorax. L’insertion postérieure des côtes est plus haute que l’insertion antérieure, d’où l’orientation du mouvement costal lors de leur utilisation. L’axe de mouvement costo-vertébral passe par la tête de la côte et son tubercule postérieure.46 Il est oblique en arrière et en dedans, et se sagittalise de haut en bas. Le rachis va également participer à la respiration par le mouvement des vertèbres thoraciques. 44 http://mon-passeport-sante.com François Ricard, Médecine ostéopathique et traitement des algies du rachis dorsal, Issy-lesMoulineaux, Elsevier Masson, 2011, (p.63). 46 http://fr.slideshare.net 45 26 47 Vue des articulations costo-vertébrale, costo-chondrale et chondro-costale • Les muscles D’un point de vue musculaire, le diaphragme thoracique est le muscle le plus important, véritable moteur de la respiration. Il est musculo-tendineux séparant le thorax de l’abdomen. Il s’insère en arrière sur les premières vertèbres lombaires, avec le pilier droit qui descend jusqu’à la troisième lombaire et le pilier gauche jusqu’à la deuxième lombaire. Latéralement il s’insère sur les six derniers arcs costaux et en avant au niveau du xiphoïde, du septième au neuvième cartilage costal, et de la dixième à la douzième côte. Ce muscle n’est pas plat mais concave en bas et en avant avec deux coupoles dont la droite est plus haute que la gauche. Sa partie postérieure est orientée en avant et en haut pratiquement verticalement et s’étend plus vers le bas que sa partie antérieure. Ses fibres convergent vers le tendon central. Il est innervé par le nerf phrénique dont les racines partent de la troisième cervicale à la cinquième cervicale. Lors de sa contraction, le centre phrénique va s’abaisser et les coupoles vont s’aplatir. Il va donc modifier le diamètre vertical du thorax, et prendre appui sur les viscères de l’abdomen. 47 Richard Drake, Wayne, Vogl, Adam Mitchell, Gray’s anatomie pour les étudiants, Issy-lesMoulineaux, Elsevier, 2006, (p.108). 27 48 Vue antérieure du muscles diaphragme Les muscles intercostaux sont au nombre de trois : externe, moyen et interne. Les externes partent de l’articulation costo-transversaire à l’articulation costo-chondrale, les moyens s’insèrent de la partie inférieure de la côte au bord cranial de la côte sous-jacente. Enfin les intercostaux internes s’attachent de l’angle postérieur de la côte au bord supérieur de la face médiale de la côte sousjacente. Ils sont innervés par les nerfs intercostaux, et vont permettre la mobilité des côtes. Les muscles intercostaux internes et moyens sont des inspirateurs accessoires alors que les muscles intercostaux externes sont des expirateurs accessoires. 48 Richard Drake, Wayne Vogl, Adam Mitchell, Gray’s anatomie pour les étudiants, Issy-lesMoulineaux, Elsevier, 2006, (p.110). 28 3.b) La biomécanique respiratoire La respiration va donc mobiliser tous les éléments cités ci-dessus, ainsi que l’abdomen et ses muscles. La respiration requiert les changements du diamètre latéral, du diamètre vertical, et du diamètre antéropostérieur du thorax. Les poumons vont pouvoir se gonfler suivant ainsi la cage thoracique grâce à la plèvre, qui les relie au thorax, et à leur élasticité tissulaire. 49 La phase inspiratoire correspond psychologiquement à un ressourcement et métaboliquement à une phase anabolique. L’expiration, quant à elle, correspond à une phase catabolique et psychologiquement comme à un lâcher-prise. • A l’inspiration Lors de l’inspiration, les poumons doivent se remplir d’air. Pour cela, il faut augmenter le volume de la cage thoracique. Ce processus va pouvoir se produire grâce à la contraction du diaphragme qui va prendre appui sur les viscères abdominaux. Ces derniers vont être déplacés vers l’avant et le bas. Ceci entraîne donc une distension de la paroi abdominale. Lorsque cette dernière arrive à son maximum, il s’en suit l’ouverture de la cage thoracique qui va se faire grâce au mouvement costal. Selon le niveau anatomique, les côtes vont effectuer un mouvement pour ouvrir la cage thoracique mais elles vont avoir une prédominance pour un des mouvements. La première côte va faire un mouvement d’élévation pure dans le plan frontal. Les côtes supérieures et moyennes, de la deuxième à la quatrième, vont effectuer un mouvement de bras de pompe autour d’un axe passant par leur col50 accompagnant le sternum vers le haut et l’avant. Pour la cinquième et la sixième côte, il s’agit d’un mouvement combiné entre bras de pompe et anse de seau. Enfin les côtes basses, de la septième à la dixième, vont réaliser un mouvement en anse de seau. La onzième et la douzième côte, appelées « côtes flottantes » vont réaliser un mouvement latéral global vers l’ouverture thoracique. Lors de l’inspiration on observe donc: 49 Christine Brooker, Le corps humain : étude, structure et fonction. Le rôle infirmier dans la pratique clinique, Bruxelles, De Boeck, 2001. 50 Grégory Reychler, Jean Roeseler, Pierre Delguste, Kinésithérapie respiratoire, Issy-lesMoulineaux, Elsevier, 2009. 29 - la tête costale qui va s’avancer dans le plan transversal - la partie antérieure de la côte va se positionner en haut et en avant 51 - le rachis, qui sert de point d’appui stable au diaphragme, va se mettre en extension - le sternum qui va se positionner en haut et en avant de par l’extension rachidienne52, avec ouverture de l’angle manubrio-sternal - les cartilages costaux qui vont subir une torsion longitudinale - le système myo-fascio-squelettique qui va dans le sens de redressement corporel - un déroulement-ouverture des membres supérieurs et inférieurs53 - le système musculo-fascial qui va globalement se mettre lors de l’inspiration en rotation externe, abduction et extension 54 Les muscles inspirateurs accessoires utilisés en cas de besoin d’augmentation de l’inspiration normale, sont : les muscles scalènes (antérieur, moyen et postérieur) prenant naissance sur la colonne cervicale, et possèdent une insertion sur la première côte pour l’antérieur et le moyen, et la deuxième côte pour le postérieur. Ils vont donc augmenter l’élévation des côtes supérieures. Les pectoraux avec leurs insertions costales vont permettre le mouvement latéral d’ouverture de la cage thoracique en « bras de pompe ». Le grand pectoral se termine sur la clavicule et l’humérus. Le petit pectoral s’insère sur la coracoïde. Le muscle sterno-cléïdo-occipito-mastoïdien grâce à son insertion sur le sternum va l’amener vers le haut, et se termine sur l’occiput, la clavicule et la mastoïde. Le grand dentelé possédant des insertions sur le bord externe de la scapula et sur les côtes de la deuxième à la neuvième va permettre d’augmenter le diamètre latéral. 51 François Ricard, Médecine ostéopathique et traitement des algies du rachis dorsal, Issy-lesMoulineaux, Masson, 2011, (p.66). 52 Umberto Pelizzari, Lisetta Landoni, Anna Sedolone. Respiration pour l’apnée : du débutant à l’expert, La Tour d’Aigues, Amphora, 2010. 53 Michel Roques. Techniques articulaires ostéopathiques de W.G Sutherland, Marseille, ProEdit Marseille, 2007. 54 Michel Roques, Techniques articulaires ostéopathiques de W.G Sutherland, Marseille, ProEdit Marseille, 2007. 30 55 Mouvements de la cage thoracique lors de l’inspiration •A l’expiration Lors de l’expiration, cette fois le diaphragme va se relâcher avec une élévation des coupoles afin de vider l’intérieur des poumons. Ce phénomène va donc réduire le volume thoracique. Une contraction de la paroi abdominale va, également se produire. Lorsque le diaphragme est en point fixe, ceci va accroître les pressions intra abdominales. Lors de l’expiration, on observe alors que : - le rachis va alors se mettre en flexion aidant à la réduction du diamètre antéropostérieur - la tête costale va se postéro-latéraliser - la partie antérieure de la côte va se positionner en arrière et en bas56 55 Richard Drake, Wayne Vogl, Adam Mitchell, Gray’s anatomie pour les étudiants, Issy-lesMoulineaux, Elsevier, 2006, (p. 118). 56 François Ricard, Médecine ostéopathique et traitement des algies du rachis dorsal, Issy-lesMoulineaux, Elsevier Masson, 2011, (p.66). 31 - le sternum va reculer et s’abaisser de par la flexion du rachis57 - les côtes s’abaissent et se rapprochent, diminuant ainsi le diamètre latéral du thorax - les membres inférieurs et supérieurs ont une tendance à la flexion - le système musculo-fascial va globalement se mettre lors de l’expiration en rotation interne, adduction et flexion. 58 L’intervention des muscles expirateurs accessoires tels que le carré des lombes avec son insertion sur toute la colonne lombaire et sur la douzième côte qui va l’abaisser encore plus. Les muscles abdominaux, notamment le muscle transverse et les muscles obliques abdominaux, qui possèdent des insertions sur les côtes vont augmenter la flexion du tronc. Ensuite le muscle grand dorsal avec son insertion sur les quatre dernières côtes. Enfin le muscle triangulaire du sternum possédant une insertion sur la face postérieure du sternum, et sur les cartilages costaux de la deuxième à la septième côte. Ce dernier muscle est mis en jeu notamment lors de la toux.59 Lors de l’expiration, il y a également l’intervention de la pesanteur, de l’élasticité de la cage thoracique, et de la richesse en tissu élastique du parenchyme pulmonaire. 57 Umberto Pelizzari, Lisetta Landoni, Anna Sedolone. Respiration pour l’apnée : du débutant à l’expert, La Tour d’Aigues, Amphora, 2010. 58 Michel Roques, Techniques articulaires ostéopathiques de W. G. Sutherland D.O, Marseille, ProEdit Marseille, 2007. 59 Marc Antonello et Dominique Delplanque, Comprendre la kinésithérapie respiratoire, du diagnostic au projet thérapeutique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2009. 32 3.c) Les échanges gazeux La respiration permet en premier lieu les échanges gazeux lors de ses différentes phases. A l’inspiration, le volume de la cage thoracique augmente grâce à l’abaissement du muscle diaphragme. Il y a alors une différence entre la pression alvéolaire qui est inférieure à la pression atmosphérique, permettant l’arrivée de l’air dans les poumons. En effet, la pression intra thoracique va diminuer ce qui va permettre l’entrée d’air. Après être passé par les voies aériennes supérieures, où il va être réchauffé, puis la trachée, l’arbre bronchique, et les sacs alvéolaires, l’air va arriver aux des alvéoles. C’est au niveau des alvéoles pulmonaires et des capillaires que va s’effectuer l’échange. Le dioxygène contenu dans l’air inspiré va passer dans le sang capillaire. Il servira à l’oxygénation de tous les tissus de l’organisme. Le dioxyde de carbone présent dans le sang capillaire va alors rejoindre les alvéoles et remonter les voies aériennes. Ces phénomènes se font selon la loi de Fick régissant la diffusion. Celle-ci explique que la diffusion est proportionnelle à la surface du tissu et au gradient de concentration. Elle est également inversement proportionnelle à l’épaisseur du tissu. 60 La vitesse de diffusion est fonction du tissu et des gaz en jeu. L’expiration va permettre l’expulsion du dioxyde de carbone en dehors de l’organisme. 60 Lauralee Sherwood, Physiologie humaine, Bruxelles, De Boeck, 2006. 33 - III - Mise en relation L’ostéopathie est une méthode de soin avec comme principe fondateur de voir le patient dans sa globalité. Ceci est un point de divergence avec la médecine allopathique, qui elle s’est découpée en spécialités. La respiration est un phénomène continuel et indispensable, alors pourquoi ne pas prendre en compte cette action. Rappelons un autre des principes ostéopathiques : la loi de l’artère. Cette dernière explique l’importance de la vascularisation des éléments du corps. Or le but premier de la vascularisation est la nutrition et l’oxygénation des tissus qui ne peuvent se faire sans la respiration. La ventilation a d’ailleurs été soumise à des études pour rechercher son implication dans la posture. C’est le thème de l’étude menée par Hodges, Gandevia et Richardson en 1996, où le sujet doit effectuer un mouvement de bras durant les diverses phases respiratoires, afin d’observer les réponses des muscles abdominaux.61 Pour utiliser la respiration lors des techniques de thrust, le praticien doit avant tout repérer le cycle ventilatoire du sujet. Ceci permettant de bien différencier l’inspiration de l’expiration et les phases de transition entre les deux. La respiration va permettre d’augmenter la mise en évidence de la dysfonction ostéopathique. En ostéopathie, William Garner Sutherland fut l’un des premiers à s’intéresser à la coopération respiratoire du patient pour effectuer les techniques. Ce fut également pour Fred Mitchell Sr (1909-1974), D.O., un paramètre correctif dans l’élaboration de ses techniques d’énergie musculaire, en 1948. Dans les années 1960, William Johnston, D.O., recherchait la phase respiratoire dans ses techniques fonctionnelles comme paramètre dysfonctionnel. Il s’en servait grâce à son maintien pendant quelques secondes dans l’exécution de sa technique 62. Les techniques de tension ligamentaire équilibrée et d’étirement ligamentaire articulaire utilisent elles aussi la participation respiratoire du patient. Elles ont été 61 Paul Hodges, Simon Gandevia, Carolyn Richardson, « Contractions of specific abdominal muscles in postural task are affected by respiratory maneuvers », American Physiological Society, Journal of Applied Physiology. Mai 1997 62 François Lecorre et Emmanuel Rageot, Atlas pratique de médecine manuelle ostéopathique, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2010, (p.30). 34 élaborées par de nombreux ostéopathes tels que Lippincott, Sutherland ou Becker.63 L’utilisation de la respiration en ostéopathie est donc plus couramment assimilée aux techniques dites fonctionnelles. Elle remonte tout de même aux prémisses de l’ostéopathie avec William G. Sutherland faisant partie de ce qu’on peut nommer comme la « deuxième génération » d’ostéopathes, héritiers de Still. On peut voir la participation respiratoire d’un point de vue biomécanique, mais aussi d’un point de vue plus tissulaire. Il faut donc rappeler l’importance des fascias dans la globalité du corps. En effet ces tissus sont continus tout au long du corps avec plusieurs couches superposées. Ils suivent les changements de la ventilation et possèdent un rôle d’amortisseur. Ils se raccordent les uns aux autres, recouvrant les autres tissus corporels. Ils suivent donc tous les mouvements du corps, et interviennent dans les dysfonctions ostéopathiques sans exception. Leur rôle dans le maintien et le déverrouillage de la dysfonction ostéopathique est important, même dans les techniques structurelles. Pour Serge Paoletti, D.O., dans son ouvrage Les fascias rôle des tissus dans la mécanique humaine, « une lésion structurelle est dans la majorité des cas une lésion fasciale. »64. Lors de la recherche de la dysfonction ostéopathique, les changements tissulaires vont également se faire ressentir avec la respiration. 1. Les effets du thrust en inspiration L’inspiration est donc une phase où le corps va globalement se positionner en ouverture. Le diaphragme est le muscle en contraction lors de cette phase. Il est possible de raisonner d’un point de vue biomécanique et/ou d’un point de vue tissulaire. De par son étendue et sa couverture fasciale, le diaphragme peut influencer les différents tissus même en périphérie. D’un point de vue segmenté, il est remarqué lors de l’inspiration que le rachis dorsal se positionne en convergence 63 64 Alexander Nicholas, Evan Nicholas, Atlas des techniques ostéopathiques, Paris, Maloine, 2011. Serge Paoletti, Les fascias rôle dans la mécanique humaine, Vannes, Sully, 2009. 35 facettaire alors que les rachis cervical et lombaire vont se positionner en divergence facettaire.65 Ces différences s’expliquent par leurs oppositions de courbures avec le rachis dorsal en cyphose et les rachis lombaire et cervical en lordose. Cela va permettre une extension globale de la colonne vertébrale. Donc dans une optique purement rachidienne, l’inspiration sera complémentaire des dysfonctions avec pour paramètre la divergence facettaire du rachis dorsal en extension et les dysfonctions de convergence facettaire pour les rachis lombaire et cervical en flexion. Pour les articulations périphériques, on peut noter que lors de la phase inspiratoire, le corps se met globalement en abduction et en rotation externe. Les membres vont donc se positionner naturellement dans ses paramètres augmentant la mise en position lors de techniques cherchant à normaliser les dysfonctions en adduction et/ou en rotation interne. Dans les dysfonctions ostéopathiques costales de postéro-latéralité, l’inspiration va contribuer à replacer la côte vers l’antéromédialité qui est le paramètre défaillant. 2. Les effets du thrust en expiration Lors de l’expiration, le rachis se positionne globalement en flexion afin de réduire le diamètre antéro-postérieur. Cependant on observera que le rachis dorsal se place en divergence facettaire de par sa cyphose et que les rachis lombaire et cervical en convergence facettaire de par leurs lordoses respectives. Donc l’expiration va permettre d’optimiser la normalisation des dysfonctions des rachis cervical et lombaire en dysfonction de divergence facettaire et dans les dysfonctions de convergence facettaire pour le rachis thoracique. Les membres supérieurs et inférieurs vont avoir tendance à l’adduction et rotation interne lors de l’expiration. Donc elle sera utilisée pour les dysfonctions en abduction et en rotation externe. 65 Michel Roques, Techniques articulaires ostéopathiques de W. G. Sutherland D.O., Marseille, ProEdit Marseille, 2007. 36 De plus l’expiration passive s’effectue grâce au relâchement musculaire, et elle procure au patient un côté relaxant. Il a été mentionné que la finalité du thrust est d’obtenir un étirement passif du muscle. Il est donc plus aisé d’obtenir ce résultat et d’optimiser l’action manipulative si le patient est en décontraction musculaire et détendu. 3. Les effets du thrust lors de la toux La toux provoque au sein de l’organisme des changements de pressions passant d’intra-thoracique à abdominale. C’est lors de la phase précédente l’expulsion qu’on obtient la pression abdominale. En se servant de cette pression et de la force de l’expulsion, on peut augmenter l’effet manipulatif, mécanique pur du thrust. Cela permet également de verrouiller par la voie interne, la dysfonction ostéopathique. La pression abdominale va jouer, principalement, sur les articulations du bassin comme les sacro-iliaques ou le sacrum, grâce à la salve de toux. 4. La place de l’apnée respiratoire L’apnée respiratoire qu’elle soit inspiratoire ou expiratoire est utilisée dans les techniques d’énergie musculaire de Mitchell. L’apnée permet de maintenir pendant quelques secondes les tissus dans le placement recherché. Cela va donc verrouiller la dysfonction ostéopathique et tous les tissus environnants. 66 L’apnée inspiratoire est utilisée lors des dysfonctions ostéopathiques avec comme paramètres soit la flexion, soit la rotation externe ou bien l’abduction. Ces paramètres peuvent se retrouver ensemble au sein d’une même dysfonction. L’apnée expiratoire, quant à elle, va se retrouver à l’inverse lors des dysfonctions avec un paramètre d’extension, de rotation interne ou d’adduction. 66 Paul Chauffour, Enric Prat, Le lien mécanique, Vannes, Sully, 2003. 37 67 Schémas dysfonctionnels selon la phase respiratoire 5. L’enquête Afin de connaître les points de vue des praticiens et des patients, une enquête a été réalisée. Cette dernière a été effectuée au sein d’une population d’ostéopathes exclusifs et de patients allant de 22 à 55 ans, regroupant une quinzaine de participants. L’enquête consistait en un questionnaire à choix multiple composé de 4 questions pour les patients et de 6 questions pour les praticiens. 67 Michel Roques, Techniques articulaires ostéopathiques de W. G. Sutherland D.O., Marseille, ProEdit Marseille, 2007. 38 Concernant la population d’ostéopathes interrogée, il a était mis en évidence leur intérêt plutôt général à l’utilisation de la respiration pour les techniques de thrust. Pour autant cela ne correspond pas à une pratique récurrente puisque les deux tiers répondent ne pas l’utiliser systématiquement. oui non parfois Graphique sur la fréquence d’utilisation Cependant on remarque qu’en majorité la respiration sert selon la zone à travailler ou pour augmenter l’efficacité de l’action. Vient ensuite selon la difficulté de la réalisation de la technique et selon le déroulement de la technique. zone patient difficulté réalisation déroulement technique Graphique sur la diversité d’utilisation Le patient est quant à lui peu pris en compte. La respiration permet pour la majorité (plus des deux tiers) d’optimiser la technique, puis intervient le confort du patient (1/5 des réponses) et enfin, pour augmenter l’effet de surprise sur les tissus. On remarque que l’utilisation de la toux n’est pas envisagée 39 surprise confort optimisation Graphique sur l’intérêt de l’utilisation Pour les patients, il est noté que le thrust avec respiration fait une différence, et est d’ailleurs plus apprécié. oui non Graphique sur l’appréciation du patient La plupart précise que leur participation respiratoire leur permet un meilleur relâchement pour la majorité (3/4 des sujets) et même une aide psychologique (1/5 des sujets) pour certains. diminution relachement psycho Graphique sur le ressenti du patient 40 De plus l’utilisation de la ventilation permet au patient de se rendre compte du moment d’exécution de l’acte manipulatif dans la majorité des cas. oui non sans avis Graphique sur la perception du patient Cette enquête permet donc la mise en lumière que les ostéopathes sont assez sensibles à l’utilisation de la participation respiratoire du patient. Cependant, il est à souligner que l’intervention de la toux comme outil supplémentaire n’est pas envisagée. Les patients, quant à eux, sont également sensibles à la respiration. La technique d’HvBa est donc difficilement dissociable de la participation respiratoire du patient. 41 En conclusion, la respiration thoracique trouve écho dans chacun des principes de l’ostéopathie énoncés par Andrew Taylor Still ; que ce soit dans la globalité puisqu’indissociable de l’être humain, dans l’interrelation structure fonction avec la respiration et le thorax, mais également, dans l’homéostasie de par sa participation dans l’équilibration du corps et enfin dans la loi de l’artère pour son rôle dans la circulation sanguine. La dysfonction ostéopathique influe sur tous les éléments du corps, que ce soit d’un point de vue locomoteur avec le système myo-fascio-squelettique, sur les systèmes neurologique ou vasculaire. A long terme, elle peut provoquer une fibrose des tissus qui eux-mêmes vont entraîner une cascade d’adaptations qui seront la cause de nouvelles dysfonctions ostéopathiques. L’ostéopathie possède une palette variée de techniques afin de répondre à ces problèmes. Cette thérapeutique peut s’adapter au tissu en utilisant des techniques musculaires, fasciales, structurelles ou encore crâniennes, et s’adapter également au patient. Le thrust appartient aux techniques dites structurelles. Cette manipulation est répandue dans diverses disciplines thérapeutiques sous d’autres nominations telles que manipulation vertébrale pour la médecine, ou ajustement chiropratique pour la chiropractie. Les effets recherchés, par l’action manipulative du thrust, se répercutent sur toutes les structures composant une articulation. Il y a des effets immédiats sur l’articulation en elle-même pour la récupération de son amplitude physiologique, mais également sur les tissus mous environnants que sont les muscles qui vont subir un étirement passif, les ligaments et le système fascial, les nerfs innervant l’articulation qui enverront un message pour réajuster, ainsi que sur le système vasculaire. La respiration est liée aux techniques ostéopathiques depuis pratiquement la naissance de cette discipline avec la notion de Souffle de vie exposée par William Garner Sutherland. Il envisage, également sa participation au sein de ses techniques. On la retrouve dans la quasi-totalité des techniques ostéopathiques qu’elles soient fonctionnelles ou non, avec Mitchell pour les techniques d’énergie 42 musculaire, ou bien avec Jones pour les points gâchettes. La respiration influe sur les articulations du thorax (côtes et sternum) bien évidemment, mais également sur le rachis ainsi que sur les membres inférieurs et supérieurs. Sa régulation se fait au niveau du système nerveux central par des structures au sein du bulbe rachidien et du pont. Il en est de même pour la toux qui possèderait un centre situé dans les mêmes environs. La respiration peut donc être utilisée comme paramètre supplémentaire afin d’optimiser l’action du thrust. Pour cela on peut s’appuyer sur l’aspect biomécanique grâce à la participation des articulations lors de la respiration, mais aussi sur l’aspect fascial de la respiration, puisque les fascias sont présents en continuité dans le corps et recouvrent tous les muscles, donc aussi ceux de la respiration, et participent au maintien des articulations. L’ostéopathie utilise dans ses techniques fonctionnelles soit la respiration soit l’apnée respiratoire. La toux peut également être un paramètre à envisager de par les pressions abdominales qu’elle entraîne lors de son exécution. Utiliser la respiration lors d’une technique de Haute vélocité et Basse amplitude est donc tout à fait justifiable aussi bien d’un point de vue biomécanique notamment sur le rachis et le thorax. Mais aussi d’un point de vue tissulaire ainsi que pour le relationnel avec son patient. 43 ANNEXES Questionnaire patient 1/ Lors d’une technique de thrust, ressentez-vous une différence si le praticien utilise votre respiration ? □ oui □ non 2/ Préférez-vous lorsque le praticien vous demande une participation respiratoire ? □ oui □ non □ je ne ressens pas de différence (sans avis) 3/ Devinez vous mieux avec la respiration lorsque le praticien va vous manipuler ? □ oui □ non □ sans avis 4/ Si oui, est-ce que cela implique ? □ Une diminution de votre appréhension □ Un meilleur relâchement □ Une aide psychologique 44 Questionnaire praticien 1/ Utilisez-vous la respiration lors de l’exécution des techniques de thrust ? □ oui systématiquement □ parfois □ non 2/ Si vous les utilisez tout le temps ou parfois, est-ce? □ selon la zone □ selon le patient □ selon la difficulté de la réalisation □ selon le déroulement de la technique (ex : dog technique) □ augmenter l’efficacité de votre technique 3/ Si non, pourquoi ne l’utilisez-vous pas ? ……………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………… 4/ Quels sont les effets recherchés ? □ l’augmentation de l’effet de surprise sur l’organisme □ le confort du patient □ l’optimisation de la technique 5/ Envisagez-vous d’utiliser la toux comme paramètre supplémentaire ? □ oui □ non 6/ Si oui, le faites-vous pour une zone en particulier □ oui. Laquelle ? □ non 45 BIBLIOGRAPHIE AMIGUES J-P., L’ostéopathie : fondements, techniques et applications. Editions Elleboré 1998 ANTONELLO M., DELPLANQUES D., Comprendre la kinésithérapie respiratoire : du diagnostique au projet thérapeutique. Editions Masson 2009 AUQUIER O., Ostéopathie : principes et applications ostéo-articulaires. Editions Elsevier Masson 2011 BARRAL J-P., CROIBIER A., Nouvelle approche manipulative, membre supérieur. Editions Elsevier 2011 BARRY J., Neurobiologie de la pensée. Editions Presses universitaires de Lilles 1995 BROOKER C., Le corps humain : étude, structure et fonction. Le rôle infirmier dans la pratique clinique. Editions De Boeck 2001 CHARPIN D., BONIFACE S., GIRAUD-CHABROL B., DUBUS J-CH., VERVOLET D., Toux chez l’enfant et chez l’adulte, Faculté de médecine de Marseille, novembre 2005 CHAUFFOUR P., Le Lien mécanique ostéopathique. Editions Sully 2003 CHILA A., Foundations of Osteopathy Medecine. 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Editions Lippincott Williams & Wilkins 2012, p.126 48 Articles: ALLAIN H., BENUTE-FERRER D., DAVAL G., POLARDE, DELAVAL P., LAGENTE V., « Passage à la chronicité d’une toux : quels mécanismes ? » Revue des Maladies Respiratoires vol 21 n°4-C1, septembre 2004. Editions Elsevier Masson GAISNON L., TRICOT P., « L’évolution de la définition de l’ostéopathie. » GARCIA J-L., « Les manipulations du rachis : définitions, historique et place actuelle ». Revue la lettre du rhumatologue n°270 mars 2011 HODGES P., GANDEVIA S., RICHARDSON C., « Contractions of specific abdominal muscles in postural task are affected by respiratory maneuvers » American Physiological Society, Journal Applied Physiology. Mai 1997 JANSSENS J-P., « Physiologie de la toux ». La revue médicale suisse n°498 octobre 2004 LOBEL J-J., « Manipulations du rachis thoracique en inversion de paramètres ». 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Elle se base sur quatre grands principes issus de la biomécanique et de la physiologie humaine. Cette thérapie possède différentes techniques adaptables au tissu en souffrance. Le thrust appartient aux techniques dites structurelles avec des résultats sur tous les tissus présents au sein d’une articulation. L’acte manipulatif se retrouve également dans d’autres disciplines thérapeutiques comme la médecine ou la chiropractie. Pourquoi ne pas utiliser la respiration comme paramètre supplémentaire ? Cette combinaison est tout à fait logique grâce au mouvement qu’entraîne la respiration sur les articulations mais aussi de par son retentissement tissulaire. Il en est de même sur la réflexion de l’utilisation de la toux et de l’apnée retrouvées dans l’utilisation de certaines techniques ostéopathiques. Osteopathy is treatment method find by Andrew Taylor Still in 1874. It’s based on four principles stem from biomechanics and human physiology. This therapy has different techniques adaptable for tissue in pain. The thrust belongs structural techniques with results on all tissues presents within a joint. The manipulatif act exists too on other subject like medicine or chiropractic. Why not using breathing as supplementary parameter? This combination is logical by movement entrained breathing on the joints and too her impact tissue. It’s the same thing for the notion on using cough and apnea found in other osteopathic techniques. Mots clés : ostéopathie / dysfonction ostéopathique / thrust / respiration / toux Keywords : osteopathy / osteopathic dysfunction / thrust / breathing / cough 51